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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12483/2020

ACPR/556/2022 du 16.08.2022 sur OCL/229/2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);FRAIS DE LA PROCÉDURE;DÉPENS;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;TRANSPORT DE PERSONNES
Normes : CPP.429; CPP.426; CP.177; LTV.59

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12483/2020 ACPR/556/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 16 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 25 février 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 février 2022, notifiée le 28 suivant, par laquelle le Ministère public, après avoir ordonné le classement partiel de la procédure dirigée à son encontre (ch. 1 du dispositif), a refusé de lui allouer une indemnité au sens de l'art 429 CPP (ch. 3) et l'a condamné aux frais de la procédure arrêtés à CHF 510.- (ch. 4).

Le recourant conclut, avec suite de frais, à l'annulation des chiffres 3 et 4 du dispositif de l'ordonnance querellée, à l'octroi d'indemnités au titre des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits à hauteur de CHF 1'400.- pour la procédure par-devant le Ministère public et de CHF 1'250.- pour celle de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 14 juillet 2020 intitulé "Plainte/Dénonciation", le service juridique des TPG a porté à la connaissance du Ministère public que, le 13 mai 2020, vers 14h17, sur la route de Malagnou, à la hauteur de l'arrêt TPG Florence, en direction de Thônex-Vallard, la personne conduisant le véhicule immatriculé GE 1______ avait circulé de manière imprudente sur la voie réservée aux véhicules TPG et fait un doigt d'honneur à l'attention d'un conducteur d'autobus, C______, après que ce dernier l'eut klaxonnée.

b. Entendue par la police le 12 octobre 2020, D______, propriétaire de la voiture susmentionnée, a "garanti" ne pas l'avoir conduit le jour en question. Au mois de mai 2020 et en particulier le 13, son compagnon de l'époque, A______, avait utilisé son véhicule.

À l'issue de son audition, elle a produit une capture d'écran d'une conversation Whatsapp avec A______, à teneur de laquelle le 13 mai, avant 12h00, il lui avait demandé "Tu as besoin de la voiture à quelle heure?", ce à quoi elle avait répondu "J'ai [sic] pas besoin de la voiture".

c. Entendu par la police le 21 octobre 2020, A______ a, en substance, contesté les faits reprochés. Lorsqu'il était en couple avec D______, il avait utilisé le véhicule de cette dernière; cependant, le jour en question, il ne se souvenait pas l'avoir conduit.

d. Par ordonnance pénale du 20 avril 2021 (OPMP/3732/2021), le Ministère public a reconnu A______ coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) pour les faits précités et l'a condamné aux frais de la procédure.

e. Par courrier du 6 mai 2021, A______ s'y est opposé.

f. Lors de l'audience du 17 août 2021 par-devant le Ministère public, C______ a, d'abord, confirmé "sa" plainte contre A______, puis, à la fin de l'audience, souhaitant "faire un geste", l'a "retirée".

g. Lors de ladite audience, A______ a confirmé son opposition et ses déclarations précédentes.

h. À la suite de l'avis de prochaine clôture du Ministère public l'informant notamment que, s'agissant de l'injure, une ordonnance de classement partiel serait rendue, A______ a requis une indemnisation à hauteur de CHF 1'400.-, correspondant à 4 heures d'activité de collaborateur.

i. Parallèlement à l'ordonnance querellée, le Ministère public a, par ordonnance pénale, reconnu A______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), pour avoir franchi la ligne continue et s'être rabattu sur la voie réservée au bus, et l'a notamment condamné aux frais de la procédure.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient l'existence d'un empêchement de procéder, dans la mesure où l'infraction d'injure était poursuivie sur plainte et que C______ avait retiré la sienne.

Toutefois, les frais de la procédure devaient être mis à la charge de A______ puisqu'il avait eu un comportement fautif et contraire à la norme de comportement prescrite à l'art. 28 CC en portant atteinte à l'honneur de C______, qui avait décidé de faire un geste en retirant sa plainte. Le Ministère public était néanmoins convaincu que le geste avait été réalisé par le prévenu. Pour les mêmes motifs, aucune indemnité n'était accordée à ce dernier.

D. a. Dans son recours, A______ explique, en substance, qu'il existait dès le départ un empêchement de procéder, aucune plainte n'ayant été déposée par le lésé. Les frais engendrés par la poursuite, ce nonobstant, l'instruction ne pouvaient ainsi être mis à sa charge.

En outre, aucun élément au dossier ne permettait d'établir qu'il avait effectivement commis l'infraction reprochée.

Pour les motifs sus-évoqués, des indemnités pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure devaient lui être octroyées. Pour ce qui était de celle de recours, il réclamait un montant de CHF 1'250.- correspondant à 5 heures d'activités d'avocat-stagiaire et 1 heure d'avocat.

b. Dans ses observations, le Ministère public persiste dans les termes de sa décision et conclut au rejet du recours.

L'ouverture de la procédure découlait du seul comportement de A______, lequel devait être considéré dans son ensemble et comprenait en plus de l'infraction d'injure, celle à la LCR, confirmée dans l'ordonnance pénale du 25 février 2022 contre laquelle aucune opposition n'avait été formée. Ainsi, les frais de la procédure pouvaient être mis à la charge de A______ et l'indemnité sollicitée concernant les frais de défense, refusée. En tout état de cause, le Ministère public ne voyait pas en quoi l'activité de l'avocat avait été nécessaire en lien avec l'infraction classée à la suite d'un retrait de plainte, seule concernée par la décision entreprise. Par ailleurs, A______ était en mesure de se défendre seul; une seule audience sur opposition avait eu lieu lors de laquelle le prénommé avait confirmé son opposition et contesté être l'auteur des faits.

c. Dans sa réplique, A______ relève, en substance, que l'autorité avait manqué de diligence en ignorant le vice procédural existant ab initio et en continuant de soutenir que le classement partiel était intervenu à la suite du retrait de la plainte.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste la mise à sa charge des frais de la procédure classée et, partant le refus d'indemnisation.

2.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a).

La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2; 137 IV 352 consid. 2.4.2).

2.2. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 6B_301/2017 du 20 février 2019 consid. 1.1; cf. art. 426 al. 3 let. a CPP). Le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les références citées).

2.3. Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, mais applicable par analogie à l'art. 430 al. 1 let. a CPP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours.

À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF
119 Ia 332 consid. 1b; ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêts 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.1; 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1). Le lien de causalité entre le comportement reproché et les frais doit être adéquat (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1180/2019 du 17 février 2020 consid. 3 et 6B_453/2019 du 3 octobre 2019 consid. 1.5). Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61 et l'arrêt cité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1180/2019 précité, consid. 3).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF
119 la 332 consid. 1b p. 334; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1).

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1; cf. art. 426 al. 3 let. a CPP). Le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis.

La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les références citées).

2.4. L'art. 177 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur.

2.5. Conformément à l'art. 59 let a de la Loi sur le transport de voyageurs du 20 mars 2009 (ci-après : LTV, RS 745.1), les infractions prévues par le code pénal sont poursuivies d'office lorsqu'elles sont commises contre les employés des entreprises qui disposent d'une concession ou d'une autorisation selon les art. 6 à 8, dans l'exercice de leurs fonctions.

2.6. En l'espèce, la procédure a fait l'objet d'un classement partiel pour l'infraction à l'art. 177 CP. Il ressort des faits dénoncés que le geste susceptible d'être qualifié d'injure – doigt d'honneur – aurait été destiné à C______, conducteur de bus de l'entreprise TPG. Cette dernière est bénéficiaire d'une concession au sens de l'art. 6 LTV sur le territoire genevois – art. 80 al. 2 Ordonnance sur le transport de voyageurs du 4 novembre 2009 (RS 745.11) cum le "Répertoire ET" de l'Office fédéral des transports – de sorte que la LTV, en particulier l'art. 59, est applicable dans le cas présent.

Partant, l'infraction dénoncée par les TPG était poursuivie d'office.

Dans ces circonstances, le Ministère public ne pouvait conclure à un empêchement de procéder par suite du "retrait" de plainte de C______.

2.7. Cela étant dit, le classement étant désormais définitif, le recours a pour seul objet la question de la mise à la charge des frais de la procédure et le refus d'indemnisation.

À cet égard, le Ministère public considère qu'il se justifie de mettre les frais de la procédure à la charge du recourant, étant convaincu que celui-ci aurait réalisé le geste incriminé, lequel contrevenait à la norme de comportement prescrit à l'art. 28 CC. Or, le recourant a d'emblée contesté les faits reprochés et aucun élément objectif ne permet de retenir le contraire. Le Ministère public ne pouvait ainsi, sans autre élément, retenir qu'il serait l'auteur du comportement incriminé.

Il n'y a donc pas lieu de condamner le prévenu aux frais de la procédure par-devant le Ministère public, lesquels doivent donc être mis à la charge de l'État (art. 423 CPP).

3.             Reste à déterminer si le recourant a droit à une indemnité.

3.1. L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1). Elle couvre en particulier les honoraires de ce conseil, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. Selon le message du Conseil fédéral, l'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1313 ch. 2.10.3.1).

3.2. Le recourant aurait droit, sur le principe, à une indemnisation au sens de l'art. 429 CPP. Cependant, la procédure par-devant le Ministère public a consisté, pour le recourant, à former opposition à l'ordonnance pénale du 20 avril 2021 – dont il n'est pas nécessaire qu'elle soit motivée – et, lors de l'audience qui s'est ensuivie, à confirmer ses déclarations à la police, soit en substance à nier être l'auteur du geste incriminé. Ces actes ne nécessitaient pas l'assistance d'un conseil de sorte qu'aucune indemnité ne sera allouée au recourant pour la procédure préliminaire.

4.             Partiellement fondé, le recours doit être admis et le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance querellée annulé.

5.             Les frais de la procédure de recours resteront à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

6.             Le recourant sollicite, pour ses frais de défense en procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP), une indemnité de CHF 1'250.-, correspondant à 5 heures d'activité d'avocat-stagiaire et 1 heure d'activité d'avocat.

Il apparaît raisonnable d'allouer, à la charge de l'État, pour la rédaction du recours, une indemnité de CHF 450.- correspondant à 3 heures d'activité d'un avocat-stagiaire à CHF 150.- (tarif appliqué par la Cour de justice; AARP/65/2017 du 23 février 2017 consid. 5.1.).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance de classement partiel du 25 février 2020 et laisse les frais de la procédure devant le Ministère public à la charge de l'État.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 450.- pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).