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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13102/2021

ACPR/958/2024 du 19.12.2024 sur OTDP/2064/2024 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13102/2021 ACPR/958/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 19 décembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 17 septembre 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte reçu le 30 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 septembre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que Me B______ soit désignée à sa défense d'office, à compter du 16 septembre 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 12 mai 2021, le Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) a dénoncé à la police les époux A______ et C______ en lien avec de possibles actes de maltraitance sur leurs enfants, D______ et E______, âgés de 17, respectivement 8 ans.

b. Entendus, seuls, par la police, le 22 juin 2021, les époux A______/C______ ont contesté les faits.

c. Le 2 juillet 2021, le SPMi a signalé la situation au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après, TPAE) et sollicité l'instauration de mesures de protection urgentes [notamment le retrait de la garde de D______, du droit de déterminer son lieu de résidence, son placement en foyer; une curatelle éducative en faveur de E______].

Ces mesures ont été prononcées, le même jour, par décision superprovisionnelle du TPAE.

d. Le 7 juillet 2021, le Ministère public a ouvert une instruction contre les époux A______/C______.

e. Entendus le 27 juillet 2021 au Ministère public, en présence de leur conseil commun, A______ et C______ ont persisté dans leurs dénégations.

f. Par ordonnance du 28 septembre 2021, le TPAE a maintenu les mesures superprovisionnelles prononcées.

g. Le 26 octobre 2021, le Ministère public a ordonné une défense d'office en faveur des époux A______/C______ qu'il a confiée à Me F______, avec effet au 20 juillet 2021. Il était noté que les intéressés ne disposaient pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur était justifiée pour sauvegarder leurs intérêts au vu de la gravité et de la complexité du cas en fait et/ou en droit.

h. Le 29 mars 2022, le Ministère public a prononcé deux ordonnances pénales à l'encontre des époux A______/C______, lesquels ont formé opposition, sous la plume de leur conseil, le 11 avril suivant.

i. En ce qui la concerne, A______ a été reconnue coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 3 CP), violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP), voies de fait (art. 126 al. 1 et 2 let. a CP) et condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis durant trois ans, et à une amende de CHF 500.-.

Il lui était reproché d'avoir, à Genève, à plusieurs reprises et à des dates indéterminées:

-          entre le ______ 2003 [date de naissance de D______] et le 21 mai 2021 [audition de celle-ci par la police], frappé D______ avec une ceinture;

-          entre le ______ 2012 [date de naissance de E______] et le 31 mai 2021 [audition de celui-ci par la police], frappé E______ avec un chausse-pied au point de lui laisser des traces sur le tibia, l'avoir giflé en lui laissant la marque de ses doigts sur le visage et enfermé dans sa chambre;

-          entre le ______ 2002 [date de naissance de G______] et le ______ 2020 [date de sa majorité], donné des coups de poing à G______, l'avoir enfermé dans sa chambre, ainsi qu'insulté E______ et D______ en sa présence.

j. Par ordonnance de maintien du 12 avril 2022, le Ministère public a transmis la procédure au Tribunal de police pour qu'il statue sur les oppositions.

k. Le 5 juillet 2022, Me H______ s'est constitué en faveur des époux A______/C______ en qualité de défenseur privé.

l. Le 17 août 2022, le Tribunal de police a partant révoqué la défense d'office et relevé MF______ de ses fonctions.

m. Le 16 octobre 2023, le Tribunal de police a – à la demande de toutes les parties qui envisageaient de commencer une médiation pénale – annulé l'audience de jugement fixée le 18 suivant.

n. D______ s'étant opposée à la médiation, une nouvelle audience de jugement a été appointée le 30 septembre 2024.

o. Par lettre du 28 août 2024, Me H______ a informé le Tribunal de police qu'il cessait d'occuper.

p. Le 16 septembre 2024, Me B______ a demandé à être nommée d'office en faveur de A______.

q. Tant D______ que E______, sous la plume de leur avocat d'office, respectivement curateur, ont déposé des conclusions civiles en vue de l’audience de jugement, reportée au 8 janvier 2025.

r. Relativement à sa situation personnelle et financière, A______ a déclaré être mère au foyer, sans revenu ni fortune. Son mari, chauffeur de taxi indépendant, réalisait un revenu mensuel net de CHF 4'000.- et gérait les finances familiales. Son casier judiciaire suisse est vierge.

C. Dans la décision querellée, le Tribunal de police a retenu que la cause, qui relevait essentiellement du droit de la famille, ne présentait pas de difficulté particulière en fait ou en droit. A______ était apte à se défendre seule.

D. Par lettre du 31 octobre 2024, Me B______ a informé le Tribunal de police de sa nomination, le 15 précédent, en qualité de conseil de A______ dans la procédure pendante devant le TPAE (AC/1______/2024 - C/2______/2021 - AJC/3______/2024).

E. a. Dans son recours, A______ reproche, en substance, au Tribunal de police d'avoir considéré que les conditions d'une défense d'office n'étaient plus réalisées, alors même qu'elle en avait bénéficié une première fois et que sa fille, partie plaignante, était assistée d'un avocat d'office. Sa situation financière s'était péjorée. Elle était séparée de son mari, lequel lui remettait, deux fois par mois, EUR 150.- pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses fils, G______ et E______, qui vivaient avec elle. La cause revêtait une complexité certaine au vu des enjeux familiaux, émotionnels ou d'emprise et n'était pas de peu de gravité, une éventuelle condamnation pouvant avoir des effets sur la procédure pendante devant le TPAE. En outre, elle n'avait pas bénéficié d'une défense efficace puisqu'elle avait eu le même avocat que son époux, lequel lui faisait subir des violences domestiques, notamment verbales, étant souligné que D______ s'était notamment interposée entre eux pour la protéger.

b. Le Tribunal de police conclut au rejet du recours sans autre observation.

c. La recourante renonce à répliquer.

 

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Tribunal de police de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 et 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5 p. 174; arrêt du Tribunal fédéral 1B 360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_494/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités).

2.3. L'assistance juridique est en règle générale octroyée avec effet au jour du dépôt de la requête (art. 5 al. 1 RAJ ; ACPR/360/2015 du 30 juin 2015 consid. 3.1), sous réserve de démarches urgentes entreprises peu de temps avant (ATF 122 I 203 consid. 2f p. 208/209; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019 n. 68 ad art. 136).

2.4. En l'espèce, le Tribunal de police ne conteste pas l'impécuniosité de la recourante, ce dont il lui sera donné acte.

Dans la mesure où la peine pécuniaire concrètement encourue par la recourante s'élève à 60 jours-amende, la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP.

En tant que telle, la cause ne présente – à première vue – pas de difficulté du point de vue factuel ou des questions juridiques soulevées, que la recourante ne serait pas en mesure de résoudre seule. Tant les faits que les dispositions applicables sont clairement circonscrits et compréhensibles, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la recourante. Elle s'est déjà expliquée à cet égard, seule et en présence de ses précédents conseils, contestant les faits et donnant des explications précises sur le contexte familial.

Reste à examiner s'il existe d'autres motifs que ceux prévus à l'art. 132 al. 2 CPP qui justifieraient une défense d'office.

Force est de constater que ladite cause place la recourante dans une situation délicate. La procédure pénale ouverte contre elle se fonde sur la dénonciation du SPMi en lien avec des actes de maltraitance qu'elle aurait fait subir à ses enfants. En sus, elle fait face à une procédure devant le TPAE, dans laquelle se jouent notamment ses relations avec ses enfants, étant souligné que Me B______ a été constituée dans cette procédure. Les enjeux de la procédure pénale, notamment en lien avec une éventuelle condamnation, sont ainsi particulièrement importants pour la recourante et présentent des difficultés qu'elle seule ne pourrait surmonter, au sens de l'art. 132 al. 2 CPP.

Au vu des circonstances, il se justifie ainsi de mettre la recourante au bénéfice d'une défense d'office, au jour du dépôt de sa demande.

2.5. Pour le surplus, l'éventuel conflit d'intérêts avec son époux et les violences domestiques qu'elle subirait ne sont pas l'objet de la décision querellée. La Chambre de céans n'a donc pas à s'en saisir (ACPR/111/2022 du 15 février 2022).

3.             Le recours est admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée. La défense d'office de la recourante sera admise à compter du 16 septembre 2024 et Me B______ sera désignée à cet effet.

4.             La procédure est gratuite (art. 20 RAJ).

5.             L'indemnité du défenseur d'office nouvellement désigné sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule l'ordonnance du Tribunal de police du 17 septembre 2024.

Désigne Me B______ à la défense d'office de A______, avec effet au 16 septembre 2024.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Tribunal de police.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).