Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/13919/2022

AARP/146/2024 du 24.04.2024 sur JTDP/1230/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;ADMINISTRATION DES PREUVES;CONFRONTATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.10.al3; CEDH.6.letd.par3; LStup.19.al1; LEI.115.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13919/2022 AARP/146/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1230/2023 rendu le 25 septembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 25 septembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup) ainsi que de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), et condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, assortie d'un sursis de trois ans. Le TP a encore statué sur les valeurs saisies et les frais.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, sous suite de frais et de dépens.

b. Selon l'ordonnance pénale du 27 juin 2022, il est reproché à A______, d'avoir, à Genève :

-        du 20 mai 2022, lendemain de sa dernière condamnation, au 26 juin 2022, date de son interpellation, persisté à séjourner en Suisse, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires ni des moyens de subsistances légaux ;

-        entre le mois d'avril 2022 et le 26 juin 2022, vendu trois galettes de crack à C______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le dimanche 26 juin 2022, cinq agents de la brigade de la voie publique et des stupéfiants ont mis en place un dispositif de surveillance dans le secteur de la place des Nations, après avoir appris du milieu toxicomane que des individus d'origine africaine y vendaient du crack. Sur place, ils ont aperçu A______, lequel patientait à l'arrêt de tram "Nations" en scrutant les lieux tous azimuts. Du fait de son comportement suspect, ils l'ont pris en filature jusqu'à un parking sis rue de Mandement, où ils l'ont momentanément perdu de vue, jusqu'à ce qu'il en ressorte, suivi de près par une personne d'allure toxicomane qui n'a pu être contrôlée. A______ a ensuite été suivi jusqu'à l'arrêt Gautier, où il a commencé à manifester des signes de méfiance et s'est enfui au moment où les inspecteurs ont décidé de procéder à son interpellation, rendant l'emploi de la force nécessaire. Un titre de séjour portugais à son nom, CHF 220.65 et un téléphone portable ont été trouvés sur lui. La fouille consentie de cet appareil a permis de mettre en évidence un échange de messages du 10 juin 2022, par lequel son interlocuteur lui indiquait sa localisation et lui demandait où il se trouvait.

b. La police a identifié le correspondant comme étant C______. Après avoir immédiatement reconnu sur planche photographique A______, elle a indiqué que ce dernier lui avait vendu trois galettes de crack pour CHF 90.- depuis avril 2022. Elle le contactait au moyen du numéro qu'elle avait enregistré dans son répertoire téléphonique sous "Pelo".

Bien que dûment convoquée, C______ ne s'est jamais présentée à l'audience de confrontation et n'a plus été réentendue. A______ a indiqué renoncer à son audition, sous réserve du prononcé d'une ordonnance de classement. En cas de maintien de sa condamnation, il sollicitait une nouvelle convocation.

c. Durant la procédure préliminaire, A______ a nié toute vente de stupéfiants, de même que s'être trouvé en séjour illégal en Suisse.

Il s'était rendu en Suisse pour la première fois en 2017 et y revenait régulièrement depuis lors pour faire la fête, voir des amis et chercher du travail. Lors de son dernier séjour, il était arrivé du Portugal avec EUR 1'500.- ou EUR 2'000.- issus de son travail et avait dormi à l'auberge de jeunesse des D______ durant le mois de mai 2022. Son passeport sénégalais, échu depuis le 7 juin 2022, était alors en cours de renouvellement. Ceci dit, il était toujours en attente du nouveau document d'identité.

Il a déclaré que la somme découverte sur lui devait être transmise à un autre africain, dont il ignorait le nom, qui "train[ait]" au bord du lac, avant d'affirmer que cet argent provenait de gain de paris sportifs légaux.

Il ne comprenait pas sa mise en cause par une toxicomane ; il ne la connaissait d'ailleurs même pas. La nuit du 26 juin 2022, il avait reçu des appels d'une femme qu'il avait bloqués. Il expliquait la réception des messages suspicieux par le fait qu'il prêtait parfois son téléphone à des amis.

d. Selon la copie du passeport produit en audience, celui-ci était valable du 8 juin 2017 au 7 juin 2022. Il ne comporte aucune mention permettant de comprendre qu'il aurait été annulé en vue de son renouvellement.

C. a. Par ordonnance du 18 janvier 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a refusé la demande de A______ tendant à la désignation d'un défenseur d'office aux motifs que la condition de gravité de l'art. 132 al. 2 du Code de procédure pénale (CPP) n'était pas réalisée.

b.a. Aux débats d'appel, A______ a finalement reconnu n'avoir effectué les démarches de renouvellement de son passeport qu'après le 26 juin 2022. Son nouveau document d'identité avait été établi en novembre 2023.

En ce qui concernait son numéro de téléphone suisse, il le laissait généralement en Suisse lorsqu'il repartait au Portugal ; son frère l'avait donc peut-être utilisé. Par ailleurs, il avait sûrement prêté son téléphone à ce dernier en date du 10 juin 2022 alors-même qu'il se trouvait à Genève. Il était donc possible que la personne qui avait essayé de le contacter par la suite, voyant qu'il ne répondait pas, lui avait adressé les messages figurant à la procédure. Enfin, il y avait eu un malentendu avec la police, en ce qu'il n'avait jamais allégué devoir transmettre de l'argent à un tiers au bord du lac, mais uniquement avoir rendez-vous avec cette personne.

b.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il conclut en outre à la restitution de son téléphone portable et de l'argent saisi, à l'octroi d'une indemnité globale de 8h00 pour ses frais de défense, hors débats d'appel, lesquels ont duré 0h35, ainsi qu'à une indemnité de CHF 200.- par jour de détention injustifiée avec intérêts à 5%.

Le seul élément à charge dans ce dossier était l'échange de messages retrouvé dans son téléphone, pour lequel il avait donné des explications parfaitement plausibles. Aucune autre conversation n'avait été découverte, démontrant en tant que de besoin qu'il ne s'adonnait pas à la vente de stupéfiants. Il n'avait d'ailleurs aucun intérêt à le faire dès lors qu'il était salarié au Portugal de manière régulière.

Son interpellation avait été arbitraire et reposait sur un délit de faciès. La fouille de son téléphone avait été tout aussi illicite, dès lors qu'aucune raison ne la justifiait. Sa prétendue identification sur planche photographique par une toxicomane n'était pas probante, car seule une confrontation faisait foi. Les faits ne pouvaient donc être tenus pour établis sur cette base, au risque de violer la présomption d'innocence.

Au regard de l'infraction à la LEI, la période pénale était extrêmement courte et il aurait dû bénéficier d'une brève phase de latence pour lui permettre de renouveler son passeport. Il n'y avait aucun intérêt à punir au surplus, si bien qu'une exemption de peine entrait en considération.

c. Le Ministère public (MP) a, pour sa part, conclu au rejet de l'appel.

D. a. A______, ressortissant sénégalais né le ______ 1995, est marié et père d'une fille de huit ans, qui vit au Portugal et dont il a la charge. Il indique travailler au Portugal en qualité de vendeur pour un revenu mensuel d'environ EUR 800.- à 900.- et partager son logement avec des tiers pour un loyer de EUR 200.-.

b. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné par le MP le 30 septembre 2022 à une peine privative de liberté de 40 jours, avec sursis durant trois ans, pour entrée illégale et recel.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par les art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH), 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1023/2016 du 30 mars 2017 consid. 1.2.3). En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; 129 I 151 consid. 3.1).

Par ailleurs, le prévenu peut valablement renoncer à son droit à la confrontation, même de manière tacite, pour autant que la renonciation ne contredise pas un intérêt général important, qu'elle soit établie de manière exempte d'équivoque et qu'elle soit entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_956/2016 du 19 juillet 2017 consid. 2.3.1).

2.1.3. L'art. 19 al. 1 let. c LStup sanctionne celui qui, sans droit, aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce.

2.1.4. Selon l'art. 115 al. 1 LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse ou séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b). La peine est l’amende si l’auteur agit par négligence (al. 3).

En vertu de l'art. 5 LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement (let. d). Ces prescriptions sont cumulatives (AARP/323/2017 consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Les étrangers ne séjournent légalement que lorsqu'ils sont entrés dans le pays conformément aux dispositions légales y relatives et qu'ils disposent des autorisations nécessaires. Ces conditions doivent être réunies durant l'entier du séjour (art. 9 al. 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA]).

Un visa national suisse, un visa Schengen et un titre de séjour sont équivalents. Les ressortissants des états tiers sont exemptés de visa pour entrer dans l'espace Schengen s'ils sont titulaires d'un titre de séjour valable figurant dans l'annexe 2 Manuel des visas I et d'un document de voyage valable et reconnu selon l'annexe 1, liste 1 ou l'annexe 1 liste 2 des prescriptions en matière de document de voyage et de visas selon la nationalité (Prescriptions en matière de documents de voyage et de visas - Dispositions particulières indépendantes de la nationalité, annexe 1, liste 2, pt. 2.3, p. 3).

Font notamment partie des titres de séjour valables au sens de l'annexe 2 Manuel des visas I, les titres de séjour temporaires délivrés par le Portugal.

Quant au document de voyage nécessaire aux ressortissants sénégalais, celui-ci doit être valable au moins trois mois au-delà de la date de sortie prévue de l’espace Schengen et avoir été délivré depuis moins de dix ans (Prescriptions en matière de document de voyage et de visas selon la nationalité, annexe 1, liste 1).

La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

Le dol éventuel est une forme d'intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. En d'autres termes, la différence entre le dol éventuel et la négligence consciente réside dans la volonté de l'auteur et non dans la conscience. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait (ATF 133 IV 9 consid. 4 = JdT 2007 I 573 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1189/2014 du 23 décembre 2015 consid. 5.2).

2.2.1. En l'espèce, l'accusation repose essentiellement sur les déclarations d'une toxicomane qui n'a pas pu être confrontée à l'appelant. Ce dernier n'a ainsi jamais eu l'occasion de mettre en doute sa parole et son identification à la police. Le droit de l'appelant à une confrontation était absolu au vu de l'importance que revêtait cette preuve et ce dernier n'avait accepté d'y renoncer que sous réserve d'un classement.

À cela s'ajoutent les circonstances troublantes de son interpellation. En effet, l'appelant n'a été pris en filature par les policiers uniquement parce qu'il se trouvait sur les lieux où sévissaient des dealers de drogues d'origine africaine et qu'il correspondait au profil recherché. Il n'a pas été surpris en flagrant délit puisque les agents des forces de l'ordre n'ont assisté à aucune transaction concrète, faute de visibilité, et n'ont pas interpellé l'homme décrit comme étant d'allure toxicomane, qui avait surgi du parking quelques instants après l'appelant. Il n'existait ainsi aucun soupçon suffisant permettant son arrestation de sorte que la fouille de son téléphone, même consentie, n'aurait pas dû avoir lieu et la police n'aurait jamais obtenu le contact du témoin essentiel.

Sans le témoignage incriminant qui doit être écarté pour les motifs qui précèdent, il appert que le dossier ne permet pas de retenir l'infraction telle que décrite dans l'acte d'accusation. Ainsi, l'appelant sera acquitté d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup et le jugement entrepris réformé dans ce sens.

2.2.2. L'appelant ne conteste plus, à juste titre, la réalisation des éléments constitutifs objectifs du séjour illégal. Cependant, c'est en vain qu'il tente de se prévaloir de la négligence. En effet, son passeport devait être encore valable trois mois après la fin prévisible de son séjour, conformément aux dispositions susrappelées, pour pouvoir entrer, et partant séjourner légalement en Suisse. Or, en persistant à demeurer en Suisse depuis le 20 mai 2022, lendemain de sa dernière condamnation pour notamment entrée illégale, au bénéfice d'un passeport arrivant à échéance le 7 juin 2022 mais muni uniquement de son titre de séjour portugais, tel n'était pas le cas, ce qu'il ne pouvait ignorer au vu de cet antécédent, certes non spécifique. De plus, il appert qu'il a menti tout au long de la procédure en prétendant que ledit document était en voie de renouvellement avant de reconnaitre aux débats d'appel n'avoir entrepris les démarches que bien après son arrestation, pour se voir finalement délivrer de nouveaux papiers en novembre 2023. Dans ces conditions, il n'y a pas de place pour une négligence consciente, l'appelant ne s'étant pas préoccupé de son statut administratif et ayant accepté le risque de ne pas être en règle. C'est donc à bon droit que le juge a retenu qu'il avait agi intentionnellement, à tout le moins sous la forme du dol éventuel.

Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité de l'appelant de ce chef sera confirmé et le sera pour la période retenue par le premier juge, la Cour étant tenue par l'interdiction de la reformatio in pejus.

3. 3.1.1. L'infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) est réprimée d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.3. Aux termes de l'art. 34 al. 1 et 2 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur. En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement.

3.1.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

3.1.5. Conformément à l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende.

3.1.6. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte – conditions cumulatives – sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à lui infliger une peine. Si les conditions indiquées à l'art. 52 CP sont réunies, l'exemption par le juge est de nature impérative (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2). Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, un verdict de culpabilité est rendu, mais dépourvu de sanction (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l'auteur après l'infraction. Une violation du principe de célérité ou un long écoulement de temps depuis les faits peuvent également être pris en considération (ATF 135 IV 130 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_839/2015 du 26 août 2016 consid. 6.1).

Si, au regard de l'art. 47 al. 2 CP, la culpabilité est notamment déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, soit par la gravité objective du comportement, l'art. 52 CP impose d'apprécier séparément cet aspect et les autres éléments déterminant la culpabilité. Il n'y a donc pas de contradiction intrinsèque à retenir, d'une part, que la culpabilité doit être qualifiée de peu importante au sens de l'art. 52 CP et, de l'autre, que les conséquences de l'activité illicite ne le sont pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1233/2016 du 29 août 2017 consid. 3.2).

3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il a persisté à faire fi des règles régissant l'entrée et le séjour des étrangers en Suisse, alors qu'il venait de se faire condamner sur cette base. Son mobile n'est pas particulièrement honorable.

Sa collaboration, à l'instar de sa prise de conscience, doit être qualifiée de mauvaise en ce qu'il a, tour à tour, nié les faits et cherché à les minimiser, n'hésitant pas pour ce faire à mentir en prétendant que son passeport était en cours de renouvellement ce qui n'était pas le cas.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses agissements.

Il n'a pas d'antécédent spécifique, facteur neutre sur la peine.

Sa culpabilité n'est ainsi pas de peu d'importance, de sorte qu'il ne peut être fait application de l'art. 52 CP. Il n'y a donc pas lieu de l'exempter de peine.

Au vu de ce qui précède, l'appelant sera condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende pour tenir compte de la brièveté de la période pénale retenue par le premier juge, la peine hypothétique initiale de 30 jours apparaissant à cet égard disproportionnée. Le montant du jour-amende en CHF 30.-, non contesté, sera confirmé en ce qu'il tient adéquatement compte de sa situation personnelle. La détention effectuée avant jugement sera déduite de cette peine. Enfin, le sursis lui étant acquis, le délai d'épreuve fixé à trois ans, également adéquat, sera confirmé.

4. L'appelant n'obtient que partiellement gain de cause, de sorte qu'il sera condamné à la moitié des frais de la procédure d'appel, lesquels comprendront un émolument d'arrêt en CHF 1'000.-, le solde étant laissé à l'État (art. 428 CPP).

Il en ira de même du sort des frais de première instance en CHF 659.-, ainsi que de celui de l'émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-.

5. 5.1. Selon l'art. 69 CP, même si aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

5.2. En l'espèce, malgré l'acquittement de l'appelant du chef d'infraction à l'art. 19 al.1 let. c LStup, il convient de confirmer la confiscation et destruction du téléphone portable, figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ du 26 juin 2022 dans la mesure où il a été utilisé dans le cadre d'un trafic de drogue, dès lors que C______ a indiqué contacter le raccordement y relatif pour se procurer du crack, qu'elle avait enregistré dans son propre répertoire. En outre, il ne peut être exclu que cet objet tombe à nouveau entre les mains du fournisseur en question, s'il devait être à nouveau prêté à des tiers par l'appelant.

6. 6.1.1. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais, la décision sur les frais préjugeant de la question de l'indemnisation. En d'autres termes, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue, alors que le prévenu y a en principe droit si l'État supporte les frais de la procédure pénale (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 144 IV 207 consid.1.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1169/2022 du 30 juin 2023 consid. 4.1.2).

6.2. En l'occurrence, celui-ci requiert l'indemnisation par l'État de 8h00 d'activité de cheffe d'Étude, soit 6h00 pour la procédure de première instance et 2h00 pour l'appel, indemnité devant être réduite de moitié au vu de la répartition des frais. Sa prétention sera donc arrêtée à 4h00 au tarif de CHF 400.- de l'heure, soit CHF 1'600.-, augmentés de la TVA au taux variant entre 7.7 % et 8.1 % (CHF 92.40 + CHF 32.40), soit un total de CHF 1'724.80. Cette indemnité sera compensée, à due concurrence, avec la créance de l'État à son égard en lien avec les frais de procédure (cf. art. 442 al. 4 CPP ; ATF 143 IV 293 consid. 1), étant précisé que l'art. 429 al. 3 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2024, n'est pas applicable à la présente cause, conformément à l'art. 453 al. 1 CPP.

Pour le surplus, les autres conclusions en indemnisation de l'appelant seront rejetées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1230/2023 rendu le 25 septembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/13919/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à l’art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants.

Le déclare coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Le condamne à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction du smartphone [de marque] E______ rouge figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ du 26 juin 2022 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ du 26 juin 2022 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Prend acte de ce que les frais de première instance ont été arrêtés à CHF 1'259.-, y compris un émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-.

Condamne A______ à la moitié de ces frais et laisse le solde à l'État (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'205.-, y compris un émolument de CHF 1'000.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 602.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État (art. 428 CPP).

Alloue une indemnité de CHF 1'724.80 à A______ pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec cette indemnité (art. 442 al. 4 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ pour le surplus (art. 429 al. 1 let. c CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service d'État aux migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'259.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'205.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'464.00