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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3743/2023

DCSO/182/2024 du 02.05.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3743/2023-CS DCSO/182/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 MAI 2024

 

Plainte 17 LP (A/3743/2023-CS) formée en date du 13 novembre 2023 par A______ SA et par B______ SA.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 2 mai 2024 à :

- A______ SA
B______ SA

p.a. M. C______

______

______ [GE].

- D______

c/o Me REYMOND Alec

@lex Avocats

Rue de Contamines 6

1206 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ SA (ci-après B______) et A______ SA (ci-après A______) sont deux sociétés anonymes inscrites au registre du commerce de Genève, actives dans l'achat, la vente, la fabrication, l'emballage de produits pharmaceutiques, l'acquisition, la détention et l'exploitation de licences et brevets portant sur de tels produits, ainsi que la participation et le financement dans des sociétés aux buts similaires.

La première est une filiale détenue à 100 % par la seconde.

Le capital-actions de la seconde est détenu pour une moitié par la société E______ SA, dont F______ est l'unique actionnaire, et pour l'autre moitié par D______.

Les deux sociétés ont leur siège à la même adresse, chemin 1______ no. ______ à G______ (GE).

Le conseil d'administration de la première est composé de F______, H______ et C______, tous trois titulaires de la signature individuelle, le premier présidant le conseil d'administration. Le troisième est le fils du premier.

Le conseil d'administration de la seconde est composé de F______ et C______ et I______, le premier présidant le conseil d'administration.

b. F______ et D______ sont en litige depuis plusieurs années, ce qui a pour conséquence d'entraver le fonctionnement des organes de A______ et, par ricochet, ceux de B______.

b.a Des procédures visant les décisions d'assemblées générales sont en cours devant le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal).

b.b En outre, D______ a déposé auprès du Tribunal une requête en raison de carences organisationnelles de A______ au motif que le conseil d'administration ne serait plus valablement désigné. Il a conclu à ce que le Tribunal désigne un administrateur à la société ou prenne toute autre mesure s'imposant au vu de la carence constatée.

Cette requête a été rejetée par jugement du 29 juin 2023, lequel a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du 14 septembre 2023, au motif que la société ne souffrait d'aucune carence organisationnelle. Un recours a été interjeté au Tribunal fédéral contre cet arrêt. La procédure est en cours.

c. D______ a requis la poursuite de B______ en paiement de divers montants en exécution d'un jugement du Tribunal des prud'hommes du 9 mars 2021
(27'881 fr. 15 plus intérêts à 5 % l'an dès le 3.5.2019, 363'405 fr. 95 plus intérêts à 5 % l'an dès le 3.6.2019 et 91'405 fr. 95 plus intérêts à 5 % l'an dès le 3.5.2019) ainsi qu'à titre de frais judiciaires (9'970 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 9.3.21) et dépens judiciaires (9'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 20.5.2023).

d. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a notifié le commandement de payer, poursuite n° 2______, le 2 novembre 2023 à B______, non pas à son siège social, mais au domicile privé de son administrateur C______, au chemin 3______ no. ______, [code postal] J______ (GE).

Le commandement de payer destiné au débiteur comporte au verso, de manière contradictoire, une croix devant la rubrique "non notifiable, non réclamé" et une autre croix devant la rubrique "Notification, au destinataire Monsieur C______".

e. D______ a également requis la poursuite de A______ en paiement de 2'205'175 fr. 83 plus intérêts à 5 % l'an dès le 7 novembre 2013 à titre de remboursement d'un prêt consenti le 7 novembre 2013.

f. L'Office a notifié le commandement de payer, poursuite n° 4______, le 2 novembre 2023 à A______, également au domicile privé de C______.

Le commandement de payer comportait les mêmes mentions contradictoires au verso que le commandement de payer, poursuite n° 2______.

g. B______ et A______ ont formé opposition aux commandements de payer par courriers recommandés adressés le 13 novembre 2023 à l'Office.

Les oppositions, formées dans le délai de dix jours dès la notification, ont été enregistrées par l'Office.

B. a. Par actes déposés le 13 novembre 2023 auprès du Greffe universel du Pouvoir judiciaire, à destination de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), C______ agissant au nom et pour le compte de B______ et A______ a formé des plaintes contre la notification desdits commandements de payer concluant à sa nullité, subsidiairement à son annulation.

En substance, les plaignantes ont soutenu que la notification n'avait pas eu lieu en mains de C______, qui était en voyage à New-York le samedi 2 novembre 2023, et qu'ils avaient été en réalité remis à ses beaux-parents, de passage à son domicile à Genève. Il avait pu prendre connaissance des commandements de payer le 11 novembre 2023 à son retour de voyage. Les mentions sur les commandements de payer ne reflétaient pas cette réalité et la notification en mains de personnes de passage à son domicile n'était pas valable.

Les plaignantes soulignaient également que leur représentation par C______ était remise en cause au Tribunal fédéral par D______ dans la procédure pour carences organisationnelles de A______ et qu'en cas d'admission de son argumentation, la notification des commandements de payer serait intervenue à une personne non autorisée. Il convenait par conséquent de suspendre la procédure de plainte jusqu'à droit connu dans la procédure en carences organisationnelles.

b. Les plaignantes ont assorti leurs plaintes d'une requête d'effet suspensif; celui-ci a été ordonné par décision du 17 novembre 2023.

c. Dans ses observations du 5 décembre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que la notification, bien que peut-être irrégulière, avait permis la remise des commandements de payer à l'organe inscrit des débitrices et que celles-ci avaient pu former opposition dans le délai prescrit.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Chambre de surveillance du 12 décembre 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en main du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en main d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP).

2.1.2 A teneur de l'article 65 al. 1 chiffre 2 LP, lorsque la poursuite est dirigée contre une personne morale ou une société, les actes de poursuite sont notifiés à son représentant, à savoir à un membre de l'administration ou du comité, à un directeur ou à un fondé de procuration s'il s'agit d'une société anonyme. Lorsque les personnes ci-dessus mentionnées ne sont pas rencontrées à leur bureau, la notification peut être faite à un autre fonctionnaire ou employé (art. 65 al. 2 LP). Il en découle que la notification d'un acte de poursuite à une personne morale se fait dans les "bureaux" de celle-ci, soit en un lieu où les représentants autorisés déploient leur activité. Il ne s'agit pas forcément du siège statutaire. Le représentant peut également être atteint à son domicile privé, conformément à l'art. 64 al. 1 LP, voire en d'autres lieux. La notification a lieu principalement en main d'un représentant autorisé (art. 67 al. 1 chiffre 2 LP; Jeanneret, Lembo, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 6 ad art. 65 LP; Ruedin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 19 ad art. 67 LP; contra, Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 45 et ss ad art. 67 LP).

2.1.3 L'art. 64 al. 1 LP prescrit que les actes de poursuite sont notifiés au débiteur dans sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession et que s'il est absent, l'acte de poursuite peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé. Une personne adulte du ménage du destinataire est celle qui vit avec ce dernier et qui fait partie de son économie domestique, sans nécessairement être membre de sa famille selon l'état civil, et dont on peut s'attendre à ce qu'elle transmette l'acte dans le délai utile. La notification est réputée effectuée au moment où l'acte est remis au récipiendaire. Le fait que celui-ci omette, volontairement ou non, de le transmettre au débiteur n'affecte pas la validité de la notification (Jaques, De la notification des actes de poursuites, in BlSchK 2011, p. 177 ss, ch. 5.1 p. 184-185 et les références citées).

2.1.4 La notification irrégulière du commandement de payer n'est pas frappée de nullité absolue; l'acte est simplement annulable dans le délai de plainte de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP. Ce n'est que si l'acte n'est pas parvenu en mains du poursuivi que la poursuite est absolument nulle, et que sa nullité peut et doit être constatée en tout temps. Si, malgré le vice de la notification, le poursuivi a quand même eu connaissance du commandement de payer, il produit ses effets dès que celui-ci en a eu connaissance; dans un tel cas, le délai pour porter plainte contre la notification, ou pour former opposition, commence à courir du moment où le poursuivi a eu effectivement connaissance de l'acte (ATF 128 III 101 consid. 2; arrêt 5A_6/2008 du 5 février 2008 consid. 3.2 et les arrêts cités). Dans cette hypothèse, l'autorité de surveillance n'ordonnera toutefois une nouvelle notification que si le débiteur peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection; tel n'est pas le cas s'il a une connaissance telle du contenu de l'acte, qu'une nouvelle notification n'apporterait rien de plus et pour autant que ses droits soient sauvegardés nonobstant le vice de la notification parce qu'il a pu porter plainte ou faire opposition dans le délai qui a couru dès cette prise de connaissance (ATF 120 III 114 consid. 3b; 112 III 81 consid. 2).

2.2 En l'espèce, les plaignantes ont été atteintes par les commandements de payer litigieux et ont pu y faire opposition dans le délai légal, de telle sorte que leurs oppositions ont été enregistrées par l'Office. L'éventuelle notification irrégulière des commandements de payer entrepris est par conséquent restée sans conséquence de sorte qu'elle n'est pas nulle ni annulable.

Les plaintes sont par conséquent infondées et seront rejetées.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les plaintes de B______ SA et de A______ SA du 13 novembre 2023 contre la notification des commandements de payer, poursuites n° 2______ et n° 4______.

Au fond :

Les rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.