Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6890/2020

ACPR/881/2022 du 19.12.2022 sur OCJMI/167/2022 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;MENACE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);RÉSEAU SOCIAL;ABSENCE;SOUPÇON
Normes : CPP.319; CP.174; CP.177; CP.18.letc; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6890/2020 ACPR/881/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 19 décembre 2022

Entre

A______, mineure représentée par son père, B______, domiciliés ______, comparant par Me Karim RAHO, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 12 juillet 2022 par le Juge des mineurs,

et

C______, domiciliée ______, comparant en personne,

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, case postale 3686, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 juillet 2022, A______, mineure représentée par son père, B______, recourt contre l'ordonnance rendue le 12 précédent, notifiée le 15 du même mois, à teneur de laquelle le Juge des mineurs (ci-après : JMin) a, d’une part, classé la procédure P/6890/2020 ouverte contre C______ des chefs de calomnie (art. 174 CP), injures (art. 177 CP), menaces (art. 180 CP) voire contrainte (art. 181 CP), cause qui porte sur les trois premières plaintes pénales déposées par ses soins les 7 avril 2020, 17 mars ainsi que 29 juin 2021, et, d’autre part, transmis sa quatrième plainte, datée du 19 mai 2022, au Ministère public pour des raisons de compétence.

Elle conclut à l'annulation du premier de ces points, la cause devant être retournée au JMin pour qu’il complète l’instruction, prononce une ordonnance pénale ou renvoie la prévenue en jugement.

b. B______ a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______, née en 2006, vit au domicile de ses parents, à Genève. En avance dans sa scolarité, elle a passé son certificat de maturité en 2020 et suit, depuis lors, des cours dans la section informatique d’une école polytechnique fédérale.

Le numéro d’identification (i.e. adresses IP) de deux des appareils électroniques connectés au raccordement Internet de son père est le suivant : 1______ (ci-après : l’adresse IP n° 1) et 2______ (ci-après : l’adresse IP n° 2).

b.a. Le 7 avril 2020, B______ a porté plainte contre inconnu, au nom de sa fille, A______, également née en 2006 (P/6890/2020).

En substance, il y exposait que sa fille était une joueuse prometteuse de tennis de table, participant à diverses compétitions, tant en Suisse qu’en France. Elle subissait, depuis plusieurs mois, des atteintes à sa personnalité via Facebook, nombre de commentaires désobligeants, menaçants et calomnieux y étant publiés à son endroit. Cela la rendait "fébrile" et avait un impact négatif sur son "image" de sportive de haut niveau.

Ainsi, une personne avait créé un compte intitulé "A______icide", par le biais duquel elle postait de tels commentaires. Après que lui-même en avait signalé l’existence à Facebook, cette personne l’avait contacté pour lui exposer qu'il ne pourrait jamais "l[a] bloquer ni trouver son nom"; elle s’était contentée de créer d’autres comptes, allant de "A______icide 1" à "A______icide 12", au fur et à mesure de leur suppression. Des comptes intitulés "E______" et "F______" diffusaient aussi des propos hostiles envers sa fille.

Quelqu’un avait créé une page Facebook "G______" [prénom altéré de manière rabaissante] – étant relevé que son épouse se nommait G______ –, utilisée pour nuire à sa fille. La photo de profil qui y figurait avait été "prise" sur le compte authentique de sa femme, puis retouchée.

Des commentaires négatifs avaient aussi été publiés sur les pages Facebook des clubs de ping-pong de I______ [GE] et de J______ [France], au sein desquels jouait sa fille, ainsi que sur celle, promotionnelle, qu’il avait créée pour elle; il avait d’ailleurs dû fermer cette dernière page, au vu du harcèlement sus-décrit.

b.b. Pour étayer ses allégués, B______ a produit des captures d’écran – dont aucune n’est datée, seules les heures de certaines publications y figurant – représentant :

·      La photo de profil des comptes "A______icide", qui consiste en un portrait de A______ barré au feutre rouge.

·      Le texte suivant : "A______ICIDE ! Avez-vous marre des A______tic[suite non lisible] Pour un monde meilleur achetez A______tic[suite non lisible] ( ) Garantie de l’anéantissement des A______[suite non lisible] Prix élevé mais ça vaut le coup ! ( )".

·      Des messages privés échangés [semble-t-il via Messenger] entre "A______icide" et un interlocuteur. Le second y demande au premier si "A______icide veut dire pesticide mais sauf qu’au lieu de tuer des insectes tu tues des A______[___]". Après que le premier lui a répondu par l’affirmative, précisant toutefois que seule A______ était visée, "l’existence" des "autres A______ [nom de famille]" ne le "dérange[ant] pas", le second expose être intéressé par l’achat de 200 ml de "A______icide liquide". Le premier demande : "tu vas pas me dénoncer à la police si A______ meurt[.] Comme je viens de dire que je vais faire ça ?", ce à quoi le second répond : "[n]on je m’en fiche[.] Non attende[suite non lisible] Tuez la en vr[suite non lisible]".

·      Une discussion privée entre "G______" et un interlocuteur, dans laquelle aucun propos désobligeant n'est tenu au sujet de A______.

·      Divers commentaires publiés sur des pages Facebook, parmi lesquels : "A______ tu as déshonoré ton club, signé L______, mais tu trouveras pas mon compte mère pour me bloquer" (posté par "A______icide"); "A______ a déshonoré votre club j’en suis désolé" (adressé par "E______" au club de tennis de table genevois de I______); "elle a perdu de façon très honteuse pour la compétition la plus importante pour son âge" ("M______" à l’intention du club de ping-pong de J______).

Il produit également un courriel que lui a adressé le président de ce dernier club, l’informant que "A______icide 12" avait posté, le 4 avril 2020, un "smiley [e]n colère" sur la page Facebook dudit club.

b.c. FACEBOOK IRELAND LTD a fourni diverses informations, sur commission rogatoire internationale.

Il résulte de celles-ci, associées aux autres éléments du dossier, que les comptes :

·      "A______icide" et "E______detesteA______" (lié à "G______") ont été créés en 2019 et utilisés (logins) en 2020, depuis d’autres adresses IP que celles nos 1 et 2.

·      "E______923", qui a pour nom "F______", a été créé en 2019 et utilisé en 2020 à quatre occasions, depuis d’autres adresses IP que celles nos 1 et 2.

Le 1er juillet 2020, à 14h40, une cinquième connexion a eu lieu, via l’adresse IP n° 1. Aucune des captures d’écran produites par B______ ne fait état de l’horaire précité.

·      "A______tic 12" a été créé et utilisé quatre fois en 2020, depuis d’autres adresses IP que celles nos 1 et 2. L'un des login, intervenu le 4 avril 2020, semble correspondre à l’envoi du "smiley [e]n colère" sur la page Facebook du club de tennis de table de J______.

Le 16 juin 2020, à 13h56, une cinquième connexion a eu lieu, via l’adresse IP n° 2. L'horaire précité ne figure sur aucune des captures d’écran versées au dossier.

c.a. Les 17 mars et 29 juin 2021, B______ a déposé deux plaintes pénales complémentaires (P/6890/2020), au motif que les calomnies et menaces envers sa fille perduraient malgré "la fermeture de la plupart de ses réseaux sociaux et comptes associés". Le cyber-harcèlement s’effectuait désormais par Instagram et la page Facebook du "club principal" de A______, soit celui situé à I______.

c.b. Pour étayer ses allégués, il a produit des captures d’écran – dont aucune n’est datée, seules les heures de certaines publications y figurant – faisant état de :

·      Messages/commentaires émanant de "A______icide1__", "unautreA______icide", "A______icide______", "A______icide11", "A______icide21", "A______icide25", "ensemblecontreA______3__", "ensemblecontreA______5__" et "Fuk___put___A______".

·      La teneur de ces publications, telles que : "t'es vrmt la honte de la X______ [i.e. Association X______] à cause de ta déconcentration et attitude lamentable, je prends une pause dans ta rééducation mais je reviendrai pendant les prochaines vacances et surtout oublie pas met[s] ta tête dans les w.c. quotidiennement lol"; "Salut mec[.] Si tu te demandes pourquoi on est contre A______ [c]’est parce qu’elle est vraiment méchante avec nous à I______ ( ) Elle fait la grosse tête c’est une grosse pute[.] Tu nous connais tous si jamais ( )".

·      Trois photographies jointes à des envois représentant : la tête d’un cochon décapité avec un impact de balle au milieu du front; un cochon mort ensanglanté; la tête d’un cochon coupée en deux flottant dans une cuvette de toilettes.

·      Deux adresses IP [autres que celles nos 1 et 2] possiblement à l’origine des messages/clichés précités.

d.a. Le 11 mai 2022, le JMin a prévenu C______ d’infractions aux art. 174, 177, 180, voire 181 CP, pour avoir, en substance, publié des commentaires calomnieux et menaçants envers A______ sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, via les comptes "A______icide", "G______", "E______" et "F______", créés par ses soins.

d.b. C______ a contesté ces faits, tant oralement, devant la police et le JMin, que par écrit.

Elle a expliqué connaître A______, toutes deux étant membres du club de tennis de table situé à I______. Elle avait fréquenté cet endroit occasionnellement, mais ne s’y était plus rendue depuis la pandémie de Covid-19. Elle avait toujours pratiqué le ping-pong à titre de loisir, pour se divertir. Elle n’éprouvait aucune jalousie à l'égard de la prénommée; au contraire, elle la respectait, celle-ci gagnant "des tournois".

Elle n’avait créé aucun des comptes litigieux, mais en connaissait certains ("A______ticide", "G______" et "E______"). Les personnes qui s'en prenaient à A______ semblaient faire "partie du cadre genevois du ping-pong"; "au début", ces personnes n’"attaquaient pas vraiment [la prénommée], c’étai[en]t juste des blagues, un peu offensantes mais juste des blagues"; cela avait pris une tournure différente par la suite.

Elle avait cherché à savoir qui étaient les harceleurs. À cet effet, elle avait communiqué avec "A______icide" et "G______"; c’était elle l’interlocutrice des captures d’écran produites par B______ à l’appui de la première plainte. Initialement, elle pensait que l’ex-amie intime de la prénommée, qui jouait aussi au tennis de table, était impliquée car toutes deux venaient de rompre; cette connaissance – qui était alors dans son collège – et elle-même avaient échangé plusieurs messages au sujet de l'identité des détenteurs des comptes précités; lors de ces échanges, elle-même avait adressé à cette personne les captures d’écran sus-évoquées, que l’intéressée devait avoir transmises, à son tour, à A______. Elle-même avait demandé à ladite connaissance si c’était elle "E______", mais elle ne lui avait pas répondu. Comme l’intéressée semblait être "très stressée par sa maturité", elle-même en avait conclu qu’elle ne pouvait être impliquée dans le cyber-harcèlement, faute de temps. Elle ne souhaitait pas dévoiler l’identité de cette personne, qu’elle pensait être innocente. Le club situé à I______ disposait de deux pages Facebook; il lui était arrivé de poser des questions d’ordre sportif sur l’une d’elle; en revanche, elle n’avait rien publié sur l’autre. Elle ignorait qu’il existait un club de tennis de table à J______. Il était possible que "les personnes de A______ticide" lui aient demandé de poster des commentaires sur la page Facebook de A______; si elle l’avait fait, ce dont elle ne se souvenait pas, ces évènements remontant à avant "sa maturité", cela aurait été "pour rigoler", étant rappelé qu’elle pensait, "au début", qu’ils "plaisant[aient]".

Deux motifs pouvaient expliquer que ses adresses IP nos 1 et 2 sont "appar[rues]" lors de logins. Premièrement, celles-là avaient pu être "usurpées". En effet, il lui était arrivé, en 2019, de "partag[er] [s]on wifi" avec "des personnes du ping-pong", dont elle souhaitait taire le nom car elle ne les pensait pas liées à cette affaire; de plus, en 2020, un Chinois l’avait contactée via Facebook pour lui demander de se connecter à un lien avec son "adresse réseau domestique affichant [s]on adresse IP", ce qu’elle avait fait, ne pensant pas alors devoir se méfier. Deuxièmement, certains des harceleurs de A______ l’avaient "défié[e]", via Facebook, d’accéder à certains des comptes créés par leurs soins, protégés par un mot de passe, à leurs dires, identique et simple à identifier. Elle était parvenue à accéder à quelques comptes, en utilisant une "attaque par dictionnaire"; pour ce faire, elle avait acquis, sur Internet, un logiciel qui "mett[ait] [l’ensemble] [d]es mots de passe [qu’il contenait] dans les réseaux sociaux" jusqu’à ce qu'un/des compte(s) s’ouvre(nt). À cette suite, elle avait envoyé à A______ une capture d’écran des adresses IP [autres que celles nos 1 et 2] de deux des appareils possiblement utilisés par les harceleurs.

L'élément suivant confirmait qu’elle ne pouvait être l’auteure des commentaires publiés sous le pseudonyme "A______icide 2" : ce dernier avait posté, sur Instagram, de nouvelles "insultes et attaques" contre A______ en date des 11 et 21 novembre ainsi que 2 décembre 2021 [lesquelles ne figurent pas au dossier], à des heures où elle se trouvait, respectivement, en examen, endormie et à un cours de piano.

d.c. À l’appui de ses allégués, C______ a produit les captures d'écran des messages qu’elle prétend avoir échangés avec l’ex-amie intime de A______, inscrite dans ses contacts sous "Y______".

Dans ces messages, une personnes demande à l’autre "( ) pourquoi [elle s]'appell[e] E______", question qui reste sans réponse. Toutes deux s’interrogent sur l’identité de "A______icide". L’une des interlocutrices dit à la seconde, en lui envoyant la capture d’écran des messages qu’elle-même a échangés avec A______icide" [il s’agit de la conversation produite par B______, résumée au troisième point de la lettre B.b.b], avoir voulu tester la réaction de "A______icide" en lui demandant de tuer A______ [désignée sous l’appellation "Z______" dans lesdits messages].

d.d. La fouille du téléphone portable de C______ a mis en évidence la discussion avec "Y______" sus-évoquée et les captures d’écran partagées lors de cet échange.

e.a. Le 19 mai 2022, B______ a déposé une quatrième plainte pénale, au motif que les harceleurs de sa fille agissaient dorénavant par e-mail, comme en attestait le courriel envoyé la veille par "A______icide 1 «A______icide01@gmail.com»" aux membres du club de tennis de table de I______ (P/6890/2020).

e.b. Dans ce courriel, on peut notamment lire : "Merci A______icide 2 pour l’idée de l’email, c’est une bonne idée[.] Pour commencer et avant tout merci à A______icide 3 ou 4 (je sais pas lequel t’es), ( ) de nous avoir donné les listes"; "[p]our répondre à la question [de] A______icide 5 ( ) oui ( ) j’ai 2 de [t]es comptes emails ( ) et je crois que j’ai créé des comptes avec ( )"; "A______icide 2 a dit dans le dernier mail que « putA______ se prend moins pour quelqu’un depuis qu’on a commencé sur insta», pour moi c’est juste une chienne qui a mis une peau d’humaine"; "putA______ tu faisais la chienne et donc A______icide 2 veut te niquer au sens propre et planter sa queue dans ta chatte; moi t’inquiètes je veux pas salir mes couilles à niquer une sale chienne ( )".

e.c. C______, qui a contesté être impliquée dans l’envoi de ce message électronique, n’a pas été mise en prévention sur ce point.

f.a. Le 21 juin 2022, le président de la X______ a porté plainte contre inconnu, auprès du Ministère public, en raison d’un courriel envoyé le jour même par "A______icide 1 «A______icide21@gmail.com»" aux membres de celle-ci (P/3______/2022).

f.b. Cet e-mail comprend notamment les passages suivants : "putA______ va enfin aller au zz AB______ [GE] le club de A______icide 2 et dans son équipe pour le sucer ( )[.] J’espère que A______icide 2 sera dans ta classe à la rentrée comme ça vous allez au wc tous les 2 pendant la pause et il te fout ta tête dans les wc et tu te mets à genoux et il fermera le couvercle sur ta tête, tu bois la pisse et le sperme dans les wc pendant qu’il te fait la levrette"; "A______icide 2 petit malin pourquoi t’admires A______icide 5 ??? au point de le protéger, j’ai vu que t’as réinitialisé sa tablette parce que j’avais peut-être accès à un compte dessusVraiment A______icide 5 tu devrais être content d’avoir un ami comme A______icide 2 qui ( ) protège tes appareils contre moi; "[à] partir de maintenant tu m’écoutes A______icide 2 et tu me désobéis pas ( ) et on continue à niquer cette sale chienne pute putA______ tous les 21 [du mois]".

f.c. La procédure ouverte à cette suite par le Procureur est pendante.

C. Dans son ordonnance déférée, le JMin a considéré que les dénégations constantes de la prévenue étaient crédibles. Aucun élément du dossier ne permettait de lui imputer la création des comptes litigieux, non plus que leur utilisation pour publier, sur les réseaux sociaux, des messages malveillants. Le classement de la procédure s’imposait donc.

La plainte déposée par B______ le 19 mai 2022 serait, en conséquence, transmise au Ministère public pour des raisons de compétence.

D. a.a. À l'appui de ses recours et réplique, A______ estime que le classement de ses trois premières plaintes viole le principe in dubio pro duriore, dès lors que, notamment : des logins aux comptes litigieux avaient eu lieu via les adresses IP nos 1 et 2; C______ avait fourni des explications "farfelues" au sujet de l’usurpation de ses adresses; elle refusait de communiquer l’identité des personnes auxquelles elle se référait pour se disculper; elle disposait de "connaissances considérables" en matière informatique; elle avait reconnu avoir publié des commentaires – "certainement pénalement relevants" – aussi bien sur la page Facebook du club de ping-pong de I______ que sur celle, promotionnelle, créée par B______; elle qualifiait de "blagues" les atteintes qui lui avaient été causées et avait répondu à "A______icide", qui lui demandait "tu vas pas me dénoncer à la police si A______ meurt", "[n]on je m’en fiche"; ses dénégations quant aux "insultes et attaques" proférées par "A______icide 2" en novembre et décembre 2021 n’emportaient pas conviction; enfin, il résultait d’une pièce nouvelle, annexée à son recours, que C______ avait déjà utilisé ses compétences informatiques pour lui nuire. L’instruction devait se poursuivre afin de procéder à diverses auditions (la sienne et celle des membres du club précité), "vérif[ier]" les explications fournies par C______ ainsi que fouiller et analyser les appareils informatiques de cette dernière.

a.b. Elle produit un courriel envoyé à son père, le 25 juillet 2022, par AC______, créateur et gestionnaire du site [consacré au ping-pong] "AD______". Le prénommé y affirme qu’en 2019 ou 2020, "lorsqu’il n’était pas absolument nécessaire de disposer d’un login", C______ avait modifié "les inscriptions de A______, AE______ et quelques autres jeunes qu’elle avait pris en grippe". Très récemment, elle avait essayé de "créer un compte pour le nouveau numéro de licence de AF______ et de récupérer le mot de passe d’autres comptes"; elle avait laissé, derrière elle, "des traces" qu’il avait pu remonter "très facilement et de manière inéquivoque (sic)".

b. Dans ses réponse et duplique, auxquelles elle joint des pièces nouvelles, C______ persiste, pour l'essentiel, dans ses précédentes déclarations. Elle conteste les accusations et suppositions faites par AC______.

Elle formule, au nom de ses parents, deux conclusions : B______ devait prendre toutes les mesures nécessaires pour "éliminer l’impact de sa conduite" sur la réputation de leur fille et mettre un terme immédiat à ladite conduite.

c. Le JMin propose le rejet du recours comme étant mal fondé.


 

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin cum 396 al. 1, 390 al. 1 et 385 al. 1 CPP), contre une ordonnance de classement (art. 3 al. 1 PPMin cum 319 CPP), décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 1 et 3 PPMin cum 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la partie plaignante (art. 18 let. c PPMin), mineure qui est représentée par son père (art. 106 al. 2 CPP) et a qualité pour agir, disposant d'un intérêt juridiquement protégé à voir poursuivre les prétendues infractions commises contre son honneur et sa liberté (art. 38 al. 3 PPMin cum 115 et 382 CPP).

1.2. Tel n’est en revanche pas le cas des deux conclusions formulées par C______ au nom de ses parents, celles-ci étant exorbitantes à l’objet du litige, circonscrit à la clôture de la procédure.

1.3. Les pièces nouvelles produites devant la Chambre de céans sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 in fine).

2. 2.1. La juridiction de recours revoit librement les points de la décision attaqués devant elle (art. 385 al. 1 let. a CPP), les autres aspects, non remis en cause, demeurant tels que fixés par le premier juge (ACPR/231/2022 du 6 avril 2022, consid. 3.3.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 385).

2.2. En l’espèce, la recourante ne querelle pas le refus du JMin de poursuivre les faits dénoncés dans sa quatrième plainte, transmise au Ministère public pour des raisons de compétence.

Il n’y sera donc pas revenu.

3. La recourante estime qu’il existe une prévention suffisante, contre la prévenue, d’infractions aux art. 173, 177, 180 et 181 CP.

3.1. En vertu de l’art. 319 CPP, la procédure doit être classée lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), respectivement que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1463/2020 du 5 janvier 2022 consid. 2.1.2).

3.2. Quiconque, en s’adressant à un tiers, le cas échéant par écrit (art. 176 CP), aura accusé une personne de tenir une conduite contraire à l’honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, alors qu’il connaissait la fausseté de ses allégations, viole l’art. 174 CP. S’il injurie autrui, il contrevient à l’art. 177 CP.

L'art. 180 al. 1 CP sanctionne celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.

Conformément à l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

3.3. Les infractions aux art. 174, 177 et 180 CP sont poursuivies sur plainte tandis que celle à l’art. 181 CP l’est d’office.

La plainte doit exposer le déroulement des faits sur lesquels elle porte, afin que l'autorité pénale sache pour quel évènement l'ayant droit demande une poursuite. En présence d'un ensemble d’actes, le lésé peut limiter sa dénonciation à une partie de ceux-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1340/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2).

Une plainte ne peut être déposée que pour des infractions qui ont déjà été commises. Dans le cas de délits continus – lesquels se caractérisent par le fait que la situation illicite créée se poursuit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2014 du 15 décembre 2014 consid. 2.6.1) –, la plainte s'étend au comportement punissable jusqu'à l'achèvement de l'infraction (ATF 147 IV 199 consid. 1.3).

3.4. In casu, l’intimée conteste avoir créé les comptes "A______ticide", "G______", "E______" et "F______".

Ses dénégations sont corroborées par les éléments du dossier, aucune des adresses IP ayant servi à l’enregistrement, sur le réseau social Facebook, desdits comptes n’étant la sienne. Rien ne permet non plus de lui imputer l’utilisation des autres adresses à cette fin.

En tout état, la création de tels comptes est, en elle-même, impropre à porter atteinte à l’honneur et/ou à la liberté de la recourante.

Le classement de la procédure est donc exempt de critique sur ce point.

3.5. L’intimée nie avoir posté, via les comptes précités, des commentaires/images contrevenant possiblement aux art. 174, 177 et 180 CP.

3.5.1. Ces infractions se poursuivant sur plainte, il sied de déterminer la portée des dénonciations faites par B______ les 7 avril 2020, 17 mars et 29 juin 2021.

Celles-ci couvrent a priori les faits survenus trois mois (art. 30 CP) avant leur dépôt, soit les parutions ayant eu lieu entre les : 7 janvier et 7 avril 2020; 17 décembre 2020 et 17 mars 2021; 29 mars et 29 juin 2021.

La recourante n’allègue pas, ni a fortiori ne rend vraisemblable, le caractère continu des atteintes qu’elle dénonce. Quoi qu’il en soit, rien ne permet d’envisager une unité de décision et d'action; en effet, les propos/clichés litigieux semblent émaner de plusieurs personnes (il existe au moins quatre "A______icides", d’après les e-mails des 18 mai et 21 juin 2022), lesquelles n’agissent pas (toujours) au même moment et créent souvent des nouveaux comptes/adresses de messagerie pour ce faire.

À cette aune, l’objet de la procédure est circonscrit aux commentaires/images postés durant les trois périodes pénales précitées.

Cela exclut, d’une part, les "insultes et attaques" de "A______icide 2" survenues en novembre et décembre 2021 – signalées par la prévenue lors de son audition – et, d’autre part, les actes effectués les 16 juin et 1er juillet 2020 depuis les adresses IP nos 1 et 2 – actes dont on ignore, du reste, s’ils sont pénalement répréhensibles, faute de disposer des captures d’écran correspondantes –.

3.5.2. Aucun des textes/clichés postés sur Facebook et Instagram produits par le père de la recourante n’est daté.

À supposer que leur diffusion soit intervenue durant l’une des trois périodes pénales concernées, l’on devrait alors nier que l’intimée en serait l’auteure.

En effet, bien que ses adresses IP (nos 1 et 2) aient été utilisées par "A______icide 12" et "F______923" à l’occasion de deux logins (exorbitants à la présente cause), ses explications selon lesquelles lesdites adresses ont pu être "usurpées" emportent conviction pour les raisons qui suivent.

Premièrement, l’attitude adoptée par l’intimée révèle qu’elle n’est ni "A______icide", ni "E______".

Ainsi, les parties ne contestent pas que la prévenue est l’interlocutrice de "A______icide" lors de l’échange de messages privés, résumé à la lettre B.b.b, troisième point, ci-dessus. C’est dire qu’elle ne s’identifie pas avec "A______icide".

De plus, lors de cet échange, l’intimée a souhaité savoir si "A______icide v[oulai]t dire pesticide mais sauf qu’au lieu de tuer des insectes tu tues des A______", question qu’elle n’aurait jamais posée si elle était une "A______icide". Elle s’est également interrogée sur l’identité du ou des titulaires de ce(s) compte(s) lors de ses discussions avec "Y______".

Dans le même ordre d’idées, la prévenue démontre avoir demandé à "Y______" si elle s’"appell[ait] E______ sur Facebook". Cela dénote qu’elle ne connaissait pas l’utilisateur de ce pseudonyme.

Deuxièmement, l’intimée a communiqué à la recourante les possibles adresses IP de harceleurs – la capture d’écran les contenant ayant été produite par B______ à l’appui de l’une des plaintes (cf. lettre B.c.b, quatrième point) –. Or, elle n’aurait jamais agi de la sorte si elle en faisait partie.

Troisièmement, s'il est vrai que la prévenue dispose de bonnes connaissances en informatique, tel est également le cas de "A______icide 1", qui est capable, d'après les courriels des 18 mai et 21 juin 2022, aussi bien d'utiliser les données de tiers (telles que les adresses de messagerie de "A______icide 5") pour créer des comptes que de se connecter à distance à un appareil électronique appartenant à autrui (raison pour laquelle "A______icide 5" a dû faire réinitialiser sa tablette).

À cette aune, il ne peut être considéré que l’intimée serait à l’origine des publications litigieuses.

Son souhait de taire les noms de certaines personnes auxquelles elle a fait allusion dans ses déclarations, la tenue d’éventuels propos inadéquats et les divers comportements que lui prête AC______ sont impropres à modifier ce constat.

Contrairement à ce que soutient la recourante, la prévenue n’a pas admis avoir publié des textes malveillants à son endroit sur la page Facebook du club de ping-pong de I______, ni sur celle (promotionnelle) créée par son père, ayant uniquement allégué, à ce dernier égard, qu’il était possible que "les personnes de A______tic" lui aient demandé de poster certains commentaires, mais ne pas se rappeler si elle s’était exécutée, ces faits étant trop anciens.

Dans la mesure où les enquêtes tendent à établir des soupçons existants, il n’y a pas lieu, en l’absence d’indice laissant supposer une violation des art. 174, 177 et 180 CP par l’intimée, d’administrer des preuves complémentaires.

Le prononcé d’un classement se justifie donc.

3.6. Il en va de même pour l’infraction à l’art. 181 CP, à défaut, pour la prévenue, d’être impliquée dans les publications litigieuses.

3.7. En conclusion, le recours se révèle infondé et doit être rejeté.

4. La plaignante succombe (art. 44 al. 2 PPMin cum 428 al. 1 CPP).

Par conséquent, elle supportera, soit pour elle son père, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1’000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). Cette somme sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______, soit pour elle son père, B______, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1’000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées par le prénommé.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, à C______ ainsi qu’au Juge des mineurs.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de droit :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6890/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total

CHF

1’000.00