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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19254/2023

ACPR/494/2024 du 03.07.2024 sur ONMMP/950/2024 ( MP ) , REJETE

Normes : CP.303; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19254/2023 ACPR/494/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Romain CANONICA, avocat, CANONICA VALTICOS & ASSOCIES SA, rue Pierre-Fatio 15, case postale, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 février 2024, notifiée le 1er mars suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance susmentionnée et à l'ouverture d'une instruction contre la précitée.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et C______ (ci-après, l'épouse) sont les parents de D______, né le ______ 2018, E______, né le ______ 2019, et F______, née le ______ 2023.

De décembre 2022 au 28 juillet 2023, ils ont employé B______, née en 1970, pour s'occuper des enfants. Ils l'ont licenciée, à la date précitée.

b. Le 25 août 2023, le Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) a requis – et obtenu – du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE), sur mesures super-provisionnelles, le retrait du droit de garde des trois enfants à leurs parents, et leur placement, en raison de soupçons de maltraitance.

c. Le même jour, le SPMi a dénoncé les faits, par téléphone, à la police, qui a immédiatement ouvert une enquête (cf. let. f, g et h, infra).

d. Il ressort de la dénonciation écrite adressée ultérieurement par le SPMi à la police, le 28 août 2023, que, le 8 juin 2023, la directrice de l'école [privée] G______ où étaient scolarisés les enfants (ci-après, l'école), avait fait parvenir un signalement pour des faits de maltraitance de la part de la mère. Le lendemain, les parents avaient été contactés et ces derniers avaient accepté un appui éducatif du SPMi. Lors d'un entretien, le 27 juillet 2023, avec les parents, ces derniers avaient reconnu avoir des difficultés avec l'aîné, dont le comportement pouvait les "mettre en échec" au point que la mère utilisait, par exemple, la fessée de "manière isolée", quand elle n'en pouvait plus. Le cadet répétait les comportements de son frère, ce qui fragilisait l'équilibre familial. Les parents avaient accepté que le SPMi mette en place une Action éducative en milieu ouvert (AEMO) afin de les soutenir, particulièrement l'épouse qui se sentait démunie.

Le 23 août 2023, le SPMi avait été à nouveau contacté par la directrice de l'école, les informant que l'ancienne nounou, B______ – laquelle avait été licenciée le 28 juillet 2023 –, était venue signaler des faits de maltraitance répétés et quotidiens de la part de la mère sur D______ et E______. Lors de son entretien du lendemain avec le SPMi, B______ avait exposé avoir observé des violences depuis son arrivée, huit mois plus tôt. En mars 2023, alors que D______ avait détaché un papier d'une Piñata, la mère de l'enfant s'était emportée, avait tiré D______ par l'oreille, l'avait jeté au sol et lui avait crié qu'elle en avait marre de lui. Entre les 24 et 28 [recte : 26 et 27] juillet 2023, pour une raison indéterminée, la mère avait soulevé D______ par le cou ; la nounou s'était interposée pour secourir l'enfant. Selon la nounou, les violences étaient quotidiennes et constituaient la seule réponse éducative de la mère, qui criait tout de suite. Les enfants n'avaient aucune possibilité de s'exprimer, et avaient peur de leur mère. Le père, qui confirmait ces inquiétudes, n'était pas protecteur ; à cet égard, la nounou avait produit un échange de SMS avec le père. Les parents se disputaient régulièrement, en présence des enfants, qui étaient habitués à entendre crier et à voir de la violence. Le bébé [F______] risquait également de subir des violences, dès qu'il commencerait à dépasser les limites que la mère pourrait supporter.

En conclusion, le SPMi estimait que ces nouveaux éléments généraient de grandes inquiétudes pour la sécurité physique et psychologique des mineurs.

e. Selon un compte rendu écrit, intitulé "Complément de signalement", sans précision de l'auteur, la personne chargée des activités extra-scolaires de l'école avait été abordée le 23 août 2023 par B______ qui lui avait dit, en espagnol, qu'un "grave problème" avait eu lieu durant l'été [soit entre le 26 et 27 juillet], au cours duquel l'épouse avait "presque tué" D______ ("sum mama casi lo mato").

f. Entendu le 25 août 2023 en audition EVIG, D______ a principalement répondu "je ne sais plus" ou "je ne sais pas" aux questions posées.

g. Entendue également le 25 août 2023 par la police, B______ a, en substance, confirmé les faits relatés au SPMi tels que résumés ci-dessus. Régulièrement, la mère criait sur ses enfants, leur tirait les cheveux et les oreilles, et les giflait. Il arrivait que le père assistât à certaines scènes. Lui-même traitait bien les enfants, leur donnant beaucoup d'attention le week-end. Elle a montré aux policiers un échange de messages avec le père des enfants, du 2 mars 2023, à teneur desquels le précité s'excusait d'une scène survenue le matin entre son épouse et les enfants, estimait qu'il ne fallait pas avoir recours à la violence, précisait qu'il le répétait depuis longtemps à son épouse, et ajoutait que ce que la nounou avait vu ce matin-là n'était rien comparé à ce que lui-même avait vu dans le passé ("Creo que a los niños hay que regañarles, castigarlos, etc. pero nunca utilizar volencia contra ellos. Llevo diciéndole esto muchos años, […]. Lo que has visto hoy no es nada con cosas que he tenido que ver yo en el pasado"). La nounou a répondu que, sauf changement de la mère, les enfants allaient être traumatisés par les cris et que la situation allait s'aggraver.

Elle a encore relaté que, le 26 ou 27 juillet 2023, la mère avait mis ses mains ouvertes entre le cou et les oreilles de D______, et allait le soulever, en lui disant "j'en ai marre de toi, je vais te tuer". L'enfant l'ayant appelée à l'aide, elle s'était rendue auprès de lui. À son arrivée, la mère avait ses mains sur le cou de l'enfant, "comme pour l'étrangler".

h. Entendue le 29 août 2023 par la police, en qualité de prévenue pour avoir frappé ses fils, menacé de les tuer et soulevé D______ par le cou le 26 ou 27 juillet 2023, C______ a contesté ces accusations. Sa relation avec son fils aîné méritait certes d'être améliorée, mais cela restait une relation d'amour. Elle devait apprendre à être plus calme et patiente, et ne plus crier. Elle n'avait toutefois jamais giflé ses fils, ni ne leur avait tiré les cheveux ou les oreilles. Elle s'était effectivement emportée "de manière inacceptable" pour la Piñata, mais jamais elle n'avait menacé ses enfants, ni n'avait saisi aucun de ses fils par le cou. Fin juin 2023, elle et son mari avaient informé la nounou qu'elle ne travaillerait bientôt plus pour eux, car elle-même allait débuter son congé maternité et qu'ils allaient partir en vacances. Ils ne lui avaient pas fait part de leurs critiques sur son travail, pour ne pas la vexer.

i. A______ a été entendu le même jour, en qualité de prévenu pour avoir assisté, sans les dénoncer, à de nombreux faits de maltraitance de la part de son épouse contre ses enfants D______ et E______, et d'avoir violé son devoir d'assistance et d'éducation, en mettant en danger leur développement. Il a contesté les reproches, expliquant qu'il n'y avait pas de maltraitance de la part de son épouse, qui devait seulement modifier son comportement, tant à l'égard de ses enfants que de lui-même et leur entourage. Elle s'emportait trop rapidement et son seuil de tolérance était trop bas. Il était rare qu'elle donne la fessée. Il pensait que la nounou avait influencé D______, qui était un enfant compliqué. Il avait été témoin de fessées et rien d'autre. À la question de savoir s'il avait été présent lors de l'épisode où son épouse avait soulevé D______ en le tenant par le cou, il a répondu que la nounou avait inventé cet épisode. La date qu'elle mentionnait était précisément celle où elle avait été licenciée.

j. Par ordonnance du 17 octobre 2023, le TPAE a restitué aux parents, avec effet immédiat, la garde des enfants et donné acte aux parties de la mise en place de suivis thérapeutiques.

k. Le 23 novembre 2023, A______ et son épouse ont déposé plainte contre B______ pour dénonciation calomnieuse, subsidiairement calomnie, voire diffamation.

En substance, les époux reprochaient à la nounou d'avoir porté sur eux, auprès de tiers, des accusations extrêmement graves et fallacieuses, qui avaient eu des conséquences considérables. La précitée avait, notamment, déclaré à la directrice de l'école et au SPMi, que l'épouse aurait "presque tué" D______, faisait sortir les enfants du lit en leur tirant les oreilles ou provoquait leur chute, et leur retirait leur repas de midi. L'intégralité des faits dénoncés avait ensuite été transmise au TPAE et B______ s'était également adressée à la police pour dénoncer de prétendus actes de maltraitance. Tels que décrits, les faits dénoncés correspondaient à tout le moins aux infractions de voies de fait (art. 126 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), soit des actes réprimés par les conceptions morales généralement admises. L'enquête avait toutefois conclu que les accusations étaient manifestement infondées, et le TPAE leur avait restitué la garde des enfants, ce qui n'aurait pas été le cas si un danger avait été constaté. Or, B______ savait que ses propos étaient faux et disproportionnés. Les actes dénoncés avaient "impacté [leur] propre considération morale en tant que parents". De plus, les déclarations de la précitée s'inscrivaient dans un contexte litigieux, après la résiliation du contrat de travail. Pour justifier leur innocence, ils avaient dû requérir divers témoignages de leur entourage [attestations écrites jointes à la plainte], ce qui avait inéluctablement impacté leur image ainsi que leur sentiment d'être des parents dignes et à la hauteur.

Ils ont produit, à l'appui de leur plainte, de nombreuses attestations de personnes confirmant qu'ils étaient de bon parents, ainsi que le dispositif de l'ordonnance du TPAE leur restituant la garde des enfants et des constats/attestations médicaux.

l. Contactée téléphoniquement par la police, B______ a déclaré résider désormais en Espagne. Elle ne souhaitait pas revenir en Suisse pour l'instant. Elle a maintenu ses déclarations, ajoutant qu'elle avait fourni toutes les preuves nécessaires. Elle a réfuté avoir tenu des propos calomnieux ou diffamatoires.

m. Par ordonnances de non-entrée en matière du 28 février 2024, le Ministère public a retenu que les faits reprochés (art. 219 CP) à A______ et son épouse n'étaient corroborés par aucun élément objectif figurant au dossier permettant de fonder une prévention suffisante. Au contraire, ils étaient plutôt infirmés par les pièces produites.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu qu'il n'apparaissait pas que B______ aurait sciemment dénoncé le plaignant, tout en le sachant innocent, en vue de faire ouvrir contre lui une poursuite pénale.

D'une part, il ressortait du dossier et des propres déclarations du plaignant, et de son épouse, que, sans relever du pénal, leur parentage n'avait pas toujours été adéquat, tel qu'en témoignait le comportement parfois colérique et mal maîtrisé de son épouse, ainsi que, surtout, le signalement de l'école du 8 juin 2023 et les évènements qui avaient suivi. D'autre part, B______ s'était adressée en premier à la directrice de l'école, laquelle l'avait réorientée vers le SPMi, auquel elle s'était finalement adressée. En définitive, et en dépit du litige qui semblait les opposer à elle, B______ n'avait pas cherché à lui nuire mais à agir, de bonne foi, dans l'intérêt des enfants.

Au surplus, la mise en cause ayant déménagé en Espagne, seul l'envoi d'une demande d'entraide internationale à cet État permettrait éventuellement de faire avancer les investigations. Or, au vu des intérêts en jeu, un tel acte serait disproportionné.

D. a. Dans son recours, A______ reprend longuement les déclarations de B______ auprès des différentes autorités et expose que lui-même et son épouse avaient extrêmement souffert de la séparation avec leurs enfants. Il se réfère aux attestations médicales produites, lesquelles démontraient que la relation entretenue par son épouse avec leurs enfants était normale. Le préjudice subi par sa famille était considérable et irréparable. Il était directement touché par l'ordonnance querellée et avait un intérêt juridiquement protégé à son annulation, puisqu'elle excluait, à tort, la commission d'infractions par la mise en cause contre lui.

Le recourant invoque, en premier lieu, une constatation erronée des faits. Le Ministère public avait retenu à tort que B______ n'aurait pas cherché à lui nuire, mais aurait agi de bonne foi dans l'intérêt des enfants. L'autorité précédente ne s'était pas attardée sur les nombreuses attestations produites, qui démontraient leurs bonnes capacités parentales et, par conséquent, le caractère mensonger des propos tenus par la mise en cause. Cette dernière avait proféré des accusations très graves contre lui et son épouse, en affirmant que la vie des enfants était en jeu. Le Ministère public avait omis de retenir que cette dernière avait dénoncé leurs prétendus agissements dans la foulée d'un licenciement litigieux. Il n'avait pas non plus tenu compte d'un témoin clé, qui avait déclaré que B______ lui avait dit que "les enfants sont très agités et que si elle trouvait un travail, elle quitterait cette famille". L'autorité précédente n'avait pas non plus relevé les nombreuses incohérences des propos tenus par la mise en cause.

Le recourant reproche, en second lieu, à la décision querellée une violation des art. 303, 173 et 174 CP. Le caractère calomnieux des dénonciations, respectivement de l'atteinte portée à son honneur, résultait de la gravité des faits décrits par l'intéressée, dont la description était objectivement de nature à mener à l'ouverture d'une instruction pénale contre eux, respectivement à susciter du mépris à leur égard. B______ n'avait pas nuancé ses propos devant la police. L'intention de nuire et de déclencher l'ouverture d'une instruction pénale ne pouvait pas être écartée au motif qu'elle s'était adressée en premier lieu à l'école. L'instruction devait être menée à son terme, notamment par l'audition de la mise en cause, le cas échéant par une commission rogatoire internationale.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant invoque une constatation erronée des faits.

3.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits. Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

3.2. En l'espèce, le recourant reproche au Ministère public d'avoir omis de prendre en compte, dans son raisonnement, certaines pièces du dossier, voire certains arguments. Il ne s'agit pas là d'une constatation erronée des faits, au sens de la disposition précitée, mais de l'appréciation des preuves.

Quoi qu'il en soit, la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), de sorte que les éventuelles constatations inexactes auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Le grief est donc infondé.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

4.1.       Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

La non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1;
ATF 138 IV 86 consid. 4.1, arrêt 6B_196/2020 précité).

4.2.       L'art. 303 al. 1 CP réprime du chef de dénonciation calomnieuse quiconque dénonce à l’autorité, comme auteur d’un crime ou d’un délit, une personne qu’il sait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

L'auteur doit vouloir que son comportement entraîne l'ouverture d'une procédure contre la victime. La dénonciation doit être transmise à une autorité (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 12 ad art. 303). Si une enquête est déjà ouverte du chef des faits allégués, l'art. 303 CP n'entre alors pas en considération (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 23 ad art. 303).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176 et les références citées). En outre, seul l’auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse. Cet article consacre ainsi une infraction subjectivement spéciale (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 19 ad art. 303).

Au cas où l'auteur ne savait pas que la personne visée était innocente, la diffamation (art. 173 CP) est applicable (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 31 ad art. 303).

4.3. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

4.4. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

4.5. En l'espèce, on discerne mal quels propos diffamatoires ou calomnieux de la mise en cause auraient visé le recourant. En effet, la mise en cause n'a fait part que de situations impliquant la manière dont la mère des enfants avait agi à l'égard de ceux-ci. Sur le recourant, elle a certes dit qu'il arrivait qu'il assistât à certaines scènes, mais pas à celles où il était question de gifles, de privation de nourriture, de tirage d'oreilles ou de soulèvement par le cou. Elle a, au contraire, précisé que le recourant traitait bien ses enfants et leur donnait beaucoup d'attention le week-end. Que les mesures prises par les autorités aient eu de sérieuses conséquences sur la famille ne suffit pas pour retenir que le recourant aurait été directement visé par les déclarations de la nounou, et les exemples cités par le recours, qui mentionnent tous son épouse, ne permettent pas de le conclure.

Quoi qu'il en soit, les conditions de la dénonciation calomnieuse et de la diffamation/calomnie ne sont pas remplies, pour les raisons qui suivent.

La mise en cause n'a pas dénoncé les faits à une autorité en vue de faire ouvrir une procédure contre le recourant. Elle s'est adressée, en août 2023, à la directrice de l'école – privée – fréquentée par les enfants du couple, qui n'est pas une autorité. Cette dernière avait, de surcroît, déjà alerté le SPMi, deux mois plus tôt et la mère avait admis avoir eu un comportement parfois inadéquat avec ses deux garçons, et leur donner, "de manière isolée", la fessée. Une action éducative avait été mise en place.

Dans ces circonstances, rien ne permet de retenir que la mise en cause aurait dénoncé une ou des personne(s) qu'elle savait innocente(s). Il ressort au contraire de la chronologie des faits, qu'elle a alerté la directrice de l'école lorsqu'elle n'était plus l'employée du recourant et de son épouse. Le recourant y voit une mesure de représailles en raison du licenciement, mais l'épouse a déclaré qu'ils avaient informé la nounou en juin déjà de leur intention de résilier le contrat, et ne lui avaient pas fait part de leurs doléances, "pour ne pas la vexer", de sorte qu'on ne voit pas de quoi elle aurait voulu se venger. D'ailleurs, les déclarations du témoin cité par le recourant établit plutôt que la mise en cause souhaitait trouver un autre emploi, en raison des conditions difficiles au domicile du recourant. Il semble ainsi qu'elle se soit sentie libre de parler, en août 2023, un mois après son congé, car elle n'était plus liée par un contrat de travail, d'une part, et parce que, d'autre part, les enfants pouvaient désormais lui paraître en danger puisqu'elle n'était plus là pour veiller sur eux.

Que le recourant et son épouse contestent certains actes décrits (gifles, tirage d'oreilles, etc.) et que le Ministère public ne soit pas entré en matière sur l'infraction qui leur était reprochée (art. 219 CP), ne veut pas dire que la mise en cause aurait volontairement menti pour leur nuire. Les faits se sont déroulés à huis clos et il ne sera pas possible de les établir – notamment la scène où la nounou dit que l'épouse du recourant aurait mis les mains autour du cou de son fils aîné et "allait" le soulever. En particulier, l'audition de la mise en cause n'y changerait rien, même par commission rogatoire. Au demeurant, lorsque la nounou a dit que "la mère l'avait presque tué", en parlant de D______, on comprend qu'elle faisait part de la crainte qu'elle avait éprouvée à ce moment-là, et non d'un fait objectif. Le message échangé avec le recourant plusieurs mois plus tôt, en mars 2023, illustre d'ailleurs que la mise en cause était déjà inquiète pour les enfants.

Enfin, celle-ci n'a tenu ses propos qu'auprès de la directrice de l'école, puis, à la demande de celle-ci, au SPMi et à la police, soit à des personnes habilitées à les recevoir pour protéger les enfants. Par conséquent, on ne saurait reprocher au Ministère public d'avoir retenu que la mise en cause avait agi, de bonne foi, dans l'intérêt des enfants. Si le recourant et son épouse ont jugé bon de parler des faits à des tiers, en vue de faire confirmer leurs capacités parentales, cela ne dépend que d'eux, et non de la mise en cause. En outre, l'honneur protégé par les art. 173ss CP est le droit de chacun à ne pas être considéré comme une personne méprisable, par les autres (ATF 117 IV 27 consid. 2c), et non par soi-même. Ainsi, que le recourant ait été atteint dans sa "propre considération morale en tant que parent" ne joue pas de rôle ici.

Pour toutes ces raisons, il n'existe pas de prévention suffisante de la commission d'une dénonciation calomnieuse, ni de diffamation/calomnie.

5.             Le recours sera dès lors rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19254/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00