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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22813/2018

ACPR/275/2025 du 08.04.2025 sur OCL/820/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);NOUVEAU MOYEN DE FAIT
Normes : CPP.429

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22813/2018 ACPR/275/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 8 avril 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Marine GIRARDIN, avocate, GROSS & ASSOCIES AVOCATS, avenue des Mousquines 20, case postale 805, 1001 Lausanne,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 8 juin 2023 par le Ministère public,

(par suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 7B_153/2024 du 15 janvier 2025)

et

B______, représenté par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Le 19 novembre 2018, A______ a déposé plainte pour lésions corporelles graves par négligence, à la suite d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui n'avait, selon elle, pas été immédiatement identifié comme tel par les différents médecins qui l'avait examinée.

Était entre autres visé B______, médecin auprès de la société D______ SA.

b. Par ordonnance du 8 juin 2023, le Ministère public a classé la procédure, après avoir procédé à un certain nombre d'auditions et mis en œuvre des experts, qui avaient rendu un premier rapport en septembre 2020, complété en janvier 2021, puis en décembre 2021. Il a alloué au prévenu une indemnité de CHF 7'084,80 pour ses frais d'avocat, sur la base d'un tarif horaire de CHF 450.-.

c. A______ a formé recours contre ce classement.

Dans le cadre de cette procédure, une prise de position a été sollicitée de B______.

Ce dernier, sous la plume de son avocat, a déposé des observations de 14 pages, page de garde et de conclusions comprises, dans lesquelles il s'est prononcé sur les griefs de A______. Il a conclu formellement à la confirmation de l'ordonnance de classement et au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions, cela "sous suite de frais et dépens", sans toutefois chiffrer ceux-ci.

d. Par arrêt ACPR/13/2024 du 11 janvier 2024, la Chambre de céans a confirmé le classement.

Rappelant que l'autorité pénale examinait d'office la question de l'indemnisation du prévenu, et dans la mesure où l'intimé n'avait pas chiffré ses prétentions en indemnisation, un montant de CHF 800.- HT, correspondant à deux heures d'activité au tarif horaire de CHF 400.- a été alloué à B______ pour ses frais d'avocat en instance de recours, "ce qui paraissait en adéquation avec le travail fourni".

e. Le 2 février 2024, B______ a saisi le Tribunal fédéral, reprochant à l'autorité cantonale de ne pas l'avoir interpelé afin de l'enjoindre à chiffrer ses prétentions; d'avoir, en fixant le tarif horaire à CHF 400.- pour un chef d'étude, violé de manière crasse sa propre jurisprudence en la matière; d'avoir apprécié de manière arbitraire le temps nécessaire à la défense de ses intérêts dans la procédure de recours. Il a produit le curriculum vitae de son avocat et chiffré les honoraires dus à CHF 5'137,50, correspondant à 11 heures et 25 minutes d'activité au tarif horaire de CHF 450.- (soit 15 minutes pour prendre connaissance de l'ordonnance de classement; 15 minutes pour envoyer celle-ci au client; 15 minutes pour répondre oralement aux questions de celui-ci; 20 minutes pour examiner le recours; 15 minutes pour le communiquer au client; 20 minutes pour expliquer la suite de la procédure au client; 9 heures pour la rédaction des observations; 10 minutes pour les communiquer au client; 15 minutes pour en discuter avec ce dernier; 20 minutes pour intégrer les remarques de celui-ci à ses écritures).

f. Par arrêt du 15 janvier 2025 (7B_153/2024), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par B______, annulé l'arrêt ACPR/13/2024 du 13 janvier 2024 en tant qu'il concernait la quotité de l'indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP et renvoyé la cause à la Chambre de céans pour qu'elle procède dans le sens des considérants.

Le curriculum vitae et la note d'honoraires produits à l'appui du recours devant le Tribunal fédéral n'étaient pas recevables, s'agissant de moyens de preuve nouveaux. La motivation de la Cour cantonale était particulièrement sommaire et aucune analyse des dispositions topiques en la matière, même brève, notamment des art. 429 al. 1 let. a et al. 2 CPP, ne ressortait de l'arrêt querellé. L'on ne comprenait dès lors pas sur quels motifs elle s'était fondée pour considérer que le travail accompli par l'avocat du recourant dans le cadre de la procédure de recours devait être évalué à deux heures, respectivement qu'une telle durée correspondait à un exercice raisonnable de ses droits de procédure.

B. a. Dans les observations déposées le 21 février 2025 à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, qui reprennent pour l'essentiel les considérations développées devant cette instance, B______ conclut à l'allocation d'un montant total de CHF 7'137.70, correspondant aux honoraires d'avocat dus pour la procédure de recours devant la Chambre de céans, soit CHF 5'137,70, auxquels il a ajouté la somme de CHF 2'000.- allouée par le Tribunal fédéral à titre de dépens.

b. Par pli du 3 mars 2025, le Ministère public a fait savoir qu'il s'en rapportait à justice.

c. La cause a été gardée à juger à réception.

EN DROIT :

1.             1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b; 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1; 131 III 91 consid. 5.2). L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 et 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2).

La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. Selon les considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral rendu le 15 janvier 2025, la saisine de la Chambre de céans est circonscrite à la question de l'indemnité due au prévenu en vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

Compte tenu de la motivation qui y est développée, le détail de l'activité déployée par l'avocat dans le cadre de la procédure de recours, nouvellement exposé dans ses observations du 21 février 2025, est recevable (ATF 150 IV 417 consid. 241;
143 IV 214 consid. 5.3.2).

2. 2.1. Selon la disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023, soit lors de la rédaction des observations au cœur du litige, le prévenu qui bénéficie d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

2.2. Cette indemnité couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure (ATF 146 IV 332 consid. 1.3).

Seuls les honoraires correspondant à une activité raisonnable, au regard de la complexité, respectivement de la difficulté, de l'affaire et de l'importance du cas, doivent être indemnisés (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2). L'avocat qui défend les intérêts du prévenu a lui-même, à cet égard, une obligation de diminuer le dommage (décision de la Cour des plaintes BB.2015.100 du 22 février 2016 consid. 5.3.1).

Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/950/2023 du 7 décembre 2023 consid. 2.2).

Les autorités cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour juger du caractère approprié des démarches accomplies (arrêt du Tribunal fédéral 6B_331/2019 du 6 mai 2019 consid. 3.1 et décision de la Cour des plaintes BB.2015.100 précitée), mais le juge ne devrait pas se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 19 ad art. 429).

2.3. Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule, à condition qu'ils restent proportionnés (ATF 142 IV 163 précité; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3ème éd, Zurich 2017, n. 7 ad art. 429).

À Genève, la Cour de justice applique un tarif horaire de CHF 450.- pour un chef d'étude, lorsque ce conseil chiffre sa rémunération à ce taux (ACPR/223/2022 du 31 mars 2022; ACPR/377/2013 du 13 août 2013), ou sinon de CHF 400.- (AARP/94/2025 du 10 mars 2025; ACPR/587/2024 du 9 août 2024; ACPR/282/2014 du 30 mai 2014).

2.4. En l'occurrence, la note d'honoraires produite fait état de 45 minutes d'activité consacrée à la prise de connaissance de l'ordonnance de classement et à sa communication à l'intimé. Il s'agit toutefois d'actes accomplis indépendamment du recours interjeté par A______ et antérieurement à celui-ci. Dans la mesure où ils ne résultent pas de la demande d'observations formulée par la Chambre de céans, il n'y a donc pas lieu de les indemniser.

En revanche, le temps consacré à la lecture du recours (cinq pages et demie, hors page de garde), chiffré à 20 minutes, de même que celui nécessité par l'envoi au client et aux explications à fournir à ce dernier (35 minutes), peut être admis.

Il en va de même des neuf heures qu'a nécessité la rédaction du recours. La cause, qui comporte deux classeurs fédéraux de pièces, dont un presque entièrement dédié à l'expertise médicale, à ses compléments et à l'audition des experts, bien que connue de l'avocat [constitué pour la défense des intérêts du recourant depuis le mois de juin 2022], revêtait en effet une importance certaine pour l'intimé, mis en cause dans ses qualités professionnelles, une annulation du classement étant susceptible d'avoir des répercussions négatives sur ses activités de médecin. Même si elle ne revêtait pas de complexité juridique ou factuelle spécifique, la rédaction des observations requérait donc un soin particulier.

Dans ce contexte, l'intimé a discuté, sur 12 pages, les arguments développés sur un peu plus de cinq pages par la plaignante, en se référant à divers passages de la plainte et de l'expertise. Deux pages environ sont constituées de citations de déclarations des parties, d'énumération des documents sur lesquels s'étaient fondés les experts et de reprise des arguments du Ministère public.

À cette aune, on peut admettre que le temps consacré à la rédaction de ces observations, y compris à la communication de celles-ci à l'intimé et aux corrections qui y ont été apportées, était nécessaire et adéquat.

Une indemnité correspondant à dix heures et 40 minutes d'activité sera ainsi allouée.

Le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur le tarif horaire appliqué par la Chambre de céans et, a fortiori, ne l'a pas remis en cause. L'argument du recourant, selon lequel un montant de CHF 400.- serait contraire à la jurisprudence la plus récente de la Cour de justice, tombe à faux, l'intéressé citant celle-ci, non pas dans son intégralité, mais en en expurgeant le passage topique sur l'application d'un tel tarif horaire. Néanmoins, l'avocat du recourant a fondé sa note d'honoraires pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure préliminaire sur un tarif horaire de CHF 450.-. Il y a dès lors lieu de considérer qu'il chiffrait implicitement sa rémunération à ce taux.

Il s'ensuit que l'indemnité due sera arrêtée à CHF 4'800.-, correspondant à dix heures 40 minutes d'activité au tarif horaire de CHF 450.-, hors TVA, vu le domicile en France de l'intéressé.

3. Il n'y a pas lieu d'ajouter à ce montant la somme de CHF 2'000.- fixée par le Tribunal fédéral à titre de dépens, ceux-ci ne faisant pas partie de l'indemnité due pour l'activité déployée devant la Chambre de céans à la suite du recours formé par A______ et, partant, sortant du cadre de l'arrêt de renvoi et du champ d'examen du la Chambre de recours.

4. Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État, conformément à la jurisprudence qui veut que tel soit le cas lorsque l'autorité revoit favorablement sa décision à la suite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral (art. 428 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Alloue à B______ un montant de CHF 4'800.- TTC pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits dans le cadre de la procédure de recours.

Laisse les frais du présent arrêt à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à B______, soit pour lui sont conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).