Décisions | Tribunal pénal
JTDP/1066/2023 du 22.08.2023 ( PENAL ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE Chambre 3
|
MINISTÈRE PUBLIC
contre
Monsieur X______, né le ______ 1990, domicilié c/o Mme A______, ______[GE], prévenu
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Par acte d'accusation du 20 juin 2022, le Ministère public conclut à ce qu'X______ soit reconnu coupable de refus de servir (art. 72 al. 1 de la loi fédérale sur le service civil – LSC – RS 824.0) et condamné à une peine privative de liberté ferme d'un an ainsi qu'aux frais de la procédure.
X______ conclut son acquittement et en cas de condamnation à ce qu'il soit renoncé à une peine privative de liberté.
A. Par acte d'accusation du 20 juin 2022, il est reproché à X______, ressortissant franco-suisse, de ne pas avoir donné suite aux convocations du centre régional de Lausanne suivantes :
- décision du 21 mars 2019 pour une affectation de service civil de 313 jours, soit du 8 juillet 2019 au 15 mai 2020, auprès de l'EMS B______, à ______[GE];
- décision du 19 mars 2020 pour une affectation de service civil de 341 jours, soit du 13 juillet 2020 au 18 juin 2021, auprès de l'EMS C______, à ______[GE];
- décision du 14 avril 2021, pour une affectation de service civil de 362 jours, soit du 2 août 2021 au 29 juillet 2022, auprès de la D______, sis ______[GE],
alors que celui-ci avait déposé une demande d'admission au service civil le 25 août 2015, qu'il avait été admis pour une durée de 447 jours, par décision de l'Organe central d'exécution du Service civil du 30 septembre 2015, et qu'il avait pris part à un cours d'introduction obligatoire auprès du Centre régional de Lausanne le 21 janvier 2016 et débuté une affectation en 2017, interrompue à sa demande en raison d'une formation,
faits qualifiés de refus de servir (art. 72 al. 1 de la Loi fédérale sur le service civil; ci-après LSC).
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Par décision du 30 septembre 2015, l'Organe central d'exécution du Service civil (ZIVI) a admis X______ au service civil, pour une durée de 447 jours, conformément à la demande de celui-ci, datée du 25 août 2015.
b.a. Par courrier du 21 novembre 2018, le Centre régional de Lausanne (ci-après : le centre régional) a rappelé à X______ qu'il avait été convoqué pour son affectation longue, par courrier du 20 septembre 2018, et qu'un délai lui était imparti au 15 février 2019, pour retourner une convention d'affectation portant sur ses jours à effectuer en 2019. Le nombre de jour à effectuer a été modifié par courrier du 10 janvier 2019.
b.b. Par courrier recommandé du 22 février 2019, le centre régional a mis en demeure X______ de leur envoyer la convention manquante avant le 8 mars 2019, sans quoi une convocation d'office serait établie.
b.c. Le 21 mars 2019, constatant qu'X______ n'avait pas transmis le document demandé, le centre régional a établi une convocation d'office pour que l'intéressé accomplisse son service civil à la B______, du 8 juillet 2019 au 15 mai 2020.
c. Le 16 juin 2020, l'Organe central de l'Office fédéral du service civil a dénoncé X______ pour insoumission au service civil. Celui-ci n'avait effectué que deux jours d'astreinte à ce jour, soit le cours d'introduction en 2016 et un jour en 2017. Deux ordonnances pénales avaient déjà été rendues à son encontre pour cinq manquements, entre le 4 juillet 2016 et le 7 janvier 2019. La décision du 21 mars 2019 lui avait été transmise via le système clients E-ZIVI, conformément aux dispositions applicables en la matière, et n'avait pas été téléchargée par l'intéressé, si bien qu'elle était réputée avoir été notifiée le 29 mars 2019. Le 8 juillet 2019, X______ ne s'était pas présenté à l'affectation pour laquelle il avait été convoquée.
d.a. Par courrier du 7 octobre 2019, le centre régional a rappelé à X______ qu'il devait accomplir ses jours de service en 2020. Un délai au 7 février 2020 lui était imparti pour retourner une convention d'affectation.
d.b. Par courrier du 20 février 2020, envoyé par voie électronique, le centre régional a mis X______ en demeure d'envoyer la convention demandée avant le 6 mars 2020, sans quoi une convocation d'office serait établie. Une copie de ce courrier lui a été adressée par lettre recommandée, qui a été retirée le 22 février 2020.
d.c. Le 19 mars 2020, constatant qu'X______ n'avait pas transmis le document demandé, le centre régional a établi une convocation d'office pour que l'intéressé accomplisse son service civil auprès de l'EMS C______, à ______[GE], du 13 juillet 2020 au 18 juin 2021.
e. Le 15 juillet 2020, l'Organe central de l'Office fédéral du service civil a dénoncé X______ pour insoumission au service civil, celui-ci ne s'étant pas présenté le 13 juillet 2020, à l'affectation pour laquelle il avait été convoqué d'office.
f.a. Par courrier du 2 septembre 2020, envoyé par voie électronique, le centre régional a rappelé à X______ qu'il devait accomplir ses jours de service en 2021. Un délai au 30 octobre 2020 lui était imparti pour retourner une convention d'affectation.
f.b. Par courrier du 25 novembre 2020, constatant qu'X______ n'avait pas retourné la convention demandée, le centre régional l'a mis en demeure de leur transmettre ladite convention avant le 29 janvier 2021, sans quoi une convocation d'office serait établie.
f.c. Le 14 avril 2021, constatant qu'X______ n'avait pas transmis le document demandé, le centre régional a établi une convocation d'office pour que l'intéressé accomplisse son service civil auprès de la Résidence D______, du 2 août 2021 au 29 juillet 2022.
g. Le 10 août 2021, l'Organe central de l'Office fédéral du service civil a dénoncé X______ pour insoumission au service civil, celui-ci ne s'étant pas présenté le 2 août 2021, à l'affectation pour laquelle il avait été convoquée d'office.
h. Le 27 janvier 2021 devant la police, X______ a admis ne pas s'être rendu aux convocations. Il a expliqué qu'il se trouvait dans une procédure qui durait depuis plus de douze ans. Il possédait la double nationalité suisse et française et avait choisi de faire son service civil en France. En 2015 ou 2016, l'Office fédéral lui avait signifié qu'il manquait un document émanant de la France, pour qu'il soit libéré de ses obligations en Suisse. Cette problématique administrative n'avait jamais été résolue. La Suisse avait décidé qu'il devait faire son service et il avait été amené à une journée obligatoire à Lausanne. Depuis lors, il était embrigadé dans le système, mais il n'avait jamais voulu faire le service civil ou l'armée en Suisse. Il estimait ne pas avoir à le faire, car il avait déjà fait le nécessaire en France. Des documents attestant qu'il avait effectué les journées obligatoire d'armée en France se trouvaient chez son père. Cette situation ne résultait pas d'une erreur de sa part et il ne comptait pas la réparer. En tout état, il était indépendant et n'était pas en mesure de donner suite aux convocations du service civil.
i.a. Par courrier du 6 avril 2021, le Ministère public a sollicité d'X______ toute pièces utiles démontrant ses allégations.
i.b. X______ a produit deux documents :
- un courrier, qui lui a été adressé le 13 novembre 2008 par le Consulat général de France, par lequel celui-ci lui transmettait une attestation de recensement et un certificat de participation à l'appel de défense, sans que les documents en question ne soient joints;
- des explications écrites de sa part, portant la date du 29 avril 2013, indiquant qu'en 2008, il avait déposé, auprès du Consulat de France, sa déclaration d'option pour accomplir ses obligations militaires en France. Il avait reçu l'attestation de recensement et le certificat de participation à la défense en France et ne comprenait pas pourquoi il recevait des ordres de marche pour l'armée suisse et devait payer des frais car il se présentait pas aux convocations.
j.a. Le 1er juin 2021, le Ministère public a demandé une prise de position à l'Office fédéral du service civil.
j.b. Par courrier du 6 juillet 2021, l'Organe central de l'Office fédéral du service civil a indiqué qu'X______ s'était rendu au recrutement de l'armée suisse les 18 et 19 mars 2015. Il avait été incorporé dans l'armée suisse et devait accomplir son école de recrue du 26 octobre 2015 au 8 avril 2016. Le 25 août 2015, X______ avait déposé une demande d'admission au service civil, au moyen du formulaire officiel, et avait confirmé dans les délais qu'il souhaitait maintenir cette demande. Il avait été admis au service civil le 30 septembre 2015. Le 21 janvier 2016, il avait pris part au cours d'introduction obligatoire, auprès du centre régional de Lausanne. En 2017, il avait débuté une affectation, qu'il avait immédiatement demandé à interrompre en raison d'une formation. Il ne s'était jamais prévalu, auprès d'eux, du fait qu'il aurait accompli ses obligations militaires en France et qu'il ne serait pas astreint au service en Suisse pour cette raison. Il n'avait jamais émis de réserve quant à son obligation d'astreinte en Suisse et avait ainsi fait un choix définitif, sur lequel il ne pouvait pas revenir près de six ans plus tard. Afin qu'une éventuelle libération de l'astreinte puisse être examinée, les doubles nationaux franco-suisse étaient tenus de remettre un certificat de situation, conforme au "modèle C", ce qu'X______ n'avait pas fait.
k. Le 12 octobre 2021 devant la police, X______ a expliqué qu'il n'avait jamais donné suite aux convocations du service civil. Il avait fait la journée d'appel à la défense en 2008 en France et son père, qui s'occupait alors de ses affaires administratives, avait surement transmis ces documents à l'administration suisse.
l. Le 9 novembre 2021 devant le Ministère public, X______ a confirmé sa position. Vers 2008, il avait participé à une journée de recrutement en France et était en règle avec la loi sur le service national. L'attestation de recensement française et le certificat d'appel de défense, évoqués dans le courrier du 13 novembre 2008, avaient été envoyés aux autorités suisse et il n'en avait pas de copie. Pour lui, ce second document correspondait au "modèle C", évoqué par l'administration suisse. Il s'était rendu aux journées de recrutement, car on était venu le chercher à la maison. Il ne se souvenait pas avoir déposé une demande d'admission au service civil, ni avoir confirmé celle-ci. Il se rappelait du cours qu'il avait suivi en 2016 et pensait qu'il était "perdu" à cette époque-là. Il avait effectivement commencé une affectation en 2017 et avait demandé à l'interrompre. A un moment, il en avait eu marre et avait laissé cette problématique de côté. Cela lui avait coûté des milliers de francs et avait participé à le conduire vers une tentative de suicide.
m. Par courrier du 15 novembre 2021, X______ a transmis au Ministère public un document intitulé "Modèle C", daté du 15 novembre 2021, selon lequel la Direction du service national et de la jeunesse, du Ministère des armées en France, a certifié qu'X______ avait été appelé à participer à la journée défense et citoyenneté le 1er avril 2008, pendant un jour.
n. Par courrier du 22 décembre 2021, l'Organe central de l'Office fédéral du service civil a maintenu sa position. X______ n'avait jamais déposé de demande en libération de son astreinte au service militaire en Suisse. Par ailleurs depuis son admission au service civil, l'Office fédéral du service civil était compétent pour traiter une telle demande et l'intéressé ne s'était jusqu'alors jamais prévalu du fait qu'il avait accompli ses obligations militaires en France auprès d'eux. Les doubles-nationaux restaient astreints au service en Suisse sans l'annonce de cette situation, ce qui était le cas d'X______.
C. A l'audience de jugement, X______ a confirmé ses déclarations figurant à la procédure. Entre l'âge de 16 et 18 ans, il avait décidé qu'il ne voulait faire ni le service militaire, ni le service civil en Suisse. Il avait fait son recrutement en France. Lors de son recrutement en Suisse, il avait emmené ses papiers d'identité français. A ce moment-là, il n'avait pas voulu faire de demande d'admission au service civil, mais il avait été forcé de cocher une case entre le service militaire et le service civil. Il s'était rendu au cours d'introduction au service civil par peur de la décision qui allait être rendue. Il était conscient d'avoir laissé trainé les choses, mais il avait traversé des périodes difficiles. Il s'était heurté à l'administration, qui avait maintenu qu'il était obligé d'effectuer le service civil. Cela lui avait valu beaucoup d'amendes. Il n'avait jamais entendu parlé d'une demande de libération de son astreinte militaire en Suisse en raison de sa double-nationalité et, en tout cas, n'avait pas compris les démarches qu'il aurait dû entreprendre. Il souhaitait que ses problèmes liés à l'armée s'arrêtent et trouvent une solution.
D. X______ est né le ______ 1990, à ______[GE]. Il possède la double nationalité franco-suisse. Il a grandi à Genève et y a effectué sa scolarité obligatoire. Il est célibataire et a un enfant à charge, âgé de bientôt un an. Il est guide sportif indépendant chez E______ et réalise des revenus brut variables, compris entre CHF 1'800.- et CHF 2'500.-. Sa compagne gagne environ CHF 20'000.- par année. Leur loyer représente CHF 1'480.- et ses primes d'assurance-maladie CHF 190.-, compte tenu des subsides dont il bénéficie. Il annonce des poursuites à hauteur de CHF 100'000.- et une retenue sur salaire de CHF 300.- par mois.
Selon l'extrait de son casier judiciaire, X______ a été condamné :
- le 7 mars 2016 par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.- le jour, pour violation grave des règles de la LCR;
- le 20 novembre 2016 par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à CHF 10.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, et une amende de CHF 800.-, pour refus de servir au sens de la LSC, commis le 4 juillet 2016;
- le 8 juin 2017 par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à CHF 50.- le jour, partiellement complémentaire avec le jugement du 20 novembre 2016, pour conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis;
- le 4 août 2017 par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, à CHF 50.- le jour, partiellement complémentaire avec le jugement du 8 juin 2017, pour non-restitution du permis ou des plaques de contrôles non valables ou retirés;
- le 25 janvier 2019, par la Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.- le jour, pour plusieurs détournements de valeurs patrimoniales mises sous main de justice;
- le 9 mai 2019, par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.- le jour, peine complémentaire au jugement du 25 janvier 2019 et peine d'ensemble avec le jugement du 20 novembre 2016, pour refus de servir au sens de la LSC, commis les 15 août 2018 et 7 janvier 2019;
1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a et les arrêts cités).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss ; ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).
2.1.1. Selon l'art. 72 al. de la loi fédérale sur le service civil (RS 824.0; ci-après : LSC) celui qui, dans le dessein de refuser le service civil, omet de se présenter pour accomplir une période de service à laquelle il a été convoqué, quitte son établissement d'affectation sans autorisation ou n'y retourne pas après une absence justifiée, sera puni d'une peine privative de liberté de 18 mois au plus ou d'une peine pécuniaire.
L'astreinte au service civil commence dès que la décision d'admission au service civil entre en force (art. 10 al. 1 LSC) et prend fin dès l'instant où la personne astreinte est libérée ou exclue du service civil (art. 11 al. 1 LSC).
2.1.2. L'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (RS 510.10; ci-après : LAAM) prévoit que les suisses qui possèdent la nationalité d'un autre Etat et dans lequel ils ont accompli leurs obligations militaires ou des services de remplacement, ne sont pas astreints au service militaire en Suisse. Demeurent réservées l'obligation de s'annoncer et l'obligation de s'acquitter de la taxe d'exemption (al. 2).
L'art. 5 LAAM concernant les doubles-nationaux s'applique également pour les personnes astreintes au service civil (arrêt du Tribunal administratif fédéral B_2047/2016 du 15 juin 2016 consid. 4.6.1.).
2.1.3. Selon l'art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur les obligations militaires (RS 512.21; ci-après OMi), les Suisses domiciliés en Suisse qui possèdent la nationalité d'un autre État (doubles-nationaux) et qui ont accompli leurs obligations militaires ou un service de remplacement dans cet autre État avant la prise de domicile en Suisse ou en raison d'un accord international entre la Suisse et cet État sur la reconnaissance réciproque de l'accomplissement du service militaire par les doubles-nationaux, doivent l'annoncer au commandant d'arrondissement. L'al. 2 précise que les doubles-nationaux restent astreints au service militaire en Suisse si l'annonce au sens de l'al. 1 n'a pas été faite (let. a), il ne peut être prouvé que la prestation a été accomplie dans l'autre État (let. b) ou que les prestations accomplies ne sont pas au moins équivalentes à celles requises en Suisse (let. b).
2.1.4. La Convention entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relative au service militaire des double-nationaux (RS 0.141.134.92) prévoit les règles permettant de déterminer le pays dans lequel les binationaux franco-suisse sont tenu d'accomplir leurs obligations militaires.
L'art. 3 par. 6 de cette convention prévoit notamment que le double-national qui, conformément aux règles prévues aux par. 2 et 4, aura satisfait à ses obligations militaires à l'égard d'un Etat, dans les conditions prévues par la législation de cet Etat, sera considéré comme ayant satisfait aux obligations militaires à l'égard de l'autre Etat.
2.2. En l'espèce, il est établi et admis par le prévenu que celui-ci a reçu les convocations d'office des 21 mars 2019, 19 mars 2020 et 14 avril 2021 du centre régional de Lausanne. Il aurait ainsi dû se présenter le 8 juillet 2019 auprès de l'EMS B______, le 13 juillet 2020, auprès de l'EMS C______, à ______[GE] et le 2 août 2021, auprès de la Résidence D______, à Genève, ce qu'il n'a pas fait.
Le prévenu, qui est binational franco-suisse, estime qu'il a effectué ses obligations militaires en France et qu'il ne peut, de ce fait, pas être astreint au service civil en Suisse.
L'Office fédéral du service civil affirme quant à lui que le prévenu ne s'est jamais prévalu de sa double-nationalité et du fait qu'il avait déjà accompli ses obligations militaires en France, pour demander à être dispensé de son astreinte en Suisse.
Il ressort des éléments de la procédure que le prévenu a été incorporé dans l'armée suisse à l'issue du recrutement, effectué les 18 et 19 mars 2015. Il a déposé une demande d'admission au service civil et y a été admis par décision du 30 septembre 2015. Il a ensuite pris part à un cours d'introduction obligatoire et a débuté une affectation, qui a été interrompue, à sa demande, en raison d'une formation, sans toutefois se prévaloir du fait qu'il aurait accompli ses obligations militaires en France, faisant ainsi un choix, sur lequel il est revenu six ans plus tard. Malgré le fait qu'il se prévaut aujourd'hui de ces arguments, il n'apparait pas qu'il aurait entrepris les démarches nécessaires pour obtenir une décision mettant fin à son astreinte au service civil. Il n'a jamais contesté non plus les décisions pénales rendues à son encontre et affirme lui-même avoir payé plusieurs milliers de francs en raison de cette situation. En l'absence d'annonce auprès des autorités compétentes, de sa double nationalité et de l'accomplissement prétendu de ses obligations militaires en France, et en l'absence de décision mettant fin à son obligation de servir, le prévenu reste astreint au service militaire, respectivement au service civil en Suisse, en application de l'art. 3 OMi.
Le prévenu est ainsi tenu de donner suite aux convocations qui lui sont adressées. En ne se présentant pas aux affectations qui lui ont été attribuées, le prévenu a rempli les conditions du refus de servir et il sera reconnu coupable de cette infraction.
3.1.1. Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir.
La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).
3.1.2. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
3.1.3. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1).
En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit. Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).
3.1.4. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).
Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_978/2017 du 8 mars 2018 consid. 3.2).
3.2. La faute du prévenu n'est pas négligeable. Il ne s'est pas présenté par trois fois aux convocations qui lui ont été adressées. Il a agi par convenance personnelle et au mépris de la loi et des décisions des autorités. Sa collaboration à l'enquête a été bonne, puisqu'il a admis les faits. Sa prise de conscience est entamée, puisqu'il a entrepris des démarches pour régulariser sa situation. Il y a concours d'infraction. Le prévenu a des antécédents, dont deux sont spécifiques.
Une peine pécuniaire de 90 jours-amende apparait adéquate et proportionnée pour sanctionner les infractions commises. Le montant du jour-amende est fixé à CHF 30.- pour tenir compte de sa situation financière.
Compte tenu des antécédents du prévenu et de la position selon laquelle il n'entend pas, à l'avenir, donner suite aux convocations pour ses prochaines périodes de service civil, le pronostic quant à son comportement futur est défavorable, si bien qu'il ne remplit pas les conditions d'octroi du sursis.
4. Compte tenu du verdict de culpabilité, les frais de la procédure seront mis à la charge du prévenu, mais ils seront arrêtés à CHF 500.- pour ne pas constituer une double peine (art. 426 al. 1 CPP; art. 9 al. 1 let. d du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP; RS GE E 4.10.03]).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Déclare X______ coupable de refus de servir (art. 72 al. 1 LCS).
Condamne X______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende. (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.
Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 981.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, frais arrêtés à CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).
La Greffière | La Présidente |
Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).
LE TRIBUNAL DE POLICE
Condamne X______ à payer un émolument complémentaire de CHF 300.- à l'Etat de Genève.
La Greffière | La Présidente |
Voies de recours
Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 580.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 30.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 14.00 |
Emolument de jugement | CHF | 300.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 7.00 |
Total | CHF | 981.00 arrêtés à CHF 500.- |
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Emolument de jugement complémentaire | CHF | 300.00 |
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Total des frais | CHF | 800.00 |
Notification à X______
Par voie postale
Notification au Ministère public
Par voie postale