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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2361/2023

DCSO/486/2023 du 09.11.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.46; CC.23.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2361/2023-CS DCSO/486/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/2361/2023-CS) formée en date du 14 juillet 2023 par A______, représenté par Me Gérald VIRIEUX, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier ______ 2023
à :

-       A______

c/o Me VIRIEUX Gérald

VISCHER Genève Sàrl

Rue du Cloître 2

Case postale 3067

1211 Genève 3.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Selon les registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), A______, né le ______ 1999 et possédant les nationalités suisse et allemande, a été domicilié à Genève de sa naissance au 9 septembre 1999, du 3 mai 2003 au 1er septembre 2018 et du 12 septembre 2020 au 31 décembre 2021.

Lors de ces différentes périodes, l'adresse de A______ a été celle de sa mère, C______, soit en dernier lieu au Chemin 1______ no. ______ à Genève.

b. A une date indéterminée, A______ a annoncé à l'OCPM qu'il quitterait la Suisse avec effet au 31 décembre 2021 pour s'installer en Allemagne, à D______.

Le 14 février 2022, il a annoncé à l'Oberbürgermeister de D______ [Allemagne] son arrivée sur le territoire de la ville, avec effet au 1er janvier 2022. Le 29 mars 2022, l'Oberbürgermeister de D______ lui a délivré un numéro de contribuable.

c. Par contrat des 16 et 22 décembre 2021, A______ a pris à bail, à compter du 1er janvier 2022 et pour une durée indéterminée, un appartement d'une pièce et cuisine situé à D______, 2______-Strasse no. ______.

d. A compter du 1er avril 2022, A______ est immatriculé en qualité d'étudiant auprès de [la Haute école privée] E______, à D______. Il y poursuit depuis lors des études de médecine devant normalement s'achever le 30 septembre 2028.

Du 17 janvier au 20 mars 2022, puis du 27 février au 16 mars 2023, A______ a, dans le cadre de ses études, travaillé au service des soins infirmiers de la clinique F______ à D______.

e. Il résulte des extraits de son compte bancaire auprès de [la banque] G______ produits par A______ que celui-ci, au cours des mois de juin et juillet 2023, a régulièrement procédé à des achats de biens de consommation et à des dépenses de loisir à D______.

B. a. Par réquisition adressée le 22 juin 2023 à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), [l'assurance maladie] B______ a engagé à l'encontre de A______, indiqué comme étant domicilié à Genève, à l'adresse de sa mère, une poursuite tendant au recouvrement des montants de 1918 fr. 90 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 23 juin 2023 et de 99 fr. 30, allégués être dus au titre d'arriérés de primes d'assurance maladie et d'intérêts de retard.

b. Le 27 juin 2023, l'Office, se fondant sur les indications figurant dans la réquisition de poursuite du 22 juin 2023, a établi un commandement de payer, poursuite n° 3______. Selon cet acte, l'adresse du débiteur, A______, était au Chemin 1______ no. ______ à Genève.

c. Le commandement de payer a été notifié le 5 juillet 2023 par l'intermédiaire de la Poste suisse. Il a été frappé d'opposition le 14 juillet 2023.

Selon l'exemplaire "créancier" du commandement de payer, sa notification serait intervenue en mains de son destinataire, soit A______ lui-même. Dans le cadre de la présente procédure de plainte, ce dernier a toutefois indiqué que cette mention était erronée, le commandement de payer ayant en réalité été retiré au bureau de poste par sa mère.

C. a. Par acte adressé le 14 juillet 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le commandement de payer, poursuite n° 3______, concluant à la constatation de sa nullité, subsidiairement à son annulation. Selon le plaignant, il n'existait en effet pas de for de poursuite à Genève.

b. Par ordonnance du 14 juillet 2023, la Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif à la plainte et ordonné la production de diverses pièces.

c. Par pli adressé le 25 août 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a produit diverses pièces relatives à sa situation actuelle accompagnées d'un courrier d'explication.

d. Dans ses observations du 18 septembre 2023, l'Office s'en est rapporté à justice sur l'issue de la procédure de plainte.

e. Par détermination du 19 septembre 2023, B______, sans prendre formellement position sur les conclusions de la plainte, a fait valoir que la créance en poursuite était justifiée et que les primes réclamées concernaient une période (janvier à mai et août à novembre 2021) antérieure au départ pour l'étranger de A______.

f. Par réplique spontanée du 22 septembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

g. En l'absence de duplique spontanée, la cause a été gardée à juger le 9 octobre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Les règles régissant le for de la poursuite sont impératives. Les sanctions attachées à leur violation sont cependant différentes selon qu'il s'agit de la notification du commandement de payer dans la poursuite ordinaire ou de la continuation de la poursuite par voie de saisie. La notification du commandement de payer par un office des poursuites incompétent à raison du lieu n'entraîne ainsi que l'annulabilité, sur plainte, de cet acte : dans cette hypothèse en effet, il n'y a pas de lésion de l'intérêt public ou de l'intérêt de tiers au sens de l'art. 22 al. 1 LP. En revanche, la continuation de la poursuite par un office des poursuites incompétent à raison du lieu entraîne, à moins qu'il n'existe aucun bien saisissable, la nullité des avis de saisie et des opérations ultérieures : dans ce cas en effet, la violation des règles sur le for de la poursuite lèse les intérêts des créanciers qui pourraient, le cas échéant, participer à la saisie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 3.1 et références citées).

2.1.2 Le déroulement d'une procédure de poursuite, et en particulier la notification d'un commandement de payer, supposent l'existence d'un for de poursuite au sens des art. 46 à 55 LP.

Sous réserve des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 LP). L'existence d'un domicile doit être appréciée au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3).

La notion de domicile au sens de l'art. 46 LP correspond à celle de l'art. 23 al. 1 CC. Il s'agit du lieu où l'intéressé réside avec l'intention de s'établir, ce qui suppose qu'il fasse de ce lieu le centre de ses intérêts personnels et professionnels (ATF 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2a). La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique dans un endroit donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer de façon durable (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 136 II 405 consid. 4.3). La loi n'exige pas qu'une personne ait l'intention de demeurer pour toujours dans un certain endroit; il suffit qu'elle fasse de ce lieu le centre de son existence, quand bien même elle voudrait transférer plus tard son domicile ailleurs (arrêts 5A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 3.2.2; 5A_725/2010 du 12 mai 2011 consid. 2.3). Lorsque plusieurs endroits entrent en ligne de compte, parce que la personne a des attaches avec chacun d'eux, le principe de l'unité du domicile (art. 23 al. 2 CC et 20 al. 2 LDIP) impose un choix; le domicile se trouve au lieu avec lequel l'intéressé entretient les relations les plus étroites, cette question étant résolue sur la base de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3; arrêt 5A_653/2020 du 2 février 2022 consid. 3.3).

2.2.1 Il résulte en l'occurrence du dossier que le plaignant a quitté le domicile genevois de sa mère à la fin de l'année 2021 pour s'installer à D______, en Allemagne – Etat dont il possède la nationalité – afin d'y accomplir des études de médecine d'une durée prévisible de l'ordre de sept ans. Il a loué un logement sur place et s'est annoncé auprès des autorités allemandes, qui le considèrent comme un contribuable.

Il vit depuis lors à D______, y poursuivant régulièrement ses études, accomplissant des périodes de travail dans un hôpital local et fréquentant les commerces et restaurants de la ville.

Au vu de ces éléments, il faut admettre que le centre de vie du plaignant se situait, au moment de la notification du commandement de payer (et en réalité depuis le 1er janvier 2022) en Allemagne. C'est en effet dans ce pays qu'il réside et que se déroulent aujourd'hui ses activités professionnelles ou pré-professionnelles. Même si une partie au moins de ses proches – soit sa mère – réside à Genève, et que l'on peut penser qu'il y a conservé des amis, ces éléments ne sont pas déterminants s'agissant d'un jeune adulte parti à l'étranger pour une longue période.

Il faut ainsi retenir qu'au moment de la notification du commandement de payer le plaignant n'était pas domicilié dans le canton de Genève. La compétence de l'Office pour conduire une poursuite à son encontre, et en particulier pour établir et notifier un commandement de payer, ne pouvait donc résulter de l'art. 46 al. 1 LP. Dans la mesure où aucun des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 55 LP ne paraît par ailleurs pouvoir être retenu, la plainte est bien fondée. Le commandement de payer contesté sera donc annulé.

2.2.2 Tout en paraissant admettre dans sa détermination sur plainte du 19 septembre 2023 que le plaignant avait effectivement quitté la Suisse le 31 décembre 2021, l'intimée semble considérer qu'une poursuite serait encore possible à son encontre en Suisse du fait que les prétentions invoquées seraient nées antérieurement à ce départ. Il n'en est rien : comme relevé ci-dessus, le moment déterminant pour apprécier l'existence d'un for de poursuite est celui de la notification du commandement de payer et non celui de la naissance de la prétention invoquée en poursuite.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 14 juillet 2023 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 3______.

Au fond :

L'admet.

Annule en conséquence le commandement de payer, poursuite n° 3______.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.