Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/770/2024 du 23.10.2024 sur OPMP/10056/2022 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/5031/2023 ACPR/770/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 23 octobre 2024 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par
Me C______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 1er octobre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 7 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction des procédures P/22323/2024 et P/5031/2023 sous ce dernier numéro.
Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de traiter séparément les deux procédures.
b. L'effet suspensif auquel il concluait à titre préalable a été refusé par la Direction de la procédure de la Chambre de céans (OCPR/55/2024 du 8 octobre 2024).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Dans la P/21013/2022, A______ a été condamné par ordonnance pénale du 28 octobre 2022 – à laquelle il a formé opposition – à une peine privative de liberté de 100 jours, pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CPP) et vol (art. 139 ch. 1 CP).
Il lui était reproché d'avoir, le 2 octobre 2022, endommagé du mobilier dans un restaurant et, le 27 suivant, dérobé une veste dans un magasin.
b. Le 5 mars 2023, le Ministère public a ouvert une instruction référencée sous la P/5031/2023. Dans ce cadre, A______ a été mis en prévention des chefs de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et menace ou violence contre les autorités et les fonctionnaires pour avoir endommagé le rétroviseur d'un motocycle et s'être fortement opposé à son interpellation, notamment en se débattant et en tentant d'asséner des coups de pieds aux policiers.
Ces faits ont conduit à l'ouverture de la présente procédure, à laquelle la P/21013/2022 a été jointe par ordonnance du Ministère public du 7 mars 2023.
c. A______ a encore fait l'objet de trois autres procédures dans lesquelles il a été prévenu :
- d'infraction à l’art. 139 ch. 1 CP en lien avec le vol d'un porte-monnaie commis le 14 septembre 2023 (P/19966/2023);
- d'exhibitionnisme, menaces et injure en lien avec des faits du 30 octobre 2023 à l'endroit de la serveuse d'un restaurant (P/24022/2023);
- de lésions corporelles simples commises le 22 décembre 2023 au préjudice d'un autre résident du foyer D______ (P/28080/2023);
- d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI, pour séjour illégal (P/12867/2024).
Par ordonnances des 9 octobre 2023 et 28 mai 2024, le Ministère public a joint ces quatre procédures à la P/5031/2023.
d. Le 27 septembre 2024, le Ministère public a encore ouvert une instruction pénale, sous le numéro P/22323/2024. Dans le cadre de celle-ci, A______ a été mis en prévention pour avoir, le 22 précédent, volé une sacoche.
C. Dans l'ordonnance attaquée, le Ministère public a ordonné la jonction de cette nouvelle procédure P/22323/2024 à la P/5031/2023, conformément à l'art. 29 CPP.
D. a. Dans son recours, A______ conteste toute implication dans le vol à l'origine de l'ouverture de la procédure P/22323/2024, considérant que "rien" au dossier ne permettait de retenir "concrètement et sérieusement" son implication dans le vol d'une sacoche abandonnée relevant seulement d'une infraction d'importance mineure dès lors que celle-ci contenait des valeurs inférieures à CHF 300.-. En outre, les policiers avaient constaté, sur les images de vidéosurveillance, qu'il n'était pas l’auteur des achats frauduleux effectués avec une carte bancaire contenue dans la sacoche. La jonction ne serait aucunement justifiée dès lors qu'il contestait les faits et que la P/22323/2024 concernait essentiellement l'auteur des achats frauduleux, lequel pourrait avoir, en cas de jonction, accès à procédure P/5031/2023, dans laquelle il était seul prévenu. En outre, la décision querellée conduirait à une violation du principe de la célérité. D'une part, il était placé en détention provisoire dans la P/22323/2024 et non dans la P/5031/2023 et, d'autre part, aucune audience de confrontation n'était possible puisque l'auteur des achats frauduleux n'avait pas encore été interpellé.
b. La cause a été gardée à juger après la décision sur l'effet suspensif.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. 3.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b). Ce principe, dit de l'unité, tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).
De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n.3 ad art. 29).
3.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.
Cette disposition prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).
La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).
3.3. En l'espèce, le recourant est visé par deux procédures, soit la procédure P/5031/2023 – qui a déjà fait l'objet de trois jonctions – et la procédure P/22323/2024, pour un nouveau vol. Conformément au principe de l'unité de la procédure, ces faits – et les infractions qui y sont associées – doivent donc en principe être poursuivis conjointement, qui plus est pour des infractions similaires. Le fait qu'il ait été détenu dans la P/22323/2024 et que l'auteur des achats frauduleux n'ait pas encore été interpellé, ne constituent pas un obstacle sous l'angle du respect de la célérité, le recourant devant être entendu sur l'ensemble des charges avant d'être, le cas échéant, renvoyé en jugement.
Par ailleurs, on ne discerne pas quel serait son préjudice en cas de jonction, étant souligné que celle-ci n’entraîne pas, par elle-même, l’accès aux données sensibles du recourant par l'auteur des achats frauduleux dans la P/22323/2024 car les conditions de consultation d’un dossier pénal en cours sont régies par des normes spécifiques et distinctes (cf. art. 101, 102 al. 1 et 108 CPP; ACPR/628/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.2).
Partant, la décision de jonction ne prête pas le flanc à la critique.
Le grief tiré de la violation des art. 29 et 30 CPP tombe ainsi à faux.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade, le défenseur d'office (cf. art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/5031/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |