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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2005/2024

JTAPI/660/2025 du 16.06.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/959/2025

Descripteurs : VALEUR LOCATIVE
Normes : LIFD.21.al1.letb; LIPP.24.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2005/2024 ICCIFD

JTAPI/660/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 juin 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             A teneur du Registre foncier, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable) et son ex-épouse, Madame B______, disposent de la copropriété simple sur respectivement ¼ et de ¾ de l’immeuble inscrit sous n°1______, à l'adresse ______[GE].

2.             A teneur du registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), le contribuable a été domicilié à cette adresse avec son ex-épouse du 30 mai 2005 au 1er octobre 2010, date à laquelle il a établi son domicile à une autre adresse, tandis que son ex-épouse a maintenu le sien.

3.             Dans sa déclaration fiscale pour l’année 2022, M. A______ n’a pas rempli le formulaire D1 concernant les immeubles.

4.             Par bordereau du 13 mars 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé le contribuable pour les impôts fédéral direct (IFD), cantonal et communal (ICC) 2022. Ce faisant, elle a fixé la valeur locative de l’immeuble à ______ (GE) à CHF 4'654.- pour l’ICC (après un abattement de 40% pour l’occupation continue) et à CHF 7'756.- pour l’IFD.

5.             Le 13 avril 2024, le contribuable s’est adressé à l’AFC-GE en lui demandant de « retirer » les revenus bruts immobiliers. Conformément à ce qu'indiquait le site de l'administration cantonale, l'impôt devait s'appliquer aux personnes qui occupaient l'immeuble, en l'occurrence son ex-épouse. Selon l'avis de taxation, l'impôt sur le revenu prenait en considération la valeur locative correspondant à l'utilisation que le contribuable faisait de son bien. Or, lui-même n'utilisait pas le logement et n'était par conséquent pas soumis à l'impôt. De plus, l'immeuble en question n'appartenait pas aux catégories soumises à taxation, notamment des immeubles occupés par le propriétaire et les immeubles locatifs ou loués.

6.             Par décisions sur réclamation ICC et IFD 2022 du 3 mai 2024, l’AFC-GE a maintenu la taxation s’agissant de l’imposition du contribuable sur la valeur locative de l’immeuble sis à ______ (GE), au motif que la personne inscrite comme propriétaire d’un immeuble au Registre foncier était responsable des impôts afférents. En l’absence d’inscription d’un usufruit au profit de son ex-épouse et attendu que le contribuable était inscrit au Registre foncier comme copropriétaire à raison de ¼, la fortune et le rendement du bien immobilier avaient été répartis en fonction du pourcentage de copropriété, soit à raison de ¼ pour le contribuable et de ¾ pour son ex-épouse.

7.             Par acte du 13 juin 2024, M. A______ a formé recours contre les décisions sur réclamations de l’AFC-GE du 3 mai 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l’annulation de ces décisions en ce qui concernait la taxation sur la valeur locative, sous suite de frais et dépens.

En effet, il n'occupait pas l’appartement et n’était par conséquent pas imposable, contrairement à son ex-épouse qui en était l'occupante. Selon la loi, la personne inscrite (sic) était solidairement responsable des impôts à percevoir auprès de l’usufruitier. Dans le cas d'espèce, son ex-épouse était l'usufruitière et il était donc solidairement responsable, mais pas directement soumis à l’impôt. Il demandait le retrait complet de la taxation de la valeur locative de l’immeuble pour l’année 2022, les cinq années précédentes au minimum et toutes les suivantes.

8.             Par écritures du 19 août 2024, l’AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité des conclusions du recourant tendant à ce que la décision de taxation sur la valeur locative lui soit appliquée avec effet rétroactif au minimum pour cinq ans et au rejet du recours pour le surplus.

Elle relevait que la décision de taxation ne concernait que l’année 2022 et que, dès lors, les conclusions du recourant relatives à l’effet rétroactif excédaient le cadre du présent litige et devaient être déclarées irrecevables.

Concernant l’imposition du contribuable sur la valeur locative, la loi prévoyait l'imposition du propriétaire et, alternativement selon le droit fédéral, du titulaire d'un droit de jouissance obtenu gratuitement. A cet égard, l'inscription au Registre foncier faisait foi. En l'occurrence, l'ex-épouse du contribuable n'apparaissait au Registre foncier que comme copropriétaire, de sorte que le contribuable était imposable sur sa propre part de copropriété.

9.             Dans sa réplique du 10 septembre 2024, le recourant a pour l'essentiel maintenu ses arguments et ses conclusions. Le fait que le propriétaire soit responsable des impôts afférents à l'immeuble ne signifiait pas qu'il devait être taxé. La rétroactivité de la correction qu'il demandait correspondait à une pratique courante. La citation que l'AFC-GE faisait d'un extrait du Registre foncier résultait d'une inscription faite ces derniers mois et donc non applicable en 2022, mais qu'il avait en outre contestée car il n'avait pas l'usufruit du ¼ de la propriété. La citation était abusive, car le fait que son épouse soit usufruitière des ¾ ne signifiait pas qu'il le soit pour le ¼ restant.

10.         Le 3 octobre 2024, l’AFC-GE a dupliqué et persisté intégralement dans ses observations précédentes.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD, en tant qu'il concerne l'année fiscale 2022. En revanche, en application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, établi par une jurisprudence constante (pour des exemples récents : ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 6), il n'est pas possible, dans le cadre d'un litige relatif à l'imposition pour une année fiscale déterminée, de remettre en cause l'imposition d'années antérieures pour lesquelles les bordereaux sont entrés en force (JTAPI/215/2022 du 7 mars 2022, consid. 9). Les conclusions du recourant tendant à ce que ses taxations antérieures soient corrigées sont donc irrecevables – outre le fait que, comme on le verra ci-après, elles seraient de toute manière infondées.

3.             Le recourant fait grief aux décisions litigieuses d'avoir confirmé que sa taxation 2022 incluait une part de valeur locative pour l'immeuble dont il est copropriétaire avec son ex-épouse. Il conteste être taxable à ce titre, dans la mesure où il n'a pas l'usage de cet immeuble, contrairement à son épouse qui en est l'occupante. Tout au plus, selon lui, pourrait-il être tenu pour responsable du paiement de l'impôt, de manière subsidiaire.

4.             La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent jugement traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; ATA/1248/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3c).

5.             Aux termes des art. 21 al. 1 let. b LIFD et 24 al. 1 let. b de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) , est imposable, à titre de revenu, la valeur locative des immeubles ou de parties d’immeubles dont le contribuable se réserve l’usage en raison de son droit de propriété ou d’un droit de jouissance obtenu à titre gratuit.

Aux termes de l’art. 13 LIPP, la personne inscrite comme propriétaire d’un immeuble au registre foncier est responsable des impôts afférents à l’immeuble.

Au plan de l’impôt sur le revenu, le renvoi de l’art. 21 LIFD [et de l’art. 24 LIPP] au droit civil implique que chacun des copropriétaires doit ajouter à son revenu la part de la valeur locative de l’immeuble en fonction de sa part de copropriété telle qu’elle est inscrite au registre foncier. En d’autres termes, le rendement de la fortune immobilière doit en principe être attribué au propriétaire. Ainsi, en présence d’une copropriété, chacun des copropriétaires est imposable sur sa quote-part du revenu découlant du registre foncier. En cas d’usufruit, c’est dans la règle l’usufruitier qui est imposable (Nicolas MERLINO in Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2017, n. 35-37 ad art. 21 LIFD).

6.             En l'occurrence, il est tout d'abord nécessaire d'établir un fait qui a toute son importance dans le présent litige : l'ex-épouse du recourant n'est pas usufruitière de l'immeuble en question, aucun élément du dossier (et en particulier les extraits du Registre foncier qui y figurent) ne donnant une telle indication. Dans ce sens, la mention selon laquelle l'ex-épouse du recourant serait usufruitière, qui figure dans l'acte de recours en dernière page, 2ème §, est manifestement inexacte et résulte éventuellement d'une simple confusion entre le fait d'avoir l'usage d'une chose ou d'en avoir l'usufruit, qui sont deux institutions juridiques tout à fait distinctes. De même, c'est en vain que l'on cherche dans la réponse au recours du 19 août 2024 le fait que l'autorité intimée aurait elle-même considéré que l'ex-épouse du recourant serait (désormais ou durant l'année fiscale litigieuse) l'usufruitière de l'immeuble, comme le recourant semble lui en faire le reproche dans sa réplique.

7.             La position défendue par le recourant semble tenir au fait que selon lui, il n'a pas l'usage de son immeuble, puisque c'est son ex-épouse qui l'occupe. Dans cette mesure, puisque les dispositions légales susmentionnées prévoient l'imposition de la valeur locative d’immeubles dont le contribuable se réserve l’usage en raison de son droit de propriété, il ne pourrait être taxé à ce titre. Le recourant se méprend toutefois sur la portée de ces dispositions. En effet, ces dernières n'exigent pas que le propriétaire fasse effectivement usage de son bien ; dans cette mesure, elles entraînent également la taxation de la valeur locative pour le propriétaire qui renonce à cet usage, laissant par hypothèse son immeuble inoccupé, ou qui n'en a pas l'usage pour d'autres raisons, étant observé que les art. 21 al. 1 let. b LIFD et 24 al. 1 let. b LIPP ne font aucune distinction non seulement entre le fait de seulement se réserver l'usage de l'immeuble ou d'en faire un usage effectif, mais également entre les différentes situations en raison desquelles l'usage effectif n'aurait pas lieu. Pour les mêmes raisons, les conséquences fiscales prévues par ces dispositions restent indépendantes de la manière dont les différents copropriétaires d'un immeuble conviennent, dans leurs rapports de droit privé, de se répartir l'usage de l'immeuble. De ce point de vue, même lorsqu'il existe plusieurs copropriétaires, il faut considérer qu'ils se réservent l'usage de leur immeuble au sens des dispositions susmentionnées, aussi longtemps qu'ils n'en tirent pas des revenus réels (art. 21 al. 1 let. a, c ou d LIFD et art. 24 al. 1 let. a, c et d LIPP).

8.             Les griefs du recourant doivent donc être écartés et son recours, infondé, doit être rejeté.

9.             En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2024 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 3 mai 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 700- ;

4.             ordonne la restitution au recourant du solde de son avance de frais, soit CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière