Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/332/2025 du 12.06.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/274/2025-CS DCSO/332/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 JUIN 2025 |
Plainte 17 LP (A/274/2025-CS) formée en date du 22 janvier 2025 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 12 juin 2025
à :
- A______
c/o Mme B______
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- C______ SA
c/o D______
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- Office cantonal des poursuites.
A. a. C______ SA a requis, le 13 juin 2024, la poursuite de A______, p.a. B______, rue 1______ no. 2______, [code postal] Genève, pour une créance 3'000 fr. découlant d'une facture de réparation pour un bus F______ embouti et une créance de 10'650 fr. découlant d'une facture finale de leasing.
b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a établi le 25 juin 2024 un commandement de payer, poursuite n° 3______, conformément à la réquisition de poursuit, au détail près que l'adresse mentionnée n'était pas "p.a. B______", mais uniquement rue 1______ no. 2______.
c. Le facteur n'ayant pas trouvé le débiteur à son domicile le 27 juin 2024, un avis a été remis dans la boîte-aux-lettres le jour-même, invitant le destinataire à retirer l'envoi au guichet postal jusqu'au 4 juillet 2024.
Personne n'étant venu chercher l'envoi à la poste, celui-ci a été remis à PostLogistic pour notification spéciale le 8 juillet 2024.
d. L'acte de poursuite a pu être remis, le 2 août 2024, à 12h12, à l'adresse susmentionnée, à la conjointe du débiteur, E______, selon le procès-verbal de notification figurant au dos du commandement de payer.
e. Aucune opposition n'ayant été formée au commandement de payer, le créancier a requis la continuation de la poursuite.
f. L'Office a notifié au débiteur, par pli recommandé du 27 novembre 2024, envoyé à l'adresse susmentionnée, un avis de saisie, avec convocation pour son audition le 26 février 2025.
Ce pli n'a pas pu être distribué à l'adresse du débiteur, lequel a été avisé par un fichet remis dans la boîte-aux-lettres, l'informant qu'un acte de poursuite était à sa disposition au guichet postal pendant le délai de garde de 7 jours.
Le débiteur n'ayant pas retiré le pli, ni personne pour lui, dans le délai de garde, il a été retourné par la poste à l'Office.
B. a. Par acte expédié le 22 janvier 2025 au Tribunal de première instance, transmis par ce dernier, pour raison de compétence, à la Chambre de surveillance des Offices poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une demande en restitution du délai d'opposition, afin de former opposition partielle à la poursuite, soit contre la créance de 10'650 fr. de facture finale de leasing qu'il contestait.
A l'appui de sa demande, il a allégué avoir pris connaissance de la poursuite lors de la "récente" notification de l'avis de saisie. En effet, sa femme, avec laquelle il était en litige, avait pris possession du commandement de payer, mais ne le lui avait pas remis. Il expliquait finalement les raisons pour lesquelles il contestait la deuxième créance en poursuite.
b. Dans ses observations du 13 février 2025, l'Office s'en est remis à justice. Il a en substance soutenu que la notification au conjoint qui fait ménage commun était en principe valable au regard de l'art. 64 LP. Si le plaignant entendait prétendre que son épouse ne lui avait pas remis le commandement de payer qu'elle avait reçu pour lui, il lui appartenait de le démontrer.
c. Dans ses déterminations du 17 février 2025, C______ SA a conclu au rejet de la demande. Elle a soutenu en substance que le montant réclamé lui était bien dû et expliqué pourquoi. Par ailleurs, elle reprochait au débiteur de déployer un "enchaînement d'adresses" afin d'échapper à ses divers créanciers.
d. Les parties ont été informées par avis du 18 février 2025 que la cause était gardée à juger sous réserve de mesures d'instruction jugées utiles par la Chambre.
1. 1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en main du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en main d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP).
L'art. 64 al. 1 LP prescrit que les actes de poursuite sont notifiés au débiteur dans sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession et que s'il est absent, l'acte de poursuite peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé. Par adulte, il faut comprendre non pas une personne majeure au sens de l'art. 14 CC mais une personne présentant un développement physique et psychique donnant l'impression de la maturité, et donc apparaissant dotée d'une capacité de discernement suffisante pour recevoir un acte de poursuite et en saisir la portée (ATF 56 III 20; DCSO/26/2015 du 8 janvier 2015 consid. 2; DCSO/475/2006 du 18 juillet 2006 consid. 2, publiée in BlSchK 2007 p. 60; Jeanneret/Lembo, in CR LP, N 24 ad art. 64 LP; Gehri, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 3 ad art. 64 LP). Une personne adulte du ménage du destinataire est celle qui vit avec ce dernier et qui fait partie de son économie domestique, sans nécessairement être membre de sa famille selon l'état civil, et dont on peut s'attendre à ce qu'elle transmette l'acte dans le délai utile. La notification est réputée effectuée au moment où l'acte est remis au récipiendaire. Le fait que celui-ci omette, volontairement ou non, de le transmettre au débiteur n'affecte pas la validité de la notification (Jaques, De la notification des actes de poursuites, in BlSchK 2011, p. 177 ss, ch. 5.1 p. 184-185 et les références citées).
2.2 Dans le cas d'espèce, la notification est intervenue en mains de l'épouse du poursuivi, dont il n'est pas contesté qu'elle fait partie de son ménage au sens de l'art. 64 al. 1 LP. En l'absence, non contestée, du poursuivi, le commandement de payer pouvait donc valablement être remis à son domicile en mains de son épouse.
1.2 Le délai pour former opposition au commandement de payer, auprès de l'Office, est de dix jours dès sa notification (art. 74 al. 1 LP).
En application de l'article 33 al. 4 première phrase LP, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou à l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis (art. 33 al. 4 deuxième phrase LP).
Le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP peut être restitué aux conditions de l'art. 33 al. 4 LP, soit lorsque le débiteur a été empêché sans sa faute d'agir en temps utile et que l'acte omis est accompli dans un délai égal au délai échu, courant à compter de la disparition de l'empêchement. Pour qu'un empêchement non fautif puisse être retenu, il faut que la partie n'ayant pas respecté le délai se soit trouvée, de manière imprévue et sans aucune faute de sa part, dans l'impossibilité non seulement d'accomplir elle-même l'acte omis mais également de mandater une tierce personne à cette fin. Il faut entendre par empêchement non fautif, non seulement l'impossibilité objective d'agir dans le délai ou de se faire représenter à cette fin, mais aussi l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. Tel sera le cas, par exemple, en cas d'accident, de maladie grave et soudaine, de service militaire, de faux renseignement donné par l'autorité ou encore d'erreur de transmission. Un empêchement non fautif a également été admis en cas de soudaine incapacité de discernement ou de perte d'un proche. Une maladie de courte durée, une absence ou une surcharge de travail ne sont en revanche pas constitutives d'un empêchement non fautif. L'empêchement perdure aussi longtemps que l'intéressé n'est pas en mesure - compte tenu de son état physique ou mental - d'agir en personne ou d'en charger un tiers (ATF 119 II 86 consid. 2a; 112 V 255 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2; 5A_383/2012 du 23 mai 2012 consid. 2.2; 5A_231/2012 du 21 mai 2012 consid. 2; 5A_30/2010 du 23 mars 2012 consid. 4.1; 5A_566/2007 du 26 novembre 2007 consid. 3; 7B_64/2006 du 9 mai 2006 consid. 3; 7B_108/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2.1; 7B_190/2002 du 17 décembre 2002; Russenberger, Minet, KuKo SchKG, 2ème édition, 2014, n° 22 ad art. 33 LP; Nordmann, Berner Kommentar, SchKG I, n° 11 ad art. 33 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuites et faillites, 2005, n° 22 ad art. 33 LP).
1.2 En l'espèce, le plaignant allègue ne pas avoir eu connaissance du commandement de payer à sa réception car son épouse ne le lui aurait pas remis. Il ne l'aurait découvert que "récemment", à réception de l'avis de saisie.
De tels allégués ne permettent pas de justifier une restitution du délai, faute de préciser le moment où l'avis de saisie a été remis au débiteur et où il a eu réellement connaissance du contenu du commandement de payer, soit le moment où s'est achevé l'empêchement de former opposition et point de départ du délai pour faire opposition ainsi que requérir la restitution du délai. Notamment, le fait d'alléguer qu'il avait eu "récemment" connaissance de l'avis de saisie dans la demande du 22 janvier 2025 est insuffisamment précis – de surcroît lorsque l'on sait que l'Office tentait de notifier l'avis de saisi depuis le mois de novembre 2024 du fait que les tentatives de notification de l'avis de saisie remontent au 28 novembre 2024 – pour soutenir que la demande de restitution du délai et l'opposition ont été formées dans les dix jours dès la connaissance du contenu du commandement de payer. Il en résulte que le demandeur n'a pas rendu, ne serait-ce que vraisemblable, qu'il a agi dans le délai prévu par l'art. 33 al. 4 LP, de sorte que sa demande doit être déclarée irrecevable pour ce seul motif.
En tout état, il n'allègue aucune circonstance au sens de cette disposition permettant de justifier la restitution du délai. Soutenir que l'acte a été remis à une personne faisant ménage commun avec le débiteur, qui ne le lui aurait pas transmis n'est en principe pas possible, la remise à un familier valant en principe notification au débiteur, ainsi que cela a été précisé au considérant précédent.
Il résulte de ce qui précède que la demande sera déclarée irrecevable.
2. Les considérations des parties sur le bienfondé de la créance ne sont pas pertinentes à l'issue de la cause, la Chambre de surveillance n'étant pas matériellement compétente pour statuer sur cet objet. Les parties doivent faire valoir les moyens que leur offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, la mainlevée provisoire ou définitive de l'opposition, l'action en libération de dette, l'action en reconnaissance de dette, l'annulation de la poursuite ou l'action en constatation de l'inexistence de la dette (parmi d'autres : ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée;
115 III 18 consid. 3b; 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1; 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3).
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la demande de A______ en restitution du délai pour former opposition au commandement de payer, poursuite n° 3______.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.