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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1937/2015

DCSO/254/2015 du 20.08.2015 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : LP.221; LP.227
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1937/2015-CS DCSO/254/15

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 20 AOÛT 2015

 

Plainte 17 LP (A/1937/2015-CS) formée en date du 8 juin 2015 par M. E______, élisant domicile en l'étude de Me Cyrille PIGUET, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du à :

- M. E______
c/o Me PIGUET Cyrille
Rue du Grand-Chêne 8
Case postale 5463
1002 Lausanne.

- P______ SA
c/o Office des faillites
Faillite n° 2014 xxxxx0

 

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement n° JTPI/1402/2014 rendu le 27 janvier 2014 dans la cause C/18785/2013, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de P______ SA.

Sur recours de P______ SA, auquel l'effet suspensif a été octroyé par arrêt
ACJC/198/2014 du 10 février 2014, la Cour de justice a confirmé ce jugement par arrêt n° ACJC/855/2014 du 14 juillet 2014, précisant que la faillite prenait effet le 14 juillet 2014 à 12h00.

Le recours en matière civile interjeté auprès du Tribunal fédéral le 15 juillet 2014 contre cet arrêt par P______ SA a été déclaré irrecevable par arrêt du
30 septembre 2014 dans la cause n° 5A_576/2014.

b. M. E______ a été inscrit au Registre du commerce en qualité d'administrateur de P______ SA du 27 mars 2008 au 23 mai 2008, puis en qualité d'administrateur président du 23 mai 2008 au 26 février 2013, et enfin en qualité d'administrateur du 18 février au 22 juillet 2014. Dans l'exercice de ces fonctions, M. E______ a toujours disposé de la signature individuelle pour la société.

M. E______ a également occupé, respectivement occupe encore, des fonctions dirigeantes dans diverses sociétés dans lesquelles P______ SA détient des participations, au nombre desquelles P______ SàRL, dont il est gérant, B______ SàRL, dont il est gérant, et S______ SA, dont il a été administrateur président jusqu'en février 2013.

Le représentant de M. E______ dans la présente procédure de plainte défend par ailleurs les intérêts de S______ SA dans le cadre d'une requête d'ajournement de faillite qu'elle a déposée le xx février 2015.

c. M. E______ a produit dans la faillite de P______ SA pour un montant de 347'309 fr. 28. Cette production a été écartée dans sa totalité par l'Office des faillites (ci-après : l'Office) dans l'état de collocation déposé le xx mai 2015 au motif que la créance invoquée était "non due ou non justifiée".

M. E______ a contesté cette décision de l'Office par une action en contestation de l'état de collocation, la procédure étant toujours en cours.

d. Conformément à l'art. 231 al. 3 ch. 4 LP, l'inventaire dans la faillite de P______ SA a été déposé le xx mai 2015, en même temps que l'état de collocation, et un délai au xx mai 2015 a été imparti aux intéressés pour le contester.

Cette première version de l'inventaire comportait, sous rubriques C1 à C9, diverses participations de P______ SA dans des sociétés tierces (au nombre desquelles P______ SàRL, B______ SàRL et S______ SA), estimées à 1 fr. chacune.

Sous rubrique C11 était inventoriée, pour une valeur estimée à 1 fr., une prétention en responsabilité contre les organes de P______ SA (parmi lesquels
M. E______) à hauteur du montant prévisible du découvert dans la faillite, soit 29'155' 422 fr.

L'argent comptant, pour un montant total de 1'692 fr. 69, faisait l'objet des rubriques A1 et A2.

La valeur totale estimée des biens inventoriées s'élevait ainsi à 1'702 fr. 69 ([10 x 1 fr.] + 1'692 fr. 69).

e. Par courrier adressé le 13 mai 2015 à l'Office, M. E______, représenté par son conseil, a contesté l'inventaire à trois égards.

D'une part, celui-ci omettait à son sens certains actifs de la faillie, à savoir des créances contre divers débiteurs, sociétés proches ou affiliées, actionnaires, etc., dont l'existence et le montant ressortaient de la comptabilité de la faillie.

D'autre part, la prétention en responsabilité à son encontre ne devait pas être inventoriée dans la mesure où elle était contestée.

Enfin, l'estimation retenue par l'Office pour les participations dans des sociétés tierces était trop basse.

f. Par courrier recommandé du xx mai 2015, reçu le lendemain par le conseil de M. E______, l'Office lui a communiqué une nouvelle version de l'inventaire, modifiée pour tenir compte de ses remarques.

Par rapport à la version précédente de l'inventaire, cette nouvelle version comporte les modifications suivantes :

-          l'estimation par l'Office des participations dans d'autres sociétés (rubriques C1 à C9) demeure inchangée, à 1 fr. chacune, mais l'inventaire contient, pour chaque participation, un résumé des informations en possession de l'Office, sur la base desquelles l'actif a été estimé;

-          la rubrique C11 (prétention en responsabilité contre les organes de P______ SA, notamment contre M. E______) est intégralement maintenue;

-          sous rubriques C12 à C26 sont inventoriées diverses créances contre des tiers, essentiellement des proches de la société faillie (au nombre desquels P______ SàRL, B______ SàRL et S______ SA), correspondant à des soldes en compte courant dans les livres de P______ SA, arrêtés au 30 novembre 2013; la valeur de ces créances est estimée à 1 fr. chacune, soit un total de
15 fr.;

-          sous rubriques C27 à C33 sont inventoriées, avec une valeur estimée de 1 fr. chacune, soit un total de 7 fr., sept prétentions révocatoires (à l'encontre notamment de M. E______) en relation avec des cessions d'actifs intervenues en 2012 et 2013.

B. a. Par acte adressé le 8 juin 2015 à la Chambre de surveillance, M. E______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'inventaire modifié le xx mai 2015, concluant principalement à ce que la Chambre de surveillance procède à une nouvelle estimation de chaque objet inventorié, si nécessaire avec l'assistance d'un expert, à ce qu'un rapport relatif à chacune de ces estimations soit établi et à la rectification d'un certain nombre d'erreurs entachant l'inventaire. Subsidiairement, ces tâches devaient être confiées à l'Office. Plus subsidiairement encore, l'inventaire devait être annulé et la cause renvoyée à l'Office pour nouvelle instruction, suivie d'une nouvelle décision.

En substance, M. E______ reprochait à l'Office d'avoir estimé les biens inventoriés de manière hasardeuse, sans procéder à un réel examen, ce qui l'avait conduit à sous-estimer la valeur des participations détenues par P______ SA dans d'autres sociétés, notamment P______ SàRL, B______ SàRL et S______ SA, lesquelles étaient propriétaires d'un immeuble, ainsi que celle des créances contre divers débiteurs, l'Office disposant à cet égard des documents nécessaires pour déterminer lesquelles pouvaient être recouvrées.

L'inventaire était en outre affecté d'un "grand nombre d'erreurs", qui devaient être rectifiées.

b. Dans ses observations datées du 30 juin 2015, l'Office s'en est rapporté à justice sur la recevabilité de la plainte et a conclu à son rejet. Selon lui, lorsque comme en l'espèce la masse en faillite ne disposait pas des liquidités nécessaires pour conduire des procédures judiciaires, les actifs dont le recouvrement impliquerait de telles procédures pouvaient être estimés à une valeur voisine de zéro. L'expérience enseignait en effet que la cession de tels actifs à certains créanciers en application de l'art. 260 LP ou leur réalisation selon l'art. 256 al. 1 à 3 LP (par renvoi de l'art. 260 al. 3 LP) ne permettait pas à la masse d'espérer obtenir un produit. C'est sur la base de ce raisonnement que les actifs inventoriés sous chiffres C1 à C33, après avoir été dûment analysés, avaient été estimés à 1 fr. chacun. S'agissant en particulier des participations dans les sociétés P______ SàRL, B______ SàRL et S______ SA, il résultait des éléments de fait fournis par le plaignant lui-même que leur valeur avait été correctement estimée. Pour le surplus, ses critiques, globales et non motivées, étaient irrecevables.

L'Office a par ailleurs conclu à ce que la Chambre de surveillance fasse application à l'encontre du plaignant de l'art. 20a al. 2 ch. 5 LP.

c. La détermination de l'Office a été communiquée au conseil de M. E______ par pli du 3 juillet 2015.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Pauline Erard, in CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 25 et 26 ad art. 17 LP; Markus Dieth/Georg J. Wohl, in Kurzkommentar SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 11 et 12 ad art. 17 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 En l'occurrence, la plainte a été déposée dans les forme et délai prévus par la loi et est dirigée contre une mesure de l'Office – l'estimation de la valeur des actifs inventoriés selon l'art. 227 LP – pouvant être attaquée par la voie de la plainte (Urs Lustenberger, in BaK SchKG, 2ème édition, 2010, n° 5 ad art. 227 LP; Roger Schober, in Kurzkommentar SchKG, n° 13 ad art. 227 LP).

Le plaignant a produit une créance dans la faillite et le sort de sa production n'a, en l'état, pas été définitivement tranché. La qualité pour former une plainte doit donc lui être provisoirement reconnue, au même titre qu'elle le serait à un créancier admis à l'état de collocation.

La plainte est donc recevable.

1.3 Une plainte peut être formée auprès de l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'Office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait (art. 17
al. 1 LP). L'autorité de surveillance dispose du même pouvoir d'appréciation que l'Office : le cas échéant, elle peut substituer à une décision prise par l'Office dans le cadre de sa libre appréciation – par exemple en matière d'évaluation des actifs inventoriés (Lustenberger, op. cit., n° 5 ad art. 227 LP) – une autre décision fondée sur sa propre appréciation des circonstances de fait (ATF 100 III 16 cons. 2).

L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 112 III 79 consid. 2).

2. 2.1 Selon l'art. 221 LP, l'Office procède à l'inventaire des biens du failli. Doivent être mentionnés à l'inventaire tous les biens – meubles, immeubles ou autres droits – en possession du failli ou lui appartenant, y compris les actifs dont l'existence ou la titularité est contestée ou qui sont situés à l'étranger (François Vouilloz, in
CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 4, 6, 10, 11 et 12 ad art. 221 LP; Schober, op. cit., n° 10 ss. ad art. 221 LP). L'inventaire a pour but de donner une vision d'ensemble du patrimoine du failli : il ne détermine pas l'appartenance à la masse en faillite d'un élément patrimonial et, à ce titre, ne touche pas les droits des tiers (ATF 90 III 19 cons. 1).

La valeur des actifs portés à l'inventaire doit être estimée (art. 227 LP), au besoin avec l'aide d'un expert (Schober, op. cit., n° 11 ad art. 227 LP). Cette estimation vise à déterminer la valeur de réalisation de l'actif concerné, l'Office devant à cet égard tenir compte des circonstances économiques et du mode de réalisation qui sera vraisemblablement privilégié (Lustenberger, op. cit., n° 4 ad art. 227 LP; Schober, op. cit., n° 4 et 5 ad art. 227 LP; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, n° 16 ad art. 227 LP). Selon ce dernier auteur (Gilliéron, op. cit., n° 20 ad art. 227 LP), il se justifie ainsi d'estimer à une valeur proche de zéro les prétentions que la masse en faillite devrait faire valoir en justice en vue de leur recouvrement, lorsque celle-ci est impécunieuse : dans cette hypothèse en effet, faute de pouvoir elle-même avancer les frais judiciaires, la masse n'aurait d'autre choix que de céder ces prétentions litigieuses à des créanciers, en application de l'art. 260 LP, ou de les réaliser par une vente aux enchères publiques ou de gré à gré (art. 256 al. 1 à 3 LP; art. 260 al. 3 LP), avec pour conséquence vraisemblable dans les deux cas un produit nul.

2.2 Dans le cas d'espèce, le plaignant conteste la valeur d'estimation retenue par l'Office pour les actifs inventoriés sous chiffres C1 à C9 (participations dans des sociétés tierces) et C12 à C26 (créances en compte courant à l'encontre de tiers) de l'inventaire. Il ne formule en revanche aucune critique à l'encontre de l'évaluation des actifs inventoriés sous chiffres C11 (prétention en responsabilité contre les organes), C27 à C33 (prétentions révocatoires) et A1 à A2 (argent comptant) de l'inventaire, laquelle ne sera dès lors pas examinée.

2.2.1 En relation avec l'estimation de la valeur des participations dans d'autres sociétés (postes C1 à C9 de l'inventaire), le plaignant reproche à l'Office, de manière générale, de les avoir sous-estimées sans procéder à un réel examen et de ne pas lui avoir fourni d'informations sur les critères pris en compte.

Cette critique est mal fondée : il suffit de lire les observations figurant à l'inventaire pour chacun des postes C1 à C9 pour constater que, pour chacune des participations inventoriées, l'Office a recueilli des informations précises et détaillées sur les sociétés concernées. Il a notamment analysé leurs bilans afin de déterminer leurs actifs et leurs engagements et, si nécessaire, s'est efforcé d'obtenir des renseignements complémentaires. C'est sur la base du résultat de ces investigations que l'Office a estimé à un montant proche de zéro la valeur de ces participations, pour des motifs à la fois reconnaissables et fondés (valeur de la participation insignifiante selon le bilan, absence d'actifs, respectivement surendettement ou existence de gages pour un montant excédant la valeur des actifs, etc.). Le plaignant, qui ne se réfère du reste à cet égard à aucune disposition légale ou réglementaire, ne saurait prétendre de la part de l'Office à de plus amples explications que celles figurant déjà à l'inventaire ni, a fortiori, à "un rapport sur l'estimation de chaque objet" comme il y conclut.

Le plaignant, qui admet que la situation financière des sociétés dans lesquelles P______ SA disposait de participations était "précaire", ne remet concrètement en cause l'appréciation qu'en a faite l'Office que pour les sociétés P______ SàRL, B______ SàRL et S______ SA (postes C4, C6 et C7 de l'inventaire) au motif qu'elles seraient toutes trois propriétaires d'un immeuble. Or ce point est mentionné par l'Office dans ses observations relatives à ces trois actifs en même temps que les raisons pour lesquelles leur valeur a été estimée à 1 fr. chacune. Il est ainsi indiqué que le chalet situé à X______ appartenant à P______ SàRL, estimé à un montant de 4'200'000 EURO, était gagé à hauteur de 2'700'000 EURO et faisait l'objet d'une saisie immobilière. Bien que lui-même gérant de cette société, le plaignant ne fournit aucun élément susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation de l'Office. Toujours selon les indications figurant dans l'inventaire, B______ SàRL serait certes propriétaire d'un autre immeuble situé à X______, estimé à 10'593'293 EURO, mais serait endettée à hauteur de 26'000'000 EURO. Gérant de la société, le plaignant a par ailleurs lui-même invité l'Office à prendre en considération une offre de rachat de l'intégralité des parts sociales pour un montant de 1 EURO. Enfin, l'inventaire mentionne que S______ SA se trouve en situation d'ajournement de faillite, ce qui est confirmé par son représentant, lequel est également celui du plaignant.

La plainte est ainsi mal fondée en tant qu'elle porte sur l'estimation des participations de la faillie dans d'autres sociétés (postes C1 à C9 de l'inventaire).

2.2.2 Le plaignant fait également grief à l'Office, de manière toute générale, d'avoir omis de procéder à un véritable examen de la valeur des créances inventoriées sous postes C12 à C26 de l'inventaire, fixant leur valeur au hasard.

Sur ce point, la plainte apparaît bien fondée. Pour chacune des créances inventoriées, l'Office se borne en effet à indiquer dans l'inventaire le montant du solde courant en faveur de P______ SA à la date du 30 novembre 2013. Sous réserve des débitrices ayant déjà fait l'objet d'investigations du fait que la faillie y détenait des participations, il n'apparaît pas que des renseignements aient été pris quant à la situation juridique et financière des entités supposées débitrices de la faillie, pas plus que sur le point de savoir si les créances en compte courant étaient ou non reconnues. Or, dans la mesure où un nombre important de ces débiteurs paraît constitué de sociétés proches de la faillie, il n'est pas exclu d'emblée que les créances en compte courant figurant dans la comptabilité de P______ SA soient également comptabilisées dans celle des autres entités du groupe, au titre de dettes.

Dans ses observations relatives à la plainte, l'Office relève avec raison que les liquidités limitées dont il dispose dans le cadre de la liquidation de la faillite ne lui permettraient pas d'introduire une procédure judiciaire, avec pour conséquence que les actifs dont le recouvrement impliquerait une telle procédure judiciaire devraient être estimés à une valeur proche de zéro. Ce faisant, l'Office perd cependant de vue qu'en l'état du dossier il n'est précisément pas acquis que le recouvrement des créances inventoriées nécessite des procédures judiciaires. Une reconnaissance de ces créances par les débitrices pourrait au contraire ouvrir la porte à un règlement volontaire, éventuellement partiel (par exemple si la débitrice considérée fait elle-même l'objet d'une procédure d'exécution générale).

La plainte doit en conséquence être admise en tant qu'elle concerne les postes C12 à C26 de l'inventaire, l'Office étant invité à compléter ses investigations, notamment en obtenant de la part des débiteurs des créances inventoriées sous ces rubriques une détermination quant à leur existence et leur montant.

2.3 Le plaignant dénonce certaines inexactitudes et erreurs entachant à ses yeux l'inventaire. Ces imprécisions – pour partie contestées par l'Office – sont dénuées de toute portée concernant aussi bien la description des actifs inventoriés que leur estimation, à l'exception d'une éventuelle confusion touchant l'objet de la prétention révocatoire inventoriée sous rubrique n° C30 de l'inventaire. La plainte étant quoi qu'il en soit partiellement admise (cf. ch. 2.2.2 ci-dessus), l'Office sera invité à procéder aux vérifications nécessaires et, le cas échéant, à rectifier les inexactitudes qu'il aura constatées.

3. 3.1 Selon les art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 62 al. 2 OELP, la procédure de plainte est gratuite et il ne peut être alloué aucun dépens.

Le principe de la gratuité de la procédure de plainte trouve cependant une exception à l'art. 20a al. 2 ch. 5 2ème phr. LP, qui prévoit que la partie ou son représentant qui use de procédés téméraires ou de mauvaise foi peut être condamné à une amende de 1'500 fr. au plus ainsi qu'au paiement des émoluments et des débours.

Se comporte de façon téméraire ou de mauvaise foi, au sens de l'art. 20a al. 2
ch. 5 LP, celui qui, en violation du devoir d'agir selon la bonne foi, forme un recours bien que la situation en fait et en droit soit claire, avant tout pour ralentir la procédure (ATF 127 III 178 et les références). Cette disposition permet de sanctionner un recours aux institutions judiciaires voué à l'échec, qui serait fait à des fins purement dilatoires et en violation des règles de la bonne foi (Gilliéron, op. cit., n° 19 ad art. 20a; Flavio Cometta, in SchKG I, n. 11 ad art. 20a).

3.2 En l'occurrence, il y a lieu de constater avec l'Office que le plaignant, gérant de P______ SàRL et de B______ SàRL, s'est abstenu d'alléguer des faits dont il avait connaissance et de produire des pièces en sa possession alors que ces faits et moyens de preuve revêtaient une certaine pertinence au regard des griefs invoqués. Il a de même contesté la décision d'estimation de l'Office relative aux actions de la société B______ SàRL alors qu'il l'avait lui-même invité à entrer en matière sur une offre de rachat de même montant. La question de savoir si ce comportement viole le principe de la bonne foi peut toutefois demeurer ouverte dès lors que, la plainte étant partiellement admise, on ne saurait considérer qu'elle était d'emblée vouée à l'échec.

Conformément aux art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 62 al. 2 OELP, aucuns frais ni émolument ne seront donc prélevés et aucuns dépens ne seront octroyés.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 8 juin 2015 par M. E______ contre l'inventaire
n° F20140140 déposé le xx mai 2015 dans la faillite de P______ SA et modifié le
xx mai 2015.

Au fond :

L'admet partiellement, en ce sens que l'Office des faillites est invité à compléter ses investigations relatives aux actifs inventoriés sous postes n° C12 à C26 de l'inventaire dans le sens des considérants, puis à procéder à une nouvelle estimation de leur valeur.

Invite en outre l'Office des faillites à rectifier les éventuelles inexactitudes affectant l'inventaire, en particulier la description de l'actif inventorié sous poste n° C30.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Georges ZUFFEREY et Monsieur Christian CHAVAZ, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 


Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.