Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/651/2025 du 16.06.2025 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 juin 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne la taxation 2021 de Monsieur A______.
2. Par bordereaux datés du 24 avril 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé le contribuable pour l’année en cause.
3. Le 5 novembre 2024, l’intéressé a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations en remettant sa déclaration fiscale 2021. Dans la rubrique « observations », il a indiqué que sa contestation portait sur les taux de capitalisation de ses immeubles, ainsi que sur ses frais médicaux.
4. Par décisions du 12 novembre 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.
5. Par acte du 13 décembre 2024, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des décisions du 12 novembre précédent.
Le décès de son épouse, survenu en janvier de l’année 2024, l’avait « chamboulé » et ne lui avait pas permis d’agir à temps. En outre, la fiduciaire qui s’occupait d’établir ses déclarations fiscales (B______ SA) avait mis un terme à son activité professionnelle et était en liquidation. Le montant d’impôt ressortant de ses taxations initiales excédait de près de 20 % celui qu’il avait déterminé sur la base de sa déclaration fiscale envoyée à l’autorité intimée.
Les bordereaux initiaux comportaient trois erreurs. Premièrement, le taux de capitalisation des biens immobiliers devait être fixé à 3.96 % ; deuxièmement, ses frais médicaux n’avaient pas été admis dans leur intégralité et, troisièmement, le « complément PACT » avait été additionné aux salaires.
Ses taxations devaient être révisées pour motif importants, les frais de la procédure devant être mis à la charge de l’autorité intimée.
6. Dans sa réponse du 17 février 2025, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours pour cause de tardiveté de la réclamation. La déclaration fiscale valant réclamation avait été déposée hors du délai de trente jours et le contribuable n’invoquait aucun motif sérieux tendant à justifier son retard. En outre, les conditions de la révision n’étaient pas remplies, dès lors que les griefs que l’intéressé faisait valoir dans son recours auraient pu être invoqués dans la procédure ordinaire.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Étant donné que les décisions attaquées sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du présent recours et non les taxations en tant que telles. En conséquence, le tribunal doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, il doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner lui-même le détail des taxations (arrêt du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).
Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation du 5 novembre 2024 était irrecevable. En revanche, il ne peut examiner si l’autorité intimée a correctement déterminé les taux de capitalisation, la déduction pour frais médicaux, ainsi que le salaire de l’intéressé.
4. À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.
Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et
art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).
Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).
5. Passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD ; art. 41 al. 3 LPFisc).
Un délai inobservé est restitué si la personne contribuable exécute l’acte omis dans les 30 jours qui suivent la disparition de l’empêchement et prouve qu’elle a été empêchée d’agir en temps utile pour des motifs sérieux (art. 31 al. 3 LPFisc).
6. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).
La loi mentionne expressément comme motifs d’empêchement le service militaire ou civil, la maladie et l’absence du pays. Cette énumération n’est toutefois pas exhaustive, puisqu’elle admet également « d’autres motifs sérieux ». En font partie par exemple le décès au sein de la famille (et l’ignorance non fautive de la taxation par suite du décès du de cujus), (arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2012 du 16 janvier 2013 consid. 4.2).
7. La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. En effet, le premier est responsable des actes de celui qui le représente et répond de toute faute de ses auxiliaires (ATA/370/2024 du 12 mars 2024 consid. 2.5). Le contribuable (ou d’autres participants à la procédure) ou son représentant légal ou contractuel (ainsi que, le cas échéant, ses auxiliaires) doit avoir été empêché de respecter le délai pour de justes motifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_566/2020 du 10 juillet 2020 consid. 4.3.1 et ss.). En font partie les circonstances indépendantes de la volonté du contribuable et de son représentant, qui rendent impossible une action en temps utile (impossibilité objective), mais pas une impossibilité subjective telle qu’une surcharge de travail, une erreur sur le calcul du délai, sur la validité des féries judiciaires ou, plus généralement, une erreur de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4).
8. En l’occurrence, le contribuable a élevé réclamation le 5 novembre 2024 à l’encontre des bordereaux datés du 24 avril précédent. La date de notification de ces taxations n’est pas connue. Cependant, dans son recours, l’intéressé admet qu’il n’a pas agi en temps utile. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.3 et 2.4.1).
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.
9. Cela étant, le recourant sollicite implicitement une restitution du délai de réclamation.
En premier lieu, il se prévaut du décès de son épouse, survenu le 27 janvier 2024, avec laquelle il était resté marié durant plus de cinquante ans, événement qui l’a bouleversé et l’a empêché de réclamer en temps utile. En l’occurrence, le tribunal laissera ouverte la question de savoir si le décès de l’épouse du recourant doit être qualifié de motif sérieux. En effet, même dans ce cas, le délai de réclamation ne peut être restitué à l’intéressé que s’il rend au moins vraisemblable qu’en raison de la mort de sa femme, il a été empêché de réclamer en temps utile et qu’en outre, il a agi dans les trente jours à compter de la cessation dudit empêchement. Or, le contribuable ne fournit aucune pièce justificative à cet égard. De la sorte, il n’y a pas lieu de lui accorder une restitution de délai pour ce motif.
En deuxième ligne, le contribuable invoque la cessation des activités professionnelles de sa fiduciaire, qui a été mise en liquidation. Or, à teneur des données du registre du commerce, B______ SA a été dissoute par décision de son assemblée générale le 9 novembre 2023. Ainsi, à réception des bordereaux incriminés, ladite fiduciaire était dissoute depuis plusieurs mois déjà. L’on ne voit pas en quoi cette circonstance a empêché le recourant de consulter un autre mandataire pour se charger de ses affaires fiscales et de respecter le délai de réclamation. Par conséquent, il n’y a pas non plus lieu de lui octroyer une restitution de délai pour cette raison.
10. À plusieurs reprises, le tribunal a jugé que lorsqu’un contribuable demande à l’AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération ou de révision (JTAPI/122/2025 du 3 février 2025 et les références citées).
11. Aux termes de l’art. 147 al. 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). L’art. 147 al. 2 LIFD précise que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.
Le droit cantonal, à l’art. 55 LPFisc, comporte une teneur similaire.
12. Même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).
Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).
13. En l’espèce, dans sa réponse, l’AFC-GE fait valoir que les conditions de la révision ne sont manifestement pas remplies.
Ce point de vue doit être approuvé. En effet, le contribuable ne fait valoir aucun grief qu’il n’aurait pu invoquer au cours de la procédure ordinaire de réclamation. En effet, le taux de capitalisation de ses immeubles, la déduction pour frais médicaux, ainsi que le montant du salaire retenu par l’AFC-GE figurent dans les bordereaux et avis de taxations du 24 avril 24. Ainsi, l’intéressé aurait été en mesure de le vérifier, au besoin avec l’aide d’un mandataire et, cas échéant, de les contester.
14. Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.
15. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2024 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 12 novembre 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Kristina DE LUCIA, présidente Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Kristina DE LUCIA
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |