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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9176/2023

AARP/133/2024 du 29.04.2024 sur JTDP/1263/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.06.2024, 6B_462/2024
Descripteurs : MENDICITÉ;CEDH;LÉGALITÉ;LIBERTÉ PERSONNELLE;LIBERTÉ D'EXPRESSION
Normes : LPG.11A; CEDH.8; CEDH.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9176/2023 AARP/133/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 29 avril 2024

 

Entre

A______, domiciliée c/o B______, ______, Roumanie, comparant par
Me Dina BAZARBACHI, avocate, LEUENBERGER LAHLOU & BAZARBACHI, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1263/2023 rendu le 2 octobre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 2 octobre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de mendicité (art. 11A al. 1 de la loi pénale genevoise (LPG), l'a condamnée à une amende de CHF 40.- et a prononcé une peine privative de liberté de substitution d'un jour, frais de la procédure, arrêtés à CHF 200.-, à sa charge.

Elle entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et, subsidiairement, à une exemption de peine.

b. Selon les ordonnances pénales du Service des contraventions (SDC) du 21 mars 2023, il est reproché à A______ d'avoir mendié aux abords immédiats d'un magasin :

- le 3 décembre 2022, à 15h02, à hauteur du 83, rue 1______ (ordonnance n° 2______) et

- le 21 décembre 2022, à 18h04, à hauteur du 81, rue 1______ (ordonnance n° 3______).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de contravention du 3 décembre 2022, A______ a été interpellée par des agents, le jour même à 15h02, alors qu'elle mendiait devant l'entrée du magasin C______ à hauteur du 83, rue 1______. Elle a été informée que cette pratique était interdite et déclarée en contravention sur le champ.

b. Selon le rapport de contravention du 28 décembre 2022, A______ a été interpellée par des agents le 21 précédent à 18h04, alors qu'elle mendiait à hauteur du 81, rue 1______, à proximité de l'entrée du magasin C______. Elle a été priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite et déclarée en contravention sur le champ.

c. Par ordonnances pénales n° 2______ et n° 3______ du 21 mars 2023, le SDC a infligé à A______ des amendes de CHF 100.- chacune, majorées de CHF 60.- d'émoluments, pour avoir mendié aux abords immédiats d'un magasin, soit un lieu proscrit par l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

d. Sur opposition de A______, le SDC a maintenu ses ordonnances, relevant que l'intéressée ne contestait pas la matérialité des faits.

e. A______, dûment convoquée, se s'est pas présentée à l'audience fixée par le TP, à laquelle elle a été représentée par son avocate.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Dans un mémoire d'appel reprenant largement l'argumentation développée dans le cadre du recours formé contre l'art. 11A LPG auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (CSTCJ, cf. infra ch. 2.2), A______ persiste dans ses conclusions.

L'art. 11A LPG violait l'exigence de précision découlant du principe de la légalité, dans la mesure où sa formulation était si vague qu'elle ne permettait pas de déterminer où et comment pratiquer la mendicité licitement et laissait une marge d'appréciation si grande aux autorités chargées de son application qu'elle ne pouvait que provoquer des inégalités de traitement. Cela valait d'autant plus que la population visée par l'interdiction était souvent étrangère et peu éduquée et que l'atteinte touchait l'essence même d'un droit fondamental.

Le TP avait par ailleurs, à tort, retenu l'existence d'un intérêt public à l'interdiction de la mendicité, en se référant à des arrêts du Tribunal fédéral examinant la licéité de l'interdiction de la mendicité sous un angle abstrait, en ignorant la réalité du terrain. Le premier juge aurait en effet dû chercher à vérifier si les réseaux criminels évoqués dans ces arrêts existaient bel et bien et si elle-même en faisait partie ou non, ce qui n'était pas le cas, la mendicité n'étant pas rentable et permettant uniquement de survivre.

La mendicité ne créait en outre pas davantage de troubles à l'ordre public qu'une collecte organisée en faveur d'une œuvre caritative ou d'intérêt public, aussi longtemps que les personnes s'y adonnant respectaient les règles cantonales et communales protégeant la tranquillité et la salubrité publiques.

La restriction à sa liberté personnelle prévue par l'art. 11A LPG ne respectait ainsi pas le principe de la proportionnalité et revenait à n'autoriser la mendicité que dans les zones agricoles ou industrielles, où il y avait peu de passants. De plus, la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) avait proscrit, en matière de mendicité, la conversion d'amende en peine privative de liberté. Le Tribunal fédéral lui-même avait évoqué la possibilité, pour les contrevenants, d'invoquer l'état de nécessité, une exemption de peine en raison du peu de gravité de l'acte reproché – option d'ailleurs suivie par le TP dans une affaire similaire (JTDP/1074/2023) – ou le caractère non fautif du paiement de l'amende.

En toute hypothèse, l'art. 11A LPG, pris dans sa globalité, contrevenait à la liberté de communication consacrée aux art. 16 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). En mendiant, elle démontrait et communiquait en effet que sa communauté, dont les membres vivaient encore sous le seuil de pauvreté, était notoirement discriminée et obligée de solliciter l'aide pour survivre, ce qui comportait une dimension symbolique.

L'interdiction de mendier consacrait enfin un traitement discriminatoire, puisque la norme visait à sanctionner des personnes uniquement en raison de leur pauvreté.

c. Dans sa réponse, le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel. Il n'appartenait pas à la Chambre d'appel et de révision (CPAR) d'effectuer un contrôle abstrait de la loi et les griefs formulés par l'appelante avaient été écartés dans une affaire similaire. Le montant de l'amende avait d'ores et déjà été réduit et les conditions de l'art. 52 CP n'étaient pas réalisées.

d. Le TP se réfère à son jugement.

e. Le SDC conclut au rejet de l'appel en se référant au jugement entrepris.

D. A______, née le ______ 1981 en Roumanie, issue de la communauté rom, est domiciliée dans ce pays. Elle est mariée mais ne mentionne pas l'existence d'enfants. Elle indique être analphabète, sans formation et sans emploi.

Son extrait de casier judiciaire suisse ne fait pas état d'antécédents.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

1.3. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

2. 2.1. À la suite de la condamnation de la Suisse par la CourEDH en lien avec l'interdiction générale de la mendicité prévue par l'art. 11A aLPG (arrêt n° 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse), cette disposition a été modifiée en date du 12 février 2022 et dresse désormais une liste de situations dans lesquelles la mendicité est punissable.

L'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG prévoit ainsi qu'est puni de l'amende quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques.

2.2. En l'occurrence, l'appelante ne conteste pas les faits reprochés, tels que retenus par le premier juge. Elle estime toutefois que leur punissabilité viole ses droits fondamentaux.

À cet égard, il convient d'emblée de relever que la novelle a fait l'objet d'un contrôle abstrait de constitutionnalité par la CSTCJ, qui a conclu que la disposition incriminée était conforme au droit supérieur (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022). Il n'appartient dès lors pas à la CPAR de procéder à un second contrôle abstrait de celle-ci. Seuls les arguments de l'appelante en lien avec l'état de fait reproché seront dès lors examinés (contrôle concret).

2.2.1. Mendier, à savoir demander l'aumône, généralement sous forme d'argent, auprès d'une autre personne dans l'attente de sa générosité, doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par les art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst.) et 8 § 1 CEDH (ATF 134 I 214 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 4.2 ; arrêt de la CourEDH n° 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 59).

À l'instar de tout autre droit fondamental, la liberté personnelle n'est pas absolue et sa restriction est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.).

Ces conditions sont similaires à celles figurant à l'art. 8 § 2 CEDH, qui admet l'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant qu'elle soit prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

2.2.2. L'appelante ne nie pas que l'interdiction de mendier qu'elle conteste figure dans une loi au sens formel. Elle estime toutefois que le libellé de l'interdiction contrevient au principe de la légalité.

Ce principe est consacré par l'art. 1 du code pénal (CP), qui prévoit qu'une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi. La norme pénale doit être formulée de manière suffisamment précise pour que les citoyens puissent s'y conformer et identifier les conséquences d'un comportement donné avec un degré de certitude correspondant aux circonstances (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2 ; 141 IV 179 consid. 1.3.3 ; 138 IV 13 consid. 4.1).

L'exigence de précision de la base légale ne doit cependant pas être comprise d'une manière absolue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des définitions générales ou plus ou moins vagues, dont l'interprétation et l'application sont laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut pas être déterminé de manière abstraite. Il dépend, entre autres, de la multiplicité des situations à régler, de la complexité ou de la prévisibilité de la décision à prendre dans le cas particulier, du destinataire de la norme, ou de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels. Il dépend aussi de l'appréciation que l'on peut faire, objectivement, lorsque se présente un cas concret d'application (ATF 147 IV 274 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_315/2022 du 29 septembre 2022 consid. 1.1).

Ce principe est violé lorsqu'une personne est poursuivie pénalement en raison d'un comportement qui n'est pas incriminé par une loi valable, ou lorsque l'application du droit pénal à un acte déterminé procède d'une interprétation de la norme pénale excédant ce qui est admissible au regard des principes généraux du droit pénal (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2).

2.2.3. Alors qu'à Bâle-Ville, la loi réglementant la mendicité, adoptée en juin 2021, fixe à cinq mètres des lieux listés le périmètre dans lequel il est interdit de mendier, le législateur genevois a renoncé à une distance métrique au profit des termes "aux abords immédiats de", notion susceptible d'évoluer selon le type d'installations visé (cf. rapport du 16 novembre 2021 de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi PL 12862-A, pp. 24 et 25).

Amenée à trancher la question de la constitutionnalité de la norme, la CSTCJ a écarté le grief du manque de clarté en considérant que l'expression "abords immédiats", certes générale et abstraite, était néanmoins compréhensible par elle-même et que sa concrétisation relèverait de la pratique, qui préciserait, au gré des circonstances particulières, la volonté du législateur (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 8b).

La CPAR a, elle aussi, jugé que cette expression se comprenait par elle-même, l'utilisation de l'adjectif "immédiat" – défini par les dictionnaires Robert et Larousse comme "qui précède ou suit sans intermédiaire, notamment dans une relation spatiale" – suffisant à réaliser l'exigence de précision. Les termes "abords immédiats" délimitaient ainsi de façon intelligible les secteurs où la mendicité était interdite et permettaient une marge d'appréciation en fonction de la configuration de l'endroit (par exemple une application plus stricte dans des lieux manquant de dégagement ou de visibilité; cf. AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 2.4.2.5).

2.2.4. En l'espèce, l'appelante soutient que la formulation de l'art. 11A al. 1 let. c LPG est si vague qu'elle ne lui permettrait pas de déterminer où et comment pratiquer la mendicité licitement et que la marge d'interprétation laissée à l'autorité conduirait à des inégalités de traitement.

Ce faisant, l'appelante ne prétend pas, quand bien même elle est d'origine étrangère et illettrée, ne pas avoir effectivement compris qu'interdiction lui était faite de mendier devant ou à proximité de l'entrée du magasin C______. Elle ne soutient pas non plus avoir mésestimé la distance prohibée.

Le fait que, après avoir été interpellée une première fois à hauteur du 81, rue 1______, et été informée de l'interdiction d'y mendier, elle ait récidivé moins de trois semaines plus tard, en se rapprochant de l'entrée du magasin C______ (étant précisé que le 83, rue 1______ correspond à l'adresse de ce commerce) témoigne du fait que l'ignorance de la règlementation ou un doute sur son interprétation n'ont joué aucun rôle dans la commission des infractions qui lui sont reprochées.

Dans ces conditions, l'argument tiré d'un prétendu manque de précision de la loi doit être rejeté.

Il en va de même de l'argument lié à une possible inégalité de traitement, l'appelante ne citant aucun exemple concret susceptible d'étayer l'existence d'un tel risque.

2.3.1. L'interdiction de la mendicité doit ensuite être justifiée par un intérêt public suffisant ou par la protection des droits fondamentaux de tiers (art. 36 al. 2 Cst.).

La notion d'intérêt public varie en fonction du temps et des lieux et comprend non seulement les biens de police (tels que l'ordre, la sécurité, la santé et la paix publics, par exemple), mais aussi les valeurs culturelles, écologiques et sociales dont les tâches de l'Etat sont l'expression. Il incombe au législateur de définir, dans le cadre d'un processus politique et démocratique, quels intérêts publics peuvent être considérés comme légitimes, en tenant compte de l'ordre de valeurs posé par le système juridique (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 4.3.1).

La CourEDH a à cet égard admis qu'une interdiction de la mendicité pouvait poursuivre des buts légitimes, notamment la protection de l'ordre public et de la sécurité et de la tranquillité publiques, afin de ne pas porter atteinte aux passants, aux résidents et aux commerçants. Elle a laissé ouverte la question de savoir si d'autres buts légitimes peuvent également être poursuivis par la mesure litigieuse, tout en précisant que la volonté de rendre la pauvreté moins visible dans une ville et d'attirer les investisseurs n'était pas légitime au regard des droits de l'homme (arrêt Lacatus c. Suisse § 96, 97 et 113).

Le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics en cas de réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics (ATF 149 I 248 consid. 4.6.2).

2.3.2. Interrogés par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de la LPG, les représentants des commerçants, incluant tant ceux de la grande distribution, tels C______, que ceux du commerce de détail, ont décrit de manière unanime un impact négatif sur la clientèle résultant de la présence de mendiants statiques devant les magasins, perçue par certains comme une atteinte à leur sécurité et leur confort (cf. rapport, p. 23).

En se plaçant devant ou à proximité de l'entrée d'un magasin d'alimentation pour mendier, de telle sorte que la clientèle n'ait d'autre alternative que de passer devant elle, l'appelante a pris le risque de gêner les personnes souhaitant faire leurs achats à la C______ et de susciter chez elles un sentiment d'insécurité, cela sans l'accord des ayants droit, dont les droits méritent eux aussi protection.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la gêne occasionnée par la mendicité passive ne saurait être comparée à celle générée par les collectes caritatives dans la rue. Celles-ci doivent en effet faire l'objet d'une autorisation étatique pour l'utilisation accrue du domaine public qu'elles comportent, autorisation octroyée pour un temps et un lieu déterminés, voire contre le paiement d'un émolument. Lorsqu'une telle collecte est organisée "aux abords immédiats" d'un commerce, elle recueille en outre en principe l'accord de l'exploitant.

Au vu de ce qui précède, l'interdiction partielle de mendier aux abords immédiats de magasins poursuit des intérêts publics reconnus.

2.4.1. Cette interdiction doit enfin être proportionnée (art. 36 al. 3 Cst.) ou nécessaire dans une société démocratique (art. 8 § 2 CEDH).

Pour que tel soit le cas, il faut que la limitation des droits fondamentaux soit apte à atteindre le but visé, que celui-ci ne puisse pas être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. Plus particulièrement s'agissant de personnes mendiantes, il faut tenir compte du fait qu'elles sont généralement particulièrement nécessiteuses et vulnérables et qu'elles dépendent de la mendicité comme moyen de subsistance (ATF 149 I 248 consid. 4.6.3).

Dans son examen de la constitutionnalité de la loi bâloise, laquelle, à l'instar de la loi genevoise, punit quiconque mendie dans divers lieux du territoire cantonal abstraitement énumérés, le Tribunal fédéral a rejeté l'argument des recourants selon lequel cette règlementation était trop restrictive et ne ménageait pas assez d'espaces où la mendicité soit permise. Il a rappelé à cette occasion que la réglementation adoptée protégeait l'accessibilité des bâtiments et installations publics et privés, de même que la sphère privée de celles et ceux qui les fréquentaient à des fins pécuniaires ou personnelles. Elle laissait néanmoins subsister des possibilités suffisantes de pratiquer la mendicité sur le territoire cantonal, y compris dans le centre-ville (cf. ATF 149 I 248 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs considéré que la mise en place d'un filet social découlant de la règlementation en matière d'aide sociale permettait de déduire que, pour la très grande majorité des personnes qui se livraient à la mendicité, son interdiction ne les priverait pas du minimum nécessaire, mais d'un revenu d'appoint. Les effets d'une interdiction sur la situation des personnes visées n'étaient dès lors en principe pas tels qu'ils ne seraient plus dans un rapport raisonnable avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. (ATF 134 I 214 consid. 5.7.3).

2.4.2. La règlementation genevoise ne diffère guère, en la matière, des dispositions bâloises, en ce qu'elle dresse une liste des lieux où il existe un intérêt public à la prohibition de la mendicité.

L'appelante ne suggère pas de mesure moins incisive apte à atteindre le but recherché.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, cette liste n'aboutit pas à une interdiction de facto de toute mendicité. Quand bien même il n'appartient pas à la Chambre de céans d'énumérer les lieux où elle pourrait pratiquer cette activité, il n'en demeure pas moins que le territoire cantonal est vaste et que, même en ville de Genève, nombreuses sont les rues qui ne sont pas concernées par les interdictions prévues à l'art. 11A al. 1 LPG.

L'appelante n'a enfin jamais allégué avoir sollicité une aide financière exceptionnelle (cf. art. 13ss du règlement genevois d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, art. 18 en particulier), alors que celle-ci est destinée précisément à éviter aux requérants de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires et mener une existence conforme à la dignité humaine. Elle ne saurait ainsi affirmer n'avoir eu d'autre choix que de mendier, de surcroît dans un lieu illicite, pour assurer sa subsistance.

La limitation du droit de mendier figurant à l'art. 11A al. 1 LPG respecte par conséquent le principe de la proportionnalité.

2.5. L'appelante estime que l'art. 11A LPG, pris dans sa globalité, contrevient à la liberté de communication consacrée tant par la Cst. que par la CEDH.

2.5.1. Tant l'art. 16 al. 2 Cst. que l'art. 10 § 1 de la CEDH protègent le droit de toute personne de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion ou des idées, sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

La liberté d'expression inclut la communication non verbale, par exemple des actes protestataires ou d'autres formes de comportement. Peuvent donc en faire également partie des gestes véhiculant un message (N. ZIMMERMANN / A. DA RUGNA, Interdire la mendicité sans violer les droits humains? In Sui generis 2023 pp. 23ss, n. 28).

Dans l'arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH a laissée ouverte la question de savoir si l'exercice de la mendicité était protégé par la liberté d'expression.

Le Tribunal fédéral a tranché ce point par la négative, considérant que le but de la mendicité n'était pas d'exprimer un besoin, mais plutôt d'en obtenir la satisfaction par le biais d'un don, très généralement sous la forme d'une prestation en argent. Il fallait donc exclure tout contenu symbolique au comportement de la personne qui mendiait et partir de ce que le message qu'elle adressait aux passants était restreint à la seule expression de son dénuement personnel ou, tout au plus familial, et à son besoin d'aide, soit une problématique privée. Cette communication apparaissait ainsi d'emblée comme un simple élément secondaire, quoique nécessaire, de son activité de mendicité (arrêts du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.2 et 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2.7).

La CSTCJ a elle aussi considéré que la communication préalable de la précarité et du besoin d'aide était secondaire par rapport à la satisfaction dudit besoin et qu'elle relevait d'une problématique privée, non protégée par la liberté d'expression (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12c).

2.5.2. Dans le cas présent, au vu de ce qui précède, il n'y pas lieu d'adopter une position différente. L'appelante ne prétend en effet pas qu'en mendiant, elle aurait exprimé autre chose que son besoin personnel d'aide, par exemple qu'elle aurait agi pour sensibiliser sur la situation sociale des pauvres ou des membres de sa communauté. Elle n'explique pas non plus en quoi la liberté d'expression lui conférerait une protection plus étendue que la liberté personnelle, étant rappelé qu'il lui est reproché, non pas d'avoir mendié, mais de l'avoir fait dans un périmètre que l'art. 11A al. 1 let. c LPG interdit.

Ce grief doit dès lors être rejeté.

2.6. L'appelante considère enfin que l'interdiction de mendier consacre un traitement discriminatoire, puisque la norme vise à sanctionner des personnes uniquement en raison de leur pauvreté.

2.6.1. D'après l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

On est en présence d'une discrimination selon l'art. 8 al. 2 Cst. lorsqu'une personne est traitée différemment en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d'exclusion ou de dépréciation. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. L’effet discriminatoire doit atteindre une importance significative car la protection contre la discrimination indirecte ne peut servir qu’à corriger les effets négatifs les plus évidents d’une réglementation étatique (ATF 149 I 248 consid. 7.2 ; 142 V 316 consid. 6.1.2 ; 138 I 265 consid. 4.2.2 et 5.5 ; 138 I 205 consid. 5.5).

Selon la jurisprudence relative à l'art. 14 CEDH – qui stipule que la jouissance des droits et libertés reconnus par la CEDH doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et n'a, d'après le Tribunal fédéral, pas de portée indépendante (cf. arrêt 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 8.1) – toute différence de traitement n'emporte pas automatiquement violation de cet article. Il faut démontrer que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables jouissent d'un traitement préférentiel, et que cette distinction est discriminatoire. Tel est le cas si la différence de traitement manque de justification objective et raisonnable, soit si elle ne poursuit pas un but légitime, ou s'il est clairement établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 5.2).

2.6.2. Le Tribunal fédéral a nié l'existence d'une discrimination dans l'interdiction de la mendicité, considérant notamment que la seule importance du nombre de condamnations concernant des personnes appartenant à la communauté rom ne signifiait pas pour autant l'existence d'une impunité d'autres mendiants (ATF
149 I 248 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_88/2012 du 17 août 2012 consid. 3.4).

2.6.3. La CSTCJ a, pour sa part, rejeté le grief d'un traitement discriminatoire sur la base de la pauvreté au motif que le fait d'être pauvre ne donnait pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. Même dans une telle hypothèse, la loi pouvait au demeurant sanctionner la mendicité afin de protéger l'ordre public et lutter contre l'exploitation humaine et non pour dévaloriser ou exclure. Par ailleurs, le système juridique suisse répondait à la détresse des personnes par l'octroi de l'aide sociale au sens de l'art. 12 Cst., de manière à leur éviter de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 11c).

2.6.4. En l'espèce, l'appelante ne présente pas d'arguments nouveaux par rapport à ceux examinés par la CSTCJ, de sorte que la conclusion adoptée par celle-ci ne peut qu'être reprise par la Chambre de céans.

Le grief lié à l'interdiction d'un traitement discriminatoire sera dès lors rejeté.

2.7. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'appelante a été reconnue coupable de mendicité au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

Sa condamnation de ce chef doit donc être confirmée, en tant qu'elle ne constitue pas, in casu, une ingérence injustifiée dans ses droits fondamentaux.

3. L'appelante conteste la peine infligée au motif que la CourEDH a proscrit, en matière de mendicité, la conversion d'amende en peine privative de liberté.

3.1. La législation genevoise prévoit exclusivement l'amende comme sanction de l'interdiction de la mendicité passive en certains lieux (cf. art. 11A al. 1 LPG), à l'exclusion de tout mécanisme graduel de sanction préalable.

3.1.1. Dans son arrêt Lacatus c. Suisse, la CourEDH n'a pas exclu en soi une sanction pénale à la mendicité, dans le sens que la gravité de ladite sanction doit être examinée dans le cadre d'une pesée des intérêts et à l'aune de solides motifs d'intérêt public. Elle a néanmoins relevé que, eu égard à la situation précaire et vulnérable des mendiants, la conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution était quasiment inévitable et constituait dès lors une sanction grave, laquelle devait être justifiée par de solides motifs d'intérêt public et être proportionnée aux buts poursuivis. En l'absence de mendicité intrusive ou agressive, ou de plainte pénale contre le mendiant, l'on pouvait douter d'un intérêt public concret de protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces, justifiant la sanction de l'amende. Il convenait ainsi que les tribunaux procèdent à un examen approfondi de la situation concrète et vérifient si des mesures moins sévères que la sanction pénale auraient pu aboutir au même résultat. Si ces conditions n'étaient pas remplies, la sanction de l'amende violait l'art. 8 CEDH (§ 108ss).

3.1.2. Le Tribunal fédéral a confirmé depuis lors qu'il n'était pas admissible, au regard de la Cst. et de la CEDH, de sanctionner d'emblée la mendicité passive pratiquée dans certains lieux par une amende qui, au vu du dénuement des personnes concernées, était presque automatiquement convertie en jours de détention. Une amende, même modique et n'excédant pas CHF 50.-, ne pouvait ainsi être envisagée qu'en dernier recours, après que d'autres mesures mieux adaptées aient échoué (ATF 149 I 248 consid. 5.4.6).

À cet égard, quand bien même il n'a pas donné de pistes, le Tribunal fédéral a indiqué que des mesures de droit administratif, échelonnées et successives, pouvaient être envisagées, par exemple une évacuation du contrevenant par la police hors de l'aire d'interdiction, avec enregistrement de son identité lors de la première infraction ; un avertissement administratif avec menace de l'amende la deuxième fois, et la troisième fois la sanction pénale, sous forme d'amende (ATF 149 I 248 consid. 5.4.7).

La CPAR a toutefois exclu que cette jurisprudence s'applique lorsqu'une personne déclarée coupable de mendicité avait des antécédents spécifiques (dans le cas qui lui était soumis, plus de 30 interpellations pour des faits de mendicité sous l'ancien droit). Dans ce cas, l'intéressée ne pouvait en effet ignorer, en dépit du changement de loi, qu'elle risquait une amende, sinon sa conversion en jours de détention, de sorte qu'en présence d'une récidive, l'on pouvait affirmer que des mesures administratives moins incisives en amont seraient restées vaines (ACPR/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.5).

La CPAR a néanmoins relevé qu'il serait bienvenu d'intégrer à la loi genevoise, en faveur des primo-délinquants, un mécanisme graduel de sanction avant le prononcé de l'amende quasiment systématiquement convertie, par exemple sous forme de remise d'un avertissement formel dans la langue maternelle du contrevenant, indiquant le caractère pénal de son comportement et la sanction encourue en cas de récidive, voire un guide des bonnes pratiques à adopter dans le canton (AARP/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.6).

3.2. Dans le cas présent, l'appelante n'a pas d'antécédent et le dossier ne contient aucun élément indiquant que l'appelante aurait, préalablement au 3 décembre 2022, date de la première occurrence qui lui est reprochée, été avertie ou sensibilisée au fait qu'il lui était interdit de mendier à proximité de l'entrée d'un commerce, sous peine d'amende, elle-même susceptible de conversion en peine privative de liberté en cas de non-paiement.

Sanctionner d'une amende les faits du 3 décembre 2022 n'est dès lors compatible ni avec la CEDH, ni avec la jurisprudence du Tribunal fédéral. Aussi, aucune peine ne sera prononcée en lien avec ces premiers actes.

Il sera néanmoins retenu que son interpellation ce jour-là aura constitué un avertissement quant aux risques encourus, en termes de sanction, en cas de mendicité passive dans des lieux proscrits. Il ressort d'ailleurs expressément du rapport des agents qu'elle a été sensibilisée à cette question. Or, cela ne l'a pas empêchée de récidiver moins de trois semaines plus tard, au même endroit, soit à quelques mètres de l'entrée de C______ de [la] rue 1______.

Dans ces conditions, l'on peut, à l'instar du cas tranché par la CPAR en janvier 2024, considérer que des mesures administratives moins incisives seraient restées sans effet et que le principe du prononcé d'amende n'est, s'agissant de cette seconde occurrence, pas disproportionné et ne doit pas être remis en cause.

L'appel sera dès lors partiellement admis sur ce point et un acquittement prononcé pour les faits du 3 décembre 2022.

4. L'appelante conclut, subsidiairement, en cas de condamnation, à une exemption de peine, relevant que dans un jugement du 22 août 2023, le TP a fait application de l'art. 52 CP (cf. JTDP/1074/2023).

4.1. Selon l’art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte – conditions cumulatives – sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à lui infliger une peine. Si les conditions indiquées à l'art. 52 CP sont réunies, l’exemption par le juge est de nature impérative. Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, un verdict de culpabilité est rendu, mais dépourvu de sanction (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2 p. 135).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s’agit pas d’annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l’auteur après l’infraction (ATF 135 IV 130 consid. 5.4 p. 137).

4.2. En l'espèce, l'infraction de mendicité est certes de peu d'importance au regard d'autres infractions, ce dont il est tenu compte dans le type de sanction prévu par l'art. 11A al. 1 LPG. L'appelante n'explique toutefois pas en quoi sa culpabilité serait peu importante par rapport à d'autres cas relevant de la même disposition. Elle ne peut à cet égard rien tirer du jugement du TP qu'elle cite, celui-ci n'étant pas motivé et ne permettant dès lors pas de conclure, cas échéant, à une situation similaire.

La culpabilité de l'appelante n'est au demeurant pas anodine, dès lors qu'elle a agi à deux reprises au même endroit, alors qu'elle ne pouvait ignorer que son comportement était illicite.

Force est dès lors de constater que les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réalisées, de sorte qu'une exemption de peine sur cette base n'entre pas en considération.

5. 5.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.2. Selon l'art. 106 al. 2 CP, le juge prononce, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus. Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Ainsi, au moment de fixer la peine privative de liberté de substitution à une amende, le juge ne doit tenir compte que de la culpabilité de l'auteur, à l'exclusion des circonstances financières propres au condamné (ATF 134 IV 97 consid. 6.3.7.1 ; 134 IV 60 consid. 7.3.3).

5.3. Dans le cas présent, la faute de l'appelante doit être qualifiée de faible, quand bien même elle a persisté à mendier dans un lieu proscrit, malgré l'avertissement clair reçu quelques semaines auparavant.

Sa situation personnelle, indéniablement précaire, explique ses agissements mais ne les justifie pas totalement, dans la mesure où il existait d'autres lieux où elle pouvait s'adonner à la mendicité de manière licite.

Sa collaboration n'appelle pas de remarque particulière, puisqu'elle ne s'est pas exprimée durant la procédure.

Elle n'a pas d'antécédent.

Au vu de ces éléments, une peine sous forme d'une amende de CHF 40.- apparaît adéquate, s'agissant d'une première sanction pour de la mendicité passive, étant précisé que la Chambre de céans a admis un montant de CHF 100.- dans le cadre d'une peine hypothétique, augmentée de CHF 40.- pour chaque nouvelle occurrence (cf. AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 3.6).

En dépit de l'abandon de l'aggravante du concours, le montant de l'amende fixée par le premier juge sera dès lors maintenu.

Une peine privative de liberté de substitution d'un jour sera prononcée, la loi ne permettant pas d'aller en-deça (art. 106 al. 2 CP).

6. L'appelante, qui obtient partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure envers l'État, comprenant un émolument de jugement réduit à CHF 200.-, pour tenir compte de sa situation financière précaire (art. 428 CPP).

Compte tenu de l'acquittement prononcé, la mise à sa charge des frais de la procédure préliminaire et de première instance sera également limitée à la moitié.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1263/2023 rendu le 2 octobre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/9176/2023.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de l'infraction de mendicité pour les faits du 3 décembre 2022.

Déclare A______ coupable de mendicité pour les faits du 21 décembre 2022 (art. 11A al. 1 let. c LPG).

Condamne A______ à une amende de CHF 40.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'1 jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ au paiement de CHF 100.-, correspondant à la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 375.- y compris un émolument de jugement de CHF 200.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 187.50, à la charge de A______.

Laisse le solde des frais de procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt à l'appelante, soit pour elle son conseil, au Service des contraventions et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

200.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

375.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

575.00