Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/421/2023

ACPR/708/2024 du 01.10.2024 sur ONMMP/2583/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON;CONSTATATION DES FAITS;PLAINTE PÉNALE;DÉLAI
Normes : CP.31; CPP.310; CPP.393.al2.letb

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/421/2023 ACPR/708/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 1er octobre 2024

 

Entre

A______, domicilié à l'Etude B______, ______, agissant en personne,

recourant

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 juin 2024 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé


EN FAIT :

A. a. Par acte daté du 30 juin 2024, expédié le lendemain par messagerie sécurisée, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 juin 2024, notifiée le 19 juin 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre C______ « et/ou » les « responsables » de [l'Étude d'avocats] D______/E______, respectivement D______/F______ SA.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée ; à l'annulation de la décision de « classement implicite » prise selon lui le même jour ; à la récusation du Procureur chargé de la procédure ; à la constatation de l'incapacité de postuler de l’avocat de D______/E______ ; et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une « nouvelle » instruction.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.             Au bénéfice d’un contrat de travail, A______ a travaillé en qualité d’avocat au sein de l'Étude D______/E______ du mois de juin 2020 au mois de mai 2021, sous le statut de salarié, avec une rémunération composée d’une part fixe et d’une part variable (égale à 60 % des honoraires encaissés pour sa propre clientèle, cf. annexe 1 au contrat de travail du 24 juin 2020). Il affirme avoir continué de travailler entre les mois de juin 2021 et de janvier 2022 avec le statut d’indépendant (« of counsel »), sur la base d’une convention orale.

b.             Un litige a surgi au sujet du règlement de ses prétentions pécuniaires. Un accord aurait été passé à la fin 2021, consistant dans le versement par l’Étude d’un montant à titre de salaire variable, compensé avec la part de 40 % due à l’Étude sur ses honoraires personnels non encore facturés – dont il cédait les créances correspondantes – et le rachat d’un ordinateur. Toutefois, par la suite, l’Étude ne lui aurait pas transmis les pièces nécessaires à la facturation de plusieurs de ses dossiers personnels, voire ne lui aurait pas remis certains de ces dossiers eux-mêmes, et aurait refusé de donner suite à ses sollicitations pour les obtenir.

c.              Par plainte du 6 janvier 2023, dont la numérotation erratique des allégués et du chargé n’est pas d’une grande limpidité et qu’il a complétée le 16 février suivant, A______ accuse C______ « et/ou » les « responsables » de [l'Étude] D______/E______ et de D______/F______ SA (devenue G______ SA) d’escroquerie, voire gestion déloyale, contrainte et violation de la loi contre la concurrence déloyale.

En refusant de lui remettre les pièces utiles à la facturation, l’Étude lui avait causé un dommage, puisqu'elle l’avait empêché de réclamer des honoraires auprès de ses clients personnels, de l'Assistance juridique et des autorités. Il n'avait pas non plus pu recourir contre les décisions d'indemnisation erronées ou incomplètes qu’avait sollicitées, à sa place, [l'Étude] D______/E______, car l’Étude ne l'avait pas informé de ces recouvrements, lui causant un préjudice dans la mesure correspondante.

Il reproche également à C______ ou [l'Étude] D______/E______ d'avoir envoyé, à son insu, certains états de frais à ses clients privés et aux autorités, puis d'avoir encaissé et conservé une partie de ces honoraires, à son préjudice. L'Étude avait ainsi fait fi de l’accord conclu à la fin 2021, selon lequel elle lui céderait l'ensemble des honoraires qu'elle prélevait habituellement sur les dossiers de sa clientèle privée.

Trompant intentionnellement les autorités, D______/E______ avait aussi facturé des prestations inexistantes ou réclamé en son nom [à lui] des prestations qu’il n’avait pas accomplies, puisqu’il ne travaillait plus à l’Étude. Elle lui avait également faussement affirmé qu'il était impossible de lui transmettre la facturation et les timesheets désirés, au motif que ceux-ci avaient « disparu du système » informatique. D______/E______ et ses administrateurs l'avaient ainsi trompé par des affirmations fallacieuses, de sorte qu'une escroquerie avait été commise.

Il reproche encore à ceux-ci d'avoir utilisé ses nom et image sans son consentement après son départ de l'Étude. Sa photographie était ainsi restée publiée sur le site internet de D______/F______ SA à tout le moins jusqu'au 4 octobre 2022. À l'instar des siens, les nom et image d'anciens avocats ou avocats-stagiaires avaient aussi été utilisés par l’Étude sur des sites internet « rabatteurs », alors que ces personnes n'y travaillaient plus depuis de nombreux mois, donnant ainsi faussement à l’Étude l'apparence d'être « plus compétente » qu'elle ne l'était. Son nom avait, par ailleurs, été « utilisé sans droit » dans une procédure par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, puisqu’il apparaissait sur une convocation du 4 octobre 2022.

Enfin, l’Étude avait rendu inutilisable son ordinateur portable, pour y avoir accédé à distance, avec l’aide d’une société informatique, et y avoir effacé des données, sans l'en avoir informé au préalable.

Une procédure était en cours devant les juridictions civiles du canton pour faire reconnaître ses prétentions salariales impayées, notamment.

d.             Le Ministère public a transmis la plainte aux avocats administrateurs de D______/E______, les invitant à prendre position.

e.              Ces avocats ont réagi individuellement. En substance, ils ont déclaré que le litige revêtait un caractère exclusivement civil. Tous ont joint à leurs déterminations une décision rendue le 13 mars 2023 par la Commission du barreau, sur dénonciation de A______. Ladite commission constate qu’après l’intervention de celui-ci, le 5 octobre 2022, ni son nom ni son image ne figuraient plus sur le site internet de D______/E______ ; et elle écarte toute violation par C______ du devoir de diligence ancré à l'art. 12 LLCA.

C______ a donné les règles de facturation en vigueur au sein de D______/E______, qu’il a qualifiées d’usuelles dans la profession. C’était ainsi l’Étude qui facturait et recouvrait les honoraires de A______, avant de les lui reverser. Lors des discussions en vue d’un accord, la rétrocession de 60 % n’était pas contestée ; en revanche, il n’avait jamais été question d’une cession d’honoraires à A______. Sur ces fondements, un montant de quelque CHF 7'750.- avait été versé à celui-ci, le 19 novembre 2021, mais une part variable de salaire, de CHF 13'700.-, restait due (allégué n° 70) en raison d’encaissements ultérieurs.

C______ a aussi expliqué que la présence du nom du plaignant sur certaines procurations ne signifiait pas qu’un mandat personnel propre de celui-ci eût existé, puisque le nom de l’Étude ou d’un associé y était généralement juxtaposé. Les photographies du plaignant sur le site internet de D______/F______ SA étaient le fruit d’un oubli et avaient été retirées quelques jours après avoir été signalées par A______.

Par ailleurs, il ignorait pour quelles raisons la Commission de conciliation en matière de baux et loyers avait notifié à D______/E______ la convocation mentionnant que le client serait représenté par le plaignant, dans la mesure où ce dernier n'avait jamais été mandaté et que le Pouvoir judiciaire avait été avisé [le 22 janvier 2022] de son départ de l’Étude. L'ordinateur n'avait pas été rendu inutilisable ; comme expliqué au plaignant, il suffisait de réinstaller un logiciel, pour pouvoir en profiter. D______/E______ ni ses administrateurs ne pouvaient être rendus responsables du fait que le plaignant n'avait pas conservé de copie de ses courriels personnels, adressés et reçus depuis son ancienne adresse électronique à l’Étude.

f.               Le 13 octobre 2023, le Ministère public a informé C______ et les autres administrateurs, mais non A______, qu'il n’entrerait pas en matière sur la plainte.

g.             Le 25 octobre 2023, A______ s'est spontanément déterminé, commentant la décision de la Commission du barreau et les observations des avocats administrateurs de D______/E______, leur opposant largement les développements contenus dans sa plainte. Il rappelait que celle-ci était aussi dirigée contre D______/F______ SA.

Le comportement de l'Étude et des quatre administrateurs avocats devait être examiné sous l'angle de la gestion déloyale (art. 158 CP), dès lors qu'il n'était plus employé de l'Étude depuis le 1er juin 2021 et n'y avait plus exercé dès le 1er janvier 2022, de sorte que les précités n'avaient aucun pouvoir de le représenter dès cette date. D______/E______ ne lui avait jamais reversé les indemnisations perçues pour lui, qu'elle admettait pourtant lui devoir en partie au vu des observations de C______, respectivement avait sollicité des indemnisations erronées ou incomplètes, sans que lui-même pût les rectifier, les délais de recours étant échus.

h.             Le 12 décembre 2023, A______ a écrit au Ministère public que D______/E______ et ses administrateurs tentaient d'induire la justice en erreur en présentant des faits erronés, au gré de leurs interlocuteurs. Ainsi, une note d'honoraires finale, à l'entête de D______/E______, avait été envoyée le 25 octobre précédent à l'un de ses clients privés, puis rétractée après la réaction dudit client, visiblement surpris qu'elle n'émanât pas de lui. Une condamnation à raison des infractions recensées dans sa lettre du 25 octobre 2023 s’imposait.

i.               Le 25 décembre 2023, après avoir consulté le dossier le 20 précédent, A______ s'est étonné de ne pas avoir reçu de copie de l’annonce d’une non-entrée en matière ni d’un avis de prochaine clôture de l'instruction, ce qui laissait planer un soupçon de partialité du Ministre public. Il demandait « des explications ».

Il a par la suite relancé à plusieurs reprises le Ministère public. Le 3 avril 2024, en particulier, il a affirmé que d'autres anciens collaborateurs de D______/E______ continuaient d’apparaître sur les sites internet « rabatteurs » de l’Étude.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public considère, d'emblée, qu'aucun agissement coupable ne pouvait être imputé à deux des avocats de l’Étude, dans la mesure où ils n'avaient exercé aucune fonction dirigeante ni n'avaient eu aucun pouvoir décisionnel au sein de D______/E______ pendant la période litigieuse.

Pour le surplus, les faits dénoncés ne réalisaient pas les éléments constitutifs d'une quelconque infraction. Le litige apparaissait manifestement et majoritairement, si ce n'était exclusivement, de nature prud'homale et civile, cet élément ne pouvant guère avoir échappé au plaignant, avocat de profession. Rien n'indiquait que les dirigeants de D______/E______ auraient fomenté de se soustraire à leurs obligations d'employeur ou auraient réalisé une contrainte pénale sur le plaignant en l'empêchant de facturer ses honoraires pour les dossiers énumérés dans un courriel du 23 décembre 2022 ; il n'appartenait pas à l’autorité pénale de se prononcer sur le bien-fondé des prétentions articulées. Concernant l'ordinateur portable, il ressortait des échanges de courriels entre les parties que C______ avait expliqué au plaignant qu'il suffisait de réinstaller un système d'exploitation, dès lors que la licence originelle appartenait à D______/E______ et qu'il n'avait pas été convenu de lui en céder l'usage. Il n'y avait donc pas place pour une quelconque infraction.

Pour ce qui était des violations alléguées de la loi contre la concurrence déloyale, le fait de maintenir, pendant une période limitée, trois photographies et deux profils d'avocats sur des sites annexes de l’Étude, alors qu'ils n'y exerçaient plus, n'était pas de nature à créer une confusion pour le public, dès lors qu'un simple appel au secrétariat de l’Étude en vue de rendez-vous suffisait à dissiper tout éventuel malentendu. Le plaignant ne pouvait faire valoir de droits propres en lien avec les mentions d'autres anciens collaborateurs sur des sites internet, ce qu'avait d'ailleurs également relevé la Commission du barreau.

Les réquisitions de preuve de A______ étaient rejetées, dans la mesure où elles ne visaient qu'à l'établissement de ses prétentions en rémunération, soit à résoudre le litige civil l'opposant à D______/E______ et ses administrateurs. Il n'y avait pas lieu d'ordonner d'audition ni de confrontation avec ceux-ci, qui avaient eu l'occasion de s'exprimer. Enfin, au sujet de l'infraction alléguée à la loi contre la concurrence déloyale ; le risque de confusion n'était pas réalisé, les actes sollicités étaient disproportionnés, en l’absence de préjudice.

D. Le 23 juin 2024, A______ a demandé au Procureur H______, chargé de la procédure, de se récuser. Cette procédure est traitée séparément (PS/1______/2024).

E. a. À l’appui de son recours, A______ reprend, sur cinquante-trois pages, l'argumentation de sa plainte et de ses déterminations du 25 octobre 2023 (sauf le libellé de la convocation en matière de baux et loyers) ; produit des pièces nouvelles (l’autorisation de procéder par-devant le Tribunal des prud’hommes et les conclusions qu’il y prend ; des échanges de messages avec une entreprise informatique) ; et reproche au Ministère public d'avoir apprécié les faits de façon inexacte et incomplète.

À bien le comprendre, le Ministère public n’aurait pas considéré, à tort, que la rétention de dossiers par D______/E______ était constitutive de contrainte, alors que l’Étude, d'une part, n'avait pas nié avoir refusé de lui transmettre les documents réclamés et, d'autre part, avait admis ne pas avoir le droit de se faire indemniser à sa place. Il invoque la jurisprudence parue in ATF 122 IV 322. Subsidiairement, il reproche au Ministère public de ne pas avoir analysé la situation sous l'angle de la gestion déloyale et renvoie à ses déterminations du 25 octobre 2023.

Toujours à bien le comprendre, le recourant reproche aussi au Ministère public d'avoir écarté le caractère astucieux des procédés utilisés par D______/E______ pour surseoir à la transmission de ses dossiers (alors que l'Étude lui avait fait parvenir des états de frais dans d'autres affaires) ; pour dissimuler les indemnités recouvrées auprès de ses clients privés ; et pour solliciter l’indemnisation d’activités jamais exécutées.

Le recourant semble reprocher aussi au Ministère public de ne pas avoir retenu d’infraction à la loi contre la concurrence déloyale, alors que D______/E______ admettait avoir utilisé son image et son nom sur le site internet de D______/F______ SA jusqu'au 12 octobre 2022 au moins.

Le recourant soutient que les administrateurs de D______/E______ se seraient rendus coupable d'accès indu à un système informatique (art. 143bis CP) et de détérioration de données (art. 144bis CP), dans la mesure où l'Étude aurait accédé à son ordinateur portable et effacé ses données privées à distance, sans avertissement.

Il invoque un conflit d'intérêts touchant l’avocate de l’un des associés de D______/E______, dans la mesure où celle-ci officierait simultanément en qualité de conseil de C______ (dans la présente procédure) et de conseil de la société (par-devant le Tribunal de prud'hommes et, antérieurement, par-devant la Commission du barreau).

Les deux dernières pages de son recours sont consacrées aux causes de récusation qu’il soulève contre le Procureur chargé de la cause (et qui sont celles exposées dans sa requête du 23 juin 2024).

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

c. Par messagerie sécurisée, A______ a saisi la Chambre de céans le 5 septembre 2024 d’une « requête en faits nouveaux », au motif que son nom et sa photo figuraient à cette date sur le site internet de D______/E______.

EN DROIT :

1.             Il n’y a pas à entrer en matière sur la requête en récusation, puisqu’un acte substantiellement identique a été déposé par-devant la Chambre de céans et sera traité séparément.

2.             Le recours, au sens strict, est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Le recourant n’a toutefois pas qualité pour invoquer les droits de la personnalité d’autres personnes que lui, puisqu’il n’en est pas titulaire et que les intéressés ne l’ont pas chargé de les représenter. Il n’y a donc pas à aborder ses allégués sur la présence des nom et photo de collaborateurs, selon lui anciens ou passés, qui seraient encore publiés à ce jour sur des sites internet rattachés à l’Étude.

3.             Il n’y a pas à entrer en matière sur la conclusion en interdiction de postuler, faute de décision préalable du Ministère public – et, qui plus est, faute de toute requête en ce sens avant que la procédure ne soit terminée –.

4.             Pour le même motif, il n’y a pas à aborder non plus la « requête en faits nouveaux » du 5 septembre 2024. En tant que la Commission du barreau a constaté, le 13 mars 2023, que le nom et l’image du recourant n’étaient plus publiés sur le site de l’Étude – ce que l’intéressé ne conteste pas –, leur présence quinze mois plus tard sur une page web en langue anglaise se présente comme une accusation nouvelle, qui n’a pas fait l’objet d’une décision préalable du Ministère public. En tout état, ces allégués devaient être soulevés pendant le délai de recours, et non après l’expiration de celui-ci, sauf à confondre délai légal et pouvoir d’examen de l’autorité de recours.

5.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière incomplète ou erronée, au sens de l’art. 393 al. 2 let. b CPP.

5.1.       Une constatation est inexacte lorsqu'elle est contredite par une pièce du dossier, respectivement si elle ne coïncide pas avec le résultat de l'administration des preuves (ACPR/750/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1. et la référence) ; elle est erronée si le iudex ad quem est empêché de déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 79 ad art. 393).

5.2.       Sous ce chapitre, le recourant se plaint qu’un certain nombre de faits à charge, qu’il énumère longuement, n’auraient pas été pris en considération dans l’ordonnance attaquée.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), l’éventuelle omission par le Ministère public de faits nécessaires à l’application de règles de droit (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 78 ad art. 393) – c’est-à-dire de faits pertinents – est réparée par l'état de fait de la présente décision.

Au surplus, l’une de ces omissions prétendues ne porterait, d’emblée, pas à conséquence.

En effet, si le recourant se plaint que le Ministère public ne se soit pas prononcé sur la responsabilité pénale de D______/F______ SA, force est de constater que le Ministère public n’a pas ignoré l’existence de photos du recourant sur le site internet de l’Étude (cf. p. 3, ch. 13, de l’ordonnance attaquée) et qu’il s’est prononcé sur l’absence de toute connotation pénale, y compris sous l’angle de la concurrence déloyale, aux photos et « profils » qui avaient subsisté pendant une période limitée sur d’autres sites internet liés à l’Étude (cf. p. 9, 5e §, de l’ordonnance attaquée) : cela ne pouvait que s’appliquer aussi à la situation du recourant envers la société précitée. Que D______/F______ SA n’ait pas été nommée à cette occasion est donc dénué de la moindre pertinence.

Pareille omission ne saurait bien évidemment pas s’assimiler, non plus, comme le recourant semble pourtant le croire, à un « classement implicite » de cette partie des faits (sur cette notion, ATF 138 IV 241 consid. 2.4) : aucune instruction n’a été ouverte et aucune poursuite n’a été engagée pour d’autres faits.

À supposer enfin (par souci d’exhaustivité) que le droit à une décision motivée ait été violé – ce qui n’est pas invoqué –, les explications qui précèdent montrent qu’un renvoi, sur ce point, au Ministère public serait un inutile détour procédural (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1245/2017 du 21 juin 2018 consid. 2.4.).

6.             Il doit en aller de même de l’infraction d’escroquerie, que la décision attaquée n’a pas traitée explicitement. En effet, le Ministère public a retenu sans équivoque que le litige était « majoritairement, si ce n’est exclusivement » de nature prud’homale et que les faits dénoncés ne réalisaient pas « les éléments constitutifs d’une quelconque infraction » (ordonnance attaquée, p. 9). Le recourant ne pouvait, ainsi, nourrir aucun doute sur le fait qu’une escroquerie n’était pas, ou pas non plus, retenue.

7.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir retenu l'infraction de contrainte, alors que le comportement adopté par les confrères qu’il vise l’aurait conduit à renoncer à se faire indemniser auprès de clients, d’autorités ou de l’Assistance juridique.

7.1.       Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. Selon cette disposition, les moyens de contrainte utilisés à l’endroit d’une personne doivent avoir obligé cette dernière à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte, et cela, contre sa volonté (ATF 101 IV 167 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 22 ad art. 181). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. On vise ici, non la simple mise en garde ou l’avertissement, mais une forme de pression psychologique qui peut, par exemple, consister en la perspective de porter atteinte à un bien particulier, comme la santé. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a ; 120 IV 17 consid. 2a/aa).

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est contraire au droit, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 ; 134 IV 216 consid. 4.1).

Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1 ; 129 IV 6 consid 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3). Un moyen de contrainte doit être taxé d'abusif ou de contraire aux mœurs lorsqu'il permet d'obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb; 106 IV 125 consid 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3).

7.2.       En l'espèce, le recourant était lié à l’Étude par des clauses contractuelles, qui stipulaient la façon dont sa rémunération était composée, calculée et payée. Son litige avec ses anciens employeurs porte sur la facturation de certains dossiers après la fin du contrat, dossiers qu’il prétend lui être propres (ou personnels) et dont l’Étude ne lui aurait rien transmis, notamment pas les timesheets.

On ne voit pas en quoi le refus que lui a opposé l’Étude à ce propos, dans un premier temps, puis le mutisme observé par la suite par celle-ci, constitueraient un moyen contraire au droit, disproportionné, abusif ou contraire aux mœurs. On n’y discerne pas même de pression, au sens de la loi. Les pièces produites montrent, non pas une volonté de l’Étude de contraindre le recourant à renoncer à des créances (au profit d’elle-même), mais, au contraire, d’examiner de concert avec lui quelle prestation d’avocat tombait sous quelle clause de rémunération. Le moins qu’on puisse constater, à la lecture des nombreux échanges versés au dossier, est un désaccord patent sur les conséquences pécuniaires de la fin du contrat, sans pour autant que la position adoptée par l’Étude (ou par ceux qui l’engagent) ne soit d’emblée assimilable à la recherche d’un avantage indu. À tout le moins, un paiement partiel semble avoir été effectué au recourant, qui ne le conteste pas ; qu’un solde reste dû, non versé, sur la part variable ne réalise pas encore un acte de contrainte.

Rien ne montre par ailleurs que le recourant aurait bel et bien renoncé à encaisser les honoraires qu’il estime lui être dus – ou que l’Étude aurait laissé passer des délais de recours qui l’auraient privé à coup sûr d’une rémunération plus substantielle –. Rien ne montre, non plus, qu’il serait démuni de moyens juridiques – non pénaux – pour obliger l’Étude à lui remettre les pièces utiles, avant d’engager lui-même les recouvrements nécessaires. Au demeurant, et de façon significative, le recourant a saisi le Tribunal des prud’hommes – comme l’illustrent les conclusions qu’il y a prises – d’une action pécuniaire à raison de créances dont il s’estime titulaire contre l’Étude, cumulée à une requête en production de pièces. Cette circonstance prouve, par parenthèse, qu’il ne s’est pas laissé « intimider » par l’attitude de ses anciens employeurs et qu’ainsi, une éventuelle contrainte pénalement qualifiée n’aurait revêtu que la forme d’une tentative (art. 22 al. 1 CP ; ATF 129 IV 262 consid. 2.7 ; 106 IV 125 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.1).

Le recourant invoque en vain une analogie avec la jurisprudence parue in ATF 122 IV 322 consid. 1b. Cet arrêt ne trouve pas d'écho ici, car le condamné pour contrainte (achevée) – mandataire non titulaire d’un brevet d’avocat – menaçait, sauf à être préalablement rémunéré, de ne pas remettre des pièces à son client, alors que celui-ci en avait un besoin urgent parce que des délais procéduraux couraient. En la présente espèce, le recourant n’a jamais été placé devant l’alternative de payer des honoraires ou de ne pas recevoir des pièces ou documents.

8.             Le recourant s’estime victime d’une escroquerie, à raison des mêmes circonstances que celles qu’il taxe de contrainte illicite.

Toute infraction à l’art. 146 CP présupposant une tromperie astucieuse (cf. récemment arrêt du Tribunal fédéral 7B_50/2022 du 27 juin 2024 consid. 3.4.2.), point n’est besoin d’épiloguer, car le recourant n’en tente pas la moindre démonstration en ce qui le concerne.

Quant à supputer que des clients, autorités ou services officiels eussent été trompés par l’Étude, le recourant n’a pas qualité pour s’en plaindre en leurs lieu et place. On ne verrait de toute façon pas en quoi le paiement d’honoraires pour des activités bien réelles d’avocat leur aurait causé un dommage, seule la personne du titulaire de la créance au sein de l’Étude étant – selon le recourant – litigieuse.

9.             Il en va de même de l’accusation de gestion déloyale, au sens de l’art. 158 CP.

Cette infraction suppose que l'auteur ait occupé une position de gérant envers le lésé (ATF 120 IV 190 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_139/2023 du 25 juin 2024 consid. 3.4.2.). Or, le recourant ne tente pas de démontrer que les avocats responsables de l’Étude, ses anciens employeurs, auraient été chargé de gérer ses intérêts pécuniaires ou de veiller sur leur gestion, et encore moins qu’ils eussent revêtu semblable qualité après qu’il fut devenu selon lui – qui pis est, sur une base orale – un avocat of counsel après la fin du contrat de travail.

L’invocation sur ce point de l’art. 419 CO (mémoire p. 45) surprend d’autant plus que cette disposition légale régit, précisément, la gestion d’affaires sans mandat, i.e. sans qu’un gérant n’eût été tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui, au sens du droit pénal. Même l’hypothèse d’une société simple, caressée par le recourant sans autre développement (mémoire p. 16), n’est pas mieux fondée sous cet angle.

10.         Le recourant s’estime victime de concurrence déloyale.

10.1.   L'art. 23 al. 1 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD ; RS 241) punit, sur plainte, quiconque se rend intentionnellement coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 4a, 5 ou 6.

10.2.   En l’occurrence, le recourant alléguait avoir constaté au mois d’octobre 2022 la présence indue de son nom et de sa photo sur le site internet de l’Étude. Il est par ailleurs constant qu’à la date de sa décision (13 mars 2023), la Commission du barreau a constaté (p. 7 consid. 5) que plus aucune photo ou mention du recourant n’y étaient publiés. Par conséquent, la plainte s’avère tardive sur ce point, et la non-entrée en matière s’imposait pour cette raison (ACPR/614/2024 du 20 août 2024 consid. 2.2. et la référence).

Par substitution de motif, la décision du Ministère public sur ce point est donc conforme au droit dans son résultat.

11.         Il n’y a pas à aborder longuement les accusations d'accès indu à un système informatique (art. 143bis CP) et de détérioration de données (art. 144bis CP).

Le délai de plainte paraît périmé (cf. art. 31 CP), ce qui constitue, comme on vient de le voir, un motif de ne pas entrer en matière. En effet, si le recourant, avocat de profession, exposait déjà dans un courriel du 26 avril 2022 (pièce n° 10 annexée à sa plainte pénale), puis dans la plainte pénale elle-même (ch. 17 et 32), que son ordinateur avait été rendu « inexploitable », il n’y voyait toutefois pas explicitement de qualification pénale.

Quoi qu’il en soit, l’on ne saurait retirer de ses échanges avec le fournisseur informatique (pièce 5 jointe au recours) que les données contenues dans l’appareil racheté à l’Étude auraient été supprimées à distance. Les explications reçues par le recourant, soit « l’assignation » de l’ordinateur à l’Étude et la nécessité subséquente de reformater l’appareil (créer un compte personnel, extraire les informations stockées, avant de réinitialiser l’ordinateur) ne sont nullement incompatibles avec les explications données par C______ au sujet de la licence de logiciel, que l’Étude avait conservée, mais non cédée au recourant.

Il n’y a pas là d’indice d’une intrusion illicite ou d’une mise hors d’usage de données. L’appréciation portée par le Ministère public est conforme au droit.

Que le recourant ait cru se porter acquéreur du contenu même de l’appareil, et non seulement de la machine, est sans pertinence.

12.         De ce qui précède, il résulte qu’il n’y a nulle raison d’ouvrir une (« nouvelle ») instruction.

13.         Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, et, comme tel, la Chambre pénale de céans pouvait le traiter d'emblée, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

14.         Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.-, au vu du travail généré par le nombre de griefs soulevés et de l’articulation confuse des faits, moyens et pièces (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de l’État, arrêtés à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges ; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/421/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

2'000.00