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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5574/2023

ACPR/911/2024 du 04.12.2024 sur ONMMP/1694/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;SOUPÇON
Normes : CPP.310; CP.146; CP.158; CP.251; CP.129

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5574/2023 ACPR/911/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 décembre 2024

 

Entre

A______ SA, représentée par Me Romain JORDAN, avocat, MERKT & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 avril 2024, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 18 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction, avec divers actes d'enquête.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 mars 2023, A______ SA, soit pour elle son administrateur président, B______, a déposé plainte contre C______, pour escroquerie, subsidiairement abus de confiance ou gestion déloyale, en combinaison avec un faux dans les titres, ainsi que pour mise en danger de la vie d'autrui.

Elle avait acheté une voiture à D______, par l'intermédiaire de C______. Par la suite, elle avait confié à ce dernier la tâche de procéder à des réparations sur le véhicule et de l'amener à l'Office cantonal des véhicules (ci-après: OCV) pour le faire expertiser, le payant CHF 4'820.- en contrepartie. C______ lui avait assuré avoir effectué ces démarches, lui remettant à ce propos un permis de circulation faisant état d'une expertise au 27 septembre 2022. Après vérifications, il s'était avéré que le véhicule n'avait pas été réparé, ni expertisé et présentait même des défauts rendant son emploi dangereux.

b. En annexe à la plainte figure un courrier de l'OCV, adressé le 23 décembre 2022 à A______ SA, retraçant chronologiquement la prise en charge du véhicule en question:

- le 31 août 2022, la voiture avait été présentée pour un contrôle technique, lequel s'était avéré non conforme. Un délai de trente jours avait été accordé à A______ SA pour réparer et ramener le véhicule;

- le 20 septembre 2022, A______ SA avait pris rendez-vous au 27 suivant afin de présenter la voiture pour une "modification autorisée". Le jour en question, le véhicule avait été présenté pour un crochet de remorquage, validé par l'expert. À tort, la visite technique avait été validée administrativement, alors que seul le crochet devait être inscrit. Sur le permis de circulation, la date du 27 septembre 2022 avait été inscrite comme dernière expertise, ce qui était une erreur;

- le 10 novembre 2022, une "personne" s'était présentée au secrétariat pour clarifier cette "incohérence". Un nouveau rendez-vous avait été fixé au 21 suivant et le permis de circulation corrigé. Le véhicule n'avait finalement jamais été amené pour l'expertise.

c.a. Entendu par la police pour un complément d'informations, B______ a expliqué qu'il savait que la voiture avait des problèmes mais il n'en connaissait pas l'étendue. Il avait donc demandé à C______ et D______ d'effectuer les réparations nécessaires pour passer la visite à l'OCV. L'accord avait été conclu oralement et il ne disposait d'aucun document contractuel, ni facture pour la remise des CHF 4'820.- à C______. D______ lui avait remis la voiture et le permis de circulation le 28 septembre 2022. C'est en le conduisant le lendemain qu'il avait constaté que le véhicule était "mort". Sur le contrat de vente, le nom de E______ était inscrit comme vendeur, à la demande de D______.

c.b. À l'occasion de son audition, B______ a produit:

- une facture du 24 août 2022, de CHF 1'203.-, établie par le garage appartenant au frère de C______ et portant sur la "préparation visite", le "déplacement visite", la "main d'œuvre" et le changement d'huile;

- un "accord" avec D______, conclu le 10 novembre 2022, par lequel se dernier s'engage à réparer tous les défauts du véhicule.

d. Lors de son audition à la police, C______ a déclaré avoir travaillé pour B______ comme "office boy", exécutant ses ordres. Pour la voiture, le précité s'était adressé à D______, qu'il connaissait depuis longtemps pour lui avoir acheté plusieurs autres véhicules. On ne lui avait jamais demandé d'effectuer des réparations et il n'avait jamais reçu la somme de CHF 4'820.-. Il avait uniquement conduit la voiture à plusieurs endroits, comme un carrossier pour la peinture, un garagiste pour le service et un particulier en France pour le crochet de remorquage. Il était passé à l'OCV une première fois pour un contrôle technique, qui n'avait pas été validé. Par la suite, B______ lui avait demandé d'y retourner pour le crochet mais, comme il n'était pas en Suisse, E______ s'en était occupé. Il ignorait que le véhicule présentait des défauts. Il l'avait même conduit à de nombreuses reprises. La facture du garage de son frère concernait des "choses simples", comme le lavage du châssis et le changement d'huile. Il n'était pas question de travaux de réparation.

e. Entendu par la police, D______ a déclaré avoir averti B______ des défauts du véhicule, vieux de dix-sept ans. Aucun accord n'avait été conclu au sujet d'éventuelles réparations et il n'avait pas entendu de discussions en ce sens entre B______ et C______. Par la suite, il avait reçu un appel de ce dernier parce que la voiture était tombée en panne. Par "respect", il avait entrepris les démarches pour changer la batterie. C'était ensuite B______ qui l'avait contacté pour lui dire que la voiture "ne fonctionnait pas très bien". Il lui avait répondu que cela n'était plus de son ressort. Face à l'insistance de B______, il était allé inspecter le véhicule, qui ne présentait que des défauts minimes, qu'il s'était engagé à réparer. Finalement, il ne l'avait pas fait car la voiture avait, entretemps, été déposée dans un garage pour réparations, puis revendue. C______ lui avait demandé d'amener l'automobile à l'OCV pour l'expertise technique au sujet d'un crochet de remorque mais, comme il ne le pouvait pas, il lui avait conseillé de le demander à E______, à qui le véhicule appartenait initialement.

f. E______ a confirmé avoir détenu le véhicule avant que D______ ne lui propose un acheteur. À la demande de C______, il avait présenté la voiture à l'OCV pour faire expertiser un crochet de remorquage. Sur le moment, un homme avait contrôlé le crochet avant de lui dire que tout était en ordre. Il avait récupéré les documents, sans les contrôler.

g. Le rapport de renseignements de la police du 13 novembre 2023 comporte le passage suivant:

"Au vu du procédé, il est probable que les concernés aient induit en erreur l'OCV. S'agissant d'un service de l'État nous n'avons pas été en mesure de convoquer et d'entendre l'employé qui a exécuté ce changement. De ce fait, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur l'intention réelle de cet acte. Nous ne pouvons pas affirmer que M. E______, M. C______ et M. D______ étaient de connivence avec un employé de l'État dans le but de falsifier des documents officiels. Il serait pertinent qu'une enquête au sein de l'OCV soit menée afin de connaître si des faits similaires se sont produits".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que, sur la base des éléments au dossier, en particulier le courrier de l'OCV, les griefs à l'endroit de C______ étaient sans fondement. Au vu de l'erreur administrative, le précité pouvait penser que la voiture avait passé avec succès l'expertise et, partant, aucun reproche ne pouvait lui être adressé s'agissant des réparations qu'il n'aurait pas effectuées. En outre, aucun élément objectif ne permettait de déterminer la volonté des parties au sujet des tâches confiées à C______.

D. a. Dans son recours, A______ SA expose que E______ a amené la voiture à l'OCV le 27 septembre 2022 et fait, en outre, référence à une procédure P/1______/2021, ouverte contre C______ pour des faits d'escroquerie dans le domaine du commerce d'automobiles, notamment. Sur le fond, plusieurs actes d'instruction étaient susceptibles d'apporter des éléments utiles et mettre en balance les déclarations respectives des parties. Il était ainsi nécessaire de tenir une audience de confrontation, de suivre l'avis de la police et de mener une enquête auprès de l'OCV et, enfin, de tenir compte de la procédure P/1______/2021, laquelle pouvait être jointe à la présente. C______ et E______ devaient également être interrogés à propos des instructions données en vue de l'expertise et des informations fournies lors de la remise des documents et du véhicule, tandis que le frère de C______ devait être entendu pour confirmer que ce dernier et D______ avaient déjà cherché à obtenir de "fausses" expertises. Ces actes d'instruction se justifiaient dans la mesure où C______ avait réalisé les éléments constitutifs des infractions d'escroquerie, abus de confiance, gestion déloyale, faux dans les titres et mise en danger de la vie d'autrui.

b. Dans ses observations, le Ministère public maintient les termes de son ordonnance, soulignant la nature exclusivement civile du litige.

c. A______ SA n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Une non-entrée en matière peut ainsi se justifier pour des motifs de faits. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charge soit manifeste (arrêt du Tribunal fédéral 6B_544/2016 du 17 novembre 2016 consid. 3.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

2.2.1. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

2.2.2. L'art. 158 CP punit le gérant d'affaires qui, en agissant avec (ch. 1 al. 1) ou sans mandat (ch. 1 al. 2), viole les devoirs auxquels il est tenu et, ce faisant, porte atteinte aux intérêts pécuniaires du tiers pour le compte duquel il intervient.

2.2.3. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, la personne qui, sans droit, emploie à son profit des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

2.2.4. L’art. 251 CP sanctionne quiconque crée un titre faux ou constate faussement dans un titre un fait ayant une portée juridique, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite.

2.2.5. Met en danger la vie d'autrui quiconque, sans scrupules, met autrui en danger de mort imminent (art. 129 CP).

2.3. En l'espèce, la recourante accuse le mis en cause de lui avoir volontairement dissimulé, en usant d'un permis de circulation comportant de fausses informations, que les tâches qu'elle lui avait confiées contre rémunération, soit de faire réparer le véhicule et de lui faire passer l'expertise, n'avaient pas été effectuées.

Or, elle n'a jamais démontré, pièces à l'appui, avoir effectivement mandaté le mis en cause, ni même lui avoir remis CHF 4'820.-. En outre, il est établi que le précité n'a ni amené la voiture au contrôle du 27 septembre 2022 – soit le jour où le permis de circulation a été modifié avec des informations erronées –, ni est celui qui a restitué le véhicule et ledit permis à la recourante après cette visite. Enfin, l'OCV a confirmé que le permis de circulation avait été modifié par erreur au sujet de la validation de l'expertise.

Le dossier n'offre ainsi aucune assise pour retenir que le mis en cause aurait réalisé les infractions en cause, encore moins à dessein.

Tout au plus, il peut seulement être retenu qu'il est intervenu pour la première visite à l'OCV du mois d'août 2022 et pour les réparations du véhicule effectuées en amont de celle-ci, par le garage de son frère. La recourante n'a toutefois jamais fondé d'accusation sur cet épisode, ni ne prétend avoir ignoré que cette première visite s'était soldée par une expertise non validée.

Les actes d'instruction qu'elle sollicite ne sont pas susceptibles de renverser ce qui précède. L'éventuelle existence d'une procédure parallèle pour des faits similaires ne serait pas déterminante pour fonder des soupçons à l'encontre du mis en cause, faute de prévention pénale dans celle-ci. L'enquête à l'OCV suggérée par la police ne justifie également pas de tels soupçons, d'autant qu'à teneur du rapport de renseignements du 13 novembre 2023, aucune connivence ne pouvait être établie entre le mis en cause et les autres protagonistes.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5574/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00