Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/486/2025 du 04.09.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2345/2025-CS DCSO/486/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 4 SEPTEMBRE 2025 |
Plainte 17 LP (A/2345/2025-CS) formée en date du 3 juillet 2025 par Hoirie de feu A______, soit pour elle Madame B______, Madame C______, Madame D______ et Monsieur E______, représentée par Madame B______, assistée de Me William MONNIER, avocat.
* * * * *
Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 4 septembre 2025
à :
- Hoirie de feu A______, soit pour elle Mme B______, Mme C______, Mme D______ et M. E______
c/o Me MONNIER William
PERUCCHI & MONNIER Associés
Rue du Conseil-Général 18
1205 Genève.
- F______
G______
c/o Me TUNIK Daniel
Lenz & Staehelin
Route de Chêne 30
Case postale 615
1211 Genève 6.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. L'hoirie de feu A______, composée de E______, C______, D______ et B______ (ci-après : l'hoirie), est notamment propriétaire de l'immeuble immatriculé au Registre foncier sous feuillet parcelle n° 1______ de la commune de H______ (GE).
b. Dans le cadre des opérations de saisie, dans la série n° 2______, à laquelle participe notamment la poursuite n° 3______ conduite contre l'hoirie par F______ et G______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a saisi, le 22 mars 2021, la parcelle parcelle n° 1______ de la Commune de H______.
c. Le 22 septembre 2021, F______ et G______ ont sollicité la vente de l'actif saisi.
d. Sur mandat de l'Office, I______ a estimé la valeur vénale de la parcelle à 560'000 fr., soit 70'035 m2 au prix de 8 fr./m2 conformément au prix fixé pour l'année 2022 par la Commission foncière agricole. Cette valeur a été communiquée aux parties par courrier de l'Office du 26 janvier 2023.
e. La requête en nouvelle expertise formée par l'hoirie le 1er février 2023 auprès de la Chambre de surveillance a été déclarée irrecevable, par décision DCSO/472/2023 du 3 novembre 2023. Le recours au Tribunal fédéral contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt du 25 janvier 2024 (5A_875/2023).
f. Le 20 juin 2025, l'Office a établi le placard de vente, lequel mentionne que les enchères auront lieu à la rue du Stand 46 à Genève, le 23 septembre 2025 à 11h30. L'Office avisait que le dépôt des conditions de vente et de l'état des charges interviendrait le 27 août 2025 et que les créanciers gagistes et autres intéressés étaient sommés de produire leurs droits sur l’immeuble, notamment leurs réclamations d’intérêts et de frais, dans un délai échéant le 7 août 2025. Le montant de l'estimation, correspondant à celui précédemment communiqué, en 560'000 fr., était également mentionné. Enfin, l'annonce précisait que l'immeuble était situé en zone agricole et soumis à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11). Les enchérisseurs étaient rendus attentifs aux dispositions légales concernant l'acquisition d'immeubles agricoles qui seraient précisées dans les conditions de vente.
Le placard de vente a été communiqué à l'hoirie par pli recommandé distribué le 23 juin 2025.
B. a. Par acte posté le 3 juillet 2025, E______, membre de l'hoirie, a porté plainte contre le placard de vente. Il fait valoir que la vente est contraire à la loi, en particulier à l'art. 58 LDFR, l'exception prévue à l'art. 59 let. d LDFR ne s'appliquant pas au cas d'espèce. Le prix de vente proposé, en 560'000 fr., rendait matériellement impossible la vente forcée, aucun acheteur ne proposant un prix de 8 fr./m2 pour un terrain agricole. Le prix du marché, de 3 fr. à 4 fr. le m2 qui serait finalement payé ne couvrirait pas le montant de la créance. Enfin, l'hoirie avait octroyé un contrat de bail à E______, qui exploitait la propriété en tant qu'agriculteur. Le contrat de bail arrivait à échéance le 31 décembre 2031. La vente devait donc être annulée.
b. Par courrier du 18 juillet 2025, Me William MONNIER, avocat, a informé la Chambre de céans que sa mandante B______, était la nouvelle représentante de l'hoirie, à la place de E______. Il a joint à son courrier une procuration en faveur de B______ signée par les trois autres membres de l'hoirie ainsi qu'une procuration en sa faveur signée par B______.
c. Dans son rapport du 17 juillet 2025, l'Office a exposé que le prix de 560'000 fr. était une valeur d'estimation, de sorte que la parcelle pouvait être vendue à un prix inférieur. Quant à l'exception prévue à l'art. 59 let. d LDFR, elle était applicable au cas d'espèce. Le fait que le produit de la vente de la parcelle serait insuffisant pour couvrir la créance n'était pas un motif conduisant à l'annulation de la réalisation. Quant à l'existence d'un contrat de bail, elle n'était pas établie et ne faisait pas obstacle à la réalisation. La plainte devait par conséquent être rejetée.
d. Dans leur détermination du 6 août 2025, les époux F______/G______ ont rappelé que la valeur d'estimation avait été communiquée à l'hoirie en janvier 2023 et ne pouvait plus faire l'objet d'une plainte. En tout état, la vente ne violait pas l'art. 58 LDFR et l'existence d'un contrat de bail n'était ni prouvée ni pertinente. Ils ont conclu au rejet de la plainte.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2. 2.1 L'Office des poursuites procède à l'estimation des biens immobiliers saisis et peut s'adjoindre des experts à cette fin (cf. art. 97 LP et art. 99 al. 1 ORFI).
L'estimation du bien à réaliser aux enchères ne vise pas à déterminer si celui-ci devrait suffire à couvrir la créance à recouvrer ou excéderait cette couverture et ne révèle rien quant au produit effectivement réalisable lors de ces enchères; elle donne tout au plus aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable; elle sert également à fixer le prix minimal en cas de vente de gré à gré (art. 143b al. 1 LP).
2.2.1 Selon l’art. 138 al. 1 LP, les enchères doivent être publiées au moins un mois à l’avance. Par la publication des enchères, les créanciers gagistes et les autres intéressés se voient sommés de produire à l’office des poursuites, dans un délai de 20 jours, leurs droits sur l’immeuble (art. 138 al. 2 ch. 3 LP).
Les enchères doivent être publiées dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) et dans la feuille cantonale concernée (art. 35 al. 1 LP ; Duc/Gobat, BSK SchKG I, N 7 ad art. 138).
2.2.2 Conformément à l’art. 138 al. 2 LP, la publication des enchères porte l’indication respectivement du lieu et du local où se dérouleront les enchères (formulaire ORFI N 7a), le jour et l’heure des enchères (ch. 1), l’indication de la date à partir de laquelle les conditions des enchères seront déposées (ch. 2) de même que la sommation aux créanciers gagistes et autres intéressés de produire à l’office des poursuites, dans un délai de 20 jours, leurs droits sur l’immeuble, notamment leurs réclamations d’intérêts et de frais (ch. 3).
La publication doit en outre comporter les indications supplémentaires stipulées à l’art. 29 al. 2 et 3 ORFI, en particulier le montant de l'estimation.
2.2.3 La LDFR aménage, pour atteindre les buts qu'elle poursuit (art. 1), plusieurs restrictions, relevant du droit privé (art. 11ss) ou du droit public (art. 58ss). Lorsquʼun immeuble est soumis à la loi, ces restrictions s'appliquent en principe également en cas de réalisation forcée (Mooser, Les particularités de la réalisation forcée des immeubles agricoles, RNRF 2019, p. 317 ss).
Les interdictions de partage matériel et de morcellement ne sont toutefois pas applicables aux divisions effectuées dans le cadre d'une réalisation forcée (art. 59 lit. d LDFR). La règle permet de favoriser les intérêts du créancier par rapport aux objectifs de la politique agricole. Les dispositions de la LP priment en cela celles de la LDFR (Mooser, op. cit., p. 323).
Dans la perspective de la vente, l'Office doit examiner si les immeubles concernés sont ou non soumis à la LDFR; il doit pour cela appliquer les dispositions de celle-ci relatives au champ d'application (art. 2ss LDFR). Le cas échéant, les conditions d’enchères doivent, même si cela n'est pas expressément prévu à l'art. 45 ORFI, préciser le statut particulier de l'immeuble, en vue notamment d'en tirer le prix le plus avantageux (ATF 128 III 339; Mooser, op. cit., p. 318-319).
2.3 En l'espèce, l'avis de vente, publié plus d'un mois à l'avance, mentionne, notamment, le montant de l'estimation de l'immeuble fixé par l'Office, ainsi que les autres indications prévues par la LP et l'ORFI. En tant qu'elle critique le montant de l'estimation, la plaignante perd de vue que cette estimation est désormais définitive, dès lors qu'elle n'a pas été valablement contestée. Par ailleurs, l'estimation du bien à réaliser aux enchères ne vise pas à déterminer si celui-ci devrait suffire à couvrir la créance à recouvrer. Cette estimation ne correspond pas non plus nécessairement au prix minimum, fixé ultérieurement dans les conditions de vente. La plainte est ainsi mal fondée sur ce point.
Le placard de vente mentionne encore le statut de l'immeuble, situé en zone agricole et soumis à la LDFR, dont les conditions seraient précisées dans les conditions de vente, ce qui ne prête pas le flanc à la critique. Quant aux interdictions de partage matériel et de morcellement, prévues à l'art. 58 LDFR, elles ne sont pas applicables aux divisions effectuées en cas d'une réalisation forcée (art. 59 let. d LDFR).
Enfin, l'existence d'un contrat de bail n'est pas établie et ne saurait faire obstacle à la vente.
Aussi, les griefs soulevés dans la plainte s'avèrent en tous points mal fondés et seront rejetés.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
* * * * *
La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 3 juillet 2025 par l'hoirie de feu A______, soit pour elle B______, C______, D______ et E______ contre le placard de vente établi par l'Office cantonal des poursuites le 20 juin 2025 dans le cadre des opérations de réalisation de l'immeuble parcelle n° 1______ de la Commune de H______.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.