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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2105/2023

DCSO/436/2023 du 05.10.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Non-divulgation de la poursuite; opposition, requête en mainlevée: non-paiement des avances de frais; irrecevabilité; poursuite abusive
Normes : LP.8a; LP.22.al1; CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2105/2023-CS DCSO/436/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 5 OCTOBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/2105/2023-CS) formée en date du 22 juin 2023 par A______ SA.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 9 octobre 2023
à :

-       A______ SA

______

______.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ a fait notifier le 25 janvier 2023 à A______ SA, société anonyme sise à la rue 1______ no. ______ à Genève, déployant une activité de fiduciaire et de comptabilité, dont C______ est administrateur, un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour la somme de 11'242 fr. 20 plus intérêt à 5 % l'an dès le 19 décembre 2022 à titre de "factures diverses".

Le commandement de payer a été réceptionné par D______, mandataire, qui y a fait opposition.

b. A______ SA s'est adressée à B______ le 24 mai 2023 pour se plaindre de la notification de ce commandement de payer qui ne correspondait à rien et avait pour seul but de lui nuire. Elle rappelait au précité qu'il lui devait pour sa part 2'384 fr. 90 et que la société E______ SARL, dont il était gérant, lui devait la somme de 1'261 fr. 05 pour une activité de comptabilité.

c. Dans sa réponse du 26 mai 2023, B______ a contesté avoir initié la poursuite dans le but de nuire à A______ SA. La poursuite tendait à récupérer des montants qu'il estimait surfacturés par cette dernière.

d. B______ a encore fait notifier le 20 avril 2023 à F______ SA, société anonyme sise rue 1______ no. ______ à Genève, dont G______ est administratrice, un commandement de payer, poursuite n° 3______, pour la somme de 10'258 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 31 mars 2023 à titre de "diverses factures".

Il a finalement fait notifier le 21 juin 2023 à chacun des époux G______ et C______, un commandement de payer, poursuites n° 4______ et 5______, pour la somme de 11'242 fr. 20 plus intérêt à 5 % l'an dès le 31 mars 2023, toujours à titre de "diverses factures".

e. Parallèlement à ces poursuites, B______ a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public contre les agissements de A______ SA et ses organes, laquelle a fait l'objet d'une ordonnance de non entrée en matière.

f. Il a également requis de l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office), le 3  avril 2023, la continuation de la poursuite, réquisition que l'Office a rejetée par décision du 4 avril 2023, l'opposition formée au commandement de payer n'ayant pas été levée.

g. Par courrier adressé le 31 mars 2023 au Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal), il a requis la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______.

h. A______ SA a déposé auprès de l'Office, le 1er juin 2023, une demande de non-divulgation de la poursuite n° 2______.

i. Par décision du 14 juin 2023, reçue par A______ SA le 16 juin 2023, l'Office a rejeté cette demande, le créancier ayant requis la mainlevée de l'opposition au commandement de payer.

B. a. Par acte expédié le 22 juin 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ SA a formé une plainte contre cette décision, alléguant, d'une part, que B______ n'avait pas versé l'avance de frais exigée par le Tribunal pour traiter la demande de mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer et, d'autre part, que le prétendu créancier avait fait notifier de manière injustifiée des commandements de payer à F______ SA, G______ et C______. Elle mentionne sous "concerne" : plainte pour poursuite abusive (art. 2 CC). Elle concluait en conséquence à l'annulation de la décision de l'Office et à ce que la non-divulgation de la poursuite soit prononcée.

b. Dans ses observations du 28 juin 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte, le créancier lui ayant fourni la preuve de l'introduction d'une demande en mainlevée et le paiement de l'avance des frais judiciaires en 400 fr. Il produisait un avis de mouvement du compte postal de B______ 12 mai 2023 justifiant du paiement de l'avance de 400 fr., mais auprès de l'Office.

c. Il ressort du rôle du Tribunal que ce dernier a rendu un jugement d'irrecevabilité de la demande mainlevée faute de paiement de l'avance de frais, prononcé le 20  juin 2023, définitif et exécutoire.

d. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 18 juillet 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 En application de l'art. 8a al. 1 LP, toute personne peut consulter les procès-verbaux et les registres des offices des poursuites et des offices des faillites et s’en faire délivrer des extraits à condition qu’elle rende son intérêt vraisemblable. Toutefois, aux termes de l'art. 8a al. 3 let. d LP, les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers : (…) d. les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur dans ce sens est faite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer, à moins que le créancier ne prouve, dans le un délai de 20 jours imparti par l'office, qu'une procédure en annulation de l'opposition (art. 79 à 84 LP) a été engagée à temps; lorsque la preuve est apportées par la suite, ou lorsque la poursuite est continuée, celle-ci est à nouveau portée à la connaissance de tiers.

Dans le cadre de l'application de cette disposition, l'office doit uniquement déterminer si le poursuivant a ou non engagé une procédure tendant à faire écarter l'opposition formée par le débiteur. Il ne saurait donc examiner lui-même si la prétention déduite en poursuite paraît ou non justifiée, ni émettre un pronostic sur l'issue des démarches judiciaires éventuellement engagées par l'une ou l'autre des parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_319/2020 du 7 mai 2020 cons. 2). L'aspect justifié ou non de la poursuite, au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP, s'apprécie uniquement au regard de l'action ou de l'inaction du poursuivant. Il en résulte que la simple introduction par le poursuivant d'une requête de mainlevée fait obstacle à la non-divulgation de la poursuite, quand bien même cette requête serait ensuite rejetée ou déclarée irrecevable et que le poursuivant n'engagerait pas d'autre démarche (ATF 141 III 41 cons. 3.3).

2.1.2 Lorsque l'office des poursuites est saisi par le débiteur d'une demande en non divulgation au sens de l'art. 8 al. 1 let. d LP, il la rejette si, dès réception, il sait qu'une procédure de mainlevée d'opposition a été engagée concernant la poursuite contestée, voire que la continuation de la poursuite a été requise. S'il n'a pas connaissance d'une telle démarche, il demande au créancier de prendre position sur la demande de non-divulgation du débiteur. Si le créancier fournit la preuve qu'il a engagé une procédure visant à faire annuler l'opposition, la poursuite est à nouveau portée à la connaissance des tiers en application de l'art. 8a LP (Instruction n° 5 du 18 octobre 2018 de l'Office fédéral de la justice, Service Haute surveillance LP, concernant le nouvel art. 8a al. 3 let. d LP – ci-après : Instruction n° 5 – chiffre 4 § 3 et 5). Pour prouver qu'il a engagé une procédure visant à faire annuler l'opposition, le créancier peut fournir la confirmation de remise à la poste ou l'accusé de réception de la demande de mainlevée ou du mémoire introduisant l'action en reconnaissance de dette (Instruction n° 5, chiffre 4 § 5).

2.2 En l'espèce, le poursuivant a déposé auprès du Tribunal une demande en mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer n° 2______, ce qui est suffisant pour justifier de démarches en ce sens, autorisant la divulgation de la poursuite. Le fait qu'elle a été déclarée irrecevable faute de versement de l'avance des frais judiciaires est insuffisant à considérer que le créancier n'aurait pas agi. Il semblerait d'ailleurs en l'occurrence que l'avance de frais ait été payée, mais au mauvais endroit, soit à l'Office, ce qui a entraîné la décision d'irrecevabilité du Tribunal.

La décision de l'Office du 14 juin 2023 est par conséquent fondée.

3. La plaignante évoque également le caractère abusif de la poursuite.

3.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, lorsque par esprit de chicane il requiert une poursuite pur un montant manifestement trop élevé, lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur, ou encore lorsqu'il requiert la poursuite en contradiction avec des attentes suscitées chez l'autre partie, par exemple en introduisant un nouvelle poursuite alors que des pourparlers sont sur le point d'aboutir en vue du retrait d'une poursuite précédente portant sur la même créance (venire contra factum proprium). L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1, JdT 2015 II 298; 130 II 270 consid. 3.2.2; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; décision de la Chambre de surveillance DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la créance litigieuse. L'autorité de surveillance – tout comme l'office – n'est en effet pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire. Elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé. Ce dernier doit utiliser les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite, l'action en constatation de l'inexistence de la dette ou l'action en répétition de l'indu. L'office ne peut ainsi exiger des explications sur la nature de la prétention ni refuser d'émettre un commandement de payer, même si la cause de la créance semble peu plausible voire imaginaire. Il est donc pratiquement exclu que le créancier obtienne de manière abusive l'émission d'un commandement de payer (ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; 113 III 2 consid. 2b, JdT 1989 II 120; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1, 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1, 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3, 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).

3.2 En l'espèce, la plaignante a fait état de la notification de commandements de payer contre elle, la société proche F______ SA et leurs organes, qui peut faire penser à une campagne de harcèlement.

Elle ne développe toutefois pas le moyen de sorte que sa recevabilité est douteuse (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

En tout état, elle n'allègue pas que le prétendu créancier abuserait de l'institution de la poursuite, invoquerait une créance farfelue ou exagérée, ni encore qu'il orchestrerait une campagne de dénigrement destinée à lui nuire. Au contraire, le prétendu créancier a expliqué à la plaignante les raisons de la poursuite litigieuse et ses motifs n'apparaissent pas totalement absurdes. Le fait qu'il ait également poursuivi plusieurs personnes proches de la plaignante, peut-être de manière injustifiée, n'est pas encore suffisant pour considérer que la poursuite litigieuse est abusive.

Il n'y a par conséquent pas lieu de constater la nullité de la poursuite n° 2______.

4. En conclusion, la plainte sera rejetée.

5. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 22 juin 2023 de A______ SA contre la décision de rejet de la demande de non divulgation de la poursuite n° 2______ de l'Office du 14 juin 2023.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.