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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22557/2018

ACPR/555/2024 du 29.07.2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;NOTIFICATION DE LA DÉCISION
Normes : CP.90; CPP.396

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22557/2018 ACPR/555/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 29 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Sonia LANZILOTTO, avocate, route de Genève 19, 1291 Commugny,

recourant,

contre l'avis de recherche et d'arrestation rendu le 16 mai 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 10 juin 2024, A______ recourt contre l'avis de recherche et d'arrestation du 16 mai 2022, émis contre lui par le Ministère public et dont il aurait pris connaissance pour la première fois le 30 mai 2024.

Le recourant conclut au constat que ledit avis "ne remplit pas les conditions légales" et est disproportionné, ainsi qu'à sa révocation.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant français, est prévenu:

- d'escroquerie et abus de confiance pour avoir, en substance, conclu un contrat avec la société B______ (ci-après: B______ SA) en se présentant faussement comme un détective privé et s'être fait verser, à ce titre, CHF 500'000.- sans fournir la contreprestation attendue;

- d'usage abusif de permis et de plaques, pour n'avoir pas restitué, malgré une sommation de l'autorité, son permis de conduire faisant l'objet d'une décision de retrait (art. 97 al. 1 let. b LCR);

- violation grave des règles de la circulation, pour avoir circulé le 9 juillet 2019, au volant de sa voiture, à 95 km/h sur un tronçon limité à 60 km/h.

b.a. Lors de l'audience du 4 avril 2020 par-devant le Ministère public, A______, alors assisté d'un conseil, a expliqué vivre en Suisse (route 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE]) avec sa femme et leur fille et souffrir de problèmes de santé. Pour le surplus, il a affirmé que l'argent reçu de B______ SA avait servi à couvrir ses frais en lien avec son enquête.

b.b. À l'issue de cette audience, le Ministère public a sollicité la mise en détention provisoire de A______.

Par ordonnance du 5 avril 2020 (OTMC/1161/2020), le Tribunal des mesures de contrainte a rejeté cette demande, retenant certes un risque de fuite "concret" mais "ténu", compte tenu de la domiciliation en Suisse de A______.

c. A______ a plusieurs fois requis, certificats médicaux à l'appui, le report d'audiences prévues entre 2020 et 2021.

Le Ministère public en a néanmoins tenu une, le 26 octobre 2020, à laquelle le précité, absent et excusé, était représenté par son nouvel avocat, qui a expliqué que son client était hospitalisé pour une durée indéterminée et qu'il (l'avocat) avait des difficultés à prendre contact avec lui.

d. Le 1er mars 2022, A______ a écrit, seul, au Ministère public, pour s'excuser à l'audience prévue le 3 suivant et solliciter son report. En raison d'un événement "de dernière minute", il avait perdu de manière "irréversible" la confiance en son conseil. Par ailleurs, il avait déménagé en France (rue 2______ no. ______, [code postal] D______) pour des raisons de santé, son ancien domicile étant insalubre.

e.a. À teneur du procès-verbal de l'audience du 3 mars 2022, A______ a été considéré comme "absent, non excusé".

e.b. Le même jour, le Ministère public a convoqué le précité pour une audience le 16 mai suivant.

f. Le 10 mai 2022, A______ a écrit au Ministère public.

Prenant acte de sa "convocation pour le lundi 16 mai 2022 à 10h30", il maintenait "les termes de [s]on courrier" du 1er mars 2022. Pour le surplus, il plaidait sa cause sur trente-trois pages.

g. Le 16 mai 2022, le Ministère public a émis l'avis querellé.

h. Le 31 octobre 2022, A______ s'est plaint auprès du Ministère public de l'absence de réponse à sa lettre du 10 mai 2022.

i. Par lettres du 8 mars 2023, le Ministère public a:

- répondu au Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI), lequel sollicitait des informations sur la procédure pénale ouverte à l'encontre de A______, pour expliquer que l'intéressé ne s'était pas présenté à des audiences à quatre reprises et n'avait donc pas encore été entendu sur l'ensemble des faits reprochés.

- informé A______ que la procédure ouverte à son encontre poursuivait son cours, soulignant qu'il n'avait jamais étayé les "problèmes de santé" l'empêchant de se présenter aux dernières audiences. Le précité s'est également vu impartir un délai pour donner sa réelle adresse de domiciliation, dès lors qu'il semblait encore utiliser sa précédente adresse à C______ auprès des autorités administratives.

j. Le 16 suivant, A______ a contesté, par courrier au Ministère public, avoir manqué quatre audiences et a maintenu vivre à son adresse française.

k. Dans un courrier du 11 avril 2024 adressé au Ministère public, A______, qui résidait désormais à une nouvelle adresse en France, au E______, indiquait avoir appris, par le truchement du TAPI, qu'il avait été placé sous avis de recherche et d'arrestation, ce qui l'avait contraint à être placé sous "anxiolytiques à haut dosage, outre le traitement morphinique au plus haut dosage journalier" qu'il prenait déjà. Compte tenu de ce traitement médicamenteux, il était dans l'incapacité "physique et psychique" de comparaître et, de toute manière, son audition serait "nulle". Il souhaitait ainsi l'annulation de l'avis de recherche et d'arrestation le visant.

l. Le 3 mai 2024, A______, sous la plume d'un nouveau conseil, a précisé au Ministère public n'avoir jamais cherché à fuir la justice suisse. Ses graves problèmes de santé l'entravaient dans sa vie quotidienne et l'empêchaient de proposer des dates pour fixer une audience. Cela étant, il devait impérativement se rendre en Suisse pour consulter un médecin et obtenir une prescription de morphine. Il sollicitait à ce titre un sauf-conduit, l'annulation de l'avis de recherche et d'arrestation et la possibilité de consulter le dossier.

m. Le Ministère public a répondu qu'un sauf-conduit serait délivré sur présentation d'une attestation de rendez-vous médical.

n. Le 17 mai 2024, le conseil de A______ a réitéré sa demande de consultation du dossier, laquelle a été accordée et effectuée le 30 suivant.

o. Dans l'intervalle, soit le 21 mai 2024, le Ministère public a précisé qu'il n'entendait pas révoquer le mandat d'arrêt décerné contre A______, celui-ci ayant systématiquement refusé de comparaître aux audiences fixées alors qu'il était parfaitement en mesure de s'y présenter pour être entendu.

C. Par l'avis querellé, le Ministère public ordonne à la police de rechercher A______ et, une fois trouvé, de l'auditionner en qualité de prévenu sur l'ensemble des faits reprochés.

D. a. Dans son recours, A______ soutient avoir pris connaissance de l'avis querellé pour la première fois le 30 mai 2024, par l'intermédiaire de son précédent conseil, lors de sa consultation du dossier. La notification devait donc être considérée comme étant survenue à cette date.

Sur le fond, il n'existait pas de "forts soupçons" à son encontre et il ne présentait aucun risque de fuite, compte tenu de la présence de son épouse et de leur fille en Suisse. Un tel risque avait d'ailleurs été écarté par le Tribunal des mesures de contrainte. Seuls ses problèmes de santé l'avaient empêché de se rendre à certaines audiences, étant précisé qu'il avait toujours demandé leur ajournement.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours pour tardiveté.

c. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Il y a lieu d'examiner si le recours est tardif.

1.1. Selon l'art. 396 al. 1 CPP, le recours est formé dans les dix jours. Les délais fixés en jours commencent à courir le jour qui suit leur notification ou l'évènement qui les déclenche (art. 90 al. 1 CPP).

1.2. En principe, tant que l'acte n'a pas été notifié au destinataire, il est sans effet; les délais ne commencent pas à courir et on ne peut, par conséquent, pas reprocher à un justiciable d'avoir omis de respecter un délai (ATF 142 IV 201 consid. 2.4). Le délai de recours ne commence à courir qu'au moment où la partie a pu prendre connaissance de la décision, dans son dispositif et ses motifs (ATF 139 IV 228 consid. 1.3).

1.3. La partie concernée ne peut cependant pas retarder ce moment selon son bon plaisir; en vertu du principe de la bonne foi, elle est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, à défaut de quoi elle risque de se faire opposer l'irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et 2.5).

Contrevient ainsi aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années (ATF 107 Ia 72 consid. 4a) ou celui qui attend passivement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_15/2016 du 1er septembre 2016 consid. 2.2). Aucun délai n'est fixé en jours pour entreprendre des démarches, la notion de délai raisonnable dépendant des circonstances de chaque cas d'espèce (arrêt 1C_15/2016 précité, consid. 2.3).

1.4. En l'espèce, compte tenu de sa nature, l'avis de recherche et d'arrestation litigieux n'a pas été notifié.

Il devrait donc être considéré que l'intéressé a pleinement pris connaissance de l'acte en question avec sa consultation du dossier, par l'intermédiaire de son conseil d'alors, le 30 mai 2024.

Toutefois, la teneur du courrier du recourant du 11 avril 2024 fait ressortir qu'il se savait sous le coup d'un avis de recherche et d'arrestation, dont il demandait d'ores et déjà l'annulation.

Son recours, formé deux mois plus tard, apparaît dès lors tardif et, partant, irrecevable.

2.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22557/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00