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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24128/2022

AARP/421/2023 du 06.11.2023 sur JTDP/864/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);EXPULSION(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.115.al1.letb; LEI.119.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24128/2022 AARP/421/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 novembre 2023

 

Entre

A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/864/2023 rendu le 29 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 29 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]) ainsi que de non–respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre mois et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de trois ans (art. 66abis CP), avec signalement dans le système d'information Schengen (SIS), frais à sa charge en CHF 2'020.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à se voir exempté de peine s'agissant de l'infraction de séjour illégal et au prononcé d'une peine pécuniaire clémente s'agissant de l'infraction à l'art. 119 LEI. Il conclut également à ce que son expulsion ne soit pas prononcée.

b. Selon l'acte d'accusation du 6 juin 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :

Il a, en tant que ressortissant malien, avec conscience et volonté, dès lors qu’il savait n'en avoir pas le droit, séjourné sur le territoire suisse, en particulier à Genève, durant les périodes suivantes, alors qu’il était dépourvu des autorisations nécessaires, d’un document de voyage valable et reconnu, ainsi que de moyens de subsistance légaux :

a. entre le 8 juin 2022, lendemain d’une précédente condamnation, et le 14 novembre 2022, date d’une interpellation,

b. entre le 15 novembre 2022, lendemain d'une remise en liberté, et le 19 décembre 2022, date d’une nouvelle interpellation,

c. entre le 23 décembre 2022, lendemain d'une remise en liberté par les autorités administratives zurichoises, et le 28 février 2023, date d’une nouvelle interpellation,

d. entre le 4 mars 2023, lendemain d'une remise en liberté par les autorités administratives zurichoises, et le 6 avril 2023, date d’une nouvelle interpellation,

e. entre le 8 avril 2023, lendemain d'une remise en liberté, et le 20 avril 2023, date de sa dernière interpellation.

Il a en outre, avec conscience et volonté, contrevenu à une assignation à un lieu de résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

-          alors que par décision du 24 mai 2022, notifiée le même jour en main propre, il lui était fait interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de six mois à compter de cette date, il s'est trouvé le 14 novembre 2022 à Genève, à la rue des Battoirs, où il a été interpellé,

-          alors que par décision du 21 décembre 2022, notifiée le même jour en main propre, il lui a été fait interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de 12 mois à compter de cette date, il s'est trouvé à la rue des Battoirs à Genève les 28 février 2023 vers 18h00, 6 avril 2023 vers 11h00 et 20 avril 2023 vers 04h00, dates auxquelles il été interpellé.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1981 au Mali, vit en Suisse depuis 2001.

b. Le 1er février 2002, le Secrétariat d'état aux migrations (SEM) a refusé d’entrer en matière sur la demande d'asile de A______ et ordonné son renvoi de Suisse avec effet immédiat. Cette décision a été confirmée par jugement du 7 février 2002 du Tribunal de district de Zurich.

A______ ne dispose depuis lors d'aucune d'autorisation de séjour et indique survivre grâce à ses connaissances, son centre de vie se trouvant à Genève.

Selon un arrêt du Tribunal fédéral 2C_408/2020 du 21 juillet 2020, le Service des migrations du canton de Zurich a, le 19 septembre 2019, placé A______ en détention en vue de l'exécution du renvoi. Le Tribunal fédéral a cependant considéré que le maintien de l'intéressé en détention administrative n'était pas justifié, un départ volontaire ou un renvoi ne pouvant pas être considéré comme techniquement prévisible dans un délai raisonnable en raison de la situation sanitaire liée au COVID-19, et ce malgré que le recourant n'avait pas respecté son obligation de coopérer – contrairement à ce qu'il avait prétendu – et qu'il faisait tout pour rendre plus difficile son identification et son transfert dans son pays d'origine.

A______ a encore été pris en charge par la brigade migration et retour le 21 décembre 2022 à Genève pour être confié à la police cantonale de Zurich. Il lui a été ordonné, le 22 décembre 2022, de quitter la Suisse immédiatement et de manière autonome.

Il a été à nouveau remis le 2 mars 2023 à la police du canton de Zurich depuis Genève et le 3 mars 2023, il lui a été ordonné de quitter la Suisse immédiatement et de manière autonome.

c. A______ s'est par ailleurs vu notifier une décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, le 24 mai 2022, valable pour une durée de six mois, tout comme le formulaire d'opposition idoine, documents qu'il a refusé de signer.

Il s'est vu notifier une nouvelle décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève le 21 décembre 2022 et valable pour une durée de douze mois, tout comme le formulaire d'opposition idoine, documents qu'il a refusé de signer.

d. A______ a été condamné à douze reprises depuis le 9 janvier 2006, notamment pour séjour illégal, pour délit contre la LEI et pour entrée illégale. Il a, en dernier lieu, été condamné :

- le 26 mars 2019 par le TP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-, pour entrée illégale (période pénale "27.02.2018-04.09.2018") et séjour illégal (deux périodes pénales dont "27.02.2018-04.09.2018") ;

- le 7 août 2019 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour séjour illégal et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) ;

- le 6 octobre 2020 par le MP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-, pour séjour illégal et ;

- le 27 janvier 2022 par le TP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, pour séjour illégal.

Le prévenu a par ailleurs été condamné par ordonnance pénale du 7 juin 2022 du MP, à une peine pécuniaire de 0 jours-amende, pour séjour illégal, dans la mesure où il n'avait pas quitté la Suisse depuis ses dernières condamnations et avait déjà été condamné au maximum légal prévu pour l'infraction de séjour illégal (en jours-amende), condamnation qui ne figure pas à l'extrait de son casier judiciaire.

e. Les faits décrits dans l'acte d'accusation sont établis à teneur du dossier et au demeurant non contestés en appel.

Il sera donc renvoyé aux considérants du jugement attaqué (art. 82 al. 4 du code de procédure pénale [CPP]), étant simplement précisé que l'appelant a admis certains faits de séjour illégal (période du 8 juin 2022 au 14 novembre 2022), admis puis contesté d'autres (périodes du 15 novembre 2022 au 19 décembre 2022 ainsi que du 23 décembre 2022 au 28 février 2023 et encore du 4 mars 2023 au 6 avril 2023), voire les a contestés (période du 8 avril 2023 au 20 avril 2023). Il a de même admis certains faits qualifiés d'infraction à l'art. 119 LEI mais en a contesté d'autres.

Interpellé à cinq reprises, il a chaque fois été remis en liberté sauf suite à sa dernière arrestation le 20 avril 2023. Il a ainsi comparu détenu en première instance. Il a été libéré le 17 septembre 2023, une fois la peine prononcée par le TP purgée.

C. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, concluant, en outre, à se voir indemnisé en CHF 200.- par jour de détention injustifiée et à ce que les frais de justice soient réduits.

La sanction prononcée était disproportionnée. Les infractions à la LEI étaient de peu de gravité et n'avaient pas porté une atteinte importante à la sécurité publique, étant précisé que les faits ayant mené à la décision d'interdiction de périmètre avaient en fin de compte été classés par le MP en juin 2023. Une exemption de peine aurait dû être prononcée pour le séjour illégal reproché, la condamnation pour entrée illégale en mars 2019 ayant constitué une erreur de droit puisqu'il n'était alors pas entré en Suisse. Une peine pécuniaire aurait dû être retenue pour les infractions à l'art. 119 LEI. Ayant désormais purgé la totalité de la peine prononcée, il devrait encore être indemnisé pour sa détention injustifiée.

L'expulsion facultative avait initialement été envisagée en lien avec le prononcé de peines privatives de liberté de plus d'un an, durée minimale qui n'avait pas été retenue au final pour permettre l'expulsion en lien avec des infractions de moindre gravité, en particulier dans les cas de "tourisme criminel". Il était cependant impératif de tenir compte notamment de la nature et de la gravité de l'infraction commise pour respecter le principe de proportionnalité. En l'espèce, le TP n'avait pas indiqué le but poursuivi par le prononcé de l'expulsion et l'inscription de celle-ci au SIS. Le TP avait en réalité uniquement infligé une peine supplémentaire à A______, violant ainsi l'interdiction de la double peine proscrite par la CEDH. Son renvoi serait en tout état impossible – on ignorait où il pourrait se rendre – alors qu'il ne présentait pas un danger suffisant pour la sécurité publique. Au vu de nombre de personnes détenues pour rupture de ban, on ne pouvait que constater l'échec de cette mesure et déplorer l'application disproportionnée de l'expulsion facultative, sans prendre son impact financier en considération. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) avait déjà considéré que les infractions à la LEI ne comportaient qu'un risque modéré d'atteinte à la sécurité publique (AARP/66/2018 du 6 mars 2018 et références citées). A______ avait en l'espèce été condamné à une peine privative de liberté de quatre mois, notamment pour non-respect d'une mesure d'éloignement qui n'aurait jamais dû être prononcée. Il s'agissait en tout état d'infractions bagatelles qui ne portaient pas atteinte à la sécurité publique, de sorte que l'expulsion prononcée, pour une durée de trois ans, était disproportionnée et il fallait y renoncer, d'autant qu'il était déjà sous le coup d'une interdiction de séjour en Suisse.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Se référant aux faits décrits dans le jugement, il considère que le TP avait fait une correcte application du droit : la quotité de la peine prononcée tenait compte de ce qu'une nouvelle intention délictuelle avait été concrétisée par l'entrée illégale sanctionnée par sa condamnation – définitive – du 26 mars 2019, quoi qu'il soutienne encore aujourd'hui. Une exemption de peine pour le séjour illégal n'entrait ainsi pas en ligne de compte et la quotité arrêtée en première instance n'était pas critiquable.

L'expulsion facultative n'était pas conditionnée par une peine minimale, l'ensemble des antécédents, y compris antérieurs au 1er octobre 2016, devant être pris en compte, les infractions à la LEI n'étant pas de peu d'importance comme la CPAR avait déjà eu l'occasion de le juger. Dans le cas de l'appelant, le TP avait retenu à bon droit les antécédents de l'intéressé, le fait qu'il n'avait jamais respecté la décision de renvoi de Suisse et n'avait jamais collaboré à son exécution, son ancrage dans la délinquance et son absence d'intégration ainsi que l'absence d'obstacles à son retour dans son pays.

D. a. Selon le jugement entrepris, A______ est célibataire et père d'un enfant né en 2005 vivant avec sa mère à Soleure, qu'il n'a pas reconnu et n'a vu qu'à deux reprises, la dernière fois en 2018, la mère de celui-ci ne souhaitant pas qu'ils aient des contacts. Ses parents sont décédés en 1998 et 2000. Sa sœur, avec laquelle il n'a pas eu de contact depuis 2019, vit en Tanzanie. Il est arrivé en Suisse le 3 septembre 2001 et se trouve à Genève depuis 2007. Depuis, il n'a pas quitté la Suisse. D'ethnie peule et non bambara, il n’est plus retourné au Mali après l’an 2000, s'y trouvant en danger. Il n'a actuellement pas de profession ni de domicile. Il vit essentiellement grâce à l'aide d'amis ou d'associations. Il n'a ni dette ni fortune.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant 3h d'activité de cheffe d'étude pour la rédaction du mémoire d'appel.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 115 al. 1 LEI prévoit, à titre de peine menace, une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire ; la peine menace prévue par l'art. 119 al. 1 LEI est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

2.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Le juge doit d'abord déterminer le genre de la peine devant sanctionner une infraction, puis en fixer la quotité. Pour déterminer le genre de la peine, il doit tenir compte, à côté de la culpabilité de l'auteur, de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 147 IV 241 consid. 3.2 p. 244 ss).

2.1.3. Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.

La peine pécuniaire (art. 34 CP) constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a lieu, en règle générale, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. Le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 consid. 4 p. 100 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2015 du 28 septembre 2015 consid. 1.1 ; 6B_894/2014 du 25 mars 2015 consid. 2.1).

Lorsque des motifs de prévention spéciale permettent de considérer qu'une peine pécuniaire ou une nouvelle peine de travail d'intérêt général seraient d'emblée inadaptées, l'autorité peut prononcer une peine privative de liberté de courte durée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_341/2017 du 23 janvier 2018 consid. 1.1 ; 6B_1030/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2.2).

Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée (art. 41 al. 2 CP). Il devra mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (ATF 134 IV 60 consid. 8.4 p. 80 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_372/2017 du 15 novembre 2017 consid. 1.1 ; 6B_1030/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2).

2.1.4. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il doit, dans un premier temps, fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

2.2. En l'espèce, et s'agissant de la sanction du séjour illégal reproché, la condamnation pour entrée illégale prononcée à l'encontre de l'appelant le 26 mars 2019 est définitive, l'intéressé ne l'ayant pas contestée. La CPAR ne saurait dès lors aujourd'hui retenir un état de fait différent. Ainsi, comme relevé à juste titre par le MP, l'appelant a renouvelé son intention délictuelle en recommençant à séjourner illégalement en Suisse. Les condamnations prononcées à son encontre depuis lors (60 jours-amende y compris pour entrée illégale ; 30 jours-amende ; 60 jours-amende et 30 jours-amende) n'ayant pas à ce stade atteint le plafond de la peine menace prévue, il n'y a pas lieu à exemption de peine.

S'agissant de l'infraction à l'art. 119 LEI, les interdictions de pénétrer sur le territoire du canton de Genève notifiées à l'appelant sont définitives. Il lui appartenait de les contester s'il estimait qu'elles étaient infondées, ce qu'il n'a pas fait.

Pour cette infraction, comme d'ailleurs pour celle à l'art. 115 LEI, l'appelant ne pourra être suivi quant au genre de peine à prononcer et le principe d'une peine privative de liberté sera confirmé. Au vu de ses multiples antécédents, spécifiques, le pronostic de l'appelant est en effet clairement défavorable de sorte que le sursis n'est pas envisageable, et au demeurant – à juste titre – non plaidé. D'autre part, les précédentes condamnations, à des peines pécuniaires, n'ont pas dissuadé l'appelant de récidiver et n'ont manifestement eu aucun effet dissuasif sur lui. Le prononcé d'une courte peine privative de liberté se justifie ainsi pleinement, ce d'autant que son statut précaire et l'absence de revenus s'opposent au prononcé d'une peine pécuniaire.

Quant à la quotité de cette courte peine privative de liberté, elle n'est pas critiquée spécifiquement par l'appelant. Avec le premier juge, on retiendra que la faute de l'appelant est de gravité moyenne, son mobile égoïste, l'appelant persistant à séjourner en Suisse et venir à Genève par pure convenance personnelle, ses antécédents nombreux, sa situation personnelle – difficile – ne justifiant pas les infractions commises. Sa collaboration semble en revanche au mieux moyenne, au vu de ses revirements quant aux infractions reprochées, même s'il sera tenu compte qu'il ne les conteste finalement pas en appel. En fin de compte, les faits reprochés à l'appelant sont d'une certaine gravité, à tout le moins au vu de leur répétition nonobstant ses interpellations successives. En mobilisant, à chaque nouvelle interpellation, de nombreux acteurs appelés à assurer la sécurité publique il cause ainsi un préjudice non négligeable à la collectivité (AARP/299/2023 du 4 septembre 2023 ; AARP/325/2023 du 21 août 2023). La période pénale relative à l'infraction de séjour illégal est de près d'une année, entrecoupée de différentes interpellations.

Les règles sur le concours amènent à considérer que l’infraction abstraitement la plus grave est la violation de l’art. 119 LEI, laquelle, au vu de l’attitude de l’appelant, entraîne à elle seule une peine de base de deux mois, laquelle doit être aggravée de deux mois (peine théorique de trois mois) pour tenir compte du séjour illégal. La peine privative de liberté de quatre mois prononcée par le premier juge doit ainsi être confirmée.

2.3. Au vu de ce qui précède, les conclusions en indemnisation pour détention injustifiée seront rejetées, si tant est que, non mentionnées dans la déclaration d'appel, elles soient recevables.

3. 3.1.1 Conformément à l'art. 66abis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

Cette mesure prévue par la loi qui, par essence, s'ajoute à la peine proprement dite, fait partie intégrante de la sanction à prononcer (ATF 143 IV 168 consid. 3.2 = SJ 2017 I 433). L'expulsion judiciaire pénale de l'art. 66abis CP ne contredit pas l'interdiction de la double peine qui découle notamment de l'art. 6 CEDH (AARP/202/2017 du 16 juin 2017 consid. 2.5).

Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 87 ; K. KÜMIN, Darf eine Aufenthaltsbewilligung widerrufen werden, nachdem von einer Landesverweisung abgesehen wurde ?, Jusletter 28 novembre 2016, p. 14). Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_371/2018 du 21 août 2018 consid. 3.2). S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (ATF 139 I 145 consid. 2.4 p. 149 ; ATF 139 I 31 consid. 2.3.3 p. 34 ss ; ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.1).

Concernant le premier volet, le juge doit se demander, si l'expulsion facultative est de nature à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 84 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2). À cette fin, il considérera pour commencer la quotité de la peine : plus lourde sera celle-ci et plus grand sera l'intérêt public à expulser l'étranger. Ce résultat sera renforcé par le type d'infraction commise : si celle-ci atteint la vie, l'intégrité corporelle ou sexuelle, voire la santé d'un grand nombre de personne en application d'une aggravante à la LStup, l'intérêt public sera plus élevé. Quoiqu'il en soit, l'intérêt privé de l'intéressé à rester en Suisse devra s'analyser sans perdre de vue que les dispositions de la CEDH restent contraignantes, en particulier les art. 3 et 8 CEDH (ATF 139 I 16 consid. 4.2. et 5 ss ; G. MÜNCH / F. DE WECK, Die neue Landesverweisung, in art. 66a ff. StGB, Revue de l'avocat 2016, p. 166 ; M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 97 et 103 ; K. KÜMIN, op. cit., p. 14 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

L'intégration de l'intéressé doit être examinée, indépendamment de la durée du séjour, au regard certes de l'enracinement linguistique, culturel, religieux et personnel en Suisse, mais aussi des obstacles que ce dernier rencontrerait pour sa réintégration, selon les mêmes critères, en cas de retour dans son pays d'origine. D'ordinaire, il faut que la resocialisation dans le pays d'origine paraisse en pratique impossible ou au moins nettement plus difficile qu'en Suisse. Cependant, dans le contexte d'une expulsion facultative d'un étranger pour lequel la clause de rigueur s'appliquerait, le risque de mauvaise resocialisation dans le pays d'origine pèse plus lourd dans l'analyse : des chances de resocialisation plus favorables en Suisse peuvent donc faire la différence (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, op. cit., p. 98 et 102).

Les antécédents judiciaires antérieurs au 1er octobre 2016 doivent aussi entrer en considération, y compris ceux relevant du droit pénal des mineurs. Sous l'art. 55 aCP, un délinquant qui avait commis de nombreuses infractions et qui compromettait de ce fait la sécurité intérieure pouvait être l'objet d'une expulsion de longue durée, même si la dernière infraction dont il devait répondre n'était pas particulièrement grave. À noter que la durée de l'expulsion n'a pas à être symétrique à celle de la peine prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_242/2019 du 18 mars 2019 consid. 1.3).

Les critères déterminants mis en exergue par la jurisprudence rendue sur l'art. 8 CEDH sont applicables à la pesée des intérêts des art. 66a al. 2 et 66abis CP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_695/2016 du 1er décembre 2016 consid. 5.2 ; S. GRODECKI, Nouveautés en droit des sanctions : de la peine pécuniaire à l'expulsion, Conférence organisée par le Comité de la Société genevoise de droit et de législation, janvier 2017 ; G. MÜNCH / F. DE WECK, op. cit., p. 166 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.3).

3.1.2 L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) est régie depuis le 11 mai 2021 par le règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières (RS 0.362.380.085), modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen ainsi que modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006.

L'art. 21 ch. 1 du règlement 2018/1861 prescrit qu'avant d'introduire un signalement, l'État membre signalant vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS. Un signalement dans le SIS est introduit lorsque la décision visée au paragraphe 1 est fondée sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale que peut constituer la présence d'un ressortissant d'un pays tiers sur le territoire d'un État membre (art. 24 para. 2 let. a Règlement SIS II ; ATF 147 IV 340 consid. 4.6 et 4.8).

3.2.1. En l'espèce, l'appelant persiste à résider en Suisse illégalement depuis 2002. Il a fait l'objet de quatre interpellations dans le cadre de la présente procédure et démontre clairement qu'il n'a aucunement eu jusqu'ici l'intention de respecter les décisions administratives – notamment de renvoi – prises à son encontre. Il a de plus été interpellé à deux reprises à Genève alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton. Ses antécédents dénotent eux aussi son mépris de l'ordre juridique suisse et son incapacité totale à le respecter. L'intérêt public au prononcé de l'expulsion de l'appelant est dès lors important et apparait clairement de nature à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse.

L'intérêt de l'appelant à pouvoir rester en Suisse est par ailleurs plus que faible. Il n'allègue pas y avoir tissé de lien particulier, n'y a ni famille ni logement et n'y a jamais travaillé. Il n'expose d'ailleurs aucun projet d'avenir concret en Suisse. Il ne dispose d'aucune autorisation de séjourner légalement dans le pays. Son ancrage dans la délinquance et son absence d'intégration ont pour conséquence que l'intérêt public à son expulsion l'emporte sur son éventuel intérêt privé à demeurer en Suisse.

Les considérations politiques de l'appelant sur l'échec de la mesure en lien avec les privations de liberté prononcées pour rupture de ban sont sans pertinence juridique sur l'appréciation de la proportionnalité de l'expulsion à prononcer.

Ainsi, l'expulsion facultative prononcée par le premier juge n'est pas disproportionnée et sera confirmée, étant souligné que l'autorité précédente l'a ordonnée pour une durée de trois ans, soit le minimum légal.

En revanche, le principe de proportionnalité fait encore obstacle à l'extension de la mesure d'expulsion à l'ensemble de l'espace Schengen, vu la quotité de la peine prononcée et le fait qu'il s'agit d'une expulsion facultative. La répétition d'actes illicites n'ont concrètement pas encore atteint un seuil suffisant, ce qui n'exclut pas qu'une telle extension soit à l'avenir prononcée en cas de nouvelle récidive.

L'appel sera dès lors admis sur ce point et le jugement réformé dans ce sens.

4. L'appelant ayant d'ores et déjà purgé la peine prononcée, il n'y a pas lieu de reconduire sa détention pour des motifs de sûreté.

5. L'appelant, qui succombe très largement, supportera les 4/5èmes des frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

Il n'y a en revanche pas lieu à revoir les frais de première instance (art. 428 al. 3 CPP), le verdict de culpabilité n'étant pas contesté, sinon que l'émolument complémentaire sera mis à charge à hauteur de 4/5èmes également.

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 775.45 correspondant à 3h heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 55.45.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/864/2023 rendu le 29 juin 2023 par le tribunal de police dans la procédure P/24128/2022.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let b LEI) et de non–respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 4 mois.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 3 ans (art. 66abis CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 2'020.-, y compris un émolument de jugement de CHF 400.- et un émolument complémentaire de jugement fixé à CHF 600.-.

Met 4/5èmes de cet émolument complémentaire à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseure d'office de A______, a été fixée à CHF 6’268.15 pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'115.- comprenant un émolument de CHF 1'000.-.

Met 4/5èmes de ces frais, soit CHF 892.- à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Arrête à CHF 775.45, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux Migrations, au Service d'application des peines et mesures et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'620.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'115.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'735.00