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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/219/2021

DCSO/43/2022 du 03.02.2022 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : lp.221; lp.227; lp.92.al2; lp.228; co.268; lp.224; lp.5
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/219/2021-CS DCSO/43/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 3 FEVRIER 2022

 

Plainte 17 LP (A/219/2021-CS) formée en date du 18 janvier 2021 par A______ SARL EN LIQUIDATION (agissant par son gérant président B______), B______ et C______, élisant tous domicile en l'étude de Me Alain Vuithier, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ SARL EN LIQUIDATION

agissant par son gérant président B______

c/o Me Alain Vuithier, avocat

Chemin de la Clergère 23

Case postale 303

1009 Pully.

- B______

c/o Me Alain Vuithier, avocat

Chemin de la Clergère 23

Case postale 303

1009 Pully.

 

- C______

c/o Me Alain Vuithier, avocat

Chemin de la Clergère 23

Case postale 303

1009 Pully.

-       Office des faillites


EN FAIT

A. a. A______ Sàrl, sise 1______ [à] Q______ [GE], et ayant notamment pour but la distribution de produits de luxe, a été déclarée en faillite, par jugement JTPI/10469/2020 du Tribunal de première instance du 1er septembre 2020.

B______ en était le gérant président, avec signature individuelle, et D______ SA (dont la faillite, prononcée à la même date, a été clôturée faute d'actifs) détenait des parts de cette société.

b. Interrogé par l'Office des faillites les 11 et 14 septembre 2020 en vue de réaliser un inventaire des actifs de A______ Sàrl, B______ a notamment déclaré que la société avait été mise au bénéfice d'un sursis concordataire après avoir contracté des dettes, sursis qui avait finalement été révoqué. Depuis septembre 2016, la société avait tenté, sans succès, de trouver des investisseurs. Avant la situation liée au COVID-19, un investisseur s'était montré prêt à investir plusieurs millions, mais la crise sanitaire avait donné lieu à un effondrement du marché, ce qui avait mis fin au projet d'investissement.

Dans le cadre de son audition par l'Office, B______ a également expliqué que la faillie occupait des locaux sis 1______ à Q______, mais que le contrat de bail était au nom de D______ SA.

c.a Par courrier du 28 septembre 2020, le propriétaire des locaux sis 2______ à Q______, représenté par la régie E______, a produit une créance de 108'441 fr. 70 dans la faillite, pour les arriérés de loyer accumulés par A______ Sàrl au 31 janvier 2016. Ledit courrier indique qu'un état des lieux de sortie des locaux avait été effectué le 4 août 2016, étant précisé que plus aucun bien ne se trouvait dans les locaux, qui avaient été reloués depuis lors. Aucun droit de rétention n'est invoqué.

c.b Pour sa part, C______, ancienne employée de la faillie, a produit une créance de 108'681 fr. 70 correspondant à des arriérés de salaires.

d. Par pli du 5 octobre 2020, F______, chargée de faillite, a informé B______ de ce qu'elle cherchait à le joindre afin de discuter de la valeur de certains objets dans le cadre de l'inventaire des biens de A______ Sàrl, en liquidation. Elle demandait à B______ de la contacter rapidement, afin qu'il lui indique si certains biens avaient une valeur modeste ou non, étant précisé que les clés des locaux devaient être restituées au bailleur.

e. Par courriel du 12 octobre 2020, B______ a remis à l'Office un listing de matériel (avec photos à l'appui) d'une valeur totale estimée – sur la base de recherches sur des sites de revente en ligne de matériel d'occasion – à 14'600 fr. ainsi qu'un listing de nombreux composants de haute horlogerie indiquant, pour chaque composant cité, la valeur à neuf et le nombre de pièces, le total représentant un montant de plusieurs centaines de milliers de francs.

f. Dans l'intervalle, par courrier du 9 octobre 2020, l'association G______ (ci-après: G______) s'est manifestée auprès de l'Office dans le but d'obtenir les composants des mouvements et le matériel se raccordant au service après-vente dans le but de reprendre l'activité de A______ Sàrl, en liquidation. L'association souhaitait également savoir si des employés s'étaient trouvés au chômage à la suite de la faillite de A______ Sàrl, expliquant que son but était de les maintenir en activité, de les aider à retrouver un travail et de former des jeunes dans le domaine. L'association se tenait en outre gracieusement à disposition pour le cas où l'Office devrait recourir à un expert horloger spécialisé pour établir l'inventaire des biens de la faillie.

g. Le 29 octobre 2020, la chargée de faillite s'est, selon les explications de l'Office, rendue dans les locaux occupés par A______ Sàrl à 1______ à Q______, en compagnie d'un autre collaborateur de l'Office et de plusieurs horlogers de l'association susvisée, pour y expertiser les biens appartenant à la faillie. Selon ses déclarations, seul un petit nombre de composants – beaucoup moins qu'indiqué par le listing communiqué par B______ – se trouvait sur place.

Après examen des pièces et des locaux, lesdits horlogers auraient affirmé que le stock de composants qui s'y trouvait n'était pas suffisant ou utilisable en l'état pour produire une montre et qu'il fallait "beaucoup de travail pour pouvoir utiliser ces pièces". Ils auraient ajouté que cela pourrait éventuellement être utilisable pour "dépanner" des propriétaires de montres existantes, pour le service après-vente.

h.a Le 6 janvier 2021, l'Office a dressé un procès-verbal d'inventaire dans lequel figurait, sous la rubrique M5, un lot de composants estimé, à sa valeur de liquidation, à 100 fr. (d'autres composants et pièces apparaissant sous les rubriques M23 et M24, pour une valeur d'estimation totale de 120 fr.), ainsi que, sous la référence M28, divers appareils et outils d'horlogerie (notamment H______ et I______, J______, appareil de contrôle de montres K______, appareil de contrôle étanchéité L______, fraiseuse, machine de nettoyage M______, appareil de rotation cyclotest, machine à cercler, touret N______, fraiseuse, binoculaire avec bras, balance O______ de marque P______, compresseur et divers autres appareillages) estimés à 1'000 fr. au total. Les biens précités, ainsi que ceux figurant sous rubriques M4, M6 à M27 ainsi que M29 ont été déclarés insaisissables au sens de l'art. 92 LP, référence étant également faite à l'art. 224 LP, à teneur duquel l'Office laisse à la disposition du failli les biens énumérés à l'art. 92, mais les porte néanmoins dans l'inventaire.

Dans les remarques, il est indiqué que "la société louait des locaux à 1______ [à] Q______. Le bailleur avait un droit de rétention sur les biens mobiliers s'y trouvant et a récupéré les locaux. Ces objets ont été déclarés insaisissables par notre Office au sens de l'article 92.2 LP".

Le document en question ne mentionne pas le nom des personnes qui ont collaboré avec F______ pour la réalisation de l'inventaire.

h.b Lors de son audition par l'autorité de céans, F______ a déclaré que c'était sur la base des indications des horlogers de l'association G______ que les valeurs figurant à l'inventaire avaient été retenues, tout en précisant que lorsque les intéressés avaient "expertisé" les composants, il n'était pas encore question qu'ils les reprennent.

i. L'ensemble des biens déclarés insaisissables par l'Office ont été remis, à titre gratuit, à l'association G______, sans l'accord de la faillie.

L'Office soutient, sans que cela ne soit documenté, que les actifs déclarés insaisissables par l'Office avaient été laissés à la libre disposition du bailleur, en vertu de son droit de rétention, et que celui-ci les avait cédés à l'association G______ afin de pouvoir reprendre possession des locaux en vue de leur location.

Pour leur part, B______ et C______ font valoir que G______ a trompé l'Office en sous-estimant volontairement la valeur des composants, de manière à pouvoir les obtenir aux meilleures conditions possibles.

j. Par courriel du 6 janvier 2021, F______ a communiqué l'inventaire précité à B______ pour examen et signature, étant précisé qu'à défaut de réponse de sa part dans un délai échéant au 13 janvier 2021, il serait considéré que l'intéressé reconnaissait cet inventaire comme exact et complet.

Devant l'autorité de céans, B______ a affirmé avoir reçu cet inventaire après s'être inquiété auprès de l'Office de rumeurs selon lesquelles les composants litigieux auraient été donnés. Il ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas été consulté auparavant.

Pour sa part, F______ a indiqué que B______ était difficile à joindre et qu'il avait fallu libérer les locaux, raison pour laquelle ils avaient agi de la sorte.

B. a. Par acte expédié le 18 janvier 2021 à la Chambre de surveillance, B______, C______ et A______ Sàrl, en liquidation, agissant par son gérant président, B______, ont formé plainte au sens de l'art. 17 al. 1 LP contre l'estimation des biens inventoriés par l'Office et ont conclu à ce que les actifs cédés à titre gratuit à l'association G______ soient restitués à la faillie, avec suite de dépens. Subsidiairement, ils ont sollicité que l'Office permette à la faillie de récupérer les biens déclarés comme étant sans valeur de liquidation.

A l'appui de ces conclusions, les plaignants ont soutenu que le montant de l'estimation effectuée par l'Office était manifestement trop bas, au regard des listings fournis par B______, dont il résulte que les divers appareils et outils pour horlogerie de précision ont une valeur bien supérieure à celle retenue. De plus, dans la comptabilité de la faillie figure un montant de 648'348 fr. 46, représentant l'estimation de la valeur de 57'125 composants de haute horlogerie, lesquels n'apparaissent même pas dans l'inventaire. A supposer que lesdits composants soient ceux que l'Office a mentionnés sous rubrique M23 de l'inventaire (listés comme suit: meubles, layettes à tiroirs où se trouvent quelques vis et quelques composants), ceux-ci ont été estimés à 100 fr., de sorte qu'ils seraient largement sous-évalués, ce qui serait de nature à porter préjudice aux créanciers de la faillie, ainsi qu'à son associé-président, en cas d'une éventuelle action en responsabilité qui pourrait être déposée à son encontre.

Les plaignants reprochent par ailleurs à l'Office de ne pas avoir approché des sociétés actives dans l'horlogerie en vue d'une éventuelle vente du matériel de gré à gré, voire certains créanciers, afin de leur proposer une offre.

Faute d'avoir agi dans ce sens, l'Office aurait dû laisser à disposition de la faillie les biens inventoriés comme insaisissables ou considérés comme étant sans valeur.

b. Dans ses observations du 18 février 2021, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte en tant qu'elle était formée au nom de A______ Sàrl, en liquidation, puisque seule l'administration de la faillite pouvait la représenter et que celle-ci n'avait conféré aucune procuration à un tiers.

L'Office a par ailleurs conclu au rejet de la plainte de B______ et C______, au motif que la valorisation des actifs à laquelle il avait procédé était correcte, puisqu'il n'était pas lié par les évaluations du stock figurant au bilan de la faillie, seul ce qui est constaté sur place lors de la prise d'inventaire étant déterminant. L'Office a fait valoir que la chargée de faillite qui s'était rendue dans les locaux de la faillie pour procéder à l'estimation des biens avait constaté que les deux listings fournis par B______ étaient exagérés et ne correspondaient pas aux objets qui se trouvaient sur place: le mobilier, de type Ikea, était sans valeur, et les tiroirs des meubles contenant les composants horlogers étaient quasiment tous vides. Il ne restait que quelques pièces et boîtes avec des composants tels que des vis. Face à ce constat, la responsable du dossier a décidé de s'écarter des inventaires remis par la faillie, tant en ce qui concernait la quantité de matériel que leur valorisation, qui a été revue à la baisse, afin que cela corresponde à une valeur de liquidation. L'Office a ajouté que depuis l'ouverture de la liquidation de la faillite, il n'avait reçu aucune offre chiffrée permettant d'envisager une valorisation des actifs et/ou une quelconque vente.

c. Le 1er juin 2021, la Chambre de surveillance a tenu une audience de comparution personnelle des parties, à l'issue de laquelle, les parties ayant renoncé à solliciter des actes d'instruction supplémentaires, la cause a été gardée à juger.

d. Les plaignants ont adressé des déterminations spontanées à l'autorité de céans le 7 juin 2021, accompagnées de diverses pièces.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La voie de la plainte auprès de l'autorité de surveillance est notamment ouverte contre l'estimation d'un bien du failli (Vouilloz, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 4 ad art. 227 LP) ou la façon dont il y a été procédé (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2001, n. 9 ad art. 228 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). Un intérêt n'est digne de protection que s'il est direct, c'est-à-dire directement lié à l'objet de la contestation. Pour que cette relation existe, il faut qu'il y ait effectivement un préjudice porté de manière immédiate à la situation personnelle du plaignant. Un intérêt théorique à la solution d'une question ne suffit pas, pas plus qu'un intérêt général. Au contraire, l'intérêt digne de protection réside dans l'utilité pratique que l'admission de la plainte apporterait au plaignant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision ou la mesure attaquée lui occasionnerait (Gilliéron, op. cit., n. 141, 155 et 156 ad art. 17 LP).

Selon la jurisprudence (ATF 103 III 21 consid. 1; 101 III 43 consid. 1; 95 III 25 consid. 2; 94 III 83 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_50/2015 du 28 septembre 2015 consid. 3.2), le failli a qualité pour contester par la voie de la plainte une décision de l'administration de la faillite ou des créanciers s'il est touché dans ses droits ou intérêts juridiquement protégés, ce qui est notamment le cas lorsque cette décision est contraire aux dispositions légales visant à assurer la réalisation la plus avantageuse possible des actifs tombant dans la masse. L'arbitraire, l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation dont dispose l'administration de la masse ou l'assemblée des créanciers doivent, dans ce contexte, être assimilés à une violation de la loi, mais le failli ne peut contester l'opportunité de la décision.

En application de ces principes, la qualité du failli pour former une plainte a été admise pour des décisions portant sur des mesures de réalisation des actifs (ATF 101 III 43 consid. 1), des mesures conservatoires (ATF 94 III 83 consid. 3), et le choix du mode de liquidation de la faillite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_50/2015 précité, consid. 3.2.2). Le failli dispose notamment d'un intérêt à porter plainte contre une décision concernant la détermination des biens de stricte nécessité ou la vente des actifs (Erard, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 25 ad art. 17 LP).

Le fait que le failli soit une personne morale, dont la faillite a entraîné la dissolution (art. 736 ch. 3 CO), ne l'empêche pas de former une plainte si elle est en désaccord avec l'administration de la faillite ou l'assemblée des créanciers. Elle agit alors par ses organes, conformément à l'art. 740 al. 5 CO (ATF 88 III 28 consid. 2a).

Ont par ailleurs intérêt à déposer plainte les créanciers contre le refus de l'administration de la faillite de porter un objet à l'inventaire (Erard, op. cit., n. 29 ad art. 17 LP).

1.2 En l'occurrence, la plainte, qui respecte les formes prévues par la loi, comporte une motivation et des conclusions; elle a été déposée en temps utile à l'encontre de mesures de l'Office susceptibles d'être contestées par cette voie.

La qualité pour former plainte de C______, laquelle a produit sa créance dans la faillite de A______ Sàrl, n'est à juste titre pas remise en cause.

L'Office soutient que la faillie ne dispose pas de la qualité pour former plainte, au motif que seule l'administration de la faillite serait habilitée à la représenter, conformément à l'art. 240 LP. L'Office perd cependant de vue que B______, en sa qualité de gérant président de la faillie, conserve un pouvoir de représentation sur la base de l'art. 740 al. 5 CO (applicable par renvoi de l'art. 826 al. 2 CO), dans la mesure où c'est précisément la légalité de mesures de l'Office qui est contestée.

La plainte est donc recevable en tant qu'elle a été formée par C______ et par la faillie agissant par son gérant président.

En revanche, la plainte formée par B______ en personne sera déclarée irrecevable, faute pour ce dernier de disposer d'un intérêt propre, concret et direct à l'annulation des mesures en cause. En effet, l'on ne voit pas en quoi les mesures contestées portent préjudice à la situation personnelle de l'intéressé. La simple allégation d'une action en responsabilité qui pourrait hypothétiquement être intentée contre lui n'étant pas suffisante à cet égard, étant relevé qu'il ne résulte pas du dossier, en particulier de l'inventaire présentement contesté, que la faillie disposerait d'une prétention en dommages-intérêts à faire valoir contre lui en réparation d'un quelconque dommage causé à la société.

1.3 En vertu du droit inconditionnel à la réplique, chaque partie a le droit de se déterminer sur l'ensemble des actes de l'adverse partie ou du tribunal (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1).

La recevabilité de la détermination spontanée et de ses annexes, qui ont adressées à la Chambre de céans par les plaignants dans les dix jours ayant suivi la réception de l'avis de clôture de l'instruction – alors même que les plaignants avaient expressément renoncé à solliciter des actes d'instruction complémentaires –, peut demeurer indécise, compte tenu de l'issue de la présente procédure.

2. Les plaignants ont invoqué plusieurs dénis de justice, reprochant notamment à l'Office de ne pas avoir laissé à disposition de la faillie les biens qui ont été déclarés insaisissables.

Il ne peut cependant être question d'un déni de justice lorsqu'une mesure ou une décision, susceptible d'être attaquée dans les dix jours, a été prise, fût-elle illégale ou irrégulière (ATF 119 III 1, JdT 1995 II 103; 105 III 107). Tel est le cas en l'espèce, puisque l'Office, après avoir dressé l'inventaire, a décidé de céder les biens litigieux au bailleur en faveur de son droit de rétention, ce qui fait également l'objet de la présente procédure de plainte (cf. consid. 4).

3. Les plaignants reprochent à l'Office d'avoir largement sous-estimé la valeur des objets inventoriés et demandent que celui-ci soit invité à procéder à une nouvelle estimation des biens listés sous rubriques M4 à M29 de l'inventaire.

3.1.1 Dès que l'Office a reçu communication de l'ouverture de la faillite, il procède à l'inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation (art. 221 LP). L'inventaire comprend également les créances du failli contre des tiers, qu’elles soient contestées ou non, ainsi que les droits et prétentions de la masse, telles que les prétentions en responsabilité contre un organe du failli et les prétentions révocatoires (Vouilloz, op. cit., n. 4 ss ad art. 221 LP et les références citées ; Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 55).

L’inventaire est un acte interne de l’administration de la faillite, qui ne détermine ni lesquels des biens du failli seront réalisés pour désintéresser les créanciers, ni même ne préjuge de la composition du patrimoine du failli au jour de la faillite (Gilliéron, op. cit., n. 35 ad art. 221 LP). 

Pour dresser l’inventaire, l’Office se fonde notamment sur les livres comptables et les papiers d’affaires qu’il a pris sous sa garde (art. 223 al. 2 LP), et l’interrogatoire du failli (art. 37 OAOF). L’Office doit, en tous les cas, mener des investigations sérieuses et diligentes, afin de déterminer la situation réelle du failli (DCSO/551/03 du 28 novembre 2003 consid. 3 ; DCSO/78/2005 du 2 février 2005 consid. 2.c).

Chaque objet porté à l'inventaire est estimé par l'Office (art. 227 LP; art. 25 OAOF), avec le concours éventuel d'experts (Vouilloz, op. cit., n. 2 ad art. 227 LP). L'inventaire doit comporter le nom de toutes les personnes qui y ont collaboré (art. 29 al. 1 OAOF). Le préposé et les experts qu’il s’est adjoints le cas échéant doivent signer l’inventaire (art. 29 al. 2 OAOF). La décision de recourir ou non à un expert appartient au fonctionnaire de l'Office. Cela étant, le recours à un expert s'impose lorsque le préposé ne dispose pas des connaissances particulières nécessaires à l'estimation des biens. Cela vaut notamment et d'une manière générale pour les immeubles, les œuvres d'art, les machines, etc. Rien ne s'oppose toutefois à ce que le préposé procède lui-même à l'estimation de tels biens s'il dispose des compétences pour le faire (De Gottrau, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 10 ad art. 97 LP et les références citées).

L’estimation à faire figurer dans l’inventaire doit correspondre au produit prévisible de la réalisation du droit inventorié (Schober, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 1 ad art. 2267 LP), soit, pour un meuble et en principe, le prix pouvant être obtenu lors d’une vente aux enchères publiques intervenant en Suisse, voire, selon les circonstances, la valeur qu'il serait possible d'obtenir d'une vente de gré à gré. Pour prendre sa décision, l'Office doit tenir compte de l'état local du marché, notamment lorsqu'il s'agit de réaliser des objets d'occasion, et des expériences faites avec des objets du même genre (Gilliéron, op. cit., n. 16-17 ad art. 227 LP; Schober, op. cit., N 4 ad art. 227 LP). Une valeur au bilan (par exemple la valeur d'un stock de marchandise) ne peut ni ne doit être simplement reprise comme valeur d'estimation (Vouilloz, op. cit., n. 1-2 ad art. 227 LP).

Les droits patrimoniaux énumérés à l'art. 92 LP – soit les biens de stricte nécessité et ceux dont il y a lieu d'admettre d'emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas – et que l'Office entend laisser à la disposition du failli sont portés à la fin de l'inventaire, en indiquant dans leur énumération les numéros qui leur ont été attribués dans l’inventaire (art. 224 LP; 31 al. 1 OAOF). Si le failli renonce à ses droits sur tout ou partie des biens à lui attribuer, cet abandon est porté à l’inventaire par mention signée du failli (art. 31 al. 3 OAOF).

L’inventaire, même reconnu et signé par le failli (art. 228 LP ; art. 29 et 30 OAOF), peut être rouvert et complété jusqu’à la clôture de la faillite (DCSO/458/03 du 27 octobre 2003 consid. 3 et 5.b ; DCSO/78/2005 du 2 février 2005 consid. 3.a).

3.1.2 La violation des règles sur l'établissement de l'inventaire, mesure interne de l'administration de la faillite ne produisant aucun effet à l'égard des tiers et ne fixant pas encore définitivement l'appartenance des biens à la masse, n'est pas sanctionnée de nullité absolue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_543/2011 du 14 novembre 2011 consid. 2.1 et les références citées).

La nullité ou l'annulation ne peut plus être constatée ou prononcée lorsque l'acte de poursuite ne peut plus être révoqué ou corrigé, par exemple lorsque l'adjudicataire a disposé du bien adjugé en faveur d'un tiers de bonne foi, dont le titre de propriété apparaît incontestable (ATF 98 III 57, JdT 1972 II 116, 73 III 141; cf. art. 933 et 973 CC). Dans ce cas, lorsque la restitution de l’objet réalisé est impossible, le lésé ne peut faire valoir ses droits que par la voie d'une action en responsabilité au sens de l'art. 5 LP (Bettschart, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 19 ad art. 132a LP). On ne saurait en revanche refuser d'annuler une réalisation forcée ou d'en constater la nullité avant l'expiration du délai absolu en considération des droits de l'adjudicataire, de l'acquéreur de gré à gré ou de l'attributaire. En effet, celui-ci doit compter avec le risque d'être privé de la propriété de la chose vendue, du fait que la réalisation peut être remise en cause dans le délai d'une année (Bettschart, op. cit., n. 20 ad art. 132a LP).

3.2 En l'occurrence, tant l'estimation des biens figurant à l’inventaire que la manière de procéder de l’Office pour cette estimation sont remis en cause par les plaignants.

3.2.1 S'agissant en premier lieu des machines et meubles inventoriés – en bloc – sous rubrique M28 de l'inventaire, l'Office en a estimé la valeur de réalisation en se fondant sur le prix qui pourrait en être obtenu dans le cadre d'une vente aux enchères forcées, qu'il a évalué à 1'000 fr. sur la base de sa propre expérience de telles ventes. A cet égard, aucun élément du dossier ne permet de retenir que, à tout le moins dans le cadre d'une vente aux enchères traditionnelle telle que régie par les art. 257 à 259 LP, cette estimation du produit de la vente serait erronée.

On peut certes se demander si, dans les circonstances d'espèce, le critère choisi par l'Office pour évaluer la valeur des biens inventoriés était adéquat. Il lui incombe en effet, lorsqu'il procède à une telle estimation, de tenir compte du mode de réalisation apparaissant, selon ses prévisions, le plus avantageux afin d'obtenir le meilleur résultat possible pour les créanciers (Schober, op. cit., N 4 ad art. 227 LP). Or il paraît peu probable en l'occurrence qu'une vente aux enchères publiques "traditionnelle" au sens des art. 257 à 258 LP ait répondu à cette préoccupation. L'Office aurait plutôt dû se fonder – au vu notamment des informations fournies par le gérant de la faillie selon lesquelles les valeurs qu'il indiquait résultaient de recherches sur internet – sur l'hypothèse d'une réalisation par voie de vente de gré à gré ou sur celle d'une vente aux enchères sur les plateformes en ligne au sens de l'art. 9 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural (RS 272.81), applicable lors de l'établissement de l'inventaire et l'étant resté jusqu'au 31 décembre 2021. Les plaignantes n'ont, cela étant, produit aucune pièce – telle un extrait de site de vente en ligne – de nature à établir que l'un ou l'autre des meubles inventoriés sous rubrique M28 de l'inventaire aurait effectivement pu être réalisé de gré à gré ou par le biais d'une vente aux enchères en ligne pour un prix de l'ordre de celui indiqué par ledit gérant, et aucun autre élément du dossier ne permet de considérer que l'utilisation d'un tel critère, bien qu'en soi plus adapté, aurait conduit l'Office à admettre une valeur d'estimation plus élevée.

Compte tenu du pouvoir d'appréciation dont dispose l'Office dans le cadre de l'estimation des biens meubles inventoriés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_871/2017 du 20 février 2018 cons. 3.3.3), il faut ainsi considérer que la valeur d'estimation de 1'000 fr. attribuée aux objets énumérés sous rubrique M28 de l'inventaire ne consacre aucune violation de la loi et n'est pas disproportionnée.

La plainte doit donc être rejetée en tant qu'elle porte sur l'estimation des objets énumérés sous rubrique M28 de l'inventaire.

Elle doit également l'être, faute de grief invoqué en relation spécifique avec cette question, en tant qu'elle porte sur la décision de l'Office de déclarer ces mêmes objets insaisissables en application de l'art. 92 al. 2 LP.

3.2.2 La procédure d'inventaire et d'estimation des composants de montres retrouvés dans les locaux de la faillie a pour sa part été entachée de nombreuses irrégularités.

En premier lieu, la nature et la quantité des composants inventoriés ne résulte pas de l'inventaire. Selon les explications fournies en audience par l'Office, lesdits composants figurent principalement sous la rubrique M5 de l'inventaire mais également, avec d'autres objets, sous les rubriques M23 et M24. Aucune liste précise n'a été établie et aucune démarche ne paraît avoir été entreprise en vue de documenter d'une quelconque façon – par exemple par des photos – les objets inventoriés. Cette lacune est doublement surprenante dans la mesure où d'une part le listing des composants supposés constituer le stock de la faillie, tel que communiqué à l'Office par le gérant de cette dernière avant que l'Office ne visite les locaux, fait état de valeurs unitaires élevées (p. ex. 1'860 fr. par cadran R______, dont six pièces étaient mentionnées) et où, d'autre part, l'Office a indiqué avoir constaté lorsqu'il s'est rendu sur les lieux qu'il y avait en réalité beaucoup moins de composants que mentionné dans les listings. Tant les règles régissant l'établissement de l'inventaire que la prudence imposaient dans ces circonstances à l'Office d'inventorier les objets effectivement trouvés sur les lieux de manière à ce qu'ils puissent être clairement identifiés par la suite; si le temps nécessité par une telle opération lui paraissait exagéré, l'Office aurait à tout le moins dû prendre des photos des objets trouvés, voire les prendre sous sa garde.

Il est par ailleurs apparu lors de l'instruction de la plainte que certains composants ont été pris sous sa garde par l'Office dès lors qu'ils étaient susceptibles de contenir des métaux précieux. Ce fait ne ressort toutefois pas de l'inventaire.

Ce manque de précision de l'inventaire a pour conséquence qu'il n'est pas possible d'établir dans le cadre de la présente procédure de plainte quels composants ont été inventoriés par l'Office et donc quel était précisément l'objet de l'estimation contestée.

Quant à l'estimation elle-même, l'Office, après avoir fait le choix de recourir à un expert (admettant ainsi ne pas disposer lui-même des connaissances nécessaires à l'évaluation des composants inventoriés), a désigné en cette qualité une association tierce dont il ne pouvait ignorer qu'elle ne présentait pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises. Dans la mesure en effet où ladite association, dans le courrier qu'elle avait adressé le 9 octobre 2020 à l'Office, avait manifesté sans ambiguïté son souhait de récupérer l'outillage et les composants de montre en possession de la faillie afin de reprendre le service après-vente, elle avait un intérêt manifeste à ce que la valeur desdits composants soit estimée au montant le plus bas possible : elle ne pouvait donc fonctionner comme un expert impartial. A cela s'ajoute que, en violation de l'art. 29 al. 2 OAOF, les membres de l'association intervenus en qualité d'expert ne sont pas mentionnés dans l'inventaire et ne l'ont pas signé.

Ces manquements ont pour conséquence – en particulier du fait que l'on ignore quels objets ont effectivement été retrouvés et inventoriés – qu'il n'est plus possible aujourd'hui d'examiner si la valeur d'estimation retenue par l'Office pour les rubriques M5, M23 et M24 de l'inventaire était ou non bien fondée. Par voie de conséquence, il n'est pas non plus possible d'examiner si la décision de l'Office de déclarer insaisissables les objets inventoriés sous ces rubriques était ou non conforme à la loi.

Les violations des règles légales constatées ci-dessus devraient en principe conduire à l'annulation des décisions d'estimation et d'insaisissabilité rendues par l'Office, celui-ci devant alors répéter ces opérations. Dans le cas d'espèce toutefois, une telle répétition n'est pas possible, d'une part du fait que les objets inventoriés et estimés ne sont pas déterminés avec précision et d'autre part car leur situation actuelle, pour autant qu'ils n'aient pas disparu par suite de leur utilisation, n'est pas connue avec certitude. La Chambre de céans renoncera donc à prononcer l'annulation des mesures contestées et rejettera dans cette mesure la plainte. Potentiellement lésés par la disparition du produit de réalisation des actifs concernés, les créanciers dans la faillite conservent la possibilité de faire valoir leurs droits éventuels par la voie de l'action en responsabilité prévue par l'art. 5 LP.

4. 4.1.1 Après la prise d'inventaire des biens du failli (art. 221 LP), l'Office des faillites examine si ceux-ci suffisent à couvrir les frais d'une éventuelle liquidation sommaire au sens de l'art. 231 LP (Vouilloz, op. cit., n. 1 ad art. 230 LP). Selon l'art. 39 al. 1 OAOF, au moment où il examine si le produit des biens inventoriés suffit à couvrir les frais d'une liquidation ordinaire, l'Office doit prendre en considération que seul le surplus éventuel de la réalisation des biens remis en gage servira à couvrir les frais généraux de la faillite (cf. art. 262 LP). Si l'Office estime que ce surplus éventuel, ajouté au produit des biens de l'actif non remis en gage, ne suffira pas à couvrir les frais prévus, il doit proposer au juge de la faillite la liquidation sommaire (art. 231 al. 1 ch. 1 LP) ou la suspension de la faillite (art. 230 LP; cf. Vouilloz, op. cit., n. 8 ad art. 231 LP).

Après que le mode de liquidation de la faillite a été déterminé et que l’ouverture de la faillite a été publiée (art. 232 LP), c’est l’administration qui est chargée des intérêts de la masse et pourvoit à sa liquidation (art. 240 LP).

C'est l'intérêt de la masse, c'est-à-dire l'intérêt des créanciers à obtenir le meilleur désintéressement possible, qui doit guider l'administration de la faillite dans tous ses choix, tant pour la gestion que pour la réalisation des actifs de la masse, dans les limites fixées par la loi (DCSO/143/21 du 15 avril 2021 consid. 2.2.2).

4.1.2 Selon l'art. 223 al. 1 LP, l'Office fait fermer et met sous scellés les magasins, dépôts de marchandises, ateliers, débits, etc., à moins que ces établissements ne puissent être administrés sous contrôle jusqu'à la première assemblée des créanciers.

Si les locaux énumérés à l'al. 1er ont seulement été remis à bail au failli et que l'administration de la faillite ne reprendra probablement pas le contrat de bail, l'Office a la faculté de faire évacuer les locaux et de prendre les objets s'y trouvant pour les placer sous sa garde (Vouilloz, op. cit., n. 4 ad art. 223 LP).

4.1.3 Selon l'art. 243 al. 2, 1ère phrase, LP, l'administration réalise sans retard les biens sujets à dépréciation rapide, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés. Un bien est dispendieux à conserver lorsque les frais de conservation sont disproportionnés par rapport à la valeur de la chose (Jeandin/Fischer, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 9 ad art. 243 LP).

4.1.4 Selon l'art. 268 CO, le bailleur de locaux commerciaux a, pour garantie du loyer de l’année écoulée et du semestre courant, un droit de rétention sur les meubles qui se trouvent dans les locaux loués et qui servent soit à l’aménagement, soit à l’usage de ceux-ci (al. 1); le droit de rétention du bailleur grève aussi les meubles apportés par le sous-locataire dans la mesure où celui-ci n’a pas payé son loyer au locataire (al. 2); ne sont pas soumis au droit de rétention les biens qui ne pourraient être saisis par les créanciers du locataire (al. 3).

Le droit de rétention du bailleur constitue, sous l'angle du droit de l'exécution forcée, un droit de gage mobilier (art. 37 al. 2 LP). Il doit donc en principe être exercé par la voie d'une poursuite en réalisation de gage au sens des art. 151 ss. LP (ATF 124 III 215 consid. 1b). Tant que le bailleur n’agit pas en faisant valoir son droit par la prise d'inventaire (cf. art. 283 LP), son droit de gage est latent (Stoffel/Oulevey, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 8 ad art. 283 LP).

La faillite du locataire n'entraîne nullement la perte du droit de rétention dont bénéficie le bailleur, que celui-ci ait ou non concrétisé ce droit par une prise d'inventaire (ATF 124 III 215 consid. 2a; Weber, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6ème éd. 2015, n. 12a ad art. 268-268b CO; Burkhalter/Martinez-Favre, Le droit suisse du bail à loyer, Commentaire SVIT, 2011, n. 24a ad art. 268-268b CO).

Selon l'art. 211a al. 1 LP, entré en vigueur le 1er janvier 2014, les prétentions fondées sur un contrat de durée peuvent être invoquées à titre de créances de faillite dès l'ouverture de celle-ci, mais au plus tard jusqu'au terme le plus proche de résiliation du contrat ou jusqu'à sa date d'expiration.

En matière de contrat de bail, les créances de loyer nées jusqu'au prononcé de la faillite du locataire constituent des dettes du failli, et font donc partie de la masse passive. Les créances de loyer nées après le prononcé de la faillite constituent en revanche en principe des dettes futures auxquelles l'art. 211a al. 1 LP est applicable. Selon une jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'art. 211a al. 1 LP déjà, ces créances futures, lorsqu'elles résultaient d'un bail commercial, devaient être également traitées comme des dettes du failli – et tombaient donc dans la masse passive – dans la mesure du droit de rétention prévu par la loi jusqu'à la fin du rapport de bail mais au plus tard six mois après l'ouverture de la faillite (ATF
124 III 41 consid. 2b).

Le droit de rétention ne peut porter sur des objets insaisissables au sens de l'art. 92 LP. En vertu du droit matériel déjà, «le droit de rétention ne peut pas s'exercer sur des choses qui, de leur nature, ne sont pas réalisables» (art. 896 al. 1 CC). L'art. 268 al. 3 CO concrétise ce principe lorsqu'il dispose que «les biens qui ne pourraient être saisis par les créanciers du locataire» ne sont pas soumis au droit de rétention (Stoffel/Oulevey, op. cit., n. 19 ad art. 283 LP).

4.2 Ayant, dans le cas d'espèce, renoncé à prendre sous sa garde puis à réaliser un certain nombre d'actifs dont il n'est pas contesté qu'ils étaient propriété de la faillie, l'Office se devait en principe, en application de l'art. 224 LP, de les laisser à la disposition de cette dernière, soit, s'agissant d'une personne morale, de ses organes, en l'occurrence son gérant. Quand bien même la disposition précitée vise en premier lieu les biens dits de compétence au sens de l'art. 92 al. 1 LP – et donc les personnes physiques – on ne voit pas en effet pour quelle raison elle ne s'appliquerait pas dans le cadre de la faillite d'une personne morale lorsque, comme en l'espèce, l'Office renonce à réaliser un actif au motif, prévu par l'art. 92 al. 2 LP, que le produit prévisible de sa réalisation serait insuffisant.

En l'espèce toutefois, l'Office a expliqué avoir laissé les actifs concernés à la disposition non pas de la faillie – dont le gérant, selon le dossier, n'a du reste été informé de la décision de les considérer comme insaisissables que plusieurs semaines plus tard – mais du bailleur, ce en vertu du droit de rétention dont celui-ci aurait disposé sur eux.

Un tel droit de rétention ne résulte toutefois pas des pièces du dossier et rien n'indique qu'il ait été invoqué.

La créance produite par le bailleur dans son courrier du 28 septembre 2020 correspond en effet à des loyers impayés par la faillie plus de quatre ans avant le prononcé de sa faillite le 1er septembre 2020 et se rapporte à d'autres locaux que ceux qu'elle occupait au moment du prononcé de la faillite (cf. adresse des locaux donnée par B______, qui correspond à celle à laquelle l'inventaire a été établi), de sorte qu'elle ne pouvait, manifestement et d'emblée, être garantie par un droit de rétention au sens de l'art. 268 CO. Le bailleur en était du reste bien conscient puisque le courrier susmentionné ne contient aucune référence à un hypothétique droit de rétention, mentionnant au contraire que les locaux loués en leur temps à la faillie – et restitués par cette dernière plus de quatre ans avant la déclaration de faillite – ne contenaient plus aucun bien lui appartenant.

Le choix de l'Office de laisser les actifs déclarés insaisissables à la disposition du bailleur plutôt qu'à celle de la faillie ne saurait ainsi se justifier par l'invocation par ce dernier d'un droit de rétention apparemment fondé.

L'Office ne saurait davantage justifier la mesure contestée par l'urgence qu'il y avait à libérer les locaux occupés par la faillie afin d'éviter des charges de loyer. Une telle urgence ne le dispensait en effet pas d'informer la faillie, en la personne de son gérant, de sa décision d'insaisissabilité et de lui donner un (court) délai pour prendre possession des actifs visés, laissés à sa disposition. Or aucun élément du dossier ne fait état d'une telle information, ou même d'une tentative de la transmettre, sous réserve d'une déclaration en audience selon laquelle le gérant de la faillie – dont le numéro de téléphone était pourtant connu de l'Office et qui, selon les pièces du dossier, réagissait aux courriels qui lui étaient adressés – était difficile à joindre. Une bonne partie des actifs déclarés insaisissables étaient par ailleurs de petite taille et auraient donc pu être pris sous sa garde par l'Office le temps que le gérant de la faillie en prenne possession pour le compte de celle-ci.

Il s'ensuit que l'Office a failli sans justification à son obligation, découlant de l'art. 224 LP, de laisser à la disposition de la faillie les actifs qu'il avait considérés comme insaisissables au sens de l'art. 92 al. 2 LP.

Cette violation des règles légales ne peut cependant être aisément corrigée, dans la mesure où les actifs concernés ont dans l'intervalle été transférés à un tiers, l'association G______, laquelle peut a priori se prévaloir des règles relatives à la protection de l'acquéreur de bonne foi (art. 714 al. 2 CC). A cela s'ajoute qu'en raison du caractère insuffisamment précis de l'inventaire la plus grande partie de ces actifs n'est pas déterminable. La Chambre de céans se limitera dans ces conditions à inviter l'Office à soutenir la faillie dans les démarches conformes au droit et raisonnables qu'elle pourrait entreprendre pour recouvrer les actifs inventoriés et déclarés insaisissables, la faillie conservant pour le surplus la possibilité de faire valoir ses droits éventuels par la voie de l'action en responsabilité prévue par l'art. 5 LP.

5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 18 janvier 2021 par C______ et A______ Sàrl, en liquidation, agissant par B______, gérant président, contre le procès-verbal d'inventaire établi par l'Office des faillites le 6 janvier 2021 et le dessaisissement des biens figurant sous rubriques n° M4 à M29.

Déclare irrecevable la plainte en tant qu'elle a été formée par B______ en personne.

Au fond :

Rejette la plainte en tant qu'elle porte sur l'estimation des actifs énumérés sous chiffre M5 à M29 de l'inventaire dressé par l'Office cantonal des faillites dans la faillite de A______ Sàrl en liquidation et sur la décision du même Office de déclarer ces actifs insaisissables.

Admet la plainte de A______ Sàrl en liquidation en tant qu'elle porte sur l'absence de mise à sa disposition des actifs lui appartenant et déclarés insaisissables.

Ordonne en conséquence à l'Office cantonal des faillites à prêter son concours à la faillie dans le cadre des démarches conformes au droit et raisonnables qu'elle déciderait d'entreprendre en vue de recouvrer lesdits actifs.

Rejette la plainte pour le surplus.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et
Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 


 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.