Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/339/2022 du 12.05.2022 sur OCL/1342/2021 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/18745/2020 ACPR/339/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 12 mai 2022 |
Entre
A______, domicilié ______, comparant par Me Marc BELLON, avocat, BELLON, SAGER & BAIER, rue Pierre-Fatio 12, case postale 3055, 1211 Genève 3,
recourant,
contre l'ordonnance de classement rendue le 18 octobre 2021 par le Ministère public,
et
B______, domiciliée ______, comparant par Me C______, avocat,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 1er novembre 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 octobre 2021, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure dirigée contre B______.
Le recourant conclut, sous suite de dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il ordonne l'apport du cahier des charges de B______.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, médecin spécialiste en médecine interne générale, exerce dans un cabinet privé à Genève. Il comptait parmi sa patientèle, dès 2013, D______, dont il affirme qu'il s'agissait d'un cas particulièrement lourd.
b. Par courriel du 26 février 2017, le médecin-conseil de l’assurance E______ a dénoncé au Médecin cantonal de Genève A______, qui avait facturé CHF 212'250.- de prestations, dont CHF 50'479.- en urgence, pour D______, entre septembre 2013 et la dénonciation. A______ étant resté sourd aux multiples demandes de justifier ces interventions en urgence, l’assurance lui reprochait une pratique abusive continue, ni crédible ni déontologique.
c. Le Médecin cantonal délégué a immédiatement communiqué cette dénonciation à A______, lui impartissant un délai au 15 mars 2017 pour se déterminer.
d. Le conseil constitué pour A______ a contesté l’existence d’une base légale pour saisir le Département, s'agissant de notes d'honoraires émises par un médecin indépendant dans le cadre de sa pratique professionnelle, et demandé le classement de ce dossier.
e. Le 2 mars 2017, le Médecin cantonal a saisi la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève [ci-après : la Commission, instituée par la Loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (LComPS ; K 3 03)] de ce dossier, en application de l'art. 84 al. 2 de la Loi sur la santé (LS ; K1 03), pour raison de compétence.
f. Le 29 mars 2017, B______, ______ [fonction] de la Commission, a informé le conseil de A______ que son bureau avait décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du médecin, étant compétente pour examiner si la multiplication d'actes médicaux se justifiait, notamment sous l'angle des articles 40 de la Loi fédérale sur les professions médicales (LPMéd ; RS 811.11) et 84 al. 2 LS. L'instruction de la cause était confiée à la sous-commission 2 dont la liste des membres susceptibles de siéger était communiquée. Un délai au 19 mai 2017 était accordé au médecin pour ses observations. Il était par ailleurs invité à obtenir la levée de son secret professionnel, auprès de sa cliente ou de la commission ad hoc.
g. Invoquant divers défauts d'allégations des griefs contre son client, le conseil de A______ a prétendu que la saisine de la Commission était sans objet et qu'un classement s'imposait. B______ lui a répondu que son courrier serait transmis à la sous-commission 2, lui rappelant que la Commission pouvait se saisir d'office d'une affaire et que c’était à elle seule qu’il appartenait de déterminer si le médecin avait ou non respecté les dispositions légales applicables. Le médecin a rétorqué qu'il ne pouvait souscrire à cette approche et réitéré qu'il avait eu à traiter d'un cas lourd, adéquatement, et que la compétence de la Commission n'était pas donnée. B______ lui a répondu qu’il appartenait au bureau de la Commission d’en décider.
h. S’adressant directement à A______ le 25 octobre 2017, B______ lui a imparti un ultime délai au 16 décembre 2017 pour faire valoir ses observations et produire une copie du dossier de sa patiente, après avoir été délié de son secret professionnel. En cas de non réponse, la sous-commission 2 pourrait considérer comme établis les griefs du E______.
i. Saisie par A______, la commission du secret professionnel a décidé, le 10 avril 2018, de lever partiellement son secret professionnel, l'autorisant à transmettre à la Commission "les seuls éléments de sa prise en charge de Mme D______ pertinents et nécessaires à sa défense ( ) tout en précisant que les informations concernant des tiers ne sont ni pertinentes ni nécessaires".
j. Les 14 septembre et 4 octobre 2018, B______ a relancé A______ afin qu'il transmette à la Commission une copie du dossier médical de sa patiente, en vain, le médecin lui répondant qu'il n'avait reçu aucune autorisation dans ce sens. À l’occasion d’une relance du 12 novembre 2018, la ______ [fonction] de la Commission a pris note qu'il n'avait pas accompli les démarches nécessaires pour être levé du secret professionnel, le médecin lui rétorquant que son interprétation relevait de "mauvaises lunettes" et n'engageait qu'elle-même.
k. Le 20 février 2019, la Commission a demandé à son homologue chargée de la levée du secret professionnel de lui communiquer une copie de la décision qu'elle avait rendue, ce qui fut fait une semaine plus tard.
l. Ayant obtenu, en mars 2019, l’accès au dossier de son client, le conseil de A______ a informé la Commission, le 15 avril 2019, qu'au vu de la décision de la commission du secret professionnel, il ne lui était pas possible de donner une suite positive aux réitérées demandes de remise du dossier médical de D______ Il prétendait que la transmission d'une copie du dossier médical devrait nécessairement être considérée comme complète et livrerait à la Commission la totalité des informations relatives à la prise en charge de D______, dont certaines n'étaient ni pertinentes ni nécessaires à sa défense, voire concerneraient des tiers, entrainant par conséquent une violation de son secret professionnel. Lui-même devant recevoir les mêmes informations, son client violerait aussi son secret envers lui. Ainsi, ne pouvant être nanti d'informations indispensables, il ne pouvait défendre son client. En conséquence, soit le secret médical était pleinement levé, soit il ne l'était pas, comme en l'occurrence, et la situation était à la fois ingérable et impraticable, tant pour lui que pour son client.
B______ a répondu le 25 avril 2019 que la Commission n'avait demandé que les extraits pertinents du dossier de D______ et non son intégralité, ce que le médecin était à même de distinguer et autorisé à lui transmettre, ce qu'il était invité à faire au plus tard le13 mai 2019.
m. Le 15 mai 2019, A______ a remis à la sous-commission 2 un rapport circonstancié de quinze pages.
n. Le 20 août 2020, B______ a informé le conseil de A______ que les membres de la sous-commission 2 avaient souhaité obtenir la copie du dossier médical complet de D______, notes de suites comprises, estimant que ces documents étaient non seulement pertinents mais également nécessaires à sa défense.
o. Répondant à une requête du conseil du médecin, B______ a, par pli du 22 septembre 2020, répété que la copie du dossier médical complet de D______ était attendue et qu'à l'échéance du délai prolongé au 5 octobre 2020, en l'absence de production des documents requis, il serait mis fin à l'instruction de la cause, étant précisé que la sous-commission 2 procéderait conformément aux art. 22 et ss LPA/GE et que l'application de l'art. 11 al. 2 de LComPs, qui stipulait qu'un émolument pouvait être mis à charge de la partie qui agit de manière téméraire ou de celui ou celle qui fait un emploi abusif des procédures, était réservée.
p. Le 5 octobre 2020, A______ a déposé plainte pénale contre B______, en sa qualité de ______ de la Commission, des chefs de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP) et d’abus d'autorité (art. 312 CP). À l'appui de sa plainte, il a en substance exposé les faits résumés ci-dessus. Selon lui, la transmission du dossier médical complet de D______ était incompatible avec la levée partielle de son secret professionnel. Les agissements de B______ constituaient une pression psychologique inadmissible exercée sur sa personne, résultant des menaces d'application des art. 22 LPA/GE et 11 al. 2 LComPs et étaient parfaitement illicites, s’agissant d’une instigation à violer son secret professionnel.
q. Le 8 janvier 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance d'ouverture d'information (art. 309 al. 3 CPP), reprenant les accusations figurant dans la plainte, telles que résumées ci-dessus, et sollicité de B______ ses observations. Par son conseil, celle-ci a contesté avoir commis la moindre infraction et précisé que la décision de requérir la production de l'intégralité du dossier médical avait été prise par les membres de la sous-commission 2 dès le 2 septembre 2019, en connaissance de la décision de levée partielle du secret médical, et était fondée sur l'art. 17 al. 3 LComPS. À teneur de cet article, la sous-commission pouvait se saisir d'un dossier médical si des faits graves étaient allégués et qu'un intérêt public prépondérant le justifiait, ce qu’elle estimait être le cas en l'occurrence. Elle-même n'avait pas pris part aux discussions de la sous-commission et ne détenait aucun pouvoir décisionnel à ce sujet. En conséquence, par ses courriers, elle n’avait fait qu'appliquer une décision de la sous-commission dans le cadre de la procédure disciplinaire en cours. La demande de production du dossier était parfaitement licite. Indépendamment des conditions d'application de l'art. 17 al. 3 LComPS, la levée partielle du secret médical laissait une marge d'appréciation à A______ et l'autorisait à produire les éléments pertinents et nécessaires à sa défense. Le courrier du 22 septembre 2020 ne faisait que mentionner des dispositions légales susceptibles d'être appliquées par l'autorité, conformément au droit. A______ était d'ailleurs libre de contester une éventuelle décision défavorable qui serait rendue à son encontre sur le fond s'il devait refuser de donner suite à la demande de la sous-commission. S’agissant de l'abus d'autorité, la sous-commission avait agi dans le cadre de ses compétences légales et recouru à un moyen d'administration de preuve licite et proportionné. B______ n'avait aucun dessein de se procurer un avantage illicite ou de nuire et ne cherchait qu'à élucider des faits potentiellement graves, en se heurtant à une attitude de non-collaboration, voire d'obstruction, de la part du médecin.
Elle a produit un extrait caviardé du procès-verbal de la séance de la sous-commission 2 du 2 septembre 2019, à laquelle elle n'avait pas participé, qui constate que le médecin n'avait produit ni le dossier médical de sa patiente, ni ses notes de suite. Étant partiellement levé de son secret professionnel, il était néanmoins en droit de produire tous documents pertinents et nécessaires à sa défense, notamment tout le dossier médical, s'il l'estimait nécessaire. Il y avait un intérêt public à obtenir ces documents avant d'entendre le médecin.
r. Répondant à ces observations, A______, persistant dans ses accusations, a relevé que B______ s'était exprimée au nom de la Commission et avait exigé la production de l'intégralité du dossier médical, se montrant plus incisive que la sous-commission, à lire le procès-verbal de la séance du 2 septembre 2019. Elle était donc l'auteure de déclarations illicites, que ledit procès-verbal ne pouvait justifier, et ne pouvait se prévaloir d'une prérogative tirée de l'art. 17 al. 3 LComPS, dès lors qu'aucune saisie du dossier médical de D______ ni mesure urgente n'était intervenue depuis mars 2017 et que cet article n'avait été invoqué dans aucun de ses courriers précédents. Le procès-verbal indiquait qu'il était en droit de produire le dossier médical mais qu'il n'en avait pas encore l'obligation. La mention de l'art. 17 al. 3 LComPS n'y changeait rien; l'intérêt public n'y était pas qualifié de prépondérant et aucun fait grave n'était mentionné. L'obligation de collaboration des parties, tirée de l'art. 22 LPA, était limitée par le secret professionnel du médecin, qui n'était pas tenu de déposer (art. 32 al. 2 LPA). S'il choisissait de le faire, il ne le pouvait que dans la seule mesure de la levée de son secret, l'interprétation de cette mesure partielle lui appartenant. La ______ [fonction] de la Commission ne pouvait substituer son appréciation, ni celle de la sous-commission, à la sienne. En exigeant la production du dossier médical complet de sa patiente, elle abusait de son autorité et tentait de le contraindre illicitement, l'avantage poursuivi était d'obtenir toutes les informations personnelles du dossier de D______ couvertes par le secret professionnel. B______ lui avait en outre objectivement nui pour avoir usé, à son encontre, de moyens de contrainte psychologiques excessifs tirés des dispositions légales qu'elle avait invoquées.
s. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 14 juillet 2021, le Ministère public a informé les parties qu'il allait prochainement prononcer le classement de la procédure.
Dans le délai imparti à cet effet, B______ a sollicité, en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, une indemnité de CHF 3'259.70 pour ses frais de défense.
A______ s'est quant à lui opposé audit classement et a requis l'apport au dossier du cahier des charges de B______.
C. Dans sa décision, le Ministère public a considéré que B______ avait, en sa qualité de ______ de la Commission, sollicité à réitérées reprises la production par A______ du dossier médical de sa patiente D______ Elle avait agi au nom de ladite commission, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte par celle-ci à l'encontre du médecin, à la suite de la dénonciation du médecin-conseil du E______ du 20 mars 2017. Il s’agissait de nantir l'autorité chargée d'instruire la procédure disciplinaire de tous les éléments utiles et pertinents relatifs à la prise en charge de cette patiente, dont le dossier médical faisait nécessairement partie, afin qu'elle puisse statuer sur une éventuelle violation de la loi commise par A______. Le but poursuivi était ainsi légitime et prévu par la loi (cf. art. 17 al. 2 LComPs).
Si B______ avait malencontreusement exigé une copie du dossier médical "complet" de D______, par courriers des 20 août et 22 septembre 2020, elle s'était toutefois expressément référée, dans son premier pli, à la décision de la commission du secret professionnel du 10 avril 2018 autorisant A______ à transmettre à la Commission les seuls éléments "pertinents et nécessaires à sa défense". Lors de précédentes correspondances, B______ avait en outre indiqué que seuls les "extraits pertinents du dossier de D______" étaient attendus, "et non l'entier du dossier" (cf. courriers des 5 mars et 25 avril 2019), relevant que A______ était parfaitement à même d’opérer cette distinction.
Il était ainsi évident que seuls les éléments que A______ était autorisé à transmettre selon la décision du 10 avril 2018 étaient attendus par la Commission et que le médecin avait délibérément joué sur le terme inopportunément utilisé par B______ pour refuser de donner suite, dans un but dilatoire, à une requête légitime.
Dès lors que B______ était restée dans le cadre de ses prérogatives, que le but poursuivi était légitime et qu'elle n'avait pas eu recours à des moyens disproportionnés, le rappel de bases légales en vigueur au bas d'un courrier ne constituant pas une menace sérieuse, les éléments constitutifs objectifs des infractions d'abus d'autorité, subsidiairement de contrainte, n’étaient pas réalisés.
S'agissant des conditions subjectives, rien ne permettait de retenir, en lien avec l'abus d'autorité, que B______ aurait agi dans le dessein de nuire à A______ ou d'obtenir, pour elle-même ou pour la Commission, un avantage illicite. Partant, les éléments constitutifs des infractions dénoncées n'étant pas réunis, le classement de la procédure pénale devait être ordonné.
Le Ministère public a enfin considéré que la requête de verser à la procédure le cahier des charges de B______ n'était pas pertinent pour l'issue de la procédure ni susceptible de modifier son appréciation du cas d'espèce.
D. a. Dans son recours, A______ relève d'abord que la décision entreprise ne mentionne pas que, le 8 janvier 2021, B______ avait été mise en prévention pour avoir, à tout le moins d'avril 2019 à octobre 2020, en sa qualité de ______ de la Commission, tenté de contraindre A______ de transmettre à la sous-commission l'intégralité du dossier médical de D______, alors qu'elle savait qu'il n'y avait pas été autorisé par la commission du secret professionnel dans sa décision du 10 avril 2018. Il reproche au Ministère public de ne pas avoir donné suite à ses réquisitions de preuve, arguant que l'apport du cahier des charges de B______ aurait permis de sanctionner les actes restés impunis. L'appréciation du Ministère public était par conséquent erronée.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.![endif]>![if>
3. Le recourant soutient que les conditions d'un classement n'étaient pas remplies, l’instruction demeurant incomplète, et les infractions d’abus d’autorité et de tentative de contrainte étant réalisées.
3.1.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c).
Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime exige qu'en cas de doute quant aux faits pertinents ou au droit applicable, le prévenu soit mis en accusation (ATF 138 IV 86 consid 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).
3.1.2. Le Tribunal fédéral a rappelé qu'un classement n'est possible que lorsque l'impunité des actes du prévenu paraît claire ou lorsque les conditions à l'action pénale font manifestement défaut. Si un acquittement apparaît aussi probable qu’une condamnation, il s’impose, en principe, en particulier pour les infractions graves, de soutenir l’accusation. Font exception les cas où la partie plaignante tient des affirmations contradictoires ou peu crédibles. S'il appartient au juge du fond de procéder à des constatations de fait, le ministère public et l'instance de recours peuvent également être amenés à constater des faits, pour autant qu'ils paraissent clairs et établis au point qu'en cas de renvoi en jugement le juge du fond ne s'en écarterait pas. Cela vaut également en cas de classement. En vertu de la maxime "in dubio pro duriore", ce n'est que lorsque la situation probatoire n'est pas claire qu'il est interdit au ministère public d'anticiper l'administration des preuves que ferait le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 2.2.2 et 2.3 = JdT 2017 IV 357).
Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime exige qu'en cas de doute quant aux faits pertinents ou au droit applicable, le prévenu soit mis en accusation (ATF 138 IV 86 consid 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).
3.2.1. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.
Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Il faut admettre que l'auteur nuit à autrui dès qu'il utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime. Le motif pour lequel l'auteur agit est ainsi sans pertinence sur l'intention, mais a trait à l'examen de la culpabilité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_579/2015 du 7 septembre 2015 consid. 2.2.1 et 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.3.3). La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6 ; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2 ; 6S_885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb ; ATF 99 IV 13).
3.2.2. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a).
3.2.3. L’art. 11 LComPs dispose que la procédure devant la Commission ainsi que la médiation sont gratuites (al. 1) mais que la Commission peut toutefois mettre un émolument à charge de la partie qui agit de manière téméraire ou de celui ou celle qui fait un emploi abusif des procédures (al. 2). Selon l’art. 17 LComPs, l'instruction du dossier est confiée à une sous-commission formée de deux membres au moins, soit un médecin et un membre n'appartenant pas aux professions de la santé (al. 1), laquelle réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires. Elle peut procéder, sans préavis, à l'inspection de cabinets de professionnels de la santé et d'institutions de santé. Ces mesures peuvent être exécutées à sa demande par le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal (al. 2). La sous-commission a le droit d'accéder au dossier médical du plaignant. Lorsqu'elle instruit d'office ou sur dénonciation, elle peut saisir un dossier médical si des faits graves sont allégués et qu'un intérêt public prépondérant le justifie (al. 3).
3.2.4. En vertu de l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a p. 19 et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1). Réclamer le paiement d'une créance ou menacer de déposer une plainte pénale (lorsque l'on est victime d'une infraction) constitue en principe des actes licites; ils ne le sont plus lorsque le moyen utilisé n'est pas dans un rapport raisonnable avec le but visé et constitue un moyen de pression abusif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_415/2018 du 20 septembre 2018 consid. 2.1.3; ATF
120 IV 17 consid. 2a/bb p. 20). Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262; 106 IV 125 consid. 2b).
3.3. En l’espèce, aucune des deux infractions dénoncées n’est réalisée.
L’ensemble des reproches du recourant vise le vecteur de la volonté de la sous-commission, soit la ______ [fonction] de la Commission, qui n’a fait qu’envoyer les correspondances nécessaires à l’instruction de la cause dont elle était saisie, pour la plupart adressées au conseil du médecin. Ce dernier était parfaitement à même d’évaluer la portée des requêtes formulées et de leur donner leur véritable signification, voire, ce qu’il ne s’est pas privé de faire, d’en contester la pertinence. La mise en cause a agi dans le cadre de la loi cantonale régissant la dénonciation d’un médecin et n’a commis un excès d’appréciation qu’après avoir rencontré une opposition souvent prolixe, dilatoire, éloignée de la décision de la commission du secret professionnel, dont son bénéficiaire a tu l’existence pendant plusieurs mois. Cette obstruction systématique, pratiquée durant plus de deux ans afin de ne pas répondre à des griefs clairs, a généré une crispation dont le recourant ne saurait se prévaloir. Il devait parfaitement savoir ce qu’il était en droit de communiquer mais n’a pas donné suite aux requêtes de la Commission, démontrant ainsi qu’il n’était pas sensible à leur contenu et ne subissait aucune contrainte. Au surplus, ces requêtes, formulées dans le cadre de la loi LComPS, s’appuyaient sur une base légale claire et reconnaissable. En conséquence, il n’y a eu ni abus d’autorité ni tentative de contrainte et les correspondances en cause, quand bien même celles des 20 août et 22 septembre 2020 mentionnaient la volonté de la sous-commission de recevoir l’intégralité du dossier. Certes, la mise en cause eût pu le censurer mais ces missives sont restées sans conséquences pour le recourant, qui a immédiatement identifié les maladresses en cause. À ce sujet, l’apport du cahier des charges de la mise en cause n’aurait pas modifié cette appréciation et le refus de cette réquisition de preuve était donc justifié.
Il sera encore relevé que les questions relatives à la portée du secret professionnel et aux modalités de son respect relèvent d’une appréciation que le recourant était le mieux à même d’effectuer, ce qu’il n’a pas voulu faire. Là également, la longue obstruction affichée démontre l’inexistence de contrainte à son égard. Il a résisté aux courriers qu'il recevait sans problème ni conséquences, n'étant jamais entravé dans sa liberté d’action ni obligé de faire, de laisser faire ou de ne pas faire quoi que ce soit, au long des discussions d’école entretenues entre lui, son conseil et le Département. En l’absence d'excessives violences scripturales ou de menace d’un dommage sérieux, la perspective d’une amende susceptible d’être judiciairement contestée ne pouvant constituer l’une ou l’autre de ces circonstances, la tentative de contrainte est également inexistante.
C'est à tort finalement que le recourant essaie de tirer argument du courrier du Ministère public du 8 janvier 2021, qui ne constitue pas une mise en prévention mais les motifs de l'ouverture d'instruction nécessaires aux premiers actes d'enquêtes devant être accomplis et ne constituant nullement une formalité dont le recourant pourrait déduire une volonté de poursuivre la mise en cause.
C'est par conséquent à juste titre que le Ministère public a estimé que les faits n'étaient pas constitutifs des infractions dénoncées et sa décision ne prête dès lors pas le flanc à la critique.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.![endif]>![if>
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1’000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, à B______, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juge et Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/18745/2020 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'000.00 |
- | CHF | |
Total | CHF | 1'095.00 |