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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/582/2022

ACPR/478/2022 du 07.07.2022 sur JTPM/422/2022 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/582/2022 ACPR/478/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 juillet 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de B______(GE), comparant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 16 juin 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

 

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 juin 2022 au Tribunal pénal, qui l'a transmis à la Chambre de céans le 23 suivant, A______ recourt contre le jugement rendu le 16 juin 2022, notifié le jour même, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut à ce que la libération conditionnelle lui soit octroyée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1998, ressortissant tunisien, connu en Suisse sous sept fausses identités, exécute actuellement neuf condamnations prononcées par le Ministère public, le Tribunal de police et le Service des contraventions (décisions de conversion) entre les 26 octobre 2019 et 8 octobre 2021 pour contravention et infraction à la loi sur les stupéfiants (ci-après: LStup), vol d'importance mineure, vol, recel, contrainte, violation de domicile, dommages à la propriété, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, entrée et séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée.

b. Le 11 mars 2021, le Tribunal de police a également prononcé son expulsion du territoire suisse au sens de l'art. 66a bis CP, pour une durée de cinq ans.

c. Détenu d'abord à la prison de C______ du 10 décembre 2020 au 15 février 2021, le précité a ensuite été transféré à la prison de D______ à E______ [VD], puis à l'établissement fermé de B______] (ci-après: B______]) le 19 mai 2021, où il se trouve actuellement. Les deux tiers des peines à purger sont échus depuis le 18 juin 2022, le terme étant le 30 mars 2023.

d. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse de A______, une enquête pénale pour lésions corporelles simples et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires est en cours d'instruction auprès du Ministère public depuis le 25 mai 2022.

e. Le 23 juillet 2021, le plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après: PES) a été validé par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM), prévoyant uniquement le maintien de A______ en milieu fermé.

Il ressort notamment de ce document que le prénommé, selon ses dires, tirait ses revenus de ses activités illégales, lesquels lui permettaient de vivre convenablement. Il n'envisageait pas son futur à long terme, n'étant pas en mesure de se projeter. Il n'excluait pas un retour en Tunisie mais souhaitait rester en Europe pour y fonder une famille. Il expliquait vouloir régulariser sa situation administrative. Toutefois, aucun document d'identité n'avait été déposé au greffe de la prison.

Enfin, A______ disait avoir deux antécédents en France pour des faits en lien avec les stupéfiants et le patrimoine.

f. Bien qu'un dossier de renseignements et un formulaire de demande de libération conditionnelle aient été envoyés à A______ en date du 20 avril 2021, ces documents ne sont pas parvenus en retour au SAPEM.

g. Selon le préavis défavorable de la direction de la prison de C______ du 3 mars 2022, A______ s'était difficilement soumis aux règles internes de discipline et avait été placé à cinq reprises en cellule forte. Il avait été dans l'attente d'une place de travail depuis le 15 décembre 2020 et n'avait pas été suivi par le secteur socio-éducatif du Service de probation et d'insertion.

h. La direction de B______] a émis un préavis défavorable le 19 avril 2022. Le comportement de A______ en détention était insatisfaisant. Les seize sanctions disciplinaires dont il avait fait l'objet, prononcées pour des motifs tels que "bagarre", "violence physique ou verbale à l'égard des autres personnes détenues", "comportement contraire au but de l'établissement", "trouble de l'ordre ou la tranquillité de l'établissement ou des environs immédiats", "refus de travailler", "refus d'obtempérer", "insultes", "violence et menaces envers les membres du personnel", "introduction, détention et consommation de produits stupéfiants", démontraient de la peine qu'avait l'intéressé à se conformer au cadre et au règlement de l'établissement – étant précisé que quatre sanctions pour des raisons analogues s'étaient ajoutées depuis lors – .

A______ travaillait depuis le 1er juin 2021. Dans le cadre des différents ateliers qu'il avait fréquentés, il effectuait avec soin et intérêt les tâches confiées et respectait les consignes.

Il n'avait reçu aucune visite et aucun projet n'était connu du service socio-professionnel.

Il disposait de CHF 683.10 sur son compte libre, CHF 253.70 sur son compte réservé et CHF 688.05 sur son compte bloqué.

i. Le 31 mai 2022, le SAPEM a préavisé défavorablement la libération conditionnelle. A______ avait fait l'objet d'une vingtaine de sanctions disciplinaires en l'espace d'une année, dont un nombre conséquent pour des faits de violence, étant précisé que ces mêmes problématiques s'étaient retrouvées lors de son passage à D______ (six sanctions) et à C______ (cinq sanctions). La gravité de ces incidents n'était pas négligeable, l'un d'entre eux ayant conduit à une condamnation et un autre à une dénonciation pénale, un codétenu mais également plusieurs agents de détention ayant été blessés par le concerné. Son incapacité de se conformer aux normes avait aussi mené à de nombreuses condamnations. Dans ce contexte, le Service de médecine pénitentiaire avait signalé au SAPEM les troubles du comportement de A______ et émis des craintes en vue de sa libération, ce d'autant plus que ce dernier refusait toute prise en charge médicale. Ainsi, malgré son implication en atelier, le pronostic de récidive était fortement défavorable, le comportement et la gravité des infractions commises en détention laissant penser que A______ constituait un danger pour autrui en cas de libération.

j. Par requête du 3 juin 2022, le Ministère public s'est rangé derrière les arguments du SAPEM.

k. Selon les renseignements donnés par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), A______ n'était pas autorisé à demeurer sur le territoire compte tenu de l'expulsion judiciaire prononcée contre lui. Malgré une demande en cours depuis décembre 2020, le prénommé n'avait toujours pas été identifié. À défaut d'élément nouveau, il se verrait donc remettre une carte de sortie à sa libération.

l. À l'audience convoquée par le TAPEM, A______ a expliqué ne pas avoir reçu le formulaire relatif à la demande de libération conditionnelle transmis par le SAPEM. Il demandait sa libération conditionnelle. Il entendait se rendre en Italie pour travailler au sein de la société de livraison d'un "copain". Il reconnaissait toutefois ne pas disposer de titre de séjour dans ce pays. Il ne comptait pas retourner en Tunisie, étant d'origine algérienne.

C. Dans le jugement querellé, le TAPEM estime que le pronostic de l’intéressé se présente sous un jour particulièrement défavorable, avec un risque très élevé de récidive. Sans statut administratif en Suisse et étant dépourvu de documents d'identité, tout portait à croire qu'à sa sortie de prison, A______, en l'absence d'un projet de réinsertion concret et réalisable, persisterait à séjourner en Suisse, en violation de la loi.

D. a. Dans son recours, A______ reconnait avoir des "problèmes" en détention. Il suggère toutefois de tenir compte de son comportement "correct" au travail. Il souhaite une seconde chance et pouvoir "venir" s'exprimer.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).

La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP). La procédure se déroule par écrit (art. 397 al. 1 CPP).

2.2. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé à temps auprès de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP) et selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 390 al. 1 CPP). Le recourant, condamné, a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

Il ne fait valoir aucun argument spécifique à être entendu oralement par l’autorité de recours. Au demeurant, il a été auditionné par le juge précédent et a pu fournir toutes explications utiles, qui ont été dûment portées au procès-verbal. Ensuite, il a pu faire valoir ses arguments par écrit auprès de la Chambre de céans. Son droit d'être entendu a ainsi été pleinement respecté (ACPR/312/2011 du 2 novembre 2011 et ACPR/390/2011 du 21 décembre 2011).

3.             Le recourant estime que les conditions d'octroi de la libération conditionnelle sont remplies.

3.1.       Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 p. 203). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 s. et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7).

4.2. Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb p. 198 ss).

4.3. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est, certes, réalisée depuis le 18 juin 2022 et le recourant n'a jamais bénéficié d'une libération conditionnelle.

Les préavis le concernant sont toutefois tous défavorables, à commencer par celui de l'établissement pénitentiaire, qui l'a sanctionné à réitérées reprises en raison de son attitude incorrecte envers le personnel, de troubles à l'ordre de l'établissement mais également pour des faits de violence. L'on ne saurait donc qualifier ces sanctions de mineures, ce d'autant plus que certaines ont nécessité son placement en cellule forte. En outre, une instruction pour lésions corporelles simples et violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires est en cours à la suite d'une dénonciation de l'établissement. Une telle attitude en détention ne laisse pas augurer d'une libération anticipée sous les meilleurs auspices mais présage plutôt d'un comportement enclin à s'ancrer dans la délinquance.

À cela s'ajoute des antécédents importants (neufs condamnations en Suisse en deux ans), dont la gravité a été croissante. Ni l'octroi du sursis, ni les courtes peines privatives de liberté subséquentes ni ont dissuadé l'intéressé de récidiver.

Quant à son intention de s'établir en Italie pour y travailler en tant que livreur, en sus de n'être étayée par aucun éléments concret, elle ne constitue pas un projet de vie réaliste et stable, puisqu'il ne dispose d'aucune autorisation de séjour dans ce pays et n'a fait aucune démarche pour s'en procurer. En outre, il a expliqué qu'il ne souhaitait pas retourner en Tunisie. Ainsi, à sa sortie de prison, il se retrouverait dans la même situation de précarité qu'auparavant, soit en situation illégale en Suisse, sans travail et sans logement. Le risque qu'il persiste à séjourner illégalement en Suisse et qu'il commette de nouvelles infractions du même ordre que celles pour lesquelles il est actuellement incarcéré, au rang desquelles figurent les infractions à la LStup, le vol et des infractions relatives à la loi sur les étrangers, est donc très élevé.

Même l'élément soulevé par le recourant, en lien avec son attitude positive dans le cadre des ateliers proposés en détention, reste insuffisant pour établir que le pronostic n'est pas défavorable.

Les conditions d'une libération conditionnelle ne sont ainsi, en l'état, pas réalisées. L'appréciation émise par le TAPEM ne souffre d'aucune critique. Les critères qu'il a retenus et appliqués sont pertinents.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au TAPEM et au Ministère public.

Le communique, pour information, au SAPEM.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/582/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

600.00