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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8513/2021

ACPR/816/2022 du 21.11.2022 sur ONMMP/2031/2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;SOUPÇON;ACCIDENT
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8513/2021 ACPR/816/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 21 novembre 2022

 

Entre

A______ et B______, domiciliés ______, Espagne, tous deux comparant par
Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate, ZUTTER LOCCIOLA BUCHE & Associés, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

recourants,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 16 juin 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 30 juin 2022, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 16 juin 2022, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits relatifs au décès de C______.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport de renseignements du 16 avril 2021, la police a été appelée à 7h06 pour un accident de chantier survenu au no. ______, rue 1______.

Sur place, elle a découvert un corps sans vie flottant dans une fosse, destinée à réceptionner les eaux usées, située au 1er sous-sol d'un immeuble en travaux. Le défunt, identifié comme C______, intervenait comme contremaître principal sur le chantier.

Des premières informations récoltées sur place, D______, autre contremaître, avait remarqué la lampe de poche de la victime au sol, à proximité d'une "fosse ouverte", et, en éclairant celle-ci, l'avait trouvé, déjà décédé. E______, magasinier, avait vu C______ en dernier le matin même, à 6h15, alors que celui-ci se rendait au sous-sol pour contrôler une pompe immergée dans une fosse.

Après vérifications, la pompe placée dans la cuve où le corps a été retrouvé ne fonctionnait pas au moment de l'évènement. La température de l'eau avoisinait les onze degrés Celsius.

b. La police a ensuite tenu plusieurs auditions formelles:

- E______ a précisé qu'en cas de problème technique avec la pompe, elle s'arrêtait et aucune alarme n'était émise. En cas de dysfonctionnement, les ouvriers avaient l'interdiction d'aller dans la fosse. La pompe devait être sortie et transmise au service technique. Le matin du drame, l'appareil était éteint car, la veille, les ferrailleurs l'avaient débranché pour pouvoir travailler à côté de la fosse. C______, venu sur le chantier en tenue civile, s'était justement inquiété de savoir si la pompe était branchée avant d'aller la contrôler. De manière générale le précité se souciait des règles de sécurité, veillant à ce qu'elles soient strictement respectées;

- selon D______, la manutention de la pompe, qui devait être effectuée une fois par jour, incombait à C______, sauf les vendredis. Cela consistait à la débrancher, la sortir à l'aide d'une corde et vérifier si elle fonctionnait, sans jamais toutefois descendre dans le puits. Le dénommé était méticuleux dans son travail même s'il était connu pour se rendre sur le chantier sans se changer ni mettre de casque;

- N______, troisième contremaître, a expliqué que C______, en sa qualité de contremaître principal, s'occupait de l'entretien de la pompe. La veille du drame, celle-ci était branchée. En général, la plaque d'égout était posée sur le trou, légèrement soulevée par une planche en bois pour laisser un espace pour les tuyaux d'évacuation. Les contremaîtres avaient la responsabilité de contrôler l'état des fosses et C______ prenait souvent l'initiative d'effectuer cette tâche. Celui-ci respectait les prescriptions de sécurité. Pour regarder le niveau d'eau dans la fosse, il n'y avait pas besoin de matériel particulier, d'autant que celle-ci se trouvait au sous-sol, avec des lumières provisoires de chantier, et une seule personne suffisait. Lorsqu'il s'agissait d'une panne de la pompe ou d'un problème quelconque, deux personnes devaient être présentes car il fallait extraire l'appareil de l'eau pour le contrôler. Si C______ n'avait pas de casque au moment du drame, c'était sûrement parce qu'il avait emprunté un chemin passant par une partie du bâtiment déjà construite;

- G______, maçon, a confirmé qu'il était interdit de descendre dans la fosse, les instructions pour l'entretien de la pompe se limitant à la remonter et l'emmener au dépôt. C______ travaillait bien, de manière rigoureuse, respectant toujours les prescriptions de sécurité.

c. Le 21 avril 2021, le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: CURML) a rendu un rapport préliminaire, concluant à titre provisoire, à une submersion (décès dans l'eau) comme cause probable de la mort.

d. Selon le rapport de renseignements du 10 mai 2021, le corps de C______ avait été trouvé flottant en position verticale, le visage dans l'eau, dans une cuve mesurant 2m84 de hauteur pour un diamètre de 1m66. Le niveau de l'eau s'élevait à 1m11. La fosse en question servait de bouche d'évacuation, équipée d'une pompe automatique avec flotteur, dont l'eau contenue présentait un pH de 12, équivalent approximativement à de la javel. À l'arrivée des premiers intervenants, le couvercle de la fosse se trouvait à proximité immédiate de celle-ci. Les circonstances du décès de C______ restaient incertaines mais la thèse accidentelle, liée à un malaise ou une chute, restait privilégiée.

e. L'Office des autorisations de construire (ci-après: OAC) a rendu, le 18 mai 2021, un compte rendu d'accident dont il ressort notamment que la zone où est survenu le drame n'était pas encombrée, l'éclairage n'était pas mauvais et la visibilité était considérée comme bonne.

f. La police a entendu derechef D______ et E______ pour obtenir des informations complémentaires.

Le premier a précisé avoir eu une relation de "camarades de travail" avec C______, lequel était apprécié sur le chantier. Il considérait "quasiment impossible" de tomber dans la bouche d'égout, à moins de ne pas connaître les lieux ou de n'avoir pas de lumière et que la fosse ne soit pas fermée, ou alors encore en cas de malaise. C______ n'avait pas pour habitude de descendre dans les fosses. Le précité passait usuellement par le parking de l'immeuble déjà construit pour accéder au chantier.

Le second a précisé que la fosse dans laquelle C______ avait été retrouvé n'était pas la même que celle dans laquelle ce dernier craignait que la pompe ne soit débranchée et qu'il était parti contrôler. Le dénommé était apprécié et n'avait pas pour habitude de descendre dans les fosses. En dix ans de chantier, c'était la première fois qu'un tel accident survenait.

La police a également entendu H______, ferrailleur, lequel a expliqué que la veille de l'évènement, une partie de son équipe travaillait au niveau -1 et l'autre au -2. Il n'avait vu aucun de ses collègues débrancher, ni même toucher, la pompe située dans la bouche d'égout au premier sous-sol. À sa connaissance, C______ ne rencontrait des tensions avec aucun ouvrier et n'avait pas de problème avec D______.

g. Le 4 août 2021, le Ministère public a reçu une lettre signée par A______, épouse de feu C______ et B______, leur fils, domiciliés en Espagne.

Ils voulaient faire part à l'autorité d'éléments nouveaux provenant de collègues de C______, qui, n'ayant pas été appelés pour témoigner, "craignaient qu'il leur arriv[ât] quelque chose". Les informations en question étaient les suivantes: au moment de retrouver le corps du dénommé, le couvercle de la fosse était en réalité à moitié fermé, contrairement aux constatations de la police; dans les semaines ayant précédé l'évènement, C______ avait reçu des menaces de mort d'un ouvrier qu'il avait dû renvoyer du chantier; et enfin, le précité avait des problèmes avec "I______ ou J______" [prénoms], autre contremaître du chantier, lequel avait fait venir des membres de sa famille sur le chantier. C______ lui avait dit qu'il ne voulait pas et qu'il allait "les virer" et son interlocuteur avait répondu que c'était lui [soit C______] qui "allait quitter le chantier". L'un des premiers ouvriers à avoir découvert le corps était un dénommé "K______" [prénom], dont le témoignage n'avait pas été recueilli, qui avait vu le couvercle à moitié fermé mais, par crainte, s'était tu. Les ouvriers avaient "peur pour leur vie" mais étaient prêts à témoigner si le "secret de l'instruction" était maintenu.

h. Le 12 suivant, le CURML a rendu son rapport définitif sur l'autopsie de C______.

Il y était notamment constaté "un champignon de mousse blanchâtre buco-narinaire, avec présence de spume au niveau du larynx, de la trachée et des bronches jusqu'en périphérie de l'autre respiratoire, un emphysème hydro-aérique des poumons, des signes d'un séjour dans l'eau [ ], des zones de brûlures du 2ème degré superficiel, prédominant au niveau des téguments du visage, du cou, du tronc et des bras, sur une surface représentant presque 50% de la surface corporelle", ainsi que "quelques plaies superficielles contuses au niveau de l'avant-bras gauche, du dos, des mains et de la face postérieure des doigts". L'ensemble des données réunies permettait de rapporter le décès de C______ à une noyade. Les brûlures constatées pouvaient être assimilées à des brûlures chimiques, causées par exposition au liquide contenu dans la fosse.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que le matin du drame, C______, au mépris des règles de sécurité "les plus élémentaires", avait pris seul la décision de descendre dans les sous-sols du chantier, muni d'une simple lampe de poche, dans l'obscurité totale, sans vêtement ni casque appropriés, dans le but de vérifier le fonctionnement d'une pompe électrique qu'il savait immergée dans une fosse. En l'absence de témoins oculaire et au vu des éléments récoltés par l'enquête, il était vraisemblable que C______ ait posé sa lampe torche puis déplacé la plaque d'égout, avant de pencher son corps au-dessus de la fosse pour tenter de remonter la pompe électrique, d'un poids de 30kg environ, perdant alors l'équilibre pour une raison inconnue et chutant dans la fosse remplie de liquide. Le décès résultait ainsi d'une imprudence fatale du dénommé.

D. a. Dans leurs recours, A______ et B______ réaffirment qu'un certain "K______" [prénom], présent le jour du drame et faisant partie du groupe ayant trouvé le corps de C______ aux côtés de D______, avait pris contact avec eux pour leur expliquer que la fosse était à moitié fermée par le couvercle métallique. L'appréciation du Ministère public selon laquelle C______ était tombé dans la cuve pour s'y noyer ne tenait pas, dès lors que le prénommé faisait 1m70 et que le niveau d'eau dans la cuve s'élevait à 1m11. La thèse d'une noyade apparaissait peu convaincante. Aucun élément ressortant du rapport d'autopsie ne permettait de retenir un malaise préalable, tandis que rien au dossier ne permettait d'affirmer que C______ s'était rendu au sous-sol au mépris des règles de sécurité et dans une obscurité totale. Le Ministère public avait effectué son instruction à leur insu, sans leur laisser la possibilité d'intervenir dans la procédure et sans entendre d'autres ouvriers travaillant sur le chantier le jour en question, dont ils fournissent une liste de noms comprenant G______, L______, M______, N______ et le prénommé "K______".

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Les allégations de A______ et B______ concernant les soucis rencontrés par C______ avec d'autres collègues ne reposaient sur aucun élément concret au dossier et s'apparentaient à de "pures hypothèses, alimentées par des rumeurs". Il n'était pas exceptionnel, nonobstant l'expérience ou la taille de la victime, de trouver la mort par une chute accidentelle dans les sous-sols d'un chantier, tôt le matin, avec une eau avoisinant onze degrés Celsius. Les constatations des enquêteurs sur place et du médecin légiste par la suite permettaient de privilégier la thèse accidentelle et l'absence d'intervention tierce dans le décès de C______.

c. Dans leur réplique, A______ et B______ soutiennent qu'en l'absence d'une situation factuelle claire, une ordonnance de non-entrée en matière ne pouvait pas être rendue.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), à l'encontre d'une ordonnance de non-entrée en matière, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. En vertu de l'art. 121 al. 1 CPP, si le lésé décède sans avoir renoncé à ses droits de procédure, ceux-ci passent à ses proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP - soit, notamment, à son conjoint et à ses descendants en ligne directe -, dans l'ordre de succession. Les bénéficiaires du transfert de ces droits peuvent, conséquemment, agir sur les plans pénal et civil, cumulativement ou alternativement (ATF 146 IV 76 consid. 2.2 p. 80). Lorsque les règles de la succession aboutissent à la désignation simultanée de plusieurs proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP, chacun d'eux acquiert pour lui-même les droits procéduraux du lésé et peut en disposer comme il l'entend (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 5 ad art. 121).

1.3. En l'espèce, le Ministère public ne remet pas en cause le statut d'héritiers légaux des recourants et rien ne laisse à penser qu'ils ne seraient pas les seuls à revêtir ce titre. Les droits de procédure de feu C______ leur ont donc été transférés et ils sont légitimés à agir. Pour le surplus, ils disposent d'un intérêt juridique à recourir contre l'ordonnance querellée (art. 382 al. 1 CPP), sous l'angle des infractions dénoncées (cf. ATF 146 IV 76 consid. 2.3 p. 81).

2.             Les recourants contestent le bien-fondé de la non-entrée en matière.

2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243).

Ainsi, un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit (N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung: Praxiskommentar, Zurich 2009, n. 2 ad art. 309). En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 et les références citées).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public, étant néanmoins rappelé que celui-ci doit avoir un comportement actif (art. 6 CPP) et qu'il doit, cas échéant, aller rechercher les informations qui lui manquent. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments utiles que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 consid. 3.2; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

2.2. En l'espèce, les faits portent sur le décès d'un homme, survenu de manière inexpliquée sur un chantier où il intervenait en qualité de contremaître principal. La gravité de la cause est dès lors indiscutable.

De même, il n'y a pas lieu, à ce stade, de remettre en doute les conclusions du rapport d'autopsie privilégiant la thèse de la noyade comme cause de la mort de C______.

Les circonstances ayant conduit à cette noyade demeurent néanmoins incertaines et inexpliquées. Le Ministère public retient la thèse accidentelle, consécutive à une imprudence fatale du défunt, mais son appréciation du déroulement des faits ne trouve pas d'assise convaincante dans les éléments au dossier, voire se trouve contredite par ceux-ci.

Tout d'abord, il est difficilement concevable de retenir que le défunt aurait agi au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires. Cela semble d'emblée antinomique avec les affirmations de ses collègues le décrivant, unanimement, comme respectueux des prescriptions de sécurité. L'absence d'un casque et sa tenue civile trouvent même une explication à teneur des témoignages recueillis: l'intéressé passait usuellement par les sous-sols de l'immeuble déjà construit pour se rendre au chantier, ce qui ne nécessitait pas le port d'un casque et, de surcroît, le contrôle du niveau de l'eau dans la fosse ne nécessitait pas de matériel particulier.

Ensuite, la mission vers laquelle se dirigeait vraisemblablement le défunt, à savoir le contrôle de la pompe automatique, ne nécessitait pas la présence d'une seconde personne, dès lors que rien ne permet d'affirmer – en l'état – qu'il aurait tenté de sortir l'objet de l'eau ni de descendre dans la cuve, ce qui était strictement prohibé.

Enfin, le Ministère public dépeint la survenance du drame dans une obscurité complète alors que le compte rendu de l'OAC retient une bonne visibilité sur les lieux, avec un éclairage suffisant, ce qui est d'ailleurs corroboré par l'un des témoins ayant confirmé la présence de lumières provisoires.

À titre superfétatoire, dans l'hypothèse où le défunt aurait agi au mépris des règles élémentaires de sécurité, le Ministère public reste dans l'incapacité, malgré tout, d'expliquer la raison de la chute dans la cuve et la noyade qui aurait suivie.

En définitive, la chronologie des faits proposée dans l'ordonnance querellée tombe à faux, de sorte que la situation factuelle ne peut pas être considérée comme claire.

Actuellement, la position défendue par les recourants repose pour leur part sur leurs seules affirmations, lesquelles veulent se faire écho d'informations prétendument reçues de collègues du défunt. Ils proposent d'étayer leurs dires par le témoignage de certains ouvriers qui n'ont pas été entendus au cours des premières investigations. En particulier, ils donnent le prénom "K______", arguant que son audition pourrait apporter une lumière nouvelle à l'enquête.

La valeur probante de ces allégations, cherchant à imputer au décès de C______ une cause autre que l'accident, doit être nuancée, ne reposant, en l'état, sur aucun élément concret.

Néanmoins, compte tenu de la gravité – déjà mentionnée – de la procédure et du fait que le Ministère public n'est également pas en mesure de proposer, à ce stade, une explication plausible au drame, la poursuite de l'instruction dans le but d'étayer les informations fournies par la famille et les auditions sollicitées permettraient d'affirmer ou d'infirmer la position des recourants et, dans tous les cas, d'éclaircir un peu plus les circonstances du décès de C______, ce qui se justifie face à l'incertitude factuelle qui persiste aujourd'hui encore.

Partant, les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réunies.

3.             Fondé, le recours doit être admis. L'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il poursuive l'instruction, notamment par les auditions sollicitées, y compris le prénommé "K______".

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP). Les sûretés versées par les recourants leur seront restituées.

5.             Les recourants, parties plaignantes, assistés d'une avocate, n'ayant ni chiffré ni – a fortiori – justifié l'indemnité requise pour ses frais de procédure, cette question ne sera pas examinée (art. 433 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et renvoi la cause au Ministère public pour qu'il procède au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer aux recourants les sûretés versées, en CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).