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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2561/2022

DCSO/400/2022 du 06.10.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre; rentre AVS + LPP; calcul du minimum vital; débiteur domicilié en France
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2561/2022-CS DCSO/400/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 OCTOBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/2561/2022-CS) formée en date du 16 août 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______[GE].

- CANTON DE VAUD

Office d'impôt des Districts de D______ et E______

Avenue ______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ est bénéficiaire d'une rente AVS mensuelle de
2'370 fr. et d'une rente de prévoyance professionnelle du 2ème pilier de 5'838 fr. 65 versée mensuellement par CAISSE DE PREVOYANCE B______ (ci-après B______).

b. A______, dont le domicile est inconnu, mais qui dispose d'une case postale 1______ à C______[GE], est débitrice envers le CANTON DE VAUD d'une créance fiscale d'un total en capital de 17'493 fr. 55, résultant de divers bordereaux d'impôts fédéraux, cantonaux et communaux exécutoires relatifs aux exercices 2016 à 2020.

c. A la requête du CANTON DE VAUD, soit pour lui l'Office d'impôt des Districts de D______ et E______, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné, le 11 juillet 2022, le séquestre des rentes 2ème pilier d'A______ auprès de la B______ en garantie de la créance susmentionnée.

d. Dans le cadre des opérations d'exécution de ce séquestre, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a invité la B______, le 12 juillet 2022, à bloquer les rentes versées à la débitrice avec effet immédiat et à lui communiquer toute information permettant de calculer le montant de la retenue à opérer.

e. L'Office a procédé à l'audition d'A______ le 29 juillet 2022 afin de déterminer son minimum vital et la quotité saisissable de ses revenus. Sur la base des pièces produites par la débitrice et des déclarations de cette dernière, il a retenu des charges mensuelles incompressibles de 3'854 fr. 55 composées de frais de logement de 2'041 fr. 75 (équivalent de 2'100 euros pour un logement situé impasse 2______ / France), d'une prime d'assurance maladie de 502 fr. 65, des frais de transports de 70 fr., des frais d'électricité de
182 fr. 56, des frais de fourniture en eau de 24 fr. et un montant de base de d'entretien de 1'020 fr. pour une personne vivant seule (réduit compte tenu du coût de la vie inférieur en France). L'Office a ainsi déterminé la quotité saisissable des revenus de la débitrice à 4'352 fr. 10 par mois (8'206 fr. 65 – 3'854 fr. 55).

f. L'Office a établi le 2 août 2022 un procès-verbal de séquestre en ce sens qu'il a notifié le même jour à la débitrice par pli recommandé, retiré à La Poste le
5 août 2022.

B. a. Par acte expédié le 15 août 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de Genève (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre ce procès-verbal de séquestre, reprochant à l'Office une atteinte à son minimum vital; elle souhaitait voir ajouter les charges mensuelles suivantes dans le calcul de la quotité saisissable de ses revenus : prime d'assurance obligatoire du logement de 55 euros 75, location d'un garde-meuble de 560 fr. suite à l'évacuation de son logement en Suisse, entretien de la tombe de sa sœur 93 fr. 75, frais et honoraires de trois avocats successifs, à régler par acomptes selon arrangements à, respectivement, 400 fr., 150 fr. et 400 fr., leasing d'un ordinateur de 140 fr. et mise de côté mensuelle de 300 fr. pour un traitement dentaire à entreprendre, d'un coût total de 3'000 fr.

b. Dans ses observations du 1er septembre 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que les postes que la plaignante souhaitait voir ajouter à son minimum vital, pour certain n'appartenaient pas à la définition de ce dernier et, pour d'autres, étaient déjà compris dans le montant de base d'entretien.

c. Aucune observation n'a été requise du créancier.

d. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
6 septembre 2022 que la cause était gardée à juger.

e. Par courriers des 14 et 20 septembre 2022, l'Office et le créancier ont informé la Chambre de surveillance du fait que la débitrice avait allégué, dans le cadre de son opposition au séquestre formée le devant le Tribunal, qu'elle serait en réalité domiciliée depuis plusieurs années au Maroc. L'Office persistait dans les mesures qu'il avait prises, fondées sur l'état de fait connu au moment de leur prononcé; il demandait en revanche que la plaignante soit invitée à se prononcer sur les faits nouveaux allégués par le CANTON DE VAUD. Ce dernier demandait à pouvoir se déterminer.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. La plaignante reproche à l'Office une atteinte à son minimum vital dans l'exécution du séquestre qui la vise. Elle souhaite que des charges complémentaires soient retenues.

2.1.1 Les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie, notamment l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP qui déclare insaisissable la rente AVS et l'art. 93 LP qui déclare relativement insaisissable les revenus, s'appliquent à l'exécution du séquestre (art. 275 LP).

2.1.2 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail et les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinées à couvrir une perte de gain ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; il déduit ensuite du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.3 Si des revenus du débiteur sont insaisissables au sens des articles 92 et 93 LP, ils sont néanmoins ajoutés aux revenus saisissables afin de calculer la part saisissable (ATF 135 III 20 consid. 5.1).

2.1.4 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP).

La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul elle s'élève à 1'200 fr. (art. 1 NI; Ochsner, op. cit., p. 132). Elle peut être réduite en raison du coût de la vie inférieur dans le pays du domicile du débiteur par rapport à la Suisse; ainsi, à Genève, une réduction de 15% pour un débiteur domicilié en France est admise (Ochsner, op. cit., p. 135; décision de la Chambre de surveillance DCSO/494/20 du 17 décembre 2020 consid. 2.2.1; cf. en matière civile arrêts de la Cour de justice ACJC/1326/2016 du 7 octobre 2016 consid. 5.1.1; ACJC/407/2015 du 10 avril 2015 consid. 5.2.1).

2.2 En l'espèce, la plaignante bénéficie de deux sources de revenus qu'il y a lieu de cumuler pour le calcul de la part saisissable, sa rente AVS et sa rente du
2ème pilier, soit un total de 8'206 fr. 65. De ce montant, l'Office a déduit un certain nombre de charges qui ne sont contestées ni dans leur principe, ni dans leur quotité de sorte qu'il n'y sera pas revenu. La plaignante souhaite en revanche que des charges suivantes y soient ajoutées qui devront toutefois être écartées : la prime d'assurance du logement et le leasing d'un ordinateur font partie du montant de base d'entretien et n'ont pas à être ajoutés en tant que charge spécifique au minimum vital. La location d'un garde-meuble, l'entretien de la tombe d'un proche et des frais d'avocat passés, à régler par acomptes, ne font pas partie du minimum vital tel que défini ci-dessus. Les frais futurs de traitement dentaire ne sont pas effectifs et ne peuvent être pris en compte actuellement.

Les postes que la plaignante souhaite ainsi voir compris dans son minimum vital ne peuvent l'être et, globalement, le calcul de la quotité de saisissable des revenus de la plaignante ne consacre pas une atteinte à son minimum vital. La plainte sera par conséquent rejetée.

3. Alors que la cause a été gardée à juger, l'Office et le créancier attirent l'attention de la Chambre de surveillance sur la découverte d'une circonstance nouvelle, à savoir que le domicile de la plaignante ne serait pas en France, mais au Maroc.

3.1 Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de
l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de
l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie déjà, et non au stade de la procédure de plainte (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, n. 65 ad art. 93 LP).

C'est également au débiteur qu'il incombe en principe d'informer l'Office de toute modification des circonstances propre à entraîner une modification de l'ampleur de la saisie (WINKLER, Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz / Vock [éd.], n° 82 ad art. 93 LP). Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'Office doit immédiatement les élucider et, le cas échéant, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2; WINKLER, op. cit., n° 83 ad art. 93 LP).

3.2 En l'espèce, la Chambre a été saisie d'une plainte comportant un certain nombre de griefs contre l'exécution d'un séquestre, effectuée sur la base d'un état de fait donné, établi par l'instruction de l'Office. Il lui appartient d'examiner les griefs à la lumière de l'état de fait connu de l'Office au moment de prendre sa décision. En revanche, une modification des circonstances sur la base desquelles l'Office a rendu la décision entreprise implique que l'Office procède à une nouvelle instruction et rende une nouvelle décision fondée sur le nouvel état de fait qui aura pu être établi.

La Chambre ne se saisira par conséquent pas de l'instruction et des conséquences sur la décision entreprise d'un éventuel domicile au Maroc de la plaignante. De telles circonstances n'entraînent en tout état pas la nullité au sens de l'art. 22 LP du séquestre et de ses mesures d'exécution que la Chambre de surveillance devrait constater d'office (aucune incidence sur le for du séquestre ou sur la compétence des autorités de poursuites; aucune atteinte flagrante au minimum vital – qui sera calculé, au contraire, de manière encore plus serrée si un domicile au Maroc devait être avéré).

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le15 août 2022 par A______ contre le procès-verbal de séquestre du 2 août 2022, n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Ordonne la communication de la présente décision au CANTON DE VAUD, soit pour lui l'Office d'impôt des Districts de D______ et E______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.