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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/407/2024

DCSO/335/2024 du 12.07.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/407/2024-CS DCSO/335/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 JUILLET 2024

 

Plainte 17 LP (A/407/2024-CS) formée en date du 5 février 2024 par A______ HOLDING AG, représenté par Me Lisa BRUNNER, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ HOLDING AG

c/o Me BRUNNER Lisa

Walder Wyss SA

Rue du Rhône 14

Case postale

1211 Genève 3.

- B______ SA

______

______ [GE]

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 12 novembre 2010, A______ HOLDING AG a engagé une poursuite à l'encontre de B______ SA, sise à la rue 1______ nos. ______, [code postal] C______ [GE], jusqu'au 3 mai 2024 et à la rue 2______ no. ______, [code postal] Genève depuis lors.

L'opposition formée le 25 février 2021 par B______ SA au commandement de payer, poursuite 3______ a été provisoirement levée par jugement du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) du 3 août 2021, confirmé par arrêt de la Cour de justice le 24 novembre 2021.

B______ SA a introduit une action en libération de dette le 25 août 2021. La procédure est en cours.

b. Par ordonnance du 2 juin 2022 rendue à la requête de A______ HOLDING AG, le Tribunal a ordonné à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) de dresser l'inventaire des biens appartenant à B______ SA.

c. Aux termes du procès-verbal d'inventaire n° 4______ établi le 23 juin 2022, l'Office a indiqué n'avoir pas pu procéder à la prise d'inventaire ordonnée par le Tribunal au motif que la société était inconnue à l'adresse "rue 1______ nos. ______ [code postal] C______", selon constat effectué sur place le 10 juin 2022 et entretien téléphonique avec la gérance de l'immeuble, du 17 juin 2022, selon laquelle aucun contrat de bail n'était établi au nom de cette société.

d. Par courrier adressé au Tribunal le 22 novembre 2023, A______ HOLDING AG a requis qu'une nouvelle tentative de prise d'inventaire soit effectuée par l'Office, indiquant que la société semblait toujours exister puisque la procédure en libération de dette était toujours en cours et communiquant notamment l'adresse de l'administrateur unique, D______, p.a. E______, route 5______ no. ______, [code postal] F______ [GE].

e. Le Tribunal a transmis ce courrier à l'Office le 15 décembre 2023.

f. Le 21 décembre 2023, l'Office a établi un nouveau procès-verbal d'inventaire n° 6______, dont il ressort qu'il n'a pu procéder à la pris de l'inventaire ordonné par le Tribunal au motif que la société était inconnue à l'adresse "rue 1______ nos. ______ [code postal] C______", selon constat effectué sur place le 21 décembre 2023, et que selon entretien téléphonique du même jour avec l'administrateur D______, la société n'avait ni bien mobilier, ni local, ni stock.

g. Par courrier du 26 janvier 2024, A______ HOLDING AG a invité l'Office à investiguer plus en avant sur les biens détenus par B______ SA, et en particulier de requérir tout document utile auprès de son administrateur unique afin d'établir l'inventaire des biens de cette dernière.

h. L'Office n'a pas donné suite à cette invitation.

B. a. Par acte adressé à la Chambre de surveillance le 5 février 2024, A______ HOLDING AG a formé une plainte contre le procès-verbal d'inventaire, qu'elle a reçu le 25 janvier 2024, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de poursuivre l'exécution de la procédure d'inventaire n° 6______ par la réquisition auprès de B______ SA de toute information ou document permettant d'établir ses biens à inventorier, notamment ses documents comptables récents (bilan et compte de résultat).

Elle reproche à l'Office de s'être limité au constat de l'absence de biens meubles au siège de la débitrice poursuivie sans avoir requis de celle-ci la communication de ses comptes pour établir les valeurs patrimoniales à inventorier.

b. B______ SA ne s'est pas déterminée sur la plainte.

c. Dans son rapport établi le 27 février 2024, l'Office demande à la Chambre de surveillance de constater la nullité du procès-verbal d'inventaire n° 6______ et de déclarer la plainte sans objet.

Il considère que ce procès-verbal n'aurait pas dû être dressé dans la mesure où il n'avait pas été ordonné par le juge en application de l'art. 162 LP.

d. A______ HOLDING AG a répliqué le 4 avril 2024, persistant dans les conclusions de sa plainte. Elle fait valoir que le Tribunal avait validé sa demande de procéder à une deuxième tentative de prise d'inventaire en la transmettant à l'Office le 15 décembre 2023, ce que ce dernier avait bien considéré comme un ordre valable puisqu'il s'était exécuté en ce sens le 21 décembre 2023.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir un procès-verbal d'inventaire et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3;
120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 Sont nulles les mesures contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure; les autorités de surveillances constatent la nullité indépendamment de toute plainte (art. 22 al. 1 LP).

2.2 En l'espèce, l'Office se prévaut de la nullité de son procès-verbal d'inventaire et, partant, de l'absence d'objet de la présente procédure de plainte, au motif que la mesure de prise d'inventaire n'avait pas été ordonnée par le Tribunal.

Son argumentation ne saurait être suivie : après avoir reçu la communication du Tribunal du 15 décembre 2023 lui transmettant la requête de la plaignante en vue d'une deuxième tentative de prise d'inventaire, l'Office y a donné suite en procédant à la prise d'inventaire et en dressant le procès-verbal y relatif le 21 décembre 2023. Il s'avère ainsi qu'il a bien compris la communication du Tribunal comme une injonction à exécuter l'inventaire contesté, qui ne saurait, dans ces circonstances, être considéré comme nul.

Partant, la plainte conserve son objet.

3. 3.1 Lorsque la mainlevée provisoire a été accordée, le créancier peut demander au juge de la faillite qu'il soit procédé à l'inventaire en application de l'art. 162 LP (art. 83 al. 1 LP). Le juge de la faillite décide qu'il sera dressé inventaire des biens du débiteur si cette mesure lui paraît nécessaire (art. 162 LP). L'Office des poursuites dresse l'inventaire (art. 163 al. 1 LP). Les dispositions des art. 90 à 92 s'appliquent par analogie (art. 163 al. 2 LP).

L'inventaire doit être exécuté comme une saisie, dans le respect des art. 90 à 92 LP, sans toutefois aucune estimation des objets; tous les biens du débiteur doivent être inventoriés, y compris les biens insaisissables au sens de l'art. 92 LP et ceux qui sont en possession de tiers (CR LP – cometta (2005), n. 2 ad art. 163). Cette mesure doit permettre de répertorier l'ensemble des biens du débiteur; elle vise à établir une liste de tous les éléments du patrimoine du débiteur (BSK SchKG II – markus (2021), n. 3 ad art. 163).

Le débiteur est soumis, comme les tiers, à la même obligation de collaborer et de renseigner que dans le cadre de la saisie (art. 91 LP), mais leur obligation de renseigner s'étend à tous les biens du débiteur, même ceux qui, de l'avis de ce dernier, ne sont pas saisissables (BSK SchKG II – markus (2021), n. 4 ad art. 163; BSK SchKG II – SIEVI (2021), n. 11 ad art. 91). Dans le cas d'une personne morale, ses organes habilités à la représenter sont tenu de fournir des renseignements (BSK SchKG II – markus (2021), n. 9 ad art. 163).

Lors de l'exécution de la saisie, l'Office ne doit pas s'en tenir uniquement aux indications du débiteur ou du créancier poursuivant, mais également rechercher d'éventuels biens réalisables. Il est tenu d'examiner les indications concernant d'autres biens et revenus saisissables (BSK SchKG II – SIEVI (2021), n. 12-13 ad art. 91).

3.2 En l'espèce, l'Office a établi le procès-verbal d'inventaire le 21 décembre 2023. Après avoir effectué un constat sur place et eu un entretien téléphonique avec D______, administrateur de la société débitrice, il a constaté qu'il ne pouvait pas procéder à la prise d'inventaire ordonnée par le Tribunal au motif que la société débitrice était inconnue à l'adresse "rue 1______ nos. ______ à C______", et qu'elle ne détenait ni local ni bien mobilier, ni stock.

Comme le relève à juste titre la plaignante, l'Office ne pouvait s'en tenir aux déclarations de l'administrateur de la société débitrice indiquant que la société ne disposait plus de locaux ni de biens meubles pour constater l'absence de biens à inventorier. Il avait au contraire à procéder comme dans le cadre d'une saisie, à pousser ses investigations plus avant pour déterminer l'ensemble des biens appartenant à la débitrice, en invitant cette dernière, par l'intermédiaire de son administrateur D______ ou encore de son réviseur G______ SA, à lui fournir les documents comptables et bancaires récents aux fins d'établir l'ensemble des biens lui appartenant.

La plainte sera en conséquence admise. Le procès-verbal d'inventaire sera annulé et l'Office invité à procéder à l'inventaire des biens de B______ SA en requérant de celle-ci qu'elle lui fournisse tout document ou renseignement, notamment ses documents comptables récents, comme son bilan et son compte de résultat, ou encore ses relevés bancaires permettant d'établir ses biens à inventorier.

4.  La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 5 février 2024 par A______ HOLDING AG contre le procès-verbal d'inventaire n° 6______ établi le 21 décembre 2023.

Au fond :

L'admet.

Annule ce procès-verbal d'inventaire et invite l'Office cantonal des poursuites à poursuivre la procédure d'inventaire en requérant de B______ SA qu'elle lui communique toute information ou document, notamment ses documents comptables récents tels que ses bilan et compte de résultat ou ses relevés bancaires, permettant d'établir ses biens à inventorier.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.