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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/1383/2021

AARP/152/2023 du 08.05.2023 sur JTCO/80/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : PORNOGRAPHIE DURE;FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.197; CP.40; CP.63; CP.49; CP.19.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1383/2021 AARP/152/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 avril 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé de B______, ______, comparant par Me Isaline OTTOMANO, avocate, Etude Ottomano, rue de Candolle 36, 1205 Genève,

appelant et intimé sur appel joint,

 

contre le jugement JTCO/80/2022 rendu le 24 juin 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3

intimé et appelant joint,

Les mineurs C______ et D______, parties plaignantes, représentés par leur curateur,
Me E______, avocat,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 24 juin 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a acquitté du chef d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 du code pénal [CP]) s'agissant des faits visés sous chiffre 1.6 de l'acte d'accusation, mais l'a reconnu coupable de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), d'actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à réitérées reprises (art. 187 ch. 1 CP) et de pornographie commise à réitérées reprises (art. 197 al. 1, 3 et 3bis aCP, et art. 197 al. 1, 4 et 5 CP). Le TCO l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans (sous déduction de 502 jours de détention avant jugement), l'a astreint à un traitement ambulatoire (art. 63 CP) et lui a interdit à vie l'exercice de toute activité professionnelle ou non impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. b, c et d ch. 1 et 2 CP). Plusieurs mesures (confiscation, destruction et restitution) ont été ordonnées.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement des faits visés sous chiffres 1.7 et 1.8 de l'acte d'accusation ainsi qu'à une réduction de peine.

a.c. Dans le délai légal, le MP forme appel joint et conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de six ans.

b. Selon l'acte d'accusation du 14 avril 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Faits au préjudice de mineurs sur internet

-          à Genève, à son domicile, sis no. ______ route 1______ à F______ [GE], à réitérées reprises entre le 1er janvier 2008 et le 8 février 2021, plusieurs fois par semaine, il a téléchargé sur internet, échangé avec des adultes ou des mineurs, consommé et détenu des fichiers à caractère pédopornographique (photographies, vidéos), mettant en scène des actes d'ordre sexuel effectifs sur des mineurs, principalement des garçons, au travers de nombreuses plateformes, notamment SKYPE, AG______, DISCORD, FACEBOOK et le site G______ où il avait créé un faux profil d'un jeune garçon de 13 ans prénommé H______, dans un but d'excitation sexuelle.

A______ a échangé de tels fichiers avec des centaines de personnes, notamment, entre le 30 mai et le 21 juin 2016, une vingtaine de vidéos avec I______, majeur, entre août et décembre 2020 avec J______, mineur, et le 3 décembre 2020 en envoyant sur SKYPE l'image d'un garçon d'environ dix ans dénudé à un tiers non identifié.

A______ a, à réitérées reprises, conversé sur internet avec des mineurs de moins de 16 ans, en se faisant passer pour un mineur et en leur demandant de faire/lui envoyer des photographies de leurs parties intimes ou d'enclencher la webcam de leur ordinateur et de les montrer.

Il a fabriqué des fichiers à caractère pédopornographique en conservant les photographies des parties intimes (sexe au repos/en érection et fesses), et en enregistrant avec un programme les vidéos des webcams montrant des parties intimes, voire des masturbations, obtenues d'un nombre indéterminé de mineurs de moins de 16 ans, mais a minima plusieurs dizaines, et les a ensuite diffusées et envoyées à de multiples correspondants ; en particulier en 2020 par l'application DISCORD, il a transmis à un correspondant non identifié huit photographies de parties intimes de mineurs de moins de 16 ans.

Il a, sans succès, demandé à ses correspondants sur SKYPE de photographier les parties intimes d'un enfant de moins de 16 ans et de produire du matériel à caractère pédopornographique, en particulier le 13 septembre 2015 avec l'utilisateur "K______", le 30 mai 2016 avec I______ auquel il a demandé une photographie des fesses de sa nièce ; le 9 janvier 2017 avec l'utilisateur "L______", le 3 juin 2015 avec l'utilisateur "M______", le 5 juin 2015 avec l'utilisateur "N______", et le 7 février 2018 avec l'utilisateur "P______".

Le 8 février 2021, A______ détenait 683 fichiers à caractère pédopornographique dans son ordinateur portable et 12 images de ce type dans son ordinateur fixe.

Faits au préjudice de Q______

-          à Genève, entre une date indéterminée en 2012 ou 2013 et le 7 mars 2015, à son domicile et sur son lieu de travail, A______ a entretenu, à réitérées reprises et plusieurs fois par mois, avec Q______, alors âgé de moins de 16 ans, des rapports sexuels complets (pénétrations anales, et fellations mutuelles) en adoptant davantage une position active.

-          à Genève, à réitérées reprises, entre le 1er janvier 2014 et le 7 mars 2015, il a envoyé à Q______, alors âgé de moins de 16 ans, des photographies de ses parties intimes dans un but d'excitation sexuelle.

-          à Genève, à réitérées reprises, entre le 1er janvier 2014 et le 7 mars 2017, il a obtenu de Q______, alors âgé de moins de 18 ans, l'envoi de photographies de ses parties intimes (sexe ou fesses) respectivement qu'il les lui montre par sa webcam dans un but d'excitation sexuelle. Le jeune homme lui a notamment, en avril 2015, montré par sa webcam ses fesses et, en juillet 2015, mai 2016 et juillet 2016, envoyé des photographies de lui dénudé.

Faits au préjudice de R______

-          à Genève, à réitérées reprises, à tout le moins entre janvier 2014 et le 15 octobre 2015, il a, en faisant usage de contrainte, sollicité et obtenu de R______, alors âgé de moins de 16 ans, qu'il prenne et lui envoie des photographies de son sexe ou de ses fesses dans un but d'excitation sexuelle.

Pour ce faire, le prévenu a profité de la fragilité psychique de sa victime, de son infériorité cognitive, de leur rapport de confiance et de sa dépendance émotionnelle, notamment du fait que cette dernière le considérait comme un père. Il a également utilisé un ton directif à l'égard du jeune homme ou tenté de le culpabiliser s'il ne s'exécutait pas en lui faisait part de sa déception.

R______ ne souhaitait pas faire/transmettre de telles photographies, ce qu'il a dit/montré au prévenu qui l'a compris, mais a toutefois envoyé, notamment les 9 et 16 janvier 2014 (ou à une date antérieure) quatre photographies de ses fesses dont l'une avec, à la demande du prévenu, un stylo entre elles et deux photographies de son sexe, y compris, à la demande du prévenu, en érection.

A______ a ensuite, à Genève, entre 2014 et le 8 février 2021, à des dizaines, voire centaines de reprises, envoyé à des tiers sur internet, notamment par des services de messagerie, les photographies de R______.

-          dans la nuit du 3 au 4 juin 2015, entre 23h27 et 00h38, à son domicile, lors d'une conversation par message et vidéo sur SKYPE avec l'utilisateur "M______", dans un but d'excitation sexuelle de lui-même et de son correspondant, A______ a filmé avec la caméra de son téléphone R______, alors âgé de moins de 16 ans, pendant que celui-ci dormait. Il a montré à son correspondant le jeune homme avec la main dans son caleçon, ses fesses et caressé son sexe, de sorte que ce dernier a eu une érection. Le 4 juin 2015, vers 06h39, le prévenu a pris une photo de R______ couché, à torse nu, avec une main dans son caleçon.

Faits au préjudice de S______

-          le 5 mars 2016, vers 00h30, à son domicile, lors d'une conversation par messages et vidéo sur SKYPE avec l'utilisateur "M______", alors que S______, âgé de 8 ans et demi, dormait dans la chambre de ses enfants, dans un but d'excitation sexuelle, A______ a filmé avec la caméra de son téléphone pendant qu'il soulevait le drap et le pyjama de l'enfant, et montré ses fesses avant de tenter, sans succès, de montrer son sexe.


 

Faits au préjudice de C______ et D______

-          dans la nuit du 16 au 17 avril 2016, entre 20h53 et 01h29, à son domicile, lors d'une conversation par messages et vidéo sur SKYPE avec l'utilisateur précité, dans un but d'excitation sexuelle, A______ a filmé avec la caméra de son téléphone ses enfants C______ et H______, âgés de 8 ans et demi, alors qu'ils dormaient, puis a soulevé a minima le pyjama de l'un d'eux et montré ses fesses ainsi que son sexe.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a.a. En décembre 2020, le "National Center for Missing and Exploited Children" a informé l'Office fédéral de la police (Fedpol) de ce que l'utilisateur du compte SKYPE "T______", identifié comme A______, avait diffusé une image à caractère pédopornographique.

a.b. Les autorités françaises et fribourgeoises l'ont également dénoncé pour avoir envoyé à I______, en prévention pour des attouchements sur sa nièce de douze ans, une vingtaine de vidéos pédopornographiques, ainsi qu'avoir échangé des fichiers illicites entre les 24 août et 6 octobre 2020 avec J______, mineur, en prévention pour échange de matériel pédopornographique sur internet et incitation d'autres mineurs à en autoproduire.

b. A______ a été interpellé le 8 février 2021. Les perquisitions de son domicile et de son lieu de travail ont permis la saisie de matériel informatique et électronique.

c. Selon le rapport de la Brigade de criminalité informatique (BCI), l'ordinateur personnel de A______ contenaient 683 fichiers pédopornographiques et 809 fichiers d'adolescents âgés d'environ 12 à 16 ans, la moitié des images représentant leur postérieur ou leur pénis. Les derniers accès à ces fichiers s'échelonnaient entre le 28 juin 2012 et le 22 janvier 2020.

Son ordinateur, équipé d'un programme dédié à son nettoyage (dernière installation datant du 13 janvier 2021), contenait des traces de conversations par DISCORD (non lisibles) et de liens MEGA vers des vidéos pédopornographiques (notamment une vidéo de 24 minutes montrant un adulte masturbant un enfant de six ans, lui introduisant un doigt dans l'anus et une fellation prodiguée par l'enfant, ainsi qu'une vidéo d'un homme pénétrant de force l'anus d'un enfant du même âge criant et pleurant). Le dernier accès à l'un de ces fichiers datait de la veille de l'interpellation.

Diverses images de fesses et de pénis de jeunes garçons ayant transité par WHATSAPP se trouvaient également dans l'ordinateur portable du prévenu (une photographie de fesses et deux photographies de sexe au repos/en érection enregistrées les 9 et 16 janvier 2014, une photographie de fesses avec un stylo entre elles enregistrée le 7 avril 2015 ainsi qu'une photographie d'un jeune garçon couché dans un lit à torse nu avec la main dans son caleçon prises le 4 juin 2015 à 6h39).

Les sauvegardes de trois [téléphones portables de marque] O______ contenaient douze images pédopornographiques et 160 images d'un adolescent nu se photographiant de dos dans des poses suggestives.

Un document nommé "chasse.doc", créé le 23 septembre 2004, était enregistré sur le disque dur externe de A______ et avait été modifié le 27 mars 2009.

d.a. A______ a échangé sur SKYPE 90'073 messages depuis le 30 avril 2013 (essentiellement entre 2017 et 2020), avec plus de 2'000 contacts constitués pour la majorité d'adolescents, mais également d'adultes âgés de 20 à 50 ans vouant un intérêt sexuel pour les mineurs, dans le but d'entretenir des rapports sexuels virtuels ou d'échanger des photographies/vidéos. Il s'est fait passer pour "H______", 13 ou 15 ans, ou pour un homme d'une trentaine d'années utilisant le compte de son petit frère, étant précisé qu'il s'est présenté comme "R______" dans le cadre d'une conversation en avril 2015. Il a proposé à certains interlocuteurs des jeux de rôle, dans lesquels il jouait un jeune de 13 ans ("R______" ou "U______") ou un adulte (moniteur de camp, professeur ou chef scout), et en a incité à photographier le postérieur de leur frère ou cousin mineurs.

A______ s'est fait passer auprès de l'utilisateur "V______" pour un jeune homme âgé de 15 ans, indiquant son intérêt pour des jeunes hommes âgés de 12 ou 13 ans. Ils ont échangé des photographies et des vidéos notamment le fichier "4Yo Rape Real!" pour l'obtention duquel le prévenu s'est montré insistant.

Il a échangé plusieurs médias avec le contact "W______", entre avril et mai 2016 et lui a demandé si l'enfant que celui-ci affirmait avoir violé avait "un petit trou".

Le prévenu a transmis une photographie d'un prénommé "R______" dans le cadre d'une conversation avec "X______" le 12 juillet 2016, précisant avoir notamment touché son "cul" et son trou durant la nuit.

A______ a échangé environ 3'000 messages avec "Y______", entre le 26 mai et le 22 octobre 2015, dans le cadre desquels il s'est fait passer pour un jeune homme prénommé "H______", grand-frère de "Z______", 12 ans, ainsi qu'une centaine de fichiers dont certains envoyés par son correspondant étaient intitulés: "!2005! Preteen Boys Posing Nude Zadoom Kdv Rbv Pthc AF______ Shx Gay Sex 9Yo 10 Yo 11Yo 40.jpg", "_Gay-Nude Preteens and Young Teens Naked Penis Sex Anal Oral Boys". "photo de mon neveu.jpg","photo de mon p tit neveu son zizi.jpg","photo de mon p tit neveu de cette apes midi.jpg". Ils se sont incités à commettre des actes sexuels (pénétrations anales avec leur sexe ou des objets) sur des enfants de leur entourage. Le prévenu s'est montré excité à réception d'une photographie du sexe du neveu de son contact âgé de cinq ans et a décrit à celui-ci des actes sexuels auquel il se serait livré sur son prétendu petit-frère dans la nuit du 26 au 27 mai, le 14 juin et le 10 juillet 2015, ainsi que les amis de celui-ci "AA______" et "S______" le 13 juillet 2015.

A______ a échangé pendant six mois avec le contact "h30m30jh2" lequel lui a confié avoir abusé de deux enfants (de quatre et sept ans), vouloir en kidnapper un, le violer, puis le tuer et souhaiter sodomiser un enfant de deux ans ou un bébé. Ils ont partagé leur attirance pour de très jeunes enfants et leur désir commun d'en violer. Le prévenu a insisté pour obtenir une photographie du postérieur du neveu de son interlocuteur et du moment où son sexe le pénétrerait.

Il a intégré des groupes de discussions sur lesquels des messages à contenu pédopornographique étaient échangés, notamment un groupe auquel l'utilisateur précité l'avait ajouté.

A______ a échangé avec le contact "M______" ([monogramme] M______) entre avril 2015 et juin 2016. Il lui a fait croire avoir un frère de 14 ans prénommé "Z______" et qu'il organiserait un rapport sexuel avec lui contre une photographie des fesses du frère de son interlocuteur. Ils ont filmé des enfants endormis :

-          le 4 mars 2016, A______ filmait, et ils ont échangé comme suit: A______: "jai le neveu de la copine ici", M______: "il a quel age", A______: "8, ptit black" M______: "mmmm tu me montre", A______: "tu veux voir quoi?" M______: "bah son ptit cul et sa teub" et un peu plus tard, A______: "il était a plat ventre jai soulever le drap et il a bouger il s'est denouveau retourné", M______: "retourne le encore", A______: "oué mai je veux pas quil se reveiller", M______: "je sais" A______: "T'as vu?", M______: "Oui son cul jveut voir sa bite si tu peut", A______:"la il est pas dans la bonne position"

-          le 16 avril 2016, A______ filmait les prétendus petits cousins de sept ans de sa copine, dormant en pyjama, et ils ont échangé comme suit: M______: " tu me montre juste leur pyj", "trouve une lampe je voix rien", A______: "La tu voi", M______: "oui", "rappelle", "jai bug, jai pas tout vue", "rallume", "jvoix pas la" "jai rien vue", "cetait noir", "remontre car jai rien vue", "remontre jai meme pas vue un des deux", "je te dirai quand je les verrai", puis plus tard: M______: "met la lumière" "enleve lui le pyj", A______: "Ta vu?", M______:"enleve lui le pyj le premier tu ma montrer", "fais le en cam", "allume", "allume jvoix pas", puis encore plus tard: "( ) montre moi les car je sais meme pas a quoi il ressemble jai meme pas vue son cul", A______: "si ten a vus un".

d.b. A______ a eu avec son téléphone professionnel 2'500 conversations (environ 110'000 messages) par le biais des applications et messageries GRINDR, WHATSAPP, IMESSAGE, LINKEDIN, FACEBOOK MESSENGER, VOXER, VIBER, TELEGRAM ET INSTAGRAM ainsi que, sur son téléphone privé, GOSSY, TUMBLR, INSTAGRAM, HORNET et TWOO. Il avait 481 amis, majoritairement mineurs, sur son compte G______.

e.a. A______ et R______, ont échangé, dès septembre 2013, 6'000 messages, dont il ressort que le prévenu a encouragé l'adolescent, de manière insistante, à dévoiler des détails sur sa vie intime et ses préférences sexuelles en le mettant sous pression, jouant avec ses sentiments et n'hésitant pas à le culpabiliser/manipuler.

e.b. A______ a échangé 1'894 messages avec Q______ entre le 1er avril 2015 et le 14 février 2018. En avril 2015, le jeune homme a montré au prévenu, à sa demande, son postérieur avec sa webcam et lui a envoyé, en mai et juillet 2016, et en juillet 2017, des photographies et vidéos où il apparait dénudé.

Déclaration des témoins

f. Entendue par la police, le MP et le TCO, AB______ a déclaré avoir encadré, jusqu'en 2005, avec son mari des camps pour enfants, dans le cadre desquels ils avaient été sensibilisés aux problématiques d'abus sexuels et s'étaient occupés d'enfants abusés. Elle était en colère et ne comprenait pas les agissements de son conjoint, d'autant moins qu'il paraissait affecté devant des reportages à ce sujet.

Avec le temps, son époux et elle étaient devenus des parents colocataire/bons amis ; ils n'avaient plus de relations intimes depuis 2011. Ils avaient accueilli les frères R______/AC______ pendant les weekends et les vacances scolaires jusqu'à leurs 13 et 16 ans, en 2008. Son mari s'en était très bien occupé et était resté en contact avec les adolescents.

Les relations avec son époux avaient été consenties ; il ne forcerait jamais quiconque à avoir un rapport sexuel. Elle ne reconnaissait personne sur les photographies présentées, mais aurait identifié les jumeaux. Son mari, lequel les aimait trop, ne pouvait pas avoir commis des actes sur eux. Devant le TCO, elle a répété croire qu'il n'avait pas filmé leurs fils. S'il l'avait fait, cela aurait été grave. La situation était très difficile. Elle soutenait son mari en connaissance de cause, de même que leurs jumeaux, lesquels avaient une bonne relation avec leur père et en avaient besoin. Son époux restait une bonne personne, et, à sa sortie, reviendrait à la maison dans le but de reprendre une vie de famille et de couple.

g. R______ a déclaré avoir passé chez A______/D______ les weekends jusqu'à l'âge de douze ans, puis, durant son adolescence, les avoir vus mensuellement. Il considérait A______ comme un père. Ils se voyaient parfois à son travail, les weekends. Informé de la procédure, il s'est dit étonné et ne s'être jamais trouvé dans une situation gênante en sa compagnie. A______ n'avait jamais tenu de propos ou eu des gestes déplacés, ne lui avait jamais demandé de faire quelque chose qu'il ne voulait pas, ni fait de proposition indécente, et lui-même n'avait pas été destinataire de contenu pornographique. Confronté aux échanges de messages, le jeune homme a déclaré que les propositions de fellation ou de douche étaient des blagues. A______ lui avait proposé une douche à une seule reprise, après sa majorité, ce qu'il avait refusé. Face aux déclarations du prévenu, notamment sur les douches prises ensemble, il a indiqué qu'il ne s'en souvenait pas.

h. Q______ a expliqué avoir rencontré A______ sur AG______ en 2012 ou 2013, alors qu'il était âgé de 13 ou 14 ans, puis l'avoir vu quelques mois plus tard. Ils avaient eu des rapports sexuels complets dès leur deuxième rencontre, ce qui constituait sa première expérience. Ils s'étaient ensuite retrouvés chez le prévenu ou à son travail plusieurs fois par année au début, puis annuellement à la fin de leur relation en 2017. Ils étaient restés amis et s'étaient vus en 2020, sans entretenir de rapports. Dès le début, il avait révélé son âge, de même que A______. Il avait envoyé spontanément au prévenu des photographies de lui dénudé, ce dernier en faisant de même. Il était consentant, n'avait pas été manipulé et ne regrettait pas.

i. Selon AD______, son fils S______ était allé une quinzaine de fois dormir chez A______/D______ et il ne lui avait jamais rien confié de négatif. Elle était choquée d'apprendre que A______ l'avait filmé, ce qu'elle trouvait anormal et ne comprenait pas, mais croyait qu'il l'avait fait sans arrière-pensée et ne souhaitait pas porter plainte.

Déclarations du prévenu

j.a. Entendu par la police, le MP et le TCO, A______ a reconnu les faits décrits sous chiffres 1.1 à 1.6 de l'acte d'accusation.

Une douzaine d'années auparavant, il avait entrepris une "chasse" sur internet des pédophiles en se faisant passer pour une personne plus jeune ou avec du contenu à échanger, puis n'avait pas pu s'arrêter. Cette traque, dont il comprenait désormais qu'elle n'était qu'un prétexte, s'était transformée, lorsqu'il s'était éloigné de sa femme en 2011, après la maladie de C______ et l'avortement de cette dernière, et avait transféré cet amour sur des enfants. Ainsi, il avait initialement voulu voir s'il était facile d'accéder à ces images, puis avait commencé à les apprécier et être excité par ces celles-ci, en particulier celles de garçons de 12 à 14 ans, dénudés. Il se touchait et éjaculait devant elles. Il aimait surtout voir des fesses et manipuler son interlocuteur, mais également les photographies/vidéos d'enfants dénudés ou d'actes d'ordre sexuels entre enfants (fellation ou sodomie). Les images étaient stockées sur son ordinateur portable et classées dans plusieurs dossiers en fonction de l'interlocuteur. Il avait arrêté de tenir une liste de prédateurs, car il ne savait pas quoi en faire ; il pensait qu'il la transmettrait lors qu'il serait interpellé, mais la police n'avait pas été intéressée. Avant son arrestation, il avait essayé plusieurs fois d'arrêter, en utilisant des logiciels ou détruisant deux ordinateurs, en vain. Il avait perdu le contrôle et, avec du recul, il reconnaissait avoir une addiction, une obsession, voire une maladie. Plus tard, il a admis avoir été attiré par les images illicites déjà avant la naissance de ses fils.

Il avait commencé par consulter des sites (notamment G______, DISCORD, TUMBLR) une fois par semaine. Avant son interpellation, il y consacrait trois heures tous les deux jours en soirée, en se faisant passer pour "H______", 13 ans, ou "R______", 15 ans. Il recevait des photographies/vidéos par des échanges sur des messageries (SKYPE ou DISCORD) ou des liens AE______. Il utilisait des photographies de jeunes garçons pour faire croire qu'il s'agissait de lui et attirait ainsi les plus vieux ou gagnait la confiance des plus jeunes. Il avait obtenu 80 photographies du même jeune et pouvait ainsi répondre aux demandes spéciales.

Sur SKYPE, il s'était fait passer pour un jeune de 13 ou 15 ans et un trentenaire pour "chasser" ou rencontrer des personnes plus âgées comme "punition". Il avait échangé avec plusieurs dizaines de personnes qu'il n'avait jamais rencontrées.

Sa conversation avec "Y______" était purement fictive malgré l'utilisation des prénoms de S______ et H______. Il avait décrit des actes sexuels sur/entre eux dans le but d'exciter son correspondant, ce qui l'avait lui-même excité. Il était choqué par son discours, qu'il expliquait par un mal-être dans son couple et au travail, ainsi que par le transfert de ses besoins sexuels.

En demandant des photographies du postérieur d'un mineur, il avait défié son interlocuteur pour voir s'il mentait ; il se mettait dans le "délire" de ses correspondants et alimentait leur fantasme afin d'obtenir des informations. Il ne se souvenait pas de ses échanges avec I______, mais n'avait pas espéré obtenir une photographie du "cul de sa nièce" et avait probablement voulu le provoquer.

Les vidéos très dures le faisaient pleurer (enfants plus jeunes ou rapports entre une jeune personne et un homme plus âgé). Il éprouvait du plaisir devant une vidéo où des jeunes criaient s'il n'en ressentait ni souffrance, ni obligation. Il n'avait pas compris l'intitulé du fichier "4Yo Rape Real!" envoyé par "V______". Il se souvenait toutefois d'une vidéo du viol par un homme d'un enfant de quatre ans, lequel se trouvait à plat ventre, les mains attachées.

Il avait passé des appels vidéos avec des adultes et des mineurs de moins de 16 ans, dans un but d'excitation mutuelle, lors desquels il filmait des masturbations ainsi que ses fesses sans dévoiler son visage. Certains mineurs, lui envoyaient des photographies en direct révélant, à sa demande, leur visage ou leurs fesses ; d'autres enclenchaient leur caméra, et il enregistrait parfois leurs échanges avec un programme. Il s'interdisait l'utilisation de ces photographies ; il l'avait néanmoins fait trois fois sur SKYPE en 2019 et, à la fin de l'année 2020, avait transmis sur DISCORD des images de huit jeunes dénudés à un internaute.

Il n'avait pas réalisé que ses échanges étaient réels, ni avoir incité des tiers à abuser de mineurs, mais en avait à présent pris conscience. Il n'avait rien dénoncé, car il n'avait pas vu de contenu suffisamment extrême. Il regrettait d'avoir participé à un réseau pédophile, concédant qu'il serait très difficile que ses fils en fussent victimes et qu'il n'accepterait pas qu'ils eussent une relation avec un homme de son âge.

k.a. Son épouse et lui avaient hébergé durant les weekends et les vacances scolaires les frères R______/AC______ pendant une dizaine d'années. Il les considérait comme ses enfants. Il ne s'était rien passé de sexuel. Il n'était pas attiré par eux. Il leur avait parlé de sexualité, principalement par messages, dans le but de se rapprocher et de développer une relation de confiance. Il avait été lourd et insistant, ce qui donnait une impression de manipulation, alors qu'il avait voulu les aider et les stimuler positivement.

Dans le cadre d'un défi, à sa demande, R______ lui avait envoyé, cinq ans plus tôt, six ou sept photographies de ses parties intimes, ce qui l'avait rendu fier de la confiance accordée. Il les avait utilisées sur internet durant quatre ou cinq ans, soit à environ 50 ou 80 reprises, pour crédibiliser son personnage et piéger des internautes. Dans la nuit du 3 au 4 juin 2015, il avait filmé et photographié l'adolescent dans son sommeil avec une main dans son caleçon, sans montrer ses fesses, comme le jeune homme dormait sur le dos.

Lorsque R______ s'était rapproché de son père, en 2014 ou 2015, il avait été jaloux, avait eu peur de le perdre et cherché à le "posséder après tout ce qu'il avait fait pour lui". Il avait échangé des services contre des photographies ou des douches ("défis douche") et tenait un "décompte". Il avait voulu faire comprendre à l'adolescent qu'il avait une contrepartie, qu'il se sente obligé de le voir et donne de sa personne, utilisant notamment la possibilité de l'aider à entrer chez les pompiers ou le financement d'un billet de train. Dans ce contexte, R______ lui avait transmis deux ans plus tôt deux photographies, dont une à quatre pattes, spontanément. Il avait pris des douches avec lui à la piscine, dans des hôtels ou à son travail sans qu'il ne se passe rien. Il reconnaissait que l'adolescent avait pu se sentir obligé.

Plus tard, A______ a indiqué que, dès la majorité de R______, il avait perdu sa "casquette" de père et aurait pu "dérailler avec lui" dans le but de lui faire découvrir des choses sexuelles, le jeune homme n'étant toutefois pas intéressé.

k.b. Il a, d'abord, nié avoir vu les jeunes rencontrés sur internet et toutes relations sexuelles avec un mineur. Dès sa deuxième audition, il a spontanément admis avoir rencontré, à 30 ans, Q______, 14 ans, et avoir entretenu avec celui-ci des relations intimes telles que relatées dans l'acte d'accusation.

k.c.a. A______ a, d'abord, affirmé ne jamais avoir filmé quiconque à son insu et avoir fait croire à "M______" qu'il enregistrait des personnes endormies, notamment leurs fesses, alors qu'il s'agissait de lui-même.

Plus tard, devant la police, il a reconnu avoir filmé S______ lorsqu'il dormait dans la chambre de ses fils, car son envie de manipulation avait été trop forte ; son correspondant devait lui montrer les fesses d'un autre enfant. Il avait soulevé la couverture pour montrer à son interlocuteur les pieds en remontant le long de sa jambe jusqu'au dos, l'enfant dormant à plat ventre, le coude plié. L'homme avait peut-être vu la forme des fesses, mais il ne s'y était pas attardé. Il avait capturé des images de son propre coude pour faire croire au fessier du garçon, cette idée étant issue de blagues échangées avec ses amis.

Devant le MP, il a décrit et mimé un geste de balayage horizontal, puis a indiqué avoir utilisé le coude de l'enfant, d'origine africaine. Il avait signalé à la police avoir utilisé son propre coude car il l'avait déjà fait ou avait mal interprété la question.

Devant le TCO, il a précisé avoir montré à la police comment il s'y était pris en utilisant son propre coude, raison pour laquelle il avait dû revenir sur ses déclarations. Une coupure avait été nécessaire à la préparation de la mise en scène ; il avait caché la caméra avec ses doigts, le temps de se déplacer vers le bras de l'enfant, puis avait montré le coude pendant une fraction de seconde. L'imaginaire de son correspondant avait fait le reste. Il n'avait pas filmé les fesses du garçon parce que cela lui était moralement impossible et que, contrairement à ce qu'il avait fait avec R______, il ne comptait pas créer un personnage. On devait le croire car la mère de l'enfant était bavarde, et cela porterait préjudice à ses fils.

k.c.b. Confronté aux échanges du 16 au 17 avril 2016, il a déclaré, devant la police, "peut-être que j'ai filmé mes enfants", "j'ai peut-être utilisé mes enfants", "je pense que j'ai dû filmer mes enfants", "c'est possible que j'ai filmé rapidement mes enfants pour montrer qu'il y avait une présence mais pas de film sexuel". Lors de la même audition, après une suspension, il est revenu sur ses déclarations indiquant qu'il était impossible qu'il les eût filmés. Il avait eu un doute après avoir parlé à la police de S______, mais ses jumeaux étaient ce qu'il avait de plus précieux. Il avait en fait affiché sur son ordinateur une vidéo trouvée une ou deux semaines avant sur AE______ qu'il ne possédait plus et en avait filmé un extrait. Il ne l'avait fait qu'une seule fois car cela était trop compliqué de laisser croire à du direct. Ce film montrait "un Chinois" s'approcher d'un jeune dans un lit, passage qu'il avait coupé, et soulever le drap pour montrer les fesses. Plus tard, confronté aux échanges, il a expliqué que la vidéo montrait peut-être deux enfants, mais il n'avait pas mentionné le second dans sa première description, car celui-ci ne dévoilait rien.

k.d. Il regardait également de la pornographie classique et avait toujours été attiré par les hommes et les femmes. À l'âge de 16 ou 17 ans, il avait été agressé sexuellement à deux reprises par un ami scout de 23 ans.

Expertise

e.a. Selon l'expertise psychiatrique, A______ présentait un trouble paraphile de type pédophile non exclusif ainsi que des traits manipulateurs et pervers. Il était conscient de l'illicéité de ses actes, ceux-ci ayant été favorisés par la contrainte interne des pulsions sexuelles et sa personnalité non pathologique. Sa responsabilité était très faiblement restreinte. Le risque de récidive était de faible à moyen sans distinction entre les infractions reprochées. Une mesure, soit une sexothérapie ambulatoire, était recommandée durant plusieurs années pour le diminuer.

Devant les experts, A______ a déclaré, au sujet des vidéos, avoir, dans le but d'être crédible auprès de son interlocuteur, filmé S______ et ses enfants sans caractère sexuel ou passage à l'acte. Il se rappelait avoir pris deux fois de telles vidéos en échange de contenu pédopornographique.

e.b. Devant MP, l'expert a confirmé les conclusions du rapport. Il ne pouvait pas dater le début du trouble de A______, sa durée ne préjugeant pas de son intensité. Le commencement de la traque reflétait une attirance pédophile non conscientisée. La notion de "non exclusivité" signifiait que l'expertisé pouvait également être attiré par des adultes ; celle de "contrainte interne" signifiait que celui-ci avait une pulsion pathologique contre laquelle il ne pouvait pas lutter. La personnalité de l'expertisé (passivité, difficulté à s'affirmer, manque de confiance en soi) avait favorisé le passage à l'acte, notamment le fait qu'il y avait plus d'actes virtuels que réels. Les traits manipulateurs avaient pu se développer dans le but d'accéder au contenu illicite. Le risque de récidive dépassait celui d'un "consommateur moyen". L'expertisé, lequel pleurait facilement et sincèrement, avait de bonnes capacités d'élaboration.

L'expert ne se rappelait pas exactement de la discussion avec l'expertisé au sujet des vidéos et conservait rarement ses notes. De mémoire, le patient avait filmé, sans caractère sexuel, les enfants endormis (des parties du corps, mais pas génitales), soit S______ et l'un de ses fils, tandis qu'un interlocuteur lui demandait de le faire. Il se souvenait avoir demandé des précisions quant aux vidéos des fils.

m.a. En audience devant la CPAR, A______ a expliqué le retrait partiel de son appel par sa prise de conscience que seuls des échanges avec des majeurs étaient acceptables et qu'il avait, indépendamment de la qualification juridique, fait du mal à R______.

Le peu "d'éthique" qui lui restait lui avait interdit d'utiliser ses enfants, sinon il y aurait eu plein d'images. Les jumeaux se couchaient les weekends vers 22h00 ou 22h30 (chiffre 1.8. de l'acte d'accusation). La disposition de leur chambre avant le déménagement en 2017 ne correspondait pas aux images discutées, dès lors qu'ils avaient alors des mezzanines métalliques grinçantes, non fixées au mur. Il avait pu traiter différemment R______ de ses fils, vu qu'il ignorait que l'adolescent le considérait comme un père et ne leur était plus confié.

Lors de l'épisode litigieux, S______, peu dodu, mais musclé, dormait entre ses garçons sur un matelas au sol, et portait un pyjama long dont les manches étaient retroussées. Après l'avoir filmé des pieds jusqu'aux fesses, il avait fait un grand pas pour poser son pied entre lui et son fils, et avait filmé son coude. Il reconnaissait que montrer des images d'un enfant en pyjama à un pédophile pouvait susciter l'excitation de son destinataire, voire la sienne (chiffre 1.7. de l'acte d'accusation).

C. a.a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions, requérant une peine privative de liberté n'excédant pas quatre ans.

Contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, il était crédible que l'appelant eut trouvé sur internet une vidéo semblable à la scène décrite dans les échanges et la solution ne manquait pas de pragmatisme. Il avait été cohérent au sujet de ses enfants, même s'il avait douté à une seule reprise de les avoir filmés ; il s'était corrigé lors de la même audition. Il avait évoqué devant l'expert les charges qui pesaient à son encontre, ce qui avait généré un malentendu. S'il avait utilisé ses enfants, d'autres supports visuels existeraient, ce qui n'était pas le cas. Les échanges ne prouvaient pas qu'il avait filmé ses enfants, d'autant moins que qu'il aurait pris les mêmes précautions pour eux que pour leur ami (silence du correspondant et interdiction d'enregistrer). La configuration de la chambre des jumeaux à l'époque rendait impossible le scénario décrit, tout comme leur heure de coucher.

L'appelant, lequel n'avait plus d'intérêt à cacher la vérité, avait expliqué de manière crédible comment il avait filmé S______ et avait toujours parlé du coude de l'enfant, les variations dans ses déclarations résultant d'une mauvaise retranscription. Les échanges ne démontraient pas réellement qu'il avait montré les fesses, mais que son correspondant avait vu ce qu'il voulait voir.

Il fallait tenir compte, dans la fixation de la peine, de la volonté de l'appelant d'être soigné, de l'évolution de sa prise de conscience et de son empathie, d'un risque de récidive faible, d'un projet professionnel sérieux, du soutien de sa famille, du suivi de la mesure ainsi que de son degré de responsabilité. La sanction devait se rapprocher de la libération conditionnelle pour ne pas décourager son travail.

a.b. L'appelant a produit de nouvelles pièces, soit notamment des attestations de suivi de sa psychothérapeute et du psychologue familial, une lettre de l'unité de sexologie des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) faisant état d'une place sur liste d'attente, des courriers de sa famille, des documents sur ses formations, son projet professionnel, les cautèles mises en place par son épouse, la disposition de l'ancienne chambre des jumeaux et des photographies de S______ à l'époque des faits sur lesquelles on constate son physique sec.

b. Le MP persiste dans ses conclusions.

La peine prononcée par les premiers juges était trop clémente compte tenu de la gravité, de l'intensité, de la diversité des agissements de l'appelant ainsi que de leur durée. Le prévenu avait, entre autres, alimenté plusieurs réseaux pédophiles allant jusqu'à inciter des internautes à abuser de mineurs. Il avait également manipulé à des fins sexuelles de jeunes victimes vulnérables sur lesquelles il avait une emprise importante d'où l'absence de plainte et leur silence au cours de la procédure.

Vu les autres faits reprochés, la qualité d'enfants du prévenu ne constituait pas une véritable barrière. La thèse de la vidéo n'était pas plausible, dès lors que l'appelant, après une longue hésitation devant la police, n'avait jamais parlé d'un film. Il ressortait des conversations avec son correspondant qu'il avait attendu la bonne occasion et pris des précautions, ce qui était incompatible avec sa version. La mise en scène du coude de S______ décrite par le prévenu était invraisemblable et compliquée, alors qu'il suffisait de baisser le pyjama et filmer les fesses de l'enfant.

La situation personnelle du prévenu n'expliquait pas ses agissements. Ses mobiles étaient égoïstes. Sa collaboration avait été moyenne et restait partielle. Sa prise de conscience demeurait incomplète à ce jour.

c. Le curateur des parties plaignantes conclut à un verdict de culpabilité.

Les mineurs, nécessitant le soutien de leur père et par amour pour lui, avaient demandé le retrait de toute plainte et refusé des conclusions condamnatoires. Fatigués et tristes de l'incarcération de l'appelant, ils étaient convaincus de son innocence. Toutefois, les dénégations du prévenu, lequel avait concédé la possibilité d'avoir filmé ses enfants, étaient peu convaincantes et étaient en lien avec les limites posées par son épouse à son soutien. La page 16 de l'expertise mentionnait les jumeaux et leur ami de sorte qu'aucun malentendu n'était possible. Le dialogue était clair et fluide, ne laissant aucune place à une mise en scène. La carrure des intimés, différente malgré leur gémellité, correspondait à celles des jeunes gens décrits dans celui-ci.

D. a. A______, ressortissant suisse, né le ______ 1981, a rencontré son épouse vers l'âge de 16 ans. Ils se sont mariés en 2007 et ont eu des jumeaux en 2008.

Au bénéfice d'un CFC de ______, il a travaillé jusqu'en 2021 en qualité de ______ pour un salaire mensuel net de CHF 7'500.- avant d'être licencié en raison de la présente procédure. Son épouse soutient actuellement financièrement le foyer.

Le prévenu est titulaire d'un compte avec des actions d'une valeur de CHF 20'000.- et n'a pas de dettes.

Il n'a pas d'antécédents.

b. A______ est accompagné hebdomadairement par une psychothérapeute et prend un traitement médicamenteux (antidépresseur et anxiolytique). Il affirme adhérer au suivi et en être preneur. Il a compris avoir un trouble et devoir y travailler pour ne pas "retomber". Il a identifié, dans le cadre de son suivi, plusieurs situations à risque et élabore des stratégies d'évitement avec sa thérapeute. À l'origine, il avait trouvé l'idée de son avocate de transférer le contrôle des abonnements de télécommunication à son épouse infantilisante, mais dit l'accepter désormais.

Le prévenu a suivi plusieurs formations en détention afin d'ouvrir une concession de véhicules automobiles électriques. Il projette de constituer une société anonyme financée par sa prévoyance et/ou des apports de sa famille, voire un emprunt bancaire, et d'y travailler avec son épouse, mais n'a pas encore contacté le concédant envisagé.

À sa sortie de prison, il a la volonté de reprendre sa place de père et de mari dans son foyer admettant que cela sera un "challenge", et souhaite intégrer la thérapie familiale débutée par sa femme et ses fils. Il entend également achever sa formation de "coaching" dans un but de travail sur lui-même, non professionnel.

c. À teneur des pièces produites en appel, l'épouse de l'appelant et leurs enfants, conscients des reproches proférés à son encontre, le soutiennent et souhaitent son retour à la maison.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

1.2. La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 p. 248 et s.).

2.2. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3 p. 248 s.).

2.3. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1). Rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF
120 Ia 31 consid. 3 p. 39 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).

Faute d'aveux de l'auteur, le juge ne peut, en règle générale, déduire la volonté interne de l'intéressé qu'en se fondant sur des indices extérieurs et des règles d'expérience. Font partie de ces circonstances l'importance, connue de l'auteur, de la réalisation du risque, la gravité de sa violation du devoir de diligence, ses mobiles et sa façon d'agir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 3.3).

2.4.1. Aux termes de l'art. 197 al. 4 CP, est punissable quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des écrits, des enregistrements sonores ou visuels, des images, d'autres objets ou des représentations pornographiques ayant notamment comme contenu des actes d'ordre sexuel non effectifs (1ère phrase) ou effectifs (2ème phrase) avec des mineurs.

Il n'est pas nécessaire d'agir directement sur l'enfant au sens d'une véritable pose, car l'interdiction de la pédopornographie vise, outre le développement sexuel non perturbé des enfants et des adolescents, à protéger les adultes de l'effet corrupteur des images pornographiques d'enfants. Cet effet ne résulte pas uniquement de mises en scène, mais aussi d'images d'enfants nus prises clandestinement. Peuvent donc présenter un caractère de pédopornographie non seulement les prises de vue d'enfants entièrement nus, mais aussi celles de personnes partiellement nues en bas âge, dans la mesure où les images apparaissent clairement sexuelles et socialement inadéquates en raison de la pose, de la représentation, de l'angle de vue, du cadrage ou d'autres éléments (arrêt du Tribunal fédéral 6B_180/2015 du 18 février 2016 consid. 3.3.1.).

L'art. 197 CP ne fait pas de différence entre pornographie réelle et virtuelle. Peuvent donc être pornographiques aussi bien des films, photographies ou "live shows" que des montages, trucages, animations, tableaux, bandes dessinées, écrits, etc. (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, ad art. 197 n. 11).

2.4.2. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., Berne 2010, n. 30 ad art. 197).

2.4.3.1. En l'espèce, il est établi et non contesté que l'appelant a filmé dans son sommeil et en direct l'enfant S______ dans la nuit du 4 au 5 mars 2016 alors qu'il échangeait avec le correspondant pédophile "M______".

L'appelant conteste avoir filmé les fesses nues de la victime, arguant avoir utilisé le coude du bambin dans le but d'encourager l'imaginaire de son interlocuteur.

2.4.3.2. La représentation d'actes sexuels non effectifs avec des mineurs étant également punie par l'art. 197 al. 4 CP, l'utilisation du coude de l'enfant pour figurer ses fesses pourrait suffire à réaliser l'infraction, ce d'autant que le prévenu reconnaît, en appel, que filmer un enfant en pyjama peut déjà provoquer de l'excitation sexuelle. La question peut toutefois demeurer ouverte dès lors qu'il est établi que l'appelant a filmé les fesses de S______.

2.4.3.3. L'appelant n'a cessé de varier sur la façon dont il avait procédé pour figurer les fesses du petit garçon. Il a commencé par affirmer avoir utilisé son propre coude, puis celui de l'enfant. Cette variation semble plutôt provenir du fait que le prévenu a réalisé après coup que l'enfant était d'origine africaine, ce qui excluait l'usage de son propre coude, et non pas d'une prétendue mauvaise retranscription. Le prévenu a décrit et mimé, devant le MP, un geste de balayage horizontal avant d'expliquer, lors des débats d'appel, une scène différente où il aurait fait un grand pas en avant de manière à poser son pied sur le matelas entre les enfants. Cette dernière explication paraît peu crédible dans la mesure où il aurait risqué de réveiller ses fils et la victime.

À cela s'ajoute que pour figurer des fesses à l'aide d'un coude, il faut le serrer fortement. La scène est d'autant moins plausible que l'enfant était de corpulence sèche.

À l'inverse, il était aisé pour l'appelant, lequel filmait déjà l'enfant sous la couverture, de baisser son pyjama et montrer son postérieur, ce qui explique du reste la "coupure" évoquée.

L'appelant n'apparaît pas capable d'avouer cette infraction, y compris à lui-même, laquelle touche de trop près son cercle familial, de crainte de la réaction de la mère de l'enfant ou de choquer sa propre famille. Cela étant, il n'y a aucune raison de penser que le prévenu eût pu résister à commettre une infraction au préjudice d'une personne qu'il estimait proche, dès lors qu'il n'a pas hésité à filmer en direct le postérieur d'un adolescent qu'il considérait, de son propre aveu, comme son fils.

2.4.3.4. Au vu de ce qui précède, les faits décrits sous chiffre 1.7 de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction à l'art. 197 al. 4 CP.

2.4.4.1. Il est établi et non contesté que l'appelant a échangé dans la nuit du 16 au 17 avril 2016 avec le contact pédophile précité.

L'appelant conteste avoir filmé en direct ses propres enfants, arguant avoir montré à son correspondant une vidéo pédopornographique existante.

Les deux comportements tombant sous le coup de l'art. 197 al. 4 CP, l'enjeu réside uniquement dans le fait de savoir si l'appelant a diffusé un contenu pédopornographique existant ou en a créé un.

2.4.4.2. Doivent être retenues à charge de l'appelant ses propres hésitations devant la police dans la mesure où il a admis à plusieurs reprises la possibilité d'avoir filmé ses enfants et n'a évoqué qu'à la suite d'une suspension d'audition l'hypothèse de la vidéo.

Celle-ci paraît du reste peu plausible, l'appelant n'ayant pas été en mesure d'en livrer une description constante et ayant, confronté aux échanges, complété ses déclarations de manière à ce qu'elles y correspondent, notamment en ajoutant la présence d'un second enfant.

Contrairement à ce qu'argue l'appelant, ni la disposition de la chambre des enfants à l'époque, ni l'heure de leur coucher, ne permet d'exclure qu'il les a filmés, ce d'autant que les échanges ont eu lieu jusqu'à tard dans la nuit.

Il n'est pas non plus déterminant que l'appelant n'a pas enjoint son interlocuteur de ne pas faire de bruit, ainsi qu'il l'a fait dans l'occurrence dans la mesure où il a pu oublier toute prudence.

Seront également retenues à charge les déclarations du prévenu devant l'expert, dès lors que ce dernier, accoutumé aux procédures pénales, se souvient avoir demandé des précisions quant aux vidéos des jumeaux. Le risque de malentendu avec les charges pesant contre le prévenu, évoqué par la défense, apparaît donc théorique.

Vu les faits décrits sous chiffres 1.6 et 1.7 de l'acte d'accusation, désormais établis, les barrières internes de l'appelant ne sont pas telles qu'il les décrit, voire se les imagine. On ne peut donc pas en inférer son incapacité à utiliser ses propres enfants, malgré l'absence d'autre contenu visuel, d'autant moins qu'il a employé durant des années le prénom de l'un d'eux comme pseudonyme lors d'échanges pédophiles.

2.4.4.3. Au vu de ce qui précède, les faits décrits sous chiffre 1.8 de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction à l'art. 197 al. 4 CP.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319).

3.2. Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).

3.3. Lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, est toxicodépendant ou qu’il souffre d’une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d’un traitement institutionnel, si l’auteur a commis un acte punissable en relation avec son état et s'il est à prévoir que ce traitement le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état (art. 63 al. 1 let. a et let. b CP).

3.4. Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (art. 19 al. 2 CP).

3.5.1. La faute de l'appelant est très importante. Il a porté atteinte au droit de ses victimes à un développement harmonieux et leur autodétermination en matière sexuelle. Il s'en est pris intentionnellement à l’intégrité sexuelle et psychique d'enfants et a exploité leur jeune âge, leur confiance ainsi que la figure paternelle que certains adolescents lui reconnaissaient. L'appelant a participé à plusieurs réseaux pédophiles contribuant ainsi activement à l'exploitation sexuelle de nombreux enfants et encourageant d'autres pédophiles à commettre des actes sexuels sur ceux-ci.

L'activité criminelle de l'appelant, qui a duré plus de dix ans, a été diversifiée et intense au vu de la fréquence de ses agissements, étant rappelé que seule son arrestation a permis leur interruption. Le prévenu n'a jamais cherché à obtenir de l'aide quand bien même il dit avoir essayé, à plusieurs reprises, de cesser de lui-même.

L'appelant a agi mû par des mobiles égoïste (satisfaction de ses pulsions sexuelles, de son ego et volonté de contrôle).

La prise de conscience de l'appelant évolue positivement, bien qu'elle est, encore à ce jour, incomplète en raison des faits qu'il persiste à nier. Il a entamé un travail thérapeutique important et est déterminé à se soigner dans une mesure supérieure à celle imposée par le jugement (cf. pièces 1 à 3 du chargé du 15 mars 2023).

L'appelant a évoqué des regrets et le souhait de présenter des excuses aux victimes qu'il connaissait. Il paraît néanmoins surtout regretter les conséquences de ses gestes et de son incarcération sur lui-même ainsi que sa propre famille.

Sa collaboration a été contrastée et reste à ce jour partielle. Il a reconnu spontanément certains agissements dès ses premières auditions, en particulier les faits décrits sous chiffres 1.2 à 1.4 de l'acte d'accusation. En revanche, il a longtemps caché et/ou minimisé d'autres infractions, notamment au préjudice de la victime R______, sous couvert de mauvais prétextes tels que les "défis douche".

Sa responsabilité est très légèrement restreinte, ce qui diminue d'autant sa faute.

Il n'a pas d'antécédent, ce qui a un effet neutre sur la peine.

Sa bonne situation personnelle au moment des faits n'explique pas ses agissements, en particulier pas les difficultés dans son mariage, ni les abus subis dans sa jeunesse.

L'expertise retient un risque de récidive de faible à moyen. Les cautèles informatiques mises en place par l'épouse de l'appelante ne suffisent pas à renverser cette conclusion d'autant que l'appelant n'en était pas à l'initiative et peut aisément les contourner. Elles attestent certes, tout comme les courriers produits, de l'important soutien de sa femme et ses fils sur lequel l'appelant peut compter. Toutefois, le déni de l'appelant au sujet des actes commis au préjudice de ses fils est source d'inquiétude car il entraîne celui de son épouse, censée être garante des barrières mises en place.

Il y a concours d'infractions soumises à une peine de même genre.

3.5.2. Vu la gravité des faits reprochés, la prise de conscience partielle et le risque de récidive, seule une peine privative de liberté sévère permet de réprimer l'ensemble des infractions passibles du même genre de peine.

Une peine privative de liberté de cinq ans, soit une peine de deux ans pour la contrainte sexuelle, infraction objectivement la plus grave, aggravée d'un an et six mois pour les actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à réitérées reprises (peine théorique : deux ans) et d'un an et six mois pour la pornographie commise à réitérées reprises (peine théorique : un an et huit mois), est adéquate.

4. L'appelant, qui succombe, supportera trois quarts des frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 CPP), y compris un émolument de décision de CHF 2'000.-. Le solde sera laissé à charge de l'État compte tenu du rejet de l'appel joint.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint du Ministère public contre le jugement JTCO/80/2022 rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/1383/2021.

Les rejette.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'325.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-.

Met trois quart de ces frais, soit CHF 1'743.75 à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), d'actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à réitérées reprises (art. 187 ch. 1 CP) et de pornographie commise à réitérées reprises (art. 197 al. 1, 3 et 3bis aCP, et art. 197 al. 1, 4 et 5 CP).

Acquitte A______ d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) s'agissant des faits visés sous ch. 1.6 de l'acte d'accusation.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 502 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne que A______ soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

Ordonne la transmission du présent jugement et du procès-verbal de l'audience de jugement, du rapport d'expertise psychiatrique du 10 décembre 2021 ainsi que du procès-verbal de l'audition de l'expert du 27 janvier 2022 au Service d'application des peines et mesures.

Interdit à vie à A______ l'exercice de toute activité professionnelle et toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. b, c et d ch. 1 et 2 CP).

Ordonne une assistance de probation pendant la durée de l'interdiction (art. 67 al. 6 CP).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Déboute C______ et D______ de leurs conclusions civiles.

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1, 3, 4, 5 et 8 de l'inventaire n° 2______, ainsi que des objets figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 2, 6, 7, 9 à 20 de l'inventaire n° 2______, ainsi que [du téléphone portable de marque] O______ figurant sous chiffre 4 de l'inventaire n° 3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Fixe à CHF 41'250.10 l'indemnité de procédure due à Me AH______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 35'959.95, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel et au Service d'application des peines et mesures (SAPEM).

 

La greffière:

Yael BENZ

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

35'959.95

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'325.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

38'284.95