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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16216/2022

ACPR/611/2022 du 02.09.2022 sur OTMC/2542/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION(INCARCÉRATION);RISQUE DE COLLUSION;COMPÉTENCE
Normes : CPP.221; CPP.41; LStup.19.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16216/2022 ACPR/611/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 septembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison B______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 10 août 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 26 août 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 août 2022, notifiée le 16 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 9 novembre 2022.

Le recourant conclut à la constatation de l'incompétence des autorités pénales genevoises et à la nullité de la décision; subsidiairement l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, moyennant le cas échéant le prononcé de mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.                      À teneur du rapport de renseignements du 3 août 2022 et celui d'arrestation du 9 suivant, la police enquête sur un trafiquant de cocaïne qui faisait venir cette drogue par centaines de grammes depuis l'étranger et la distribuait ensuite auprès de divers clients à Genève et en Suisse. Le 24 juillet 2022, elle a pris en filature un véhicule immatriculé à Genève jusqu'à Soleure et a observé les occupants du véhicule se rendre dans un appartement à D______ [SO], avant d'en ressortir quelques minutes plus tard et de reprendre la route en direction de Genève. La police a ensuite contrôlé E______ qui venait d'acheter 1.7 gramme de cocaïne auprès d'un individu africain dans cet appartement. La perquisition des lieux n'a pas permis l'interpellation de l'occupant qui avait pris la fuite.

Cependant, un mandat d'amener à l'encontre de ce dernier, soit A______, a été émis, l'intéressé souhaitant se rendre aux autorités.

b.                      Le 9 août 2022, lors de son audition, A______ a déclaré


avoir commencé à vendre de la cocaïne depuis un à deux mois et avoir trois ou quatre clients. Il avait reçu une première livraison de 100 grammes de cocaïne et en avait vendu 30 grammes. Il avait reçu une seconde livraison de 250 grammes du même fournisseur auquel il avait remis CHF 3'000.- afin de payer les premiers 100 grammes. Il avait ainsi vendu une boulette de 0.5 gramme de cocaïne à E______, pour CHF 50.- et une seconde fois d'un gramme pour CHF 100.-. Il avait quitté la Suisse à la suite de l'intervention de la police, avant de revenir, et avait peur des représailles du fournisseur envers sa famille.

c.                       Le lendemain, le Ministère public a prévenu A______ d'infraction grave à la LStup pour avoir, le 24 juillet 2022, à son domicile à D______, détenu une quantité de 338,1 grammes brute de cocaïne, destinée à la vente, ainsi que CHF 2'800.- et du matériel de conditionnement, et avoir vendu, le jour en question, une quantité de 1,7 gramme de cocaïne à E______ pour la somme de CHF 100.- et, à tout le moins entre la mi-juin 2022 et le 24 juillet 2022, vendu une quantité d'environ 30 grammes de cette drogue à différents toxicomanes.

Il a également été prévenu d'empêchement d'accomplir un acte officiel pour avoir, le 24 juillet 2022, à son domicile à D______, pris la fuite alors que la police, se légitimant en tant que telle, pénétrait dans son domicile pour procéder à son interpellation.

Le prévenu a confirmé ses déclarations concernant la vente de cocaïne et contesté avoir pris la fuite devant la police.

d. A______ est né en 1994 en Guinée-Bissau. Il vit en Suisse officiellement depuis 2021, officieusement depuis 2015. Il travaille comme logisticien auprès de la société "F______". Il vit en couple avec G______, depuis 2017, avec laquelle il a un enfant de 4 ans.

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC a considéré que les charges étaient suffisantes pour justifier la mise en détention du prévenu, eu égard aux constatations de police et aux déclarations de l'intéressé, à la drogue retrouvée dans son appartement et à sa mise en cause dans la vente de cocaïne par E______.

L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public voulant procéder à l'analyse de la drogue et du téléphone portable du prévenu et, si nécessaire, à la confrontation de ce dernier avec E______.

Le risque de fuite était concret dans la mesure où, bien que le prévenu se soit rendu spontanément à la police et que sa femme, de nationalité polonaise, et sa fille habitent en Suisse, il est de nationalité portugaise et n'a pas d'autre famille en Suisse; au vu de la peine menace concrètement encourue, il existait un risque qu'il prenne la fuite pour aller vivre au Portugal, pays d'où il ne pourrait plus être extradé. Il avait d'ailleurs expliqué avoir fui la Suisse après l'intervention de la police avant de se raviser. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse.

Le risque de collusion devait être retenu, dans la mesure où la police enquêtait sur les fournisseurs du prévenu et qu'il convenait d'empêcher ce dernier de les avertir des investigations en cours et leur permettre de prendre la fuite. En outre, il conviendrait de confronter E______ au prévenu sans qu'il puisse influencer le témoin.

Le risque de réitération n'était pas retenu, vu le casier judiciaire vierge.

Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention au vu des risques retenus ci-dessus. Les mesures proposées pour pallier le risque de fuite (obligation de se présenter quotidiennement au poste de police le plus proche de son domicile et dépôt de ses pièces d'identité qui ont été saisies par la police) étaient clairement insuffisantes vu l’ampleur du trafic de drogue reproché.

D. a. À l'appui de son recours, A______ allègue la nullité de la décision pour incompétence des autorités genevoises. Que le fournisseur soit recherché par les autorités genevoises ne constituait pas un for s'agissant des infractions commises par lui.

Il conteste le risque de collusion. Tous les faits reprochés concernant le trafic de stupéfiants étaient admis, et pouvaient être jugés immédiatement par la procédure simplifiée, et le Procureur ne faisait pas état d'indice pour une autre infraction ou une étendue plus importante du trafic. La confrontation avec le toxicomane était inutile, dès lors qu'il avait admis ces faits. La recherche du fournisseur ne le concernait pas, en dehors du fait qu'il avait reçu une livraison à son domicile. L'analyse de la drogue et de son téléphone ne justifiait pas sa détention, dès lors qu'il ne pourrait pas interférer dans ces mesures d'instruction. D'ailleurs, il n'était pas concerné par les actes de son fournisseur. Il conteste le risque de fuite. S'il avait voulu fuir au Portugal, il l'aurait déjà fait. Sa vie et sa famille étaient en Suisse et il n'entendait pas se soustraire à la justice mais assumer ses actes, comme il l'avait démontré en se rendant volontairement aux autorités. Il propose des mesures de substitution comme le bracelet électronique, la présentation à la police et le dépôt de ses papiers.

b. Dans ses observations, le Ministère public relève que le prévenu ne l'avait pas sollicité afin qu'il rende une décision sur la question du for (art. 41 al. 1 et 2 CPP) susceptible de recours. Il retient les risques de fuite et de collusion; des actes d'enquêtes (analyse du téléphone) étaient en cours afin de déterminer l'ampleur du trafic et d'identifier le fournisseur du recourant du 24 juillet 2022. Il convenait d'empêcher le recourant de prendre contact avec ce dernier et d'autres acheteurs.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

d. Le recourant réplique. Il affirme avoir demandé par courrier du 16 août 2022, qu'il produit, une décision sur le for. Il persiste pour le surplus.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance du TMC portant sur la détention provisoire sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Par contre, les conclusions tendant au constat d'incompétence des autorités genevoises ne sont pas recevables. La Chambre de céans est appelée, en l'espèce, à statuer sur la décision rendue par le TMC lequel n'a pas été saisi de cette problématique.

De plus, la question de la compétence des autorités genevoises ou soleuroises n'a pas d'incidence sur la licéité de la détention du recourant, à partir du moment où les autorités suisses sont de toute manière compétentes (art. 3 al. 1 CP).

Enfin, il est douteux que la Chambre de céans soit l'autorité de recours de décision portant sur un for contesté (art. 41 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal pénal fédéral BG.2020.17 du 17 juin 2020 consid. 1.2). Point n'est besoin cependant de statuer sur cette question.

2.             Le recourant ne revient pas sur les charges, graves et suffisantes à teneur du dossier. Il n'y a donc pas à s'y attarder.

3.             Il conteste le risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, l'enquête ne fait que débuter. Le Procureur attend les résultats de l'analyse du raccordement du recourant pour déterminer l'ampleur du trafic auquel ce dernier avait participé ainsi que l'identité du fournisseur – que le prévenu refuse de communiquer – venu chez lui le 24 juillet 2022. On ne peut suivre le recourant lorsqu'il soutient ne pas être concerné par l'enquête initialement dirigée contre son fournisseur, chacun étant un participant au trafic.

Aucune mesure de substitution n'est envisageable, à ce stade de l'instruction, et le recourant n'en propose pas, celles suggérées visant uniquement à pallier le risque de fuite.

Partant, c'est à bon droit que le TMC a retenu ce risque.

4.             Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si le risque de fuite l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

5.             Au vu de la peine menace et concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des faits reprochés, la durée de la détention provisoire subie à ce jour reste proportionnée.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

 

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

 

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/16216/2022

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

985.00