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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19706/2022

ACPR/708/2022 du 12.10.2022 sur OTMC/3038/2022 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : TRAITE D'ÊTRES HUMAINS;MENDICITÉ;DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE;RISQUE DE FUITE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;SÛRETÉS
Normes : CP.182; CPP.221; CPP.237; CPP.238

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19706/2022 ACPR/708/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 12 octobre 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 30 septembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat, ______ Genève,

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

intimés.


EN FAIT :

A.           a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 30 septembre 2022, le Ministère public recourt contre l'ordonnance du même jour, notifiée immédiatement, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la mise en liberté de A______ au profit de mesures de substitution, pour une durée de six mois.

Il conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée.

b. Par ordonnance OCPR/49/2022, la Direction de la procédure a ordonné le maintien en détention provisoire de A______ jusqu'à droit jugé sur le recours.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Il ressort du rapport de la police, du 17 septembre 2022, que d'après des informations qui lui étaient parvenues, un mendiant était exploité à Genève par le détenteur d'un véhicule de marque D______ immatriculé en Espagne garé aux abords de la gare Dorcière. L'observation policière, le 15 septembre 2022, a démontré que A______, ressortissant roumain, surveillait de près l'activité de mendicité de son compatriote E______, le suivant dans la rue, à bonne distance. À 21h25 les précités étaient sortis du véhicule susmentionné et le premier, faisant des signes des mains, semblait donner des ordres au second. L'extrait des images de la vidéo-protection des F______ illustre, entre 20h15 et 22h40 environ, les constatations précitées.

b. A______ a été arrêté le 16 septembre 2022. Il est prévenu de traite d'être humain (art. 182 CP), pour avoir, à Genève, pendant l’hiver 2021-2022, ainsi qu'un mois durant l'été 2022, puis dès le 11 septembre 2022, avec des tiers, exploité la situation de faiblesse de E______, né en 1988, de très petite taille, d’une extrême pauvreté et atteint d’un important handicap physique, en faisant pression sur lui, en dirigeant, organisant et surveillant étroitement ses activités de mendiant sur les trottoirs genevois de 7 heures du matin à 22 heures, et en collectant quotidiennement l’essentiel des revenus ainsi obtenus et en les conservant.

c. Lors de sa déclaration à la police, le 16 septembre 2022, E______ a déclaré vivre, en Roumanie, avec ses deux enfants handicapés, sa mère handicapée et sa sœur. Il percevait l'équivalant d'environ CHF 70.- par mois de l'assurance invalidité roumaine. À Genève, il remettait tous ses gains, provenant de la mendicité, à A______, qui lui en restituait la moitié ou moins, après déduction des frais tels que l'essence pour le voyage. A______ le surveillait, à une certaine distance. Il le protégeait aussi, lui évitant d'entrer en contact avec des tiers, que ce dernier lui avait décrits comme dangereux. La nuit, il dormait dehors, tandis que A______ dormait dans sa voiture. Il a déposé plainte pour ces faits mais, à deux reprises, a déclaré ne pas souhaiter que A______ sache ce qu'il venait de dévoiler, par peur des représailles de la part de la mère du précité, qui était la sœur et la voisine de sa propre mère.

Devant le Ministère public, le 17 septembre 2022, il a confirmé sa plainte et déclaré vouloir rentrer chez lui, en Roumanie, auprès de ses enfants. La veille, des personnes étaient venues, où il logeait, lui dire que s'il ne réfléchissait pas correctement, il "verrai[t] bien". Un des individus lui avait montré un couteau. Il avait eu très peur. Depuis, il était hébergé en un autre lieu.

d. Entendu par la police, A______ a contesté intégralement les faits reprochés. E______ était son cousin. Ils étaient venus ensemble à Genève, le 11 septembre 2022, dans son véhicule à lui, avec d'autres membres de la famille. Il (le prévenu) était déjà venu précédemment à Genève, durant l'été. Chacun mendiait pour son compte, il n'avait forcé personne, lui-même mendiait aussi et s'il conservait parfois une partie des gains de E______, c'était à la demande de ce dernier, afin d'éviter les vols. Il lui rendait immédiatement l'argent sur simple demande. Il ne notait pas les sommes remises par le précité, car il s'en souvenait. E______ était venu en Suisse de sa propre volonté, il ne l'avait pas contraint, ni ne l'avait forcé à mendier et exhiber son handicap pour gagner plus d'argent, jamais il ne ferait une telle chose. Le précité mendiait d'ailleurs aussi en Roumanie.

e. Lors de son audition par le Ministère public le 17 septembre 2022, A______ a refusé de s'exprimer, même brièvement, sur ses déclarations à la police, en raison de son état de fatigue et pour éviter de "dire des mensonges".

f. Par ordonnance du 17 septembre 2022, le TMC a ordonné la mise en détention provisoire de A______ jusqu'au 16 décembre 2022, en raison des risques de collusion, fuite et réitération.

g. Il ressort des rapports de police, qu'après l'arrestation de A______, E______ a été placé dans un hébergement d'urgence. Le 19 septembre 2022, un groupe de huit à neuf Roumains s'est rendu dans le lieu où séjournait E______, pour lui parler. Le réceptionniste est intervenu pour qu'ils quittent les lieux. Le 22 septembre suivant, lorsque la juriste du H______ est allée voir E______, ce dernier était avec sa mère et un homme disant être le père de A______. Lorsque la juriste posait des questions, la mère de E______ dictait les réponses à son fils.

h. Lors de l'audience de confrontation devant le Ministère public, le 23 septembre 2022, A______ a confirmé ses déclarations à la police. Jamais il n'avait cherché à tirer des bénéfices de E______. C'était son cousin et il ne ferait pas cela à un membre de sa famille. E______ gardait l'argent qu'il gagnait.

E______ est revenu sur ses précédentes déclarations. Il a déclaré retirer sa plainte, parce que A______ était son cousin. Au poste de police, une policière lui avait crié dessus et il avait paniqué. Lorsqu'on criait, il se mettait à trembler, car il souffrait d'une maladie mentale, et pouvait même perdre connaissance. Il avait des documents médicaux pouvant l'attester. Comme la policière criait, il lui avait dit ce qu'elle voulait qu'il dise. Il n'avait pas peur de son cousin et n'avait nullement dû lui remettre la moitié de ses gains. A______ le protégeait et le défendait contre les personnes agressives. Il (le plaignant) avait envoyé à sa famille l'argent gagné en mendiant, en remettant les sommes à un chauffeur ; l'argent était arrivé en Roumanie, chez sa sœur. L'idée de venir mendier à Genève était la sienne, car il pensait gagner plus. Il avait menti à la police car il avait eu peur. Il souhaitait retourner en Roumanie, avec A______. Quelqu'un avait appelé sa mère, en Roumanie, pour qu'elle vienne le chercher et elle était venue, en bus.

i. À l'issue de l'audience, A______ a demandé sa mise en liberté, que le Ministère public a refusée, au motif que l'instruction devait se poursuivre et les risques retenus par le TMC étaient toujours réalisés.

j. S'agissant de sa situation personnelle, A______, né en 1983, est ressortissant roumain, marié et père de cinq enfants, âgé de 14 à 24 ans. Il dit résider, avec ses enfants, la plupart du temps en Espagne, où est d'ailleurs immatriculé le véhicule avec lequel il s'est rendu à Genève. Il est propriétaire d'une maison en Roumanie – qu'il dit avoir acheté EUR 26'000.- –, où vit son épouse, laquelle s'occupe de leurs petits-enfants. En Espagne, où il dit travailler neuf à dix mois par année comme saisonnier avec ses fils, il est locataire d'une maison. Il est propriétaire de deux voitures, immatriculées en Espagne, soit la D______ qui se trouve à Genève, et un véhicule de marque G______, se trouvant en Roumanie.

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédents. Il a déclaré avoir des antécédents judiciaires en Roumanie pour une bagarre, et en Espagne pour avoir conduit sans permis.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges pesant sur A______ restaient suffisantes. Les déclarations de E______ à la police étaient crédibles et circonstanciées, celui-ci ayant exprimé son sentiment d'être exploité et de mendier sous la coupe du prévenu, qui ne mendiait pas, tout en précisant à de nombreuses reprises que le prévenu était gentil avec lui et le traitait bien. Le prévenu et le plaignant avaient tenu devant le Ministère public des propos pour partie contradictoires au regard de leurs premières déclarations, sans qu'il soit possible d'exclure une pression exercée sur le plaignant par l'entourage du premier, entre le dépôt de plainte et l'audience. Il semblait admis que A______ avait tenu à se camper en "protecteur" du plaignant, à Genève, "en l'inquiétant sur les pratiques genevoises, la qualification juridique de ce comportement étant ainsi réservée". L'instruction devait se poursuivre pour objectiver autant que possible les faits, par l'examen de la téléphonie et les envois d'argent, voire la question de la maladie mentale alléguée par le plaignant.

Le risque de fuite était concret, le prévenu étant de nationalité étrangère et sans attaches avec la Suisse. Au vu de l'état de la procédure, ce risque pouvait toutefois être pallié par des mesures de substitution. Le risque de collusion était tangible, vis-à-vis du plaignant, au vu de ses faiblesses, et il convenait d'éviter que le prévenu n'influence, en sa faveur, les futures déclarations du précité. Une interdiction de contact avec E______ était cependant apte à atténuer ce risque, la première confrontation étant déjà intervenue. Le risque de réitération était concret, en dépit de l'absence d'antécédent, dès lors que le prévenu disposait, en la personne du plaignant, faible et handicapé, d'une source de revenu non négligeable qu'il pourrait vouloir continuer à exploiter si les délits retenus en l'état devaient se révéler fondés. Toutefois, l'interdiction de contacts était propre à pallier ce risque également, au vu de l'état de la procédure.

En conséquence, A______ s'est vu, en lieu et place de la détention, ordonner de déposer ses papiers d'identité en mains du Ministère public, ainsi que de se présenter au poste de police des F______ une fois par semaine, et interdire de prendre contact, de quelque manière que ce soit (y compris par personne interposée) avec E______.

D.           a. À l'appui de son recours, le Ministère public expose avoir constaté, lors de l'audience de confrontation, que A______ avait une "voix forte". Le prévenu et le plaignant avaient tenu des propos incohérents, parfois fantaisistes et contraires à leurs précédentes déclarations. Tout semblait désormais être fait pour faire passer le plaignant pour un simple d'esprit victime de la police et pour nier tout lien entre eux. Selon le rapport de police du 27 septembre 2022 – versé au dossier –, il était d'usage, dans le milieu Rom, que les victimes soient intimidées de manière à ce qu'elles changent leurs déclarations au prétexte de prétendues pressions des inspecteurs. À la police était en cours l'exploitation d'images de surveillance permettant de documenter la surveillance de A______ sur E______ dans le secteur des F______. D'autres actes d'enquête étaient en cours, portant sur la téléphonie et les transferts de fonds. En outre, selon les images de vidéosurveillance reçues des autorités autrichiennes, sur lesquelles le prévenu et la victime étaient aisément identifiables, le prévenu s'était semble-t-il rendu coupable de trois vols d'essence, les 30 juillet, 6 août et 11 septembre 2022. Cela démontrait que, non seulement ils avaient voyagé ensemble à ces dates, mais que les frais d'essence auxquels la victime avait participé avaient été sensiblement réduits, voire évités. Les premières déclarations du plaignant étaient ainsi confirmées, tandis que celles du prévenu, démenties.

Le risque de collusion serait plus grand encore en cas de mise en liberté du prévenu, étant relevé que l'interdiction de contact indirect avec le plaignant était impossible à mettre en œuvre. Par ailleurs, le dépôt des documents d'identité par le prévenu ne permettrait pas d'empêcher sa fuite. Quant au risque de réitération, il semblait patent, au vu de la rapide "repris[e] en main" du plaignant par l'entourage du prévenu.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

c. A______ conclut au rejet du recours. Les observations de la police ne documentaient qu'un très court laps de temps, duquel il était difficile de tirer des conclusions. En outre, les images produites par les autorités autrichiennes démontraient qu'il était venu en Suisse à trois reprises, ce qui ne contredisait pas ses propres déclarations. L'instruction menée à ce stade remettait ainsi en question les charges pesant sur lui, bien qu'elles puissent "apparaître comme plausibles". Il conteste l'existence d'un risque de collusion et relève que les actes d'instruction annoncés – examen de la téléphonie et des envois d'argent – n'étaient pas susceptibles d'être influencés. Le risque de fuite pouvait être pallié par les mesures ordonnées. Il conteste en outre tout risque de réitération ; sa principale source de revenu provenait de son activité de saisonnier en Espagne. Au demeurant, l'interdiction de contact pourrait pallier cet éventuel risque.

d. Le Ministère public a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 393 et 396 CPP) – ce qui a déjà été constaté dans l'ordonnance provisionnelle du 30 septembre 2022 –, concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. c et 393 al. 1 let. c) et émaner du Ministère public qui, partie au procès (art. 104 al. 1 let. c CPP), a qualité pour recourir (art. 381 al. 1 CPP; ATF 137 IV 22).

2.             Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient des charges suffisantes, au vu des éléments au dossier, que le Ministère public – recourant – confirme. L'intimé, en revanche, semble les remettre en cause, tout en reconnaissant qu'elles puissent apparaîtrent comme "plausibles".

2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2. En l'occurrence, bien que E______ soit revenu, lors de la confrontation devant le Ministère public, sur ses déclarations à la police et ait retiré sa plainte, les charges ne se sont pas effondrées pour autant. Le revirement du précité était prévisible, puisque, à la police déjà, il avait souhaité que le prévenu n'ait pas connaissance de ses déclarations, par peur des représailles. Cela étant, même après cette volte-face, les soupçons de traite d'être humain reposent sur les observations de la police et les images de la vidéosurveillance, qui montrent le prévenu surveiller à distance E______, qui ne semble ainsi pas avoir été libre de pratiquer librement la mendicité, ce qui renforce les soupçons qu'il ait dû remettre, comme expliqué dans sa première déclaration, ses gains au prévenu. Que ce dernier explique avoir voulu protéger son cousin handicapé ne réduit pas à néant les charges, surtout après l'intervention de tiers visant à faire pression sur E______ pour qu'il modifie ses déclarations, sa mère s'étant même rendue en Suisse, depuis la Roumanie, à cet effet.

Le TMC a ainsi retenu à bon droit l'existence de charges suffisantes.

3.             Le Ministère public reproche au TMC d'avoir retenu que le risque de collusion ne justifiait plus le maintien en détention du prévenu.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'espèce, le risque de collusion s'est déjà réalisé, avant l'audience de confrontation, E______ ayant subi des pressions de tiers l'ayant apparemment amené à changer ses déclarations et retirer sa plainte. Partant, la libération de l'intimé ne saurait modifier la situation sous cet angle. De plus, il n'est pas certain que E______ demeurera à Genève, puisqu'il a affirmé vouloir rentrer en Roumanie, avec sa mère. Une nouvelle confrontation apparaît ainsi des plus incertaines.

Les mesures de substitution ordonnées paraissent ainsi à même de pallier le risque résiduel précité.

4.             Le Ministère public estime que le risque de réitération ne saurait être pallié par des mesures de substitution.

4.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Une expertise psychiatrique se prononçant sur ce risque n'est cependant pas nécessaire dans tous les cas (ATF 143 IV 9 consid. 2.8).

4.2.       En l'espèce, l'intimé n'a pas d'antécédents en Suisse et d'autres personnes ne paraissent pas avoir fait l'objet des actes qui lui sont reprochés. De plus, il semble que E______ ait l'intention de retourner en Roumanie, de sorte que le risque, somme toute relatif, d'une réitération d'actes constitutifs de l'art. 182 CP paraît pouvoir être pallié par l'interdiction de contact prononcée.

5.             Le Ministère public estime que le risque de fuite est trop important pour être pallié par les mesures ordonnées.

5.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

5.2.       À teneur de l'art. 238 CPP, le tribunal peut, s'il y a danger de fuite, astreindre le prévenu au versement d'une somme d'argent afin de garantir qu'il se présentera aux actes de procédure et se soumettra à l'exécution d'une sanction privative de liberté (al.1). Le montant des sûretés dépend de la gravité des actes reprochés au prévenu et de sa situation personnelle (al. 2).

Selon la jurisprudence, le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment "par rapport à l'intéressé, à ses ressources, à ses liens avec les personnes appelées à servir de cautions et pour tout dire à la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perte du cautionnement ou de l'exécution des cautions en cas de non-comparution à l'audience agira sur lui comme un frein suffisant pour éviter toute velléité de fuite" (ATF 105 Ia 186 consid. 4a, citant l'arrêt CourEDH Neumeister c. Autriche du 27 juin 1968, Série A, vol. 7, par. 14; cf. arrêt 1P.165/2006 du 19 avril 2006 consid. 3.2.1, publié in SJ 2006 I p. 395). Si la caution doit être fournie par un tiers, il y a lieu de prendre en considération les relations personnelles et financières du prévenu avec cette personne (arrêt 1P.690/2004 du 14 décembre 2004 consid. 2.4.3 et les références).

5.3.       En l'espèce, il existe à n'en pas douter un risque de fuite, au vu de la nationalité étrangère du prévenu et l'absence d'attaches en Suisse. Le TMC estime que "au vu de l'état de la procédure", le risque de fuite peut être pallié par l'obligation de dépôt des documents d'identité du prévenu et sa présentation chaque semaine à un poste de police.

On peut admettre, avec l'autorité précédente, qu'au vu du résultat de la confrontation et des actes d'instruction annoncés par le Ministère public (analyse de la téléphonie et des versements), le risque d'une disparition à l'étranger du prévenu s'est quelque peu amoindri, mais il demeure concret.

Les mesures ordonnées paraissent ainsi insuffisantes à garantir la présence du prévenu aux actes de la procédure. À cet égard, le versement de sûretés, au sens de l'art. 238 CPP, paraît nécessaire. Bien que le prévenu allègue être venu en Suisse pour s'adonner à la mendicité, il est propriétaire d'une maison en Roumanie ainsi que de deux véhicules, et dit louer une maison en Espagne, où il travaillerait dix mois par an. Partant, il ne semble pas être dans une situation financière faisant obstacle au versement d'une caution, pour renforcer les mesures de substitution devant pallier le risque de fuite.

Il s'ensuit que, sur ce point, le recours sera admis, et la cause retournée au TMC pour qu'il ordonne le versement de sûretés et en fixe le montant, après avoir donné l'opportunité au prévenu de se déterminer préalablement sur ce point.

6.             Le recours doit ainsi être partiellement admis ; l'ordonnance querellée sera annulée et la cause retournée au TMC pour nouvelle décision.

7. Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

8. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (cf. art. 135 al. 2 cum 138 CPP), le défenseur d'office de l'intimé.         

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée et retourne la cause au Tribunal des mesures de contrainte pour nouvelle décision au sens des considérants.

Ordonne, dans l'intervalle, le maintien de A______ en détention provisoire.

Laisse les frais de l'instance de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au Ministère public, au prévenu (soit, pour lui son défenseur), et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.