Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/267/2025 du 22.05.2025 ( PLAINT ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3484/2024-CS DCSO/267/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 22 MAI 2025 |
Plainte 17 LP (A/3484/2024-CS) formée en date du 18 octobre 2024 par A______ SPA, représenté par Me Mattia TONELLA, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 22 mai 2025
à :
- A______ SPA
c/o Me TONELLA Mattia
BTC Legal SA
Via Pretorio 19
Case postale 1940
6900 Lugano.
- Faillite de B______ SA
c/o Office cantonal des faillites
Faillite n° 1990 1______, groupe 2______.
A. a. B______ SA a été déclarée en faillite par jugement du ______ 1992.
b. La liquidation de la faillite a été confiée à une administration spéciale.
c. Une distribution provisoire de dividende aux créanciers a été effectuée le 6 avril 2005. La distribution finale a eu lieu le 4 avril 2013, permettant d'atteindre un dividende de 10.684 % sur les créances de cinquième classe.
81 créanciers chirographaires ont subi un découvert total de 775'165'021 fr. 14 et 2'119 créanciers obligataires ont subi un découvert total de 166'202'908 fr. 20.
d. Un montant total de 1'408'045 fr. 14 a été remis à l'Office cantonal des faillites (ci-après l'Office) le 21 mai 2013 constitué des dividendes consignés des créanciers n'ayant pu être retrouvés, soit environ 500 personnes.
e. L'administration spéciale a encore remis à l'Office, en juin et juillet 2013, des montants de 3'742 fr. 83 et 24'155 fr. 18 représentant un montant touché d'un tiers et le solde des liquidités non utilisées dans la liquidation.
f. La clôture de la liquidation a été constatée par jugement du 31 juillet 2013.
g. Le 24 juillet 2023, A______ SPA, société anonyme italienne créancière de B______ SA, à hauteur de trois créances de 10'830'451 fr., 734'473 fr. et 10'740'717 fr., est intervenue auprès de l'Office afin de demander la distribution des fonds consignés en 2013 suite à l'écoulement du délai de 10 ans depuis la clôture de la faillite, en application de l'art. 269 al. 2 LP.
Elle a joint les trois actes de défaut de biens délivrés le 14 mai 2013 par l'administration spéciale de B______ SA mentionnant le découvert subi, de 9'593'178 fr. 80, 656'001 fr. 90 et 9'673'325 fr. 60.
h. L'Office a accusé réception de ce courrier le 27 juillet 2023 et annoncé revenir vers la créancière.
i. A______ SPA a relancé l'Office les 7 septembre, 23 octobre 2023, 2 avril et 4 septembre 2024.
B. a. Par acte expédié le 18 octobre 2024 auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites, A______ SPA a formé une plainte pour déni de justice ou retard injustifié contre l'Office.
b. Dans ses observations du 12 novembre 2024, l'Office s'en est rapporté à justice sur la plainte. Il a pour le surplus rappelé les principes posés aux ATF 93 III 113 pour la distribution des fonds consignés après l'écoulement du délai de prescription de dix ans, soit un partage entre les créanciers qui avaient pu être atteints lors de la liquidation. Avertir ces créanciers de la nouvelle distribution par publication n'a pas été considéré comme suffisant par le Tribunal fédéral. La publication ne pouvait être qu'une mesure complémentaire et devait être précédée d'une tentative de prise de contact avec chaque créancier individuellement et, s'il ne pouvait être atteint à l'adresse connue, une nouvelle adresse devait être recherchée, de même que les éventuels ayants droit. Les frais de recherche devaient être mis à la charge du destinataire. L'Office était néanmoins tenu d'éviter des investigations plus coûteuses ou équivalentes à la part de distribution revenant au créancier. Après avoir rappelé ces principes, l'Office a exposé être confronté en l'espèce à une distribution concernant de nombreux créanciers, de sorte qu'il souhaitait procéder uniquement à deux publications, relativement éloignées l'une de l'autre dans le temps pour atteindre le plus de créanciers possible. Il invitait la Chambre de surveillance à l'autoriser à procéder de cette manière. Sinon, il entendait externaliser la liquidation des fonds consignés aux frais des créanciers bénéficiaires vu le travail considérable consistant à retrouver les créanciers individuellement.
c. A______ SPA a répliqué le 19 novembre 2024 déclarant en substance s'en rapporter à justice quant au choix du mode de procéder, l'essentiel étant que la liquidation aille de l'avant.
1. Déposée dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LaLP; art. 17 al. 1 LP), et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable. Elle n'est soumise à aucun délai en tant qu'elle se fonde sur les griefs de retard injustifié à statuer ou de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
2. 2.1 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe – d'office ou à la suite d'une requête régulière – dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, Basler Kommentar, SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, Kurz Kommentar, SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).
2.2 Il y a déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsque l'Office (ou un autre organe de l'exécution forcée) refuse de procéder à une opération alors qu'il en a été régulièrement requis ou qu'il y est tenu de par la loi. Cette disposition vise ainsi le déni de justice formel – soit la situation dans laquelle aucune mesure n'est prise ou aucune décision rendue alors que cela devrait être le cas – et non le déni de justice matériel – soit la situation dans laquelle une décision est effectivement rendue, mais qu'elle est arbitraire (Erard, op. cit., n° 52 à 54 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n° 32 ad art. 17 LP). Il en découle qu'il ne peut en principe y avoir déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsqu'une mesure ou une décision susceptible d'être attaquée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP a été prise par l'Office, quand bien même elle serait illégale ou irrégulière (ATF 97 III 28 consid. 3a; Erard, op. cit., n° 53 ad art. 17 LP).
2.3 En l'espèce, le délai de prescription de la consignation des dividendes non distribués dans la faillite de B______ SA est parvenu à échéance en août 2023. Depuis près de deux ans, la plaignante requiert l'Office de procéder à la distribution, sans que ce dernier n'ait entrepris aucune démarche en ce sens.
L'Office n'a pas contesté devoir procéder à cette distribution ni donné d'explication à son inaction. Il a par contre souligné la lourdeur de la tâche. Si un déni de justice n'est par conséquent pas réalisé, un retard peut être constaté. Les interrogations sur le mode de procéder à une liquidation qui s'annonce fastidieuse ne sauraient justifier une inactivité de près de deux ans.
L'Office sera par conséquent invité à l'entreprendre dans les meilleurs délais.
Pour le surplus, il n'appartient pas à l'autorité de surveillance de se substituer à l'Office et de prendre des décisions qui lui appartiennent. Elle n'est compétente que sur plainte au sens de l'art. 17 LP dans le cadre de griefs soulevés. Elle ne saurait de surcroît préaviser favorablement une manière de procéder qui, au dire même de l'Office, n'est pas conforme aux instructions du Tribunal fédéral.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte du 18 octobre 2024 de A______ SPA pour retard injustifié contre l'Office cantonal des faillites dans le cadre de la liquidation de la faillite de B______ SA.
Au fond :
L'admet.
Ordonne à l'Office d'entreprendre la distribution des deniers consignés suite à la liquidation de la faillite de B______ SA dans les meilleurs délais.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.