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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2136/2017

ACPR/315/2025 du 28.04.2025 sur OTDP/717/2025 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);ÉTAT DE SANTÉ;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.134; CPP.130.letc; CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2136/2017 ACPR/315/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 28 avril 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de révocation de nomination d'avocat d'office rendue le 26 mars 2025 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 mars 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a révoqué la défense d'office en sa faveur en la personne de Me B______ et relevé cet avocat de sa mission.

Le recourant conclut au "rejet" de cette ordonnance et à ce que Me C______ soit désignée à sa défense d'office en remplacement de Me B______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté provisoirement le 31 mars 2021, dans la présente procédure, et remis en liberté sous mesures de substitution par ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du lendemain. Dites mesures ont été prolongées jusqu'au 23 mars 2022, date à laquelle elles ont été levées.

b. Le prénommé était alors soupçonné :

- de tentatives de contrainte (art. 22 cum 181 CP) pour avoir, à Genève, fait adresser des commandements de payer :

·         le 2 mai 2018, à D______, d'un montant de CHF 245.- pour une créance dont la mention était "emprunt à [centre commercial] E______ (devant témoin pour achat de parfum [de la marque] F______)" qui n'existait pas, à savoir pour lui demander le remboursement d'un cadeau qu'il lui avait fait;

·         le 29 mai 2018, à G______, d'un montant de CHF 950.- pour une créance dont la mention était "Réparation de Notebook [marque] H______. installation Window 10. Installation de Microsoft Office Pro, Installation antivirus. Configuration. Février 2016" qui n'existait pas, à savoir pour lui demander le remboursement d'un service qu'il lui avait rendu gratuitement;

·         le 25 octobre 2018, à I______, d'un montant de CHF 450.- pour une créance dont la mention était "Avance de frais de shooting de CHF 200.- Impayée // Prix de chaussures de CHF 250.- (prises dans [le magasin] J______ à la Rue 1______) impayées" qui n'existait pas, alors qu'il avait déjà adressé un premier commandement de payer pour le même motif et pour lequel le Tribunal civil de Genève avait constaté par jugement du 2 novembre 2017 que les montants réclamés n'étaient pas dus;

-            d'injures (art. 177 CP) pour avoir, à Genève, entre fin août et début septembre 2016, traité G______ sur FACEBOOK de prostituée, de l'avoir traitée d'"attardée", de "pute" et de "pauvre tarée" par messages et, lors d'une soirée à la fête des vendanges à la rue 2______, de l'avoir traitée de "pute", "salope", "tarée" et d'"attardée";

-            d'escroquerie et obtention illicite de prestation d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 146 et 148a CP) pour avoir, à Genève, à tout le moins entre juillet 2014 et novembre 2016, perçu des prestations de l'Hospice général, lui indiquant ne pas avoir de fortune, alors qu'il avait fait l'acquisition d'un véhicule pour un montant de CHF 44'310.- le 30 juillet 2014 et qu'il avait ensuite précisé que ce véhicule n'était pas le sien, percevant ainsi des prestations indues pour un montant de CHF 60'035.05.

c. Une défense d'office en sa faveur, en la personne de Me K______, a été ordonnée par le Ministère public le 1er avril 2021, l'intéressé relevant du régime de la défense obligatoire et n'ayant pas désigné de défenseur privé (art. 132 al. 1 let. a ch. 1 CPP).

d. Par ordonnance du 23 juin 2021, le Ministère public, sur demande du prévenu, qui sollicitait un changement d'avocat, a relevé Me K______ de sa mission et désigné en lieu et place Me L______.

e. Par pli du 24 mars 2022, Me L______ a demandé au Ministère public d'être relevé de sa mission, joignant à cet effet l'autorisation de la Commission du barreau.

f. Le 31 mars 2022, le Ministère public a invité A______ à lui proposer, au cas où il n'aurait pas de défenseur privé, le nom d'un défenseur d'office.

g. Par pli du 4 avril 2022, Me B______ a sollicité du Ministère public qu'il le désigne comme défenseur d'office de A______.

h. Par ordonnance du 5 avril 2022, le Ministère public a fait droit à cette requête.

i. Par ordonnance du 26 septembre 2024, le Ministère public a classé partiellement la procédure s'agissant des faits qualifiés d'injures ainsi que d'escroquerie et obtention illicite de prestation d'une assurance sociale ou de l'aide sociale.

j. Le même jour, il a rendu une ordonnance pénale contre A______, le déclarant coupable de tentatives de contrainte au préjudice des trois plaignantes susvisées (art. 22 cum 181 CP) et le condamnant à une peine pécuniaire de 70 jours-amende, sous déduction de deux-jours amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.- à titre de sanction immédiate.

k.A______ y a formé opposition.

l. Par ordonnance du 23 octobre 2024, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

m. Par lettre du 7 novembre 2024, A______ a sollicité un changement d'avocat, mais le Ministère public a refusé.

n. Le recours interjeté par l'intéressé contre ce refus a été rejeté par arrêt de la Chambre de céans du 26 novembre 2024 (ACPR/878/2024). Le recours au Tribunal fédéral formé par le recourant a été déclaré irrecevable (arrêt 7B_129/2025 du 26 mars 2025).

C. Dans sa décision querellée, le Tribunal de police a considéré qu'au vu du classement partiel de la procédure, les faits désormais reprochés au prévenu ne présentaient plus de difficultés particulières juridiques ou de fait et qu'il était donc à même de se défendre efficacement seul. La cause était au surplus de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que le prévenu n'était passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende. Le motif à l'origine de la défense d'office ayant disparu, il convenait de révoquer le mandat du défenseur désigné (art. 134 al. 1 CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que Me B______ s'est rendu coupable de "trafic d'influence en bande organisée avec Madame la Procureur M______", leur but étant de le faire interner dans un asile de fous afin de se débarrasser de lui. Subitement, le Président du Tribunal de police "s'[était] adjug[é] le pouvoir de révoquer Me B______", en "insinuant" qu'il n'aurait plus besoin d'un avocat commis d'office, lui niant, ce faisant, le droit de "disposer d'un avocat impartial", ce qui lui laissait le "champ libre" pour le "condamner à sa guise".

Il ne pouvait se défendre seul. Il souffrait en effet, depuis 13 mois, de "calcifications aux épaules", qui lui occasionnaient des douleurs jusque dans le dos et pour lesquels il prenait des antalgiques qui le rendaient somnolant. Il joint des certificats médicaux des 30 janvier, 25 et 26 mars 2025, à teneur desquels, respectivement : il présentait "une maladie qui handicapait les mouvements de ses épaules et la marche en cas de crise aigüe, raison pour laquelle n'a pas pu se servir, entre autres, de son ordinateur ou se déplacer de son domicile du 10 décembre à ce jour" (pce 7); il était en arrêt de travail du 25 mars au 10 avril 2025 pour cause de maladie (pce 5); souffrait d'une capsulite gléno-humérale avec des douleurs handicapantes ayant nécessité trois infiltrations, la dernière remontant à l'année passée, qui ne s'amélioraient pas (malgré l'absence de calcifications résiduelles à l'IRM, qui montrait une coiffe intègre) et pour laquelle une physiothérapie douce en piscine était préconisée (pce 6).

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites par le recourant sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Aux termes de l'art. 134 al. 1 CPP, si, au cours de la procédure, le cas de défense obligatoire (art. 130 CPP) à l'origine de la défense d'office disparaît et qu'un autre cas de défense obligatoire ne s'est pas créé dans l'intervalle, la direction de la procédure révoque la défense d'office, sous réserve d'une requête du prévenu tendant à son maintien sur la base de l'art. 132 al. 1 let. b CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 134 CPP).

La défense obligatoire prend naturellement fin dès que la condition l'ayant déclenchée s'avère ne plus être remplie, par exemple en cas de libération du prévenu en détention provisoire (art. 130 let. a CPP) ou d'allègement des charges (art. 130 let. b CPP; classement partiel pour les faits les plus graves) (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, op. cit., n. 7a ad art. 134 CPP).

3.2. Selon l'art. 130 let. c CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne peut suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et si ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire.

La question de la capacité de procéder doit être examinée d'office (ATF 131 I 350 consid. 2.1 53; arrêt du Tribunal fédéral 1B_318/2014 du 27 octobre 2014 consid. 2.2). Cependant, des indices de limitation ou d'absence d'une telle capacité doivent exister pour qu'il puisse être attendu de l'autorité qu'elle obtienne des éclaircissements à ce sujet. Une incapacité de procéder n'est ainsi reconnue que très exceptionnellement, soit en particulier lorsque le prévenu se trouve dans l'incapacité de suivre la procédure, de comprendre les accusations portées à son encontre et/ou de prendre raisonnablement position à cet égard (arrêts du Tribunal fédéral 1B_279/2014 du 3 novembre 2014 consid. 2.1.1 = SJ 2015 I p. 172; 1B_318/2014 du 27 octobre 2014 consid. 2.1 ; 1B_332/2012 du 15 août 2012 consid. 2.4).

En doctrine, l'hypothèse prévue à l'art. 130 let. c CPP est notamment retenue lorsque le prévenu n'est plus à même d'assurer, intellectuellement ou physiquement, sa participation à la procédure, à l'image des cas visés par l'art. 114 al. 2 et 3 CPP (L. MOREILLION / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale – Petit commentaire, 2e éd. Bâle 2016, n. 15 ad art. 130). À titre d'incapacités personnelles, il peut s'agir de dépendances à l'alcool, aux stupéfiants, à des médicaments susceptibles d'altérer les capacités psychiques (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 17 ad art. 130; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRäCHTIGER (éds), Strafprozessordnung - Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3e éd., Bâle 2023, n. 30 ad art. 130). La direction de la procédure dispose d'une marge d'appréciation pour déterminer si le prévenu frappé d'une incapacité personnelle peut suffisamment se défendre ou non ; au vu du but de protection visé par le cas de défense obligatoire, l'autorité devra cependant se prononcer en faveur de la désignation d'un défenseur d'office en cas de doute ou lorsqu'une expertise psychiatrique constate l'irresponsabilité du prévenu, respectivement une responsabilité restreinte de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1B_318/2014 du 27 octobre 2014 consid. 2.1).

3.3. Selon l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou de droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (al. 2). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

3.4.1. En l'espèce, le recourant ne semble pas remettre en cause le fait qu'il ne se trouve plus dans la situation de défense obligatoire qui avait justifié la désignation d'un avocat d'office à l'époque, en raison des charges retenues contre lui (art. 130 al. 1 let. a CPP), dès lors qu'à la suite du classement partiel des faits reprochés, il n'est désormais plus poursuivi que pour tentatives de contrainte.

À le suivre, une défense obligatoire s'imposerait néanmoins en raison de son état physique.

Quand bien même il atteste souffrir d'une capsulite qui limite les mouvements de ses épaules et de douleurs handicapantes, on ne voit pas en quoi cette pathologie l'empêcherait de procéder et de participer à la procédure, au sens de la jurisprudence et de la doctrine susmentionnées. L'état de somnolence allégué, qui serait selon lui induit par les antalgiques qu'il prenait, n'est aucunement attesté médicalement. Tout au plus, cet état ne serait que passager, tout comme les crises qui découleraient de son état, d'après le premier constat médical produit. Une incapacité de prendre part aux futurs débats qui se tiendront devant le Tribunal de police n'étant pas démontrée, une défense obligatoire en vertu de l'art. 130 let. c CPP ne se justifie donc pas.

3.4.2. Une défense d'office sous l'angle de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne se justifie pas davantage.

En effet, les faits résiduels reprochés au prévenu ne revêtent aucune complexité, tant en fait qu'en droit. Aux termes de l'ordonnance pénale rendue pour lesdites faits, dont le Tribunal de police est saisi, le recourant encourt une peine pécuniaire de 70 jours-amende, soit bien en-deçà de la limite à partir de laquelle une affaire n'est pas de peu de gravité (art. 132 al. 3 CPP).

En définitive, la cause ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat rémunéré par l'État. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal de police a révoqué la défense d'office du recourant.

4. La conclusion du recourant visant à ce que Me B______ soit remplacé par un autre avocat d'office est exorbitante au présent litige et au demeurant sans objet, vu l'issue du recours. Sont également exorbitants ses accusations à l'endroit tant de Me B______ que de l'ancienne Procureure M______, tout comme ses reproches visant le Président du Tribunal de police.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours, rejeté.

6. La procédure de recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Tribunal de police.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).