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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19611/2022

ACPR/880/2022 du 16.12.2022 sur ONMMP/3260/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VIOLATION D'UNE OBLIGATION D'ENTRETIEN
Normes : CPP.310; CP.217

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19611/2022 ACPR/880/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 16 décembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 22 septembre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au Ministère public le 1er octobre 2022, qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 septembre 2022, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

La recourante s'oppose à cette ordonnance et sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 juillet 2022, A______, née le 20 octobre 2000, a déposé plainte contre son père, B______, pour "violation d'une obligation d'entretien".

Ses parents avaient divorcé au Liban alors qu'elle n'avait que dix-huit mois (soit en 2002). Son père était arrivé en Suisse il y avait vingt ans environ, après s'être remarié. Elle l'avait rejoint à Genève en 2018 pour ses études mais celui-ci lui avait récemment demandé de quitter le domicile avec son frère, au motif qu'ils devaient se "débrouiller seuls". Depuis lors, elle n'avait plus de contact avec lui. Elle avait seulement reçu CHF 200.- de sa part, par virement bancaire. La situation était compliquée. Elle logeait chez son frère, qui payait une partie de ses frais. B______ ne lui faisait pas suivre ses factures et elle s'était ainsi retrouvée face à des rappels de créanciers.

b. Entendu par la police le 31 août 2022, B______ a expliqué que son fils ainé l'avait rejoint à Genève en 2012 et que A______ avait suivi en 2018. À 25 ans, son fils avait trouvé un emploi et il lui avait alors demandé de trouver un appartement afin de "vole[r] de ses propres ailes". À la même période, A______ avait effectué plusieurs séjours au Liban, voyages dont il avait, en partie, payé les frais. Sur place, elle lui écrivait des messages pour demander de l'argent. Elle était finalement rentrée à Genève sans le prévenir, alors qu'il se trouvait à C______ [GR] et, étant de retour le lendemain seulement, il lui avait dit qu'elle allait devoir "se débrouiller pour faire les courses et se faire à manger", étant précisé qu'elle avait les clés de l'appartement. Sa fille avait toutefois décidé de partir chez son frère et n'était plus revenue vivre chez lui. Quelques temps après, alors qu'il se trouvait au Liban, il avait reçu un message de la part de son fils lui sommant de verser CHF 800.- à A______, montant correspondant prétendument à une contribution alimentaire qu'il devait à sa fille. Il avait alors viré CHF 400.- à celle-ci et contacté l'Office cantonal des assurances sociales (ci-après: OCAS) pour que l'allocation de CHF 400.- qu'il percevait pour A______ soit directement versée à cette dernière. Depuis le 1er juillet 2022, il lui versait en sus CHF 400.- mensuellement.

B______ a produit une décision de l'OCAS du 18 juillet 2022, adressée à son nom, selon laquelle, "à sa demande", les allocations familiales de CHF 400.- seraient versées à A______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que B______ avait démontré, pièces à l'appui, avoir effectué les démarches auprès de l'OCAS afin que sa fille obtienne le versement des allocations familiales. En outre, l'intéressé versait à sa fille CHF 400.- par mois. L'infraction de violation de l'obligation d'entretien n'était ainsi pas réalisée.

D. a. Dans son recours, A______ soutient avoir porté plainte en raison du fait que son père l'avait "virée sans avertissement de chez lui", la plaçant dans une situation "très difficile", étant dépendante financièrement. En outre, elle avait initié les démarches auprès de l'OCAS pour obtenir le versement des allocations familiales. B______ avait menti sur ce sujet, de même que sur le versement mensuel de CHF 400.-, qu'elle n'avait jamais reçu.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

E. Selon le rapport du Greffe de l'assistance juridique du 2 novembre 2022, le disponible mensuel de A______ est inférieur au minimum vital en vigueur à Genève, majoré de 25% (norme de l'assistance juridique).

EN DROIT :

1.             Même adressé à la mauvaise autorité (art. 91 al. 4 CPP), le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de n'avoir pas donné suite à sa plainte.

2.1. Une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le Ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243).

2.2. À teneur de l'art. 217 al. 1 CP, celui qui n'aura pas fourni les aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu'il en eût les moyens ou pût les avoir, sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Un prononcé judiciaire ou une convention entre époux ne constitue pas une condition de l’application de cette norme; ils permettent cependant de concrétiser l’obligation d’entretien et rendront plus facile l’établissement des faits et la preuve de l’intention (ATF 128 IV 86 consid. 2 p. 88).

Sur le plan subjectif, l'infraction doit être commise intentionnellement (ATF 70 IV 166, p. 169). L'intention suppose que l'auteur a connu les faits qui fondent son obligation d'entretien ou qu'il en a accepté l'éventualité. L'intention de ne pas payer le montant dû sera en règle générale donnée si l'obligation a été fixée dans un jugement ou une convention car elle sera alors connue du débiteur. En revanche, l'intention du débiteur sera plus difficile à établir en l'absence de toute décision et de tout accord; il n'en reste pas moins que le juge pourra prouver l'intention au moins dans les cas patents, notamment lorsque le débiteur n'aura rien payé ou aura versé seulement un montant dérisoire alors qu'il disposait de ressources non négligeables (ATF
128 IV 86 consid. 2b p. 90).

2.3. En l'espèce, les intentions de la recourante dans la procédure sont confuses. Tantôt elle semble vouloir dénoncer son père pour une prétendue violation d'une obligation d'entretien, tantôt lui reprocher de l'avoir expulsée du domicile.

Or, ni l'une ni l'autre de ces accusations ne fondent une prévention pénale.

Aucun élément ne permet d'établir une quelconque obligation d'entretien du mis en cause envers sa fille. Le divorce avec la mère est survenu en 2002 et depuis lors, la recourante ne démontre pas, ni même n'allègue, avoir reçu ou, au moins, réclamé une contribution de son père, ni lorsqu'elle vivait au Liban, ni après qu'elle soit venue vivre chez lui à Genève. Ainsi, le seul fait d'exiger – pour la première fois – de l'argent à titre de pension alimentaire, au seul motif qu'elle ne vivrait plus chez lui, ne fonde manifestement pas une telle obligation. Dans tous les cas, le mis en cause ne pouvait pas estimer être débirentier d'une pension alimentaire dès lors qu'il n'en a pas versé – et que tel ne lui avait jamais été demandé – depuis presque vingt ans.

L'infraction n'est dès lors pas réalisée. Nul n'est donc besoin de savoir si le mis en cause verse effectivement CHF 400.- par mois à la recourante ou qui est l'initiateur des démarches auprès de l'OCAS.

Dans la mesure où il n'est pas question de crainte, de menaces ou de comportements verbaux ou physiques agressifs, le simple fait, pour le mis en cause, d'avoir demandé à sa fille – majeure – de quitter le domicile, ce qu'il conteste au demeurant, ne permet pas de retenir l'existence d'une infraction pénale.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Dès lors, la Chambre de céans pouvait décider d'emblée de traiter le recours sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             La recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

5.2. En l'occurrence, au vu du rapport du 2 novembre 2022, l'indigence de la recourante semble admise.

Cela étant, compte tenu des motifs susmentionnés, ses griefs étaient de toute manière infondés et, partant, son recours dénué de chance de succès.

La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés, compte tenu de sa situation financière, à CHF 250.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), émolument de décision compris, étant précisé que la procédure relative à l'assistance judiciaire est gratuite.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 250.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19611/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

165.00

-

CHF

     

Total

CHF

250.00