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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24951/2021

ACPR/518/2024 du 17.07.2024 sur OMP/5634/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL);REJET DE LA DEMANDE
Normes : CPP.263; CPP.267

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24951/2021 ACPR/518/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 17 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

C______ SÀRL, représentée par Me Alain MISEREZ, avocat, FRAvocats, avenue de Frontenex 6, 1207 Genève,

recourants,

contre l'ordonnance de refus de levée de séquestre rendue le 15 mars 2024 par le Ministère public,

et

D______, représentée par Me François MICHELI, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 28 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 mars 2024, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de lever les séquestres ordonnés le 8 mai 2023 auprès [des banques] E______ et F______, et le 12 juin 2023 auprès de G______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la levée, complète ou partielle, des trois séquestres susmentionnés.

b. Par acte déposé le 28 mars 2024, C______ Sàrl (ci-après, C______) recourt contre l'ordonnance précitée, notifiée à la même date.

Elle conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et, principalement, à la levée du séquestre opéré sur le compte dont elle est titulaire, et H______ ayant droit économique, auprès de G______ ; subsidiairement, à la levée partielle, pour permettre le paiement de ses factures, représentant un total de CHF 67'984.35.

La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.I______ SA (ci-après, I______), en liquidation est une société genevoise dont le but était, notamment, l'exécution de tous travaux de maçonnerie en gros œuvre. A______ en était le directeur, avec signature individuelle, jusqu'au 16 mars 2023, date à laquelle ses pouvoirs ont été radiés. La société a été dissoute par la faillite prononcée le 17 août 2023.

b.J______ Sàrl (ci-après, J______) est une société genevoise active dans les domaines du bâtiment, dont A______ était associé gérant, notamment avec H______ – sa compagne –, avec signature individuelle. La société a été déclarée en faillite par jugement du 26 août 2020 et sa clôture, faute d'actifs, prononcée le ______ 2022.

c. Inscrite le ______ mars 2023 au Registre du commerce genevois, C______ – au capital social de CHF 20'000.- entièrement libéré – a pour but l'exploitation d'une entreprise de ferraillage. À teneur du registre du commerce, au départ, l'associée gérante unique était H______. Le 19 juin 2023, ses pouvoirs ont été radiés et les parts de la société cédées à A______, qui en est devenu l'associé gérant unique.

d.A______ est prévenu d'escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), gestion déloyale (art.158 CP), gestion fautive (art. 165 CP), violation de la LCaS-COVID-19 et de l'art. 117 LEI.

Les charges lui ont successivement été notifiées les 18 octobre 2022, 21 mars 2023, 8 mai 2023 et 1er février 2024.

Il lui est reproché, d'avoir, à Genève :

-          entre les 14 et 21 janvier 2019, vidé J______ de sa substance en retirant la quasi-totalité du capital-actions libéré et ainsi causé le surendettement de cette dernière (art. 158 et 165 CP);

-          le 3 avril 2020, en sa qualité d'associé gérant de la société J______, signé une convention de crédit COVID-19 en déclarant un chiffre d'affaires contraire à la réalité de CHF 406'230.- et obtenu de la sorte un montant de CHF 40'623.- de la [banque] K______, les fonds ainsi obtenus ayant été affectés à d'autres fins que celles autorisées et convenues;

-          de février 2021 au 16 mars 2023, en sa qualité de directeur de I______, avec signature individuelle, alors qu'il était chargé de sa gestion, porté atteinte aux intérêts pécuniaires de la société, en violation de ses devoirs, soit en s'octroyant des montants non justifiés par une contre-prestation adéquate ou en versant des montants non justifiés à des tiers, causé un dommage financier important, s'élevant à plusieurs centaines de milliers de francs;

-          depuis mars 2023, en sa qualité de directeur avec signature individuelle et administrateur de fait de I______ en liquidation, vidé la société de sa substance et causé son surendettement;

-          depuis mars 2023 en sa qualité d'administrateur de fait, puis d'associé gérant de C______, employé plusieurs personnes alors qu'elles ne disposaient pas des autorisations nécessaires pour exercer une activité lucrative en Suisse, ce qu'il n'ignorait pas;

-          sollicité, de concert avec L______, alors qu'il était employé de I______ en liquidation, des prestations auprès des assureurs sociaux et obtenu ainsi des prestations auxquelles il n'avait pas droit, en indiquant de surcroît des salaires d'un montant supérieur à la réalité.

e.D______ [organisme de cautionnement] a déposé plainte pour les fonds détournés en lien avec la convention de prêt Covid.

f. Le Ministère public a ordonné trois séquestres :

- le 8 mai 2023, sur les relations dont A______ (1______) et H______ (2______) sont titulaires et ayants droit économiques auprès de F______, dont le solde au 22 février 2024 était, respectivement, de CHF 34.93 et CHF 378.65;

- le 8 mai 2023, sur la relation 3______ dont I______ est titulaire et ayant droit économique auprès de E______, et dont le solde au 22 février 2024 était de CHF 20'558.51;

- le 2 juin 2023, sur la relation 4______ dont C______ est titulaire – et H______ déclarée ayant droit économique –, auprès de G______, et dont le solde au 22 février 2024 était de CHF 59'459.62.

Les ordonnances, fondées sur l'art. 263 CPP, ne mentionnent pas les motifs du séquestre.

g. Le 15 juin 2023, par suite du blocage de son compte bancaire, C______ a requis du Ministère public qu'il lui expose les raisons du séquestre.

h. Le Ministère public a répondu, le 22 juin suivant, que le séquestre de son compte faisait suite à l'ouverture d'une procédure contre A______ pour gestion déloyale en lien avec I______. À ce stade de l'enquête, on ne pouvait exclure que les valeurs se trouvant sur son compte à elle fussent le produit d'infractions et, dès lors, potentiellement soumises à confiscation ou restitution aux éventuels lésés. Elle était invitée à produire divers documents (contrats de travail des employés, justificatifs d'annonces à la commission paritaire et auprès de la caisse de compensation AVS, copie de leurs pièces d'identité).

i. Le 23 juin 2023, C______ a produit les pièces requises. Elle a par ailleurs présenté des factures (cotisations d'assurance et honoraires de son avocat) en priant le Ministère public d'autoriser leur paiement par la levée partielle du séquestre.

j. Le 17 juillet 2023, C______ a relancé le Ministère public et requis la levée du séquestre pour autoriser le paiement des salaires de juin 2023.

k. Le Ministère public a, par lettre du 28 juillet 2023, refusé de lever partiellement le séquestre en vue du paiement des factures. Selon l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), tous les employés de C______, à l'exception de A______ et d'un autre, étaient en situation irrégulière sur le territoire suisse. En outre, les montants indiqués auprès des différentes institutions sociales et dans les contrats ne coïncidaient pas.

l. Le 10 novembre 2023, C______ a informé le Ministère public qu'elle devait désormais plus de CHF 64'000.- à diverses institutions (assurance maladie collective, impôts à la source, cotisations des personnes assurées soumises à la CCT, primes d'assurance accident). En outre, les salaires de mai à octobre 2023 n'avaient pas été payés. Elle a, derechef, requis la libération du séquestre pour payer les factures en souffrance. Elle s'est par ailleurs expliquée sur les différences relevées par le Ministère public dans les documents produits, et a précisé que tous les paiements reçus par elle provenaient de clients.

m. Le 15 février 2024, A______ a requis la levée immédiate des trois séquestres opérés, subsidiairement à la levée partielle pour le paiement de factures urgentes d'un total de CHF 18'555.45 (arriérés de loyer, décompte d'assurance, cotisations salariales de J______, factures M______ [entreprise de télécommunications]). Il a par ailleurs produit plusieurs factures impayées par C______, pour CHF 51'025.-.

n. Invité par le Ministère public à se déterminer sur cette requête, D______ s'y est opposé, le 28 février 2024, car ni J______ ni A______ n'avaient remboursé le crédit COVID-19, que ce dernier avait pourtant reconnu devoir, soit CHF 40'623.- avec intérêts à 5% dès le 3 août 2021.

o. Le 5 mars 2024, C______ a requis la levée du séquestre sur son compte, exposant que le blocage de ses avoirs la plaçait dans une position critique.

p. Par courriel du 13 mars 2024 adressé à A______ dans le cadre de la demande de renouvellement d'autorisation de séjour déposée par ce dernier – pour lui et sa famille –, l'OCPM l'a invité à fournir un plan de remboursement pour la totalité de ses poursuites (CHF 47'593.65), auprès d'un organisme agréé. Dans l'intervalle, la demande de renouvellement était suspendue.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que l'instruction devait encore porter sur le montant des prestations accordées à tort par les assureurs sociaux. Le dommage présumé, respectivement les montants perçus indument en lien avec les infractions reprochées au prévenu, s'élevait à tout le moins à CHF 40'623.- avec intérêts à 5% dès le 3 août 2021. Par ailleurs, l'office des poursuites avait sollicité de E______ le versement de CHF 7'500.- au titre d'une saisie de I______. L'Office des faillites réclamait quant à lui le paiement du solde du capital-actions non libéré de I______, soit CHF 50'000.-.

Selon A______, l'activité de C______ perdurait, mais à teneur des relevés de G______, il n'y avait plus d'entrées sur ledit compte depuis le 6 juillet 2023. Par ailleurs, dans la mesure où le prévenu alléguait travailler – sous réserve du nouvel accident survenu en novembre 2023 –, et bénéficier d'une rémunération, comme l'attestaient les fiches de salaire produites, il devait percevoir son salaire en espèces ou sur une autre relation bancaire que celle séquestrée. Il semblait d'ailleurs, à teneur de la documentation de SUVA, être au bénéfice d'un autre compte auprès de N______. Au demeurant, il ne démontrait pas être dans une situation précaire. Qu'il ne puisse s'acquitter de certaines factures n'était pas déterminant. Au vu des charges suffisantes, lesquelles ne cessaient de s'alourdir au cours de l'instruction, le prononcé d'une confiscation, voire d'une créance compensatrice, ne pouvait être exclu. Le maintien des séquestres ordonnés se justifiait donc.

D. a. À l'appui de son recours, A______ relève que les poursuites pour dette dont il faisait l'objet – et que l'OCPM avait listées dans son courriel –, étaient postérieure aux séquestres ordonnés par le Ministère public, ce qui prouvait le lien de causalité entre la mesure et son endettement (à lui).

Lorsqu'il avait été entendu sur les charges liées au prêt Covid, il avait précisé que son comptable de l'époque l'avait conseillé et avait établi la demande de prêt, lequel avait été utilisé pour payer les factures et salaires de J______. Or, le comptable n'avait jamais été entendu par le Ministère public. Lui-même était prêt à rembourser le montant. Les comptes "détenus" par I______ et C______ constituaient sa source de revenu, puisqu'il était employé de ces sociétés. L'étendue du séquestre n'était pas en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie, puisque les valeurs patrimoniales séquestrées représentaient le double des prétentions du D______. Le principe de la proportionnalité était ainsi violé. Les valeurs séquestrées n'étaient pas non plus en lien avec J______, débitrice du prêt Covid litigieux. Depuis les séquestres, la liste des poursuites dirigées contre lui et son épouse s'allongeait, ce qui portait atteinte à son "foyer familial".

Au surplus, l'art. 71 CP était violé. Le séquestre, portant sur la totalité de ses revenus et ceux de son épouse, était assimilable à une saisie sur salaire, ce qui était inacceptable. Le Ministère public n'avait pas tenu compte de son minimum vital.

b.D______ conclut au rejet du recours. Les soupçons pesant sur le prévenu justifiaient le maintien sous séquestre de ses prétentions à elle, quand bien même les valeurs saisies ne seraient pas liées à J______. Dans la mesure où les séquestres tendaient à garantir une éventuelle créance compensatrice, et ne portaient pas sur l'ensemble des biens du prévenu, la condition du minimum vital n'était pas applicable.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant n'était pas seulement prévenu d'utilisation indue du prêt Covid, mais également de gestion déloyale et gestion fautive "dans le cadre" de J______ et de I______, ainsi que d'escroquerie au préjudice des assureurs sociaux. Le montant présumé du dommage ne s'arrêtait pas au prêt Covid et il avait procédé au blocage des avoirs à la suite de la découverte de nouvelles charges. Au vu du nombre de sinistres annoncés par le prévenu et sa compagne, SUVA avait soumis les annonces de sinistres à son médecin conseil, dont les conclusions étaient attendues. A______ avait manifestement travaillé alors qu'il était au bénéfice de prestations de cette caisse, ce que le précité avait partiellement admis. Le séquestre n'était pas disproportionné, puisque le recourant disposait d'un compte auprès de N______, ouvert après les séquestres, lequel était alimenté à tout le moins par les allocations familiales. Au surplus, il ne voyait pas comment le prévenu pouvait à la fois proposer de rembourser le prêt Covid et soutenir qu'il n'était pas en mesure de survivre en raison de ses dettes.

d. Le recourant n'a pas répliqué.

E. a. Dans son recours, C______ relève que le Ministère public semblait uniquement reprocher à A______ d'avoir en sa qualité de gérant (de C______), violé l'art. 117 LEI. Ainsi, la somme de CHF 40'623.- qu'il était reproché au précité d'avoir indument perçue n'avait rien à voir avec elle, et le Ministère public n'avait d'ailleurs pas "calculé le produit présumé" de l'infraction visée par l'art. 117 LEI, en violation de l'art. 263 al. 1 let. e CPP. Si le séquestre visait une infraction commise par A______ à titre individuel, ou en sa qualité de gérant de J______, rien ne justifiait le blocage complet de sa relation à elle auprès de G______. En outre, la durée du séquestre s'éternisait sans motifs suffisants.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), respectivement du tiers touché par un acte de la procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP), qui ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Interjetés contre la même décision et ayant dès lors trait au même complexe de faits, les deux recours seront joints et traités dans un seul et même arrêt.

3.             Les recourants reprochent au Ministère public d'avoir refusé de lever les trois séquestres.

3.1. Selon l'art. 263 al. 1 CPP, le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a; séquestre probatoire), pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b; séquestre en couverture de frais), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d) ou utilisés en vue d'une créance compensatrice selon l'art. 71 CP (let. e, en vigueur depuis le 1er janvier 2024; séquestre conservatoire).

Jusqu'au 1er janvier 2024, le CPP ne comprenait pas de dispositions sur le séquestre de valeurs patrimoniales en vue de l’exécution d’une créance compensatrice, ce qui était toutefois réglé à l’art. 71 al. 3 CP, lequel n’avait pas été intégré dans le CPP. Pour plus de clarté, cette disposition du CP a été abrogée et son contenu introduit à l’art. 263 al. 1 let. e CPP (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du code de procédure pénale (mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale »; FF 2019 6351 p. 6406).

3.2. Dans le cadre de l'examen d'un séquestre, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuves, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP).

L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 2.1). L'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle. Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction
(ATF 122 IV 91 consid. 4; arrêts 1B_356/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1; 1B_269/2018 du 26 septembre 2018 consid. 4.1).

3.3. À teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal a l'obligation de lever la mesure et de restituer les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. Le séquestre ne peut être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1).

3.4. En cas de séquestre en couverture des frais de procédure, des indemnités à verser, des peines pécuniaires et amendes, l'autorité pénale tient compte du revenu et de la fortune du prévenu et de sa famille (art. 268 al. 1 let. a et b. et al. 2 CPP) et les valeurs patrimoniales insaisissables selon les art. 92 à 94 LP sont exclues de la mesure (art. 268 al. 3 CPP).

3.5. En l'espèce, le prévenu demande la levée des trois séquestres ordonnés les 8 mai et 2 juin 2023 auprès [des banques] E______, F______ et G______.

Si tant est que le recourant puisse encore représenter I______, force est de constater qu'il lui est précisément reproché d'avoir atteint, par ses actes, aux intérêts pécuniaires de cette dernière, de sorte qu'on ne voit pas à quel titre il pourrait revendiquer les avoirs bloqués sur le compte de celle-ci (auprès de E______), pour ses propres besoins. Quant aux avoirs saisis de C______ (auprès de G______), ils ne lui appartiennent pas. D'ailleurs, la société demande par elle-même, de manière indépendante, la levée du séquestre frappant son compte, et il y sera répondu ci-après (consid. 3.6. infra). Que le recourant ait été, ou soit encore, employé de I______ et C______, ne change rien à cette conclusion.

Le recourant n'est ainsi titulaire que du compte ouvert en les livres de F______, dont le séquestre a porté sur une trentaine de francs. Au vu des infractions dont il est prévenu, et de la somme qu'il reconnaît devoir au D______, le maintien de ce séquestre ne viole ni la loi ni le principe de la proportionnalité. Que le comptable de J______ n'ait pas (encore) été entendu n'y change rien. Au demeurant, il résulte des pièces au dossier (documents SUVA), que le recourant disposerait d'une relation bancaire auprès de N______, ce qui démontre qu'il n'apporte pas tous les éléments permettant d'établir sa situation financière. Il ne saurait en outre prétendre que le séquestre s'apparenterait à une saisie sur salaire, puisqu'il perçoit apparemment celui-ci, ou des prestations compensatoires, sur un autre compte. Au surplus, le séquestre n'ayant pas été ordonné en couverture des frais de la procédure (art. 268 CPP), le Ministère public n'avait pas à procéder au calcul préalable du minimum vital du recourant.

Le recours du prévenu sera dès lors rejeté.

3.6. La recourante demande la levée intégrale du séquestre ordonné sur son compte, au motif que les fonds n'auraient aucun lien avec les faits reprochés au prévenu.

Les faits de gestion déloyale reprochés au prévenu au préjudice de I______ (octroi de montants non justifiés par une contre-prestation adéquate ou versements de sommes justifiées à des tiers) concernent la période de février 2021 au 16 mars 2023. Il est ensuite reproché au prévenu, depuis mars 2023, d'avoir vidé I______ de sa substance et causé son surendettement.

Or, c'est le ______ mars 2023 que C______ a été enregistrée au Registre du commerce genevois et la compagne du prévenu en a été la première associée gérante unique. Le 19 juin 2023, les parts de la société ont été cédées au prévenu, qui en est devenu l'associé gérant unique. Ainsi, la création de la société et sa cession au prévenu sont intervenues durant la période pénale susmentionnée. C'est donc à bon droit que le Ministère public considère que les valeurs saisies sur le compte de cette société pourraient être le produit des infractions reprochées au prévenu, au préjudice de I______. Elles pourraient par conséquent être soumises à confiscation ou à la restitution à la lésée. Si le lien direct ne devait pas être confirmé, une créance compensatrice ne paraît pas non plus exclue.

La recourante demande, subsidiairement, la levée partielle du séquestre, pour le paiement de diverses factures, car le blocage de ses avoirs nuirait à son activité. Il ressort toutefois de la décision querellée que, depuis le 6 juillet 2023 – soit deux mois après le séquestre –, son compte G______, sur lequel ses avoirs ont été saisis, n'a plus reçu d'entrées, alors qu'elle allègue continuer son activité économique. La recourante ne commente ni ne conteste cette affirmation. On en déduit donc qu'elle utilise, depuis la date susmentionnée, une autre relation bancaire, dont elle s'est bien gardée de produire les relevés. Le préjudice allégué n'est dès lors pas rendu vraisemblable.

Le séquestre demeure ainsi justifié, ce que la Chambre de céans pouvait constater sans change d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, qui seront fixés, en totalité, à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), correspondant à CHF 1'000.- pour la recourante et CHF 500.- pour le recourant (pour tenir compte de la situation financière alléguée).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Met à la charge des recourants, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'500.-, soit CHF 1'000.- pour C______ Sàrl et CHF 500.- pour A______.

Dit que le montant dû par C______ Sàrl (CHF 1'000.-) sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs avocats respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24951/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'405.00

Total

CHF

1'500.00