Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/301/2024 du 27.06.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2268/2023-CS DCSO/301/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 27 JUIN 2024 |
Plainte 17 LP (A/2268/2023-CS) formée en date du 27 juin 2023 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :
- A______
______
______ [GE].
- CONFEDERATION SUISSE
DFF-AFC-DPR-DIVISION
ENCAISSEMENT, TVA
Schwarztorstrasse 50
3003 Bern.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. A______ fait l'objet de la poursuite n° 1______ engagée à son encontre par la Confédération suisse, en recouvrement d'une créance de 1'610 fr et dont la continuation a été requise le 27 février 2023.
b. Dans le cadre des opérations de saisie, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a auditionné le poursuivi le 20 avril 2023. Selon le protocole d'audition du débiteur, signé par l'intéressé, A______ réalisait un revenu net de 7'866 fr. 70 en tant que chauffeur pour le compte de UBER.
c. Le 10 mai 2023, l'Office a communiqué à A______ un avis de saisie de gains, à hauteur de 4'833 fr. par mois dès le mois de mai 2023.
d. Le 20 juin 2023, l'Office a communiqué à A______ le procès-verbal de saisie dans la série N° 2______, à laquelle ne participe que la poursuite n° 1______ susmentionnée, pour un montant total de 2'060 fr. 05, frais inclus, pour la période allant du 10 mai 2023 au 10 mai 2024.
L'Office a fixé les gains mensuels de A______ à 7'731 fr. 35, en procédant à une moyenne sur trois mois des entrées selon les relevés bancaires fournis par l'intéressé, en 23'193 fr. 97, sous déduction des charges arrêtées à 5'150 fr. et comprenant le montant mensuel de base pour un couple avec enfant (1'700 fr.), l'entretien des enfants, en 89 fr. par enfant (400 fr. – 311 fr. d'allocations familiales), le loyer, en 2'530 fr., les frais de repas et de transport du conjoint (312 fr.) et les frais du poursuivi (430 fr.). Les revenus réalisés par l'épouse ont aussi été pris en considération (6'010 fr. 25). La quotité mensuelle saisissable s'élevait à 4'833 fr.
B. a. Par actes postés le 21 et 23 juin 2023, A______ a saisi la Chambre de surveillance d'une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la saisie de ses gains.
Il a contesté le calcul de la quotité saisissable effectué par l'Office et exposé que ses gains moyens se montaient à 996 fr. 17 par mois (cf. courrier du 21 juin 2023) ou à 3'397 fr. 58 (courrier du 23 juin 2023). Il a fait par ailleurs valoir que les charges de la famille s'élevaient à 11'727 fr. 50 et étaient composées de 2'500 fr. d'entretien de base pour le couple et les deux enfants, 2'530 fr. de loyer,
1'054 fr. 80 de frais d'assurance-maladie et 150 fr. pour l'entretien de B______ (soit un total de 6'234 fr. 80). Il a notamment produit un compte de résultat au 31 mai 2023.
La plainte de A______ était assortie d'une requête d'effet suspensif et était cosignée par son épouse, une procédure de plainte séparée ayant été enregistrée concernant cette dernière.
b. Dans sa détermination sur effet suspensif, l'Office a exposé les détails du calcul de la quotité saisissable effectué. Le compte de résultat au 31 mai 2023 produit par le poursuivi à l'appui de sa plainte faisait état d'un produit d'exploitation de janvier à mars 2023 de 18'325 fr. 40, alors que le produit d'exploitation indiqué dans un document fourni à l'Office le 10 mai 2023 était de 20'679 fr. 22 et celui résultant des relevés bancaires de 23'193 fr. 97.
Seules les charges de carburant avaient été admises, les autres charges alléguées n'étant pas justifiées.
Concernant l'entretien de la famille, l'Office avait admis des charges à hauteur de 5'150 fr., composées du montant mensuel de base pour un couple avec enfant (1'700 fr.), l'entretien des enfants, en 89 fr. par enfant (400 fr. – 311 fr. d'allocations familiales), le loyer, en 2'530 fr., les frais d'essence et la contribution d'entretien pour l'enfant B______ (280 fr. + 150 fr.) à hauteur de 430 fr. ainsi que les frais de repas et de transport du conjoint, en 312 fr. Les revenus réalisés par l'épouse ont aussi été pris en considération (6'010 fr. 25).
c. Par ordonnance du 19 juillet 2023, la Chambre de céans a refusé l'effet suspensif à la plainte.
d. Dans son rapport du 17 août 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Les explications du poursuivi sur ses revenus n'étaient pas convaincantes de sorte que c'était à juste titre que l'Office s'était fondé sur les relevés bancaires. L'Office avait écarté les charges non justifiées par pièces, en particulier les primes d'assurance-maladie dont le paiement régulier n'était pas établi.
e. A l'audience du 10 janvier 2024, A______, bien que dûment convoqué, n'a pas comparu. Son épouse, C______, a en substance indiqué qu'elle contestait les revenus imputés à son mari, lequel ne travaillait plus depuis l'été 2023.
f. Dans sa détermination du 31 janvier 2024, l'Office a indiqué que les revenus de A______ avaient été établis sur la base d'une moyenne des sommes créditées sur le compte auprès de [la banque] D______ pour la période du 1er janvier au 31 mars 2023. Le compte de résultat fourni par l'intéressé en mai 2023 relatif à la période de janvier à mars 2023 affichait un bénéfice de 14'529 fr. 22, soit un produit d'exploitation de 20'679 fr. 22 et des charges de 6'150 fr., lesquelles n'étaient toutefois pas documentées. L'Office avait néanmoins tenu compte de frais de carburant en 280 fr. par mois. Il résultait des relevés bancaires pour la période de septembre à novembre 2023 que A______ n'avait quasiment plus d'activité depuis le mois de septembre 2023. Enfin, la saisie ne prenait effet qu'à compter du 5 juillet 2023, à l'échéance de la série précédente.
Selon les décomptes de la caisse de chômage, C______ avait perçu 4'533 fr. 25 nets (5'107 fr. 15 – 573 fr. 90) en octobre 2023 pour
17 indemnités journalières et 5'930 fr. 60 nets en novembre 2023 (6'609 fr. 30 – 678 fr. 70) pour 22 indemnités journalières, soit un montant net par jour de l'ordre de 260 fr. A la date du 8 décembre 2023, elle avait perçu 99 indemnités journalières, soit un montant de 25'740 fr. du 1er juillet au 8 décembre 2023, correspondant à un revenu mensuel net arrondi de 5'000 fr.
A______ avait été auditionné une nouvelle fois par l'Office le
4 décembre 2023 et avait produit les décomptes de l'Hospice général pour la période de septembre à novembre 2023.
g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir un procès-verbal de saisie, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3;
120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).
Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).
2.1.2 Le revenu tiré d'une activité professionnelle indépendante comprend toutes les prestations que le débiteur reçoit en contrepartie de celles qu'il apporte dans le cadre de cette activité, que ces contreparties soient en argent ou en nature (Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 10 ad art. 93 LP). Pour établir ce revenu brut, l'Office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires. Lorsque l'instruction menée par l'Office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition.
2.1.3 Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie déjà, et non au stade de la procédure de plainte (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, n. 65 ad art. 93 LP).
2.1.4 Le calcul du minimum vital d'un débiteur marié vivant en couple prend en compte les charges du couple ainsi que les revenus des deux conjoints, afin de déterminer la part respective des conjoints à leur minimum vital, selon la formule suivante : (minimum vital du couple x revenus du poursuivi) ÷ (revenus du poursuivi + revenus du conjoint) = minimum vital du poursuivi. La quotité saisissable du débiteur résulte ensuite de la soustraction de la part du poursuivi au minimum vital commun du couple des revenus du débiteur (ATF 114 II 12 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_390/2011 du 6 octobre 2011 consid. 3 et 7B.240/2001 du 18 décembre 2001; DCSO/13/2023 du 19 janvier 2023 consid. 2.1.2 et les références).
2.2 En l'espèce, dans sa plainte, le poursuivi a contesté les revenus qui lui ont été imputés, alléguant, dans son courrier du 23 juin 2023, des gains mensuels pouvant être évalués à 3'397 fr. 58.
Pour l'Office, les charges de la famille du plaignant s'élèvent à 5'150 fr. par mois (jusqu'au 30 juin 2023 puis à 4'988 fr. à compter du 1er juillet 2023 le forfait pour les repas à l'extérieur de 242 fr. de l'épouse du plaignant ayant été supprimé vu qu'elle a cessé de travailler). Le plaignant n'explique pas en quoi les constatations de l'Office à cet égard seraient erronées, et ne produit aucune pièce de nature à établir que ses dépenses incompressibles et effectivement assumées seraient plus élevées. En particulier, il n'établit pas s'être effectivement et régulièrement acquitté des primes d'assurance maladie obligatoire pour lui-même et les membres de sa famille dans les mois ayant immédiatement précédé ou suivi la décision de l'Office du 22 juin 2023. Quant aux montants de base OP retenus pour les enfants, le plaignant a omis de tenir compte des allocations familiales, qui viennent en déduction. Enfin, le plaignant n'a pas apporté la preuve du paiement effectif et régulier des frais de garde des enfants, un seul paiement au mois de mai 2023 n'étant pas suffisant. Il convient donc de s'en tenir aux montants admis par l'Office.
En retenant comme revenus du couple, des revenus en 5'000 fr. pour l'épouse du plaignant, qui perçoit les indemnités de chômage depuis le 1er juillet 2023 et
3'397 fr. de revenus pour le plaignant, selon ses propres indications, on aboutit au calcul suivant :
Revenus des époux : 8'397 fr.
Minimum vital du couple: 5'150 fr.
Le minimum vital du poursuivi se détermine selon le calcul suivant : 5'150 fr. x 3'397 fr. / 8'397 fr. = 2'083 fr.
La quotité saisissable résulte de la soustraction du minimum vital ainsi établi du revenu du plaignant, soit 3'397 fr. - 2'083 fr. = 1'314 fr. La quotité saisissable s'élève donc à 1'314 fr. pour les mois de juillet et août 2023.
A compter du 1er septembre 2023, l'Office admet que le plaignant ne réalise quasiment plus de revenus, de sorte qu'il convient de considérer qu'il n'y a plus de gains saisissables à partir de cette date.
La plainte est ainsi partiellement admise et le procès-verbal de saisie attaqué annulé en conséquence.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée les 21 et 23 juin 2023 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 20 juin 2023 dans la série n° 2______.
Au fond :
L'admet partiellement.
Invite l'Office cantonal des poursuites à modifier le procès-verbal de saisie attaqué conformément au considérant 2 de la présente décision.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.