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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22488/2023

ACPR/436/2024 du 12.06.2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PROCÈS DEVENU SANS OBJET;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22488/2023 ACPR/436/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 12 juin 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la Prison de B______, représenté par
Me C______, avocat,

recourant,

 

contre le mandat d'actes d'enquête rendu le 2 février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié sous messagerie sécurisée le 28 mars 2024, A______ recourt contre le mandat d'actes d'enquête du 2 février 2024, porté à sa connaissance le 18 mars 2024, par lequel le Ministère public a chargé la police de procéder aux auditions, en qualité de témoins, de D______, E______ et du Dr F______ ainsi que d'identifier et d'entendre l'aide à domicile de l'IMAD présente la veille du dépôt de plainte de G______ le 31 août 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours et, principalement, à l'annulation du mandat d'actes d'enquête ayant pour objet l'audition des personnes précitées et à ce qu'il soit autorisé à assister à leurs auditions.

b. À la requête du recourant, la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif au recours et enjoint au Ministère public, ainsi qu'en tant que de besoin à la police, de s'abstenir – jusqu'à droit connu sur le recours – de procéder aux auditions visées.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 31 août 2023, G______ s'est présentée à la police pour y déposer plainte contre A______, accusant ce dernier d'une agression à caractère sexuel. Elle a précisé avoir parlé des faits avec H______, le Dr F______ et E______, respectivement mère, psychiatre et responsable de paroisse de l'intéressée. Par ailleurs, elle avait, la veille, reçu un appel téléphonique de son agresseur en présence d'une aide de l'IMAD, à la suite duquel elle était en larmes et s'était mise à trembler. Enfin, elle était suivie par un centre LAVI.

b. Le 10 janvier 2024, le Ministère public a prévenu A______ des chefs d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), de séjour illégal (art. 115 al.1 let.b LEI) et de contravention à l'art. 19a LStup.

Il est reproché à l'intéressé d'avoir, à Genève :

- dans la nuit du 19 au 20 juillet 2023, au domicile de G______ [au quartier de] I______, après que celle-ci venait de faire une crise non épileptique psychogène l'ayant conduite à un état d'inconscience et s'était retrouvée allongée sur son lit avec le pantalon et la culotte baissée, frotté son sexe en érection contre les fesses de G______, en essayant de la pénétrer, puis touché ses seins en glissant les mains sous son t-shirt et de s'être à nouveau frotté contre elle avec son sexe, dans l'intention de la pénétrer ;

- depuis une date indéterminée au mois de juin 2012 jusqu'au 20 juillet 2023, séjourné sur le territoire suisse sans autorisation ;

- depuis une date indéterminée, consommé régulièrement des stupéfiants, plus particulièrement de la marijuana et du haschich, sur une base quotidienne.

c. A______ a été auditionné par la police le 25 janvier 2024, puis par le Ministère public le lendemain.

d. Par ordonnance du 26 janvier 2024, le Ministère public a mis A______ au bénéfice d'une défense d'office et désigné à cette fin Me C______.

C. a. Par la décision querellée, le Ministère public a précisé qu'il était nécessaire d'entendre D______, le Dr F______, E______, l'intervenante LAVI ayant recueilli les révélations de la plaignante et l'aide à domicile de l'IMAD présente la veille du dépôt de plainte, hors la présence des autres parties et de leurs conseils pour préserver la possibilité de confronter les différentes versions par la suite.

b. La police a, en application de la décision précitée, procédé aux auditions, le 19 février 2024 de D______, le 21 février 2024 de E______ et le 27 mars 2024 de J______, identifiée comme l'aide à domicile de l'IMAD.

c. Selon le rapport de renseignements de la police du 28 mars 2024, K______, collaboratrice du centre LAVI, a sollicité une dispense de témoigner au sens de l'art. 173 al. 1 let. d CPP et le Dr F______ n'a pas été délié de son secret par sa patiente, empêchant leur audition.

D. a. Dans son recours, A______ expose, tout d'abord, avoir appris l'existence du mandat querellé par la demande de prolongation de sa détention adressée le 18 mars 2024 par le Ministère public au Tribunal des mesures de contrainte. Sur le fond, le mandat querellé violait le principe du contradictoire consacré à l'art. 147 al. 1 1ère phrase CPP. Dans la mesure où il avait déjà été auditionné et où il n'existait aucun risque concret qu'il adapte son comportement aux déclarations des autres parties, aucune restriction à son droit à participer à l'administration des preuves ne se justifiait.

b. Dans ses observations, le Ministère public soutient que le recours est irrecevable, faute pour le recourant de disposer d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision querellée, qui avait déjà déployé tous ses effets. En effet, D______, E______ et J______ avaient déjà été auditionnées. Il avait par ailleurs renoncé aux auditions du Dr F______ et de K______. Sur le fond, aucune confrontation entre le prévenu et la plaignante n'avait encore eu lieu. Or, les déclarations des parties étaient radicalement opposées, de sorte que les témoignages de tiers paraissaient essentiels à la manifestation de la vérité, sans que les parties ne puissent adapter leurs versions respectives aux déclarations des témoins.

c. Dans sa réplique, A______ fait valoir qu'il disposait toujours d'un intérêt juridiquement protégé à faire annuler la décision querellée en tant qu'elle visait les auditions du Dr F______ et de K______. Son intérêt était d'autant plus grand qu'il prévoyait de solliciter lui-même l'audition des précités. Enfin, il convenait de tenir compte de l'état de ses connaissances au moment du dépôt du recours pour les frais et indemnités du conseil juridique d'office.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et 111 CPP). Il est dirigé contre un mandat de délégation d'actes d'enquête du Ministère public comportant une restriction du droit de l'intéressé d'y participer, de sorte que le mandat querellé doit être considéré comme une décision sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_329/2014 du 1er décembre 2014 consid. 2.2).

1.2. Encore faut-il que le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.1. Cet intérêt doit être juridique et direct. Le recourant est ainsi tenu d’établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu’il peut, par conséquent, en déduire un droit subjectif (ATF 145 IV 161 consid. 3).

Dit intérêt doit, en outre, être actuel et pratique (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1.) ; il doit donc encore exister au moment où l’arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes, et non de prendre des décisions à caractère théorique (ATF 144 IV 81 précité).

Il peut toutefois être renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque la contestation est susceptible de se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1336/2018 du 19 février 2019 consid. 1.2 et les références citées), ces conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1011/2010 du 18 février 2011 consid. 2.2.1 in fine; ACPR/478/2021 du 19 juillet 2021, consid. 1.3.1).

1.2.2. En l'espèce, l'acte litigieux a déployé tous ses effets, les auditions ayant été menées les 19 février, 21 février et 27 mars 2024 par la police, soit avant le dépôt du recours, hors la présence du prévenu et de son conseil. Le recourant n'a donc plus d'intérêt actuel et pratique à demander l'annulation des auditions concernées.

S'agissant des auditions du médecin-psychiatre de la plaignante et de la collaboratrice du centre LAVI, qui ont refusé d'être auditionnés sur la base de dispositions légales (cf. art. 321 CP et 173 al. 1 let. d CPP), le Ministère public y a renoncé, rendant également caduc le recours sur ces points.

Au surplus, le recourant ne dispose d'aucun intérêt juridique à voir annuler des auditions une fois celles-ci accomplies, dans la mesure où l'existence d'un éventuel vice qui entacherait un acte de procédure ne conduirait pas à son annulation, mais, alternativement, à la répétition dudit acte aux conditions de l’art. 147 al. 3 CPP, au constat de l’inexploitabilité des preuves recueillies à cette occasion (art. 147 al. 4 CPP) ou au retrait du procès-verbal concerné du dossier (art. 141 al. 5 CPP).

2.             Par conséquent, le recours doit être déclaré irrecevable, faute pour le recourant de disposer d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision querellée.

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 700.- pour l'instance de recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

4.             Le recourant, qui a été mis au bénéfice d'une défense d'office par le Ministère public, a requis l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

L'indigence du recourant étant établie et le recours non dénué de chances de succès – le recourant ignorant, lors de son dépôt, que les actes d'enquête litigieux avaient déjà été exécutés – l'assistance judiciaire lui sera accordée devant la présente instance.

Il sera statué sur l'indemnité du défenseur d'office à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 700.-.

Octroie l'assistance judiciaire gratuite à A______ pour la procédure de recours et désigne Me C______ à cet effet.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22488/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

Total

CHF

700.00