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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2036/2025

JTAPI/662/2025 du 17.06.2025 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.80.al6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2036/2025 MC

JTAPI/662/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 juin 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1985 est originaire d'Algérie. Il est également connu sous l'alias de Monsieur B______.

2.             M. A______ est arrivé en Suisse le 23 janvier 2014 et y a déposé une demande d'asile le jour-même, sur laquelle le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) n'est pas entré en matière et a simultanément prononcé son renvoi de Suisse, par décision du 10 mars 2014, entrée en force le 17 mars 2014. L'exécution du renvoi de l'intéressé avait été attribuée au canton de Genève.

3.             M. A______ étant démuni de documents d'identité, une demande de soutien à l'exécution de son renvoi a été entamée le 24 septembre 2014.

4.             Selon son casier judiciaire, entre janvier 2015 et ce jour, M. A______ a été condamné à 18 reprises, notamment pour des vols, dommages à la propriété, opposition aux actes de l'autorité, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, rupture de ban et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Notamment, par jugement du 17 février 2020, le Tribunal de police a déclaré l'intéressé coupable de séjour illégal, dommages à la propriété et vol, l'a condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 90 jours de détention avant jugement, et a simultanément prononcé son expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans.

5.             Par décision du 7 avril 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de reporter l'exécution de l'expulsion de Suisse de M. A______, lequel s'est vu octroyer un délai de 48 heures pour quitter la Suisse dès sa libération par les autorités judiciaires, soit jusqu'au 21 avril 2021.

6.             N'ayant pas respecté ce délai, l'intéressé a été inscrit au RIPOL le 3 mai 2021.

7.             M. A______ a continué à occuper les services de police et la justice suisse une fois remis en liberté. Il a d'ailleurs été condamné à de nombreuses reprises pour rupture de ban les 6 mai 2021, 18 juillet 2022, 30 novembre 2023 et 24 janvier 2025.

8.             Le 4 septembre 2024, le SEM a informé les autorités cantonales genevoises du fait que l'intéressé avait été reconnu par le consulat général d'Algérie le 29 août 2024, étant précisé qu'un entretien consulaire devait encore avoir lieu avant de pouvoir réserver un vol et qu'une fois le vol réservé, la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______ serait sollicitée auprès des autorités consulaires.

9.             Le 23 janvier 2025, l'intéressé a été arrêté à Genève pour infractions à la LEI et pour rupture de ban. Faisant l'objet d'un mandat d'arrêt émanant du canton de Bâle, il a été acheminé dans ce canton pour y purger une peine privative de liberté de 150 jours, conformément à sa condamnation du 30 novembre 2023.

10.         Le 30 avril 2025, l'intéressé a été présenté aux auditons consulaires à Berne avec les autorités algériennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer.

11.         A sa libération par les autorités bâloises, le 2 mai 2025, l'intéressé a été acheminé à Genève et remis en mains des services de police en vue de l'exécution de son expulsion de Suisse.

12.         Le 2 mai 2025, à 17h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 - renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEI - 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie. Il était malade dans sa tête et avait mal au dos et au ventre. Il suivait actuellement un petit traitement médical.

Selon le procès-verbal d’audition, que M. A______ a refusé de signer, la détention pour des motifs de droit des étrangers avait débuté le 2 mai 2025 à 16h45.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

14.         Entendu le 5 mai 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de repartir en Algérie. Il n'avait pas quitté la Suisse et il ne s'était pas soumis aux décisions des autorités. Il vivait dans un foyer à l'avenue C______. Il ne travaillait pas, n’avait pas de source de revenu ni famille à Genève. Il avait quitté l'Algérie il y avait 20 ans et il y avait de problèmes : il avait fait du trafic et des bêtises et s’il y retournait, les « gens » allaient le tuer. Il souhaitait pouvoir récupérer ses affaires qui se trouvaient au foyer avant de repartir en Algérie. Sur question de son conseil, il a indiqué qu’il pouvait s'engager à se présenter quotidiennement à la police afin de prouver qu’il restait sur le territoire genevois en attendant son renvoi : il conditionnait son accord à être renvoyé en Algérie au fait qu’il puisse rester en liberté jusqu'à la date de son renvoi. Sur question de la représentante du commissaire de police, il a indiqué qu'en 2021 il n’avait pas quitté la Suisse car il n’avait pas compris le papier qu'on lui avait remis. Il a précisé qu’il n’avait pas eu le temps depuis 2020 d'organiser son retour en Algérie.

La représentante du commissaire de police a indiqué que M. A______ avait été présenté dans le cadre d'un « counselling » aux autorités algériennes le 30 avril 2025 et qu’ils devraient obtenir un laissez-passer d'ici trois ou quatre semaines, ce qui leur permettrait de procéder à la réservation d'une place sur un vol. Vu le refus de M. A______ de retourner en Algérie, le vol serait certainement avec escorte policière. Elle a indiqué que le conseil de M. A______ pouvait prendre contact avec elle afin d'organiser la récupération des affaires de son client. Elle a plaidé et demandé la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative, tant sur son principe que sur sa durée, prononcé à l’encontre de M. A______ le 2 mai 2025 pour une durée de quatre mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la mise en liberté de son client et a indiqué que celui-ci s’engageait à se présenter régulièrement à la police et à être renvoyé ensuite en Algérie.

15.         Par jugement du 6 mai 2025 (JTAPI/463/2025), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 2 mai 2025 pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 1er septembre 2025 inclus.

16.         Par arrêt du 27 mai 2025 (ATA/601/2025), la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé le 19 mai 2025 à l’encontre du jugement du tribunal.

17.         Par requête du 11 juin 2025, reçu par le tribunal le 12 juin 2025, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté.

18.         Lors de sa comparution le 17 juin 2025, devant le tribunal, M. A______ a expliqué que sa demande de levée de détention découlait du rejet de son recours contre sa détention administrative et du fait qu’il n’avait pas compris pourquoi ce recours avait été rejeté. Sur question du tribunal, qui lui a fait remarquer qu’il avait l’air ralenti au niveau de l’échange et la communication avec le tribunal, il n’avait pris aucune drogue ni médicament avant de venir. Il était resté en Suisse jusqu’ici pour suivre un traitement psychiatrique et un traitement pour ses problèmes de dos. Le tribunal lui a expliqué que depuis son renvoi prononcé en 2014 et son expulsion prononcée en 2020, il n’avait plus le droit de séjourner en Suisse et qu’au bout du compte, les autorités suisses étaient arrivées à la conclusion que le seul moyen de le faire partir, c’était de le forcer à prendre un avion pour l’Algérie, en prononçant sa détention administrative afin qu’il puisse être à disposition au moment de ce vol. Il ne souhaitait pas retourner en Algérie sous la contrainte mais il serait d’accord d’y aller de manière volontaire, après avoir pu régler en Suisse un certain nombre de choses.

La représentante du commissaire de police a indiqué au sujet des pièces transmises ce jour au tribunal, qu’en date du 12 juin 2025, le SEM les avait informés du résultat positif du « counselling » du 30 avril 2025 et que, suite à cela, ils avaient fait une demande de réservation de vol le 16 juin 2025 pour une période allant du 7 au 11 juillet 2025.

Le conseil de l’intéressé a plaidé et a conclu à la mise en liberté immédiate de son client.

La représentante de l’OCPM a plaidé et a conclu au rejet de la demande de mise en liberté formée par M. A______.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 11 juin 2025 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

Le tribunal soulignera tout d’abord que par arrêt du 27 mai 2025 (ATA/601/2025), la chambre administrative a confirmé la détention administrative de M. A______ jusqu’au 1er septembre 2025. Elle a retenu, d’une part, que les conditions légales de la détention étaient réalisées sur la base des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, le précité ayant été condamné pour crime et ayant fait l’objet d’une expulsion pénale prononcée le 17 février 2020 pour une durée de 5 ans et, d’autre part, que la détention administrative de M. A______ respectait le principe de proportionnalité. A ce sujet, la chambre administrative a souligné notamment qu’il n’existait pas de mesure moins contraignante que la détention pour assurer le renvoi de M. A______ en Algérie compte tenu de l’opposition qu’il avait manifestée à plusieurs reprises par rapport au fait de regagner son pays d’origine. La chambre administrative a également pris en considération les problématiques médicales du précité, en écartant le fait qu’elles justifient une mise en liberté.

En l’occurrence, M. A______ a formulé sa demande de levée de détention environ deux semaines après cet arrêt en expliquant pour l’essentiel, dans sa demande écrite et à l’occasion de l’audience de ce jour, qu’il était « totalement contre l’idée de partir en Algérie » et qu’il voulait quitter seul le territoire suisse. Ces explications ne remettent absolument pas en question les considérations sur lesquelles la chambre administrative a rendu l’arrêt susmentionné. Elles ne font au contraire que confirmer une fois de plus l’opposition manifestée par M. A______ au fait de retourner dans son pays, du moins sous la contrainte. Quant au fait qu’il serait désormais prêt à retourner en Algérie à condition que cela soit de son propre chef, on ne voit pas en quoi le tribunal pourrait considérer cette déclaration comme sincère et accorder sa confiance à M. A______, alors que cela fait environ onze ans qu’il demeure en Suisse en ayant l’obligation de retourner dans son pays.

4.            Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 1er septembre 2025.

5.            Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 11 juin 2025 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 1er septembre 2025 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 17 juin 2025

 

La greffière