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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21721/2023

AARP/124/2025 du 01.04.2025 sur JTDP/831/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : MENDICITÉ;ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL;REJET DE LA DEMANDE
Normes : LPG.11A
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21721/2023 AARP/124/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 1er avril 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, Roumanie, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/831/2024 rendu le 1er juillet 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8.

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/831/2024 du
1er juillet 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c de la Loi pénale genevoise (LPG) et condamné à une amende de CHF 180.- (peine privative de liberté de substitution : un jour), frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant, principalement, à son annulation ainsi qu'à celles des ordonnances pénales ayant donné lieu à sa condamnation et, subsidiairement, à son acquittement.

a.b. Le Ministère public (MP) et le Service des contraventions (SDC) concluent au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé.

b. Selon les ordonnances pénales des 4, 7, et 10 juillet 2023, il est reproché à A______ de s'être adonné à la mendicité à trois reprises aux abords immédiats d'un magasin, soit dans un lieu proscrit, à savoir :

- le samedi 27 mai 2023, à 09h38, à l'avenue 1______ no. ______, [code postal] Genève (ordonnance pénale n°2______) ;

- le 8 juin 2023, à 09h40 et 11h15 à la route 3______ no. ______, [code postal] B______ (ordonnances pénales n°4______ et n°5______).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon les rapports de contravention des 1er et 8 juin 2023, A______, s'est, aux dates susmentionnées, adonné à la mendicité aux "abords immédiats", "à proximité" ou "devant" l'entrée du centre commercial C______. Il a été contrôlé par des agents municipaux, déclaré en contravention sur le champ et enjoint, à l'occasion des deux dernières occurrences, de ne plus s'adonner à cette pratique.

b. Ces faits ont fait l'objet des ordonnances pénales prononcées par le SDC énumérées ci-dessus (consid. A.b), déclarant A______ coupable de mendicité au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG et le condamnant à une amende de CHF 100.-, majorée de CHF 60.- d'émolument, pour chacune d'elles.

Lesdites ordonnances pénales portent le facsimilé d'une signature manuelle, au-dessus de la mention dactylographiée "la Direction".

c. A______ a formé une opposition, non motivée, aux trois ordonnances pénales précitées, par courrier de sa conseil du 21 juillet 2023. Le SDC les a maintenues.

d. Selon le récapitulatif des condamnations transmis par le SDC, A______ a aussi été condamné à 13 reprises du 13 mars au 27 novembre 2023 pour avoir mendié aux abords immédiats d'un magasin, dont, sept fois antérieurement aux faits de la présente cause (13 mars, 13, 20, 25, 26 [deux occurrences], 27 avril 2023).

e. Par-devant le TP, A______ n'a pas comparu. Sa conseil, autorisée à le représenter, a indiqué ne pas avoir d'information sur la situation personnelle de son mandant, outre le fait qu'il vivait dans une grande précarité, et a conclu à son acquittement en application de l'art. 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Aucun grief quant à la validité des ordonnances pénales n'a été soulevé.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, précisant qu'il sollicite le renvoi de la cause au SDC dans l'hypothèse de l'annulation des ordonnances pénales litigieuses.

c. Le MP et le SDC persistent dans leurs conclusions.

d. Les arguments des parties seront examinées ci-après dans la mesure de leur pertinence.

D. A______, né le ______ 1970, est de nationalité roumaine et issu de la communauté rom. Il est analphabète, sans formation, sans emploi et n'a pas de revenu.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). La magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer lorsque seules des contraventions font l'objet de l'appel (art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1).

1.3. L'invocation d'un vice de forme trouve ses limites dans le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale [Cst.] ; art. 3 al. 2 let. a CPP) qui s'applique tant aux autorités qu'aux particuliers et notamment au prévenu (ATF 143 IV 117
consid. 3.2). Ce principe oblige celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, soit à la première occasion possible (ATF 143 V 66 consid. 4.3). Lorsqu'un prononcé n'a visiblement pas été signé comme il devait l'être, le vice doit être invoqué auprès du tribunal. Il ne peut en revanche l'être avec succès après l'échéance du délai de recours (arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du
27 septembre 2021 consid. 2.4 ; 6B_1051/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.3).

1.4. L'appelant fait valoir, pour la première fois dans sa déclaration d'appel, se fondant sur l'ATF 148 IV 445 rendu le 22 juin 2022, un vice de forme entachant les ordonnances pénales du SDC en raison des signatures pré-imprimées de la "Direction".

En effet, ce vice n'a pas été invoqué dans les oppositions rédigées par la conseil de l'appelant, ni par-devant le TP, sur question préjudicielle ou lors de la phase oratoire.

La défense ne saurait être suivie lorsqu'elle indique que la pré-impression des signatures relèverait d'un "vice caché difficile à déceler" et que son omission à le soulever ne résulterait, partant, pas d'une "méconnaissance de la jurisprudence". Cette avocate, rompue à la défense des justiciables face au SDC ne pouvait pas ignorer que les ordonnances pénales rendues par ce service ne comportaient pas de signature manuscrite, et il lui appartenait de se tenir au courant de la jurisprudence publiée, même récente, pour l'invoquer en temps utile (dans ce sens : ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2021 du 17 mai 2022 consid. 4).

Partant, l'appelant est forclos à se prévaloir d'un tel vice de forme au stade de l'appel et ce grief ne sera pas examiné.

2. 2.1. L'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG punit quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques.

2.2. L'appelant ne conteste pas la matérialité des faits reprochés, tels que retenus pas le TP. Il allègue toutefois que leur punissabilité viole ses droits fondamentaux.

L'interdiction partielle de la mendicité a fait l'objet d'un contrôle abstrait de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle qui a conclu que la disposition incriminée était conforme au droit supérieur (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022).

Dans cette mesure, les griefs de l'appelant seront examinés uniquement au regard de l'état de fait qui lui est concrètement reproché.

2.3. Le fait de mendier doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) ou du droit au respect de la vie privée au sens de l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) (ATF 149 I 248 consid. 4.3 ; CourEDH Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021 §59).

À l'instar de tout autre droit fondamental, la liberté personnelle n'est pas absolue et sa restriction est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; conditions similaires à celles de l'art. 8 § 2 CEDH).

2.4.1. L'appelant ne remet pas en cause que l'interdiction de mendier figure dans une loi au sens formel. Il estime toutefois que le libellé de l'interdiction contrevient au principe de la légalité (art. 1 CP et 7 CEDH), en particulier de l'exigence de précision.

La CPAR a déjà considéré, dans une jurisprudence désormais bien établie à laquelle il peut être renvoyé, que le texte de l'art. 11A al. 1 let. c LPG et en particulier les notions des "abords immédiats" et "établissement à vocation commerciale", était suffisamment clair et précis, de sorte que le principe de la légalité était respecté (cf. notamment AARP/53/2025 du 12 février 2025 consid. 3.4 ; AARP/358/2024 du
9 octobre 2024 consid. 2.4.4 ; AARP/268/2024 du 5 août 2024 consid. 2.2.4 ; AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 2.4.2.5 ; AARP/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.3.7.1 et ss.).

2.4.2. En l'espèce, l'appelant ne saurait se prévaloir du fait qu'il n'aurait pas compris qu'il était interdit de mendier à l'endroit où il se trouvait quand bien même il est d'origine étrangère et illettré. Il a été verbalisé à sept reprises aux "abords immédiats" d'un magasin antérieurement aux faits de la présente cause, de sorte qu'il lui appartenait de se renseigner en cas de doute et d'adapter son comportement au nouveau cadre légal, l'interdiction de mendier n'étant à Genève plus que partielle. De surcroît, il a été contrôlé et déclaré en contravention sur le champ le 27 mai 2023, ce qui ne l'a pas empêché de récidiver une dizaine de jours plus tard à deux reprises à deux heures d'intervalle et au même endroit. Une ignorance ou incompréhension de la règlementation n'a joué aucun rôle dans sa détermination à commettre les infractions qui lui sont reprochées.

2.5. L'appelant soutient encore que sa condamnation porterait une atteinte injustifiée à sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 8 CEDH).

Le cas de l'appelant ne présente aucune particularité justifiant de revenir sur sa jurisprudence désormais constante de la Chambre de céans, selon laquelle l'interdiction partielle de mendier aux abords immédiats d'un magasin ou de l'entrée d'un centre commercial consacre une ingérence admissible de la liberté personnelle, en tant qu'elle poursuit un intérêt public reconnu et est proportionnée au but visé (cf. notamment AARP/358/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.4.6.1 à 2.4.7.2 ; AARP/364/2024 du
7 octobre 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/268/2024 du 5 août 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/133/2024 du 29 avril 2024 consid. 2.3.1 à 2.4.2 ; AARP/88/2024 du
6 mars 2024 consid. 2.4.3.1 à 2.4.4.2).

Le Tribunal fédéral a confirmé que la réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics répondait à un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics (ATF 149 I 248 consid. 4.6.2). Une telle interdiction protège l'accessibilité des bâtiments et installations publics et privés, de même que la sphère privée de celles et ceux qui les fréquentent à des fins pécuniaires ou personnelles ; tout en laissant subsister des possibilités suffisantes de pratiquer la mendicité sur le territoire cantonal, y compris dans le centre-ville (ATF 149 I 248 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la liste des lieux contenue à l'art. 11A LPG n'aboutit pas à une interdiction de facto de toute mendicité. Même en ville de Genève ou dans les communes péri-urbaines, nombreux sont les lieux qui ne sont pas concernés par les interdictions prévues à l'art. 11A al. 1 LPG.

En l'occurrence, l'appelant mendiait "aux abords immédiats", "à proximité" ou "devant" l'entrée d'un commerce et il lui suffisait de s'en éloigner davantage pour pratiquer son activité de manière licite.

Les considérations de l'appelant reprochant au TP de ne pas avoir cherché à vérifier si les réseaux criminels évoqués par les arrêts de la CJCST et du Tribunal fédéral existaient bel et bien, tombent à faux, la notion de réseau organisé étant visée uniquement par la let. a de l'art. 11A al. 1 LPG, non pertinente en l'espèce.

Contrairement à l'avis de la défense, la gêne occasionnée par la mendicité passive ne saurait être comparée à celle générée par les collectes caritatives dans la rue, lesquelles sont soumises à à un régime d'autorisation étatique (cf. Règlement genevois sur les collectes ; J 4 15.04). De plus, lorsqu'une telle collecte est organisée "aux abords immédiats" d'un commerce, elle recueille en principe l'accord de l'exploitant.

2.6. L'argument de l'appelant faisant valoir une atteinte à sa liberté d'expression
(art. 16 Cst et 10 CEDH) peut d'emblée être rejeté.

Si dans l'arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH a laissée ouverte la question de savoir si l'exercice de la mendicité était protégé par la liberté d'expression (cf. § 120), le Tribunal fédéral a tranché ce point par la négative, considérant que ce droit n'offrait pas d'effet protecteur allant au-delà de celui de la liberté personnelle (ATF 149 I 248 consid. 4.4 ; cf. aussi AARP/6/2025 du 8 janvier 2025 consid. 2.6.3 ; AARP/358/2024 du 9 octobre 2024 consid. 2.5.2 ; ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12).

Le cas d'espèce ne présente pas de particularité sous cet angle, étant rappelé qu'il est reproché à l'appelant, non pas d'avoir mendié en soi, mais de l'avoir fait dans un périmètre interdit. En tout état, une ingérence de son droit serait justifiée et proportionnée, les motifs retenus en lien avec la liberté personnelle valant mutatis mutandis.

2.7. Enfin, l'appelant fait valoir que sa condamnation procéderait d'un traitement discriminatoire en raison de sa situation sociale (art. 8 al. 2 Cst et 14 CEDH), en érigeant sa pauvreté extrême et son mode de survie en une infraction pénale.

Ce grief doit également être rejeté. La Chambre de céans a déjà eu l'occasion de juger que le texte de loi cantonal ne contenait aucune expression directement discriminante et, comme l'a souligné la CJCST, le fait d'être pauvre ne donne pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. De surcroît, il n'y a pas de discrimination dans la mesure où l'activité demeure autorisée dans des espaces publics avec du passage et est seulement règlementée là où les motifs d'intérêt public évoqués supra le justifient
(cf. supra consid. 2.5).

2.8. Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité de mendicité au sens de
l'art. 11A al. 1 let. c LPG doit être confirmé et l'appel rejeté.

3. 3.1. Bien que l'appelant n'y conclut par formellement, on comprend de son mémoire d'appel (cf. p. 10) qu'il sollicite une exemption de peine en application de l'art. 52 CP.

Les faits, au vu du nombre d'occurrences (trois récidives en dix jours), n'apparaissent pas, quant à la faute de l'appelant et aux conséquences de ses agissements (mobilisation d'agents publics), d'une gravité significativement moindre que le cas typique du comportement réprimé, de sorte qu'il ne peut pas prétendre à être exempté de peine (ATF 138 IV 13 consid. 9). Il convient, partant, de prononcer une sanction.

3.2.1. L'infraction de mendicité est punie de l'amende (art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG).

3.2.2. Dans son arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH n'a pas exclu en soi une sanction pénale à la mendicité. Elle a néanmoins relevé que, eu égard à la situation précaire et vulnérable des mendiants, la conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution était quasiment inévitable et constituait dès lors une sanction grave, laquelle devait être justifiée par de solides motifs d'intérêt public et être proportionnée aux buts poursuivis. En l'absence de mendicité intrusive ou agressive, ou de plainte pénale contre le mendiant, l'on pouvait douter d'un intérêt public concret de protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces, justifiant la sanction de l'amende. Il convenait ainsi que les tribunaux procèdent à un examen approfondi de la situation concrète et vérifient si des mesures moins sévères que la sanction pénale auraient pu aboutir au même résultat. Si ces conditions n'étaient pas remplies, la sanction de l'amende violait l'art. 8 CEDH (arrêt Lacatus c. Suisse, § 108ss).

Le Tribunal fédéral a confirmé depuis lors qu'il n'était pas admissible, au regard de la Cst. et de la CEDH, de sanctionner d'emblée la mendicité passive pratiquée dans certains lieux par une amende qui, au vu du dénuement des personnes concernées, était presqu'automatiquement convertie en jours de détention. Une amende, même modique et n'excédant pas CHF 50.-, ne pouvait ainsi être envisagée qu'en dernier recours, après que d'autres mesures mieux adaptées ont échoué (ATF 149 I 248 consid. 5.4.6). À cet égard, quand bien même il n'a pas donné de pistes, le Tribunal fédéral a indiqué que des mesures de droit administratif, échelonnées et successives, pouvaient être envisagées, par exemple une évacuation du contrevenant par la police hors de l'aire d'interdiction, avec enregistrement de son identité lors de la première infraction ; un avertissement administratif avec menace de l'amende la deuxième fois, et la troisième fois la sanction pénale, sous forme d'amende (ATF 149 I 248 consid. 5.4.7).

La CPAR a toutefois exclu l'application de cette jurisprudence à une personne, déclarée coupable de mendicité, qui avait déjà été interpellée pour de tels actes (ACPR/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.5).

3.2.3. En l'occurrence, le TP a fait une correcte application des principes tirés de la jurisprudence de la CourEDH et du Tribunal fédéral, ainsi que de la pratique, désormais constante de la Chambre de céans, en infligeant à l'appelant une amende pour chacune des occurrences, dans la mesure où il avait déjà fait l'objet de sept contraventions pour des faits similaires auparavant. Dans ces circonstances, il fallait considérer que les interpellations/condamnations antérieures avaient constitué des avertissements suffisants quant au caractère pénal du comportement et à la sanction encourue. Il n'était par conséquent pas nécessaire ni d'envisager une mesure moins incisive, dans la mesure où il était à craindre qu'elle s'avère inutile et demeure sans effet, ni de renoncer à prononcer une sanction pour les faits du 27 avril 2023.

Le principe du prononcé d'amende n'est, partant, pas disproportionné et doit être confirmé s'agissant des trois occurrences des 27 avril et 8 mai 2023.

3.3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.3.2. La faute de l'appelant est peu importante. Il a mendié à trois reprises dans des espaces proscrits sur une période pénale de dix jours environ. Il a fait fi de l'ordre juridique genevois et de ses autorités qu'il a mobilisées par trois fois. Il s'est obstiné à ignorer leurs injonctions quant à l'illicéité de son comportement.

Sa situation personnelle, précaire, explique ses agissements sans les justifier, puisqu'il existe d'autres lieux où il pouvait s'adonner à la mendicité de manière licite.

Il y a concours d'infractions, d'où le bénéfice du principe d'aggravation (art. 49 CP cum art. 104 CP).

3.3.3. L'appelant ne remet pas en cause la quotité de l'amende fixée par la première juge au-delà de l'acquittement plaidé. L'amende de CHF 180.- est adaptée à la culpabilité de l'appelant et adéquate pour sanctionner les trois occurrences, une peine de base de CHF 100.- augmentée de CHF 40.- à CHF 50.- pour chaque nouvelle occurrence, ayant été considérée comme appropriée par la Chambre de céans
(cf. notamment AARP/46/2024 du 30 janvier 2024 ; AARP/268/2024 du 5 août 2024 ; AARP/358/2024 du 9 octobre 2024).

La peine privative de liberté d'un jour, soit le minimum légal, sera également confirmée (art. 106 al. 2 et al. 3 CP).

3.3.4. L'appel est rejeté s'agissant de la peine. Le premier jugement sera confirmé.

4. 4.1. L'appelant, qui succombe intégralement, sera condamné au paiement de l'intégralité des frais de la procédure d'appel, y compris un émolument d'arrêt de
CHF 300.- qui tient compte de sa situation personnelle et financière (art. 425 et 428
al. 3 CPP).

4.2. Vu l'issue de la procédure d'appel, la répartition des frais de première instance ne sera pas revue (art. 428 al. 3 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/831/2024 rendu le
1er juillet 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/21721/2023.

Le rejette.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 475.-, y compris un émolument d'arrêt de
CHF 300.-, et les met à la charge de A______ (art. 425 et 428 al. 3 CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

Condamne A______ à une amende de CHF 180.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 1 jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui seront arrêtés à CHF 100.-,
(art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______. ".

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM).

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

700.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

475.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'175.00