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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1542/2025

JTAPI/479/2025 du 08.05.2025 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1542/2025 LVD

JTAPI/479/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Steve ALDER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Madame B______, représentée par Me Michel LELLOUCH, avocat, avec élection de domicile

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 28 avril 2025, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de Monsieur A______ une mesure d'éloignement valable jusqu'au 8 mai 2025 à 17 h 00, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame B______, située au 1______ avenue du C______, D______, et de contacter ou de s'approcher d'elle.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que l’intéressé devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences:

M. A______ aurait jeté Mme B______ au sol deux fois, l'aurait saisie aux bras, au cou et au visage. Il l'aurait injurié de "tu donnes ton cul". Il l'aurait menacé en lui disant "tu vas voir ce que je vais te faire". Il aurait également pénétré sans droit dans le domicile de Mme B______ et cassé volontairement son téléphone.

Descriptions des violences précédentes:

M. A______ aurait menacé de la jeter par la fenêtre et qu'il allait sauter ensuite. Il l'aurait saisie au cou et l'aurait assise. Il l'aurait saisie par la mâchoire et de l'aurait injuriée de "pute". »

3.             Il résulte du rapport de renseignement établi par la police le 27 avril 2025 que le même jour, une patrouille avait été sollicitée par la E______ en raison de cris dans l'allée de l'avenue du C______ 1______ à D______. Sur place, Mme B______ a souhaité déposer plainte contre M. A______ à la suite de ce conflit. A l'issue de son audition, elle a demandé le prononcé d'une mesure d'éloignement à l'encontre de
M. A______.

Elle était séparée de ce-dernier depuis janvier 2024. Un conflit avait éclaté lorsque M. A______ était venu ramener son fils ce jour-là. Il avait forcé l'accès de son appartement, l'avait injuriée en disant "tu donnes ton cul", l'avait menacée en lui disant "tu verras ce que je vais te faire", avait cassé volontairement son téléphone et l'avait poussée, saisie au bras, au cou et au visage et l'avait jetée au sol à deux reprise. Elle l'avait injurié de "connard". Depuis la dernière intervention de la police, elle s'était fait menacée d'être ridiculisée auprès de sa famille et ils s'étaient réciproquement injuriés. M. A______ n'était pas violent avec son fils.

Egalement entendu, M. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés.

Durant les trois derniers mois, la police était intervenue à plusieurs reprises:

-          Le 15 septembre 2024, une main courante a été établie en raison d'un conflit au domicile de Mme B______ au sujet de la garde de leur enfant;

-          Le 19 septembre 2024, un rapport de renseignement a été établi en raison d'une plainte déposée par Mme B______ contre M. A______ pour injures, menaces, voies de faits et utilisation abusive d'une installation de télécommunication;

-          Le 22 septembre 2024, une main courante a été établie en raison d'un conflit au domicile de Mme B______ au sujet de la garde de leur enfant;

-          Le 6 mars 2025, une main courante a été établie en raison d'un conflit au domicile de Mme B______ au sujet de la garde de leur enfant.

4.             Entendue le même jour, Mme B______ a, en substance, expliqué que les violences avaient commencé en juillet 2024 à son retour de Turquie. M. A______ était très jaloux malgré leur séparation. Le jour des faits, M. A______ l'avait injuriée par messages en lui écrivant "tu donnes ton cul". Vers 18h00, il était venu lui amener des outils. Elle avait ouvert la porte et avait pris les outils. Au moment où elle essayait de fermer la porte, il l'avait retenue et l'avait poussée à deux mains en disant "tu as quelque chose à cacher". Il était entré dans l'appartement sans son autorisation et avait fouillé pour voir si quelqu'un était caché. Il lui avait dit qu'il allait laisser leur fils chez elle et ce dernier avait demandé à rester avec son père. Elle avait filmé l'échange et M. A______ lui avait demandé d'arrêter de filmer ce qu'elle avait refusé. Il était alors parti avec leur fils en direction de l'ascenseur mais poussait leur enfant hors de l'ascenseur en lui disant de rester avec sa mère. Son fils pleurait. Elle avait continué à filmer et il avait pris son téléphone et l'avait cassé en l'éclatant contre la rambarde. Elle avait essayé de récupérer son téléphone. Il l'avait alors saisie par les cheveux et jetée au sol contre les escaliers. Alors qu'elle s'était relevée, il l'avait saisie par le visage, le cou, les bras et l'avait fait tomber à nouveau. Des voisins avaient ouverts la porte et M. A______ était parti avec leur fils avant de tenter de lui ramener. Les voisins avaient alors appelé la police. Ce n'était pas la première fois que leur fils assistait à un échange violent entre eux. Elle avait injurié M. A______ en le traitant de "connard" en turc.

M. A______ a expliqué être séparé de Mme B______ depuis le mois de décembre 2024. Le jour des faits, il avait la garde de son fils et avant de l'emmener au restaurant, il s'était arrêté chez Mme B______ afin de lui déposer une boîte à outil. Il l'avait posée dans l'entrée de l'appartement et en était ressorti. Devant sa porte, elle avait voulu qu'il lui laisse leur fils et un conflit avait commencé. Elle l'avait injurié notamment en le traitant de "connard". Il était alors entré dans l'ascenseur avec son fils pour quitter les lieux. Elle avait commencé à crier pour attirer l'attention. Il avait essayé de fermer la porte de l'ascenseur mais elle l'avait retenu. Lorsqu'il avait passé son bras entre la porte de l'ascenseur et le montant, elle avait poussé sur la porte et lui avait coincé le bras. Afin qu'elle s'éloigne, il avait poussé la porte de l'ascenseur avec sa main afin qu'elle s'éloigne ce qui avait eu pour effet de la faire tomber dans les escaliers. En fait, elle n'était pas tombée mais elle s'était retenue au mur des escaliers. A cet instant, il était parti avec son fils et la police était arrivée peu de temps après. Il ne l'avait pas injuriée, n'avait pas cassé le téléphone de Mme B______, ne l'avait pas au cou. Il n'avait pas fait preuve de violence envers elle. Il était favorable à la mesure d'éloignement.

5.             Par courrier recommandé du 5 mai 2025, reçu le 6 mai 2025 à 09h00 au greffe du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), M. A______, sous la plume de son conseil, a fait opposition à cette décision.

6.             A l'audience du 7 mai 2025 devant le tribunal, Mme B______ a déclaré que le 27 avril 2025 était le jour de son anniversaire. La veille, M. A______ lui avait demandé s'il pouvait venir chercher leur fils le dimanche à 15h, ce qu'elle avait accepté. Il était venu chercher leur fils à 15h30 en bas de l'immeuble et ils avaient convenu qu'il dormirait chez son père et que ce dernier l'amènerait à la crèche le lundi matin. Ils étaient ensuite partis. De son côté elle était retournée dans son appartement dans le but de se préparer pour fêter son anniversaire. M. A______ l'avait appelée et lui avait dit qu'il se sentait mal en raison d'un problème au travail. Elle lui avait alors conseillé de consulter un psychologue car il n'allait pas bien. Ils s'étaient disputés et M. A______ lui avait raccroché au nez. Lors de cette dispute, elle était revenue sur le message qu'il lui avait envoyé le 27 avril 2025 vers 1h du matin, soit une fleur fanée et elle lui avait dit qu'il n'avait pas de cœur. De son côté, il lui avait dit qu'elle n'avait pas le droit de voir d'autres hommes, qu'il était certain qu'elle avait quelqu'un dans sa vie. Il lui avait dit en turc "tu donnes ton cul". Peu de temps après cet échange téléphonique M. A______ avait sonné à la porte. Elle lui avait téléphoné pour lui demander de partir, mais elle avait entendu son fils lui demander d'ouvrir la porte, si bien qu'elle avait ouvert. Elle avait ouvert la porte de l'appartement en grand et avait filmé avec son téléphone, en le laissant dans sa poche, car elle ressentait de la peur en présence de M. A______. Ce dernier la surveillait et essayait de la manipuler. Il lui disait par exemple "tu as grandi sans père, tu veux que notre fils grandisse sans son père ?". M. A______ était entré dans l'appartement, s'était dirigé dans la chambre de leur fils et avait fouillé son logement. Elle lui avait alors montré qu'elle filmait avec son téléphone. M. A______ avait laissé les affaires de leur fils dans l'appartement et avait voulu partir sans lui. Leur fils avait alors commencé à pleurer car il souhaitait rester avec son père. M. A______ était parti seul dans l'ascenseur. Elle l'avait alors rattrapé, accompagnée de leur fils. Elle avait insulté M. A______ en le traitant de connard et d'incapable et de "sans fierté". Elle avait fait entrer leur fils dans l'ascenseur et avait voulu filmer leur fils qui pleurait. A ce moment-là,
M. A______ avait saisi son téléphone et il l'avait tapé plusieurs fois contre la rambarde des escaliers. En même temps, il la tenait par le cou et par le bras pour la repousser et pour la jeter en direction de l'escalier. Cet échange avait été violent et il était possible qu'elle ait elle-même blessé M. A______ sans le vouloir afin de récupérer son téléphone. Elle avait crié "à l'aide, au secours" car elle avait l'impression qu'il essayait de la tuer. Une voisine était alors sortie de chez elle et avait crié "Oh mon Dieu" et plusieurs voisins étaient montés. Comme elle était à terre, la voisine l'avait aidée à se relever et l'avait amenée dans son appartement. M. A______ était descendu avec leur fils en ascenseur et il était remonté par l'escalier. Il avait dit aux voisins que ce n'était rien. Il avait voulu laissé leur fils avec elle mais elle n'était pas bien, elle était sous le choc, elle ne pouvait pas le garder avec elle. Les voisins avaient alors appelé la police. Elle avait demandé à M. A______ de partir avec leur fils, ce qu'il avait fait. Il était descendu en bas de l'immeuble et sa mère s'était occupée de leur fils.

M. A______ a indiqué qu'il était allé chercher leur fils à 15h. Le message avec la fleur fanée, qu'il avait envoyé à Mme B______, ne se voulait pas méchant. Il lui avait envoyé une fleur fanée car c'était son anniversaire et ils n'étaient pas ensemble.

Sur question du tribunal, il avait envoyé ce message peu après minuit le 27 avril 2025.

Après avoir récupéré leur fils, ils étaient rentrés chez lui. Lorsqu'elle l'avait appelé, Mme B______ lui avait dit qu'il n'avait pas de cœur de lui envoyer une fleur fanée pour son anniversaire.

Sur question du tribunal, il n'avait pas eu de réaction.

Vers 18h20, il était sorti avec leur fils et il était allé chez Mme B______ afin de lui amener des outils. Dès lors qu'elle n'avait pas répondu à ses appels téléphoniques, il avait décidé de monter pour lui déposer les outils. Elle avait ouvert la porte, énervée. Il avait alors déposé les outils juste à l'entrée de l'appartement. Ils avaient des chats, soit une mère et ses quatre bébés. Ces derniers étaient dans la chambre de leur fils. Lorsqu'il avait déposé les outils, il avait pu voir les chats.

Sur question du tribunal, il était entré dans l'appartement pour aller voir les chats dans la chambre de son fils, ce qu'il faisait toujours lorsqu'il se rendait chez Mme B______. Il ne lui avait pas demandé l'autorisation.

Mme B______ lui avait dit que comme il était déjà venu jusqu'ici, il pouvait lui laisser leur fils. Il ne souhaitait pas lui laisser leur fils car il en avait la garde. Mme B______ s'était énervée. Il avait alors consenti à lui laisser leur fils, mais ce dernier pleurait, car il souhaitait repartir avec lui. Il avait alors essayé de partir avec leur fils et ils étaient arrivés dans l'ascenseur. Mme B______ ne l'avait pas blessé. Il s'était fait mal tout seul avec la porte de l'ascenseur. Mme B______ essayait de les empêcher de partir en ouvrant la porte de l'ascenseur. C'était alors qu'il l'avait poussée et elle était tombée contre le mur des escaliers.

Sur question du tribunal, il avait poussé Mme B______, constatant qu'elle ne souhaitait pas qu'il parte, pour pouvoir descendre au plus vite. Leur fils ne l'avait pas vu pousser Mme B______, bien qu'il était dans l'ascenseur. Le geste de pousser Mme B______ n'était pas violent. Le but était uniquement de pouvoir descendre. Il n'avait pas saisi Mme B______ au cou et au bras. Il avait pris rendez-vous avec l'association VIRES et ce dernier avait été fixé au 17 juin 2025. Il était toujours opposé à la mesure d'éloignement prononcée à son égard. Pour exercer son droit de visite, s'ils n'arrivaient pas à s'entendre, il était souhaitable qu'une troisième personne soit toujours présente, soit un membre de leur famille, soit un professionnel. Dimanche passé sa belle-sœur avait amené leur fils chez lui vers 11h, puis elle était venue le chercher le soir, et tout s'était bien passé.

Sur question du conseil de Mme B______, il ignorait l'origine des hématomes de Mme B______ constatés sur les photographies versées au dossier. Son téléphone était déjà cassé. Il ne s'était pas opposé à la mesure d'éloignement lors de son audition par la police, il y était même favorable, car c'était certainement mieux pour le bon exercice du droit de visite et pour éviter qu'il se fasse insulter par Mme B______ ou qu'il fasse l'objet de menaces de la part de membres de sa famille, lesquels souhaitaient l'empêcher de voir leur fils. Par exemple, un homme était venu le voir et l'avait menacé. Il n'avait pas réagi, il avait seulement expliqué la situation et tout était resté calme. Il était convaincu que cet hoMme Bvait été envoyé par la mère de Mme B______ afin de lui faire peur. Lorsqu'il était venu le voir, il avait évoqué l'altercation qui avait eu le 27 avril 2025, soit trois jours avant. Pour lui, le but de sa visite était de lui faire peur afin qu'il renonce à son droit de visite. L'intervention régulière de sa mère compliquait également leur divorce.

Sur questions de son conseil, s'il avait appelé Mme B______ avant de monter sonner à la porte de l'appartement, c'était pour la prévenir qu'il arrivait car en principe elle descendait. Il préférait qu'ils se rencontrent dans des endroits ouverts car ce n'était pas la première fois qu'elle disait qu'il faisait des problèmes. Lorsque les voisins étaient sortis, il leur avait demandé s'ils pouvaient calmer Mme B______ car celle-ci criait pour attirer leur attention. S'agissant des faits relatés dans la décision de mesure d'éloignement relatifs à une précédente dispute, soit qu'il avait menacé Mme B______ de la jeter par la fenêtre et de sauter ensuite, il les a contestés. Il n'y avait pas eu de suite pénale à la suite de ces faits. Quelques jours après les faits, la cousine de Mme B______ qui était également la femme de son frère, lui avait téléphoné. Elle lui avait dit que Mme B______ lui avait confirmé qu'il l'avait "juste" poussée afin de pouvoir partir.

Sur question du tribunal, pousser quelqu'un n'était pas forcément un acte violent.

Mme B______ a précisé que les chats étaient ses chats. Elle n'avait pas autorisé M. A______ à venir dans l'appartement. A chaque fois qu'il venait, il entrait dans l'appartement sans son autorisation. Il n'y avait pas de poignée à l'intérieur de l'ascenseur, la porte se fermait toute seule, si bien que M. A______ ne pouvait pas fermer la porte depuis l'intérieur. Lorsque M. A______ disait que leur fils ne l'avait pas vu la pousser, ce n'était pas vrai. Le soir des faits, leur fils avait répété à plusieurs reprises à sa mère et à d'autres membres de sa famille "papa a poussé maman", "papa a encore frappé maman". Elle avait pris immédiatement rendez-vous chez son pédiatre le lendemain et leur fils avait répété devant le médecin qu'il avait vu son papa pousser sa maman. Elle ne pensait pas qu'il sache dire frapper en français.

Sur question du tribunal, s'agissant de l'exercice du droit de visite, Mme B______ était d'accord que la présence d'une troisième personne était nécessaire et M. A______ ne devait plus entrer dans son appartement.

Sur question du tribunal, M. A______ a confirmé qu'il ne rentrerait plus dans l'appartement de Mme B______ sans son autorisation, étant précisé qu'il ne l'avait jamais fait.

Mme B______ a précisé que depuis les faits, elle n'était pas retournée dans l'appartement, avec son fils. Ils habitaient chez sa mère, car elle avait peur qu'il revienne. Elle n'osait plus se promener dans D______, pas même aller à la Coop, car elle avait peur. Elle avait l'impression qu'il la suivait. Elle avait croisé une voisine, qui était une personne âgée, et qui lui avait dit qu'elle avait peur, car ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Avant d'ouvrir la porte, sa voisine avait entendu un grand "boum". Le mur contre lequel M. A______ disait qu'elle était tombée était très éloigné de l'ascenseur.

Sur question de Mme B______ qui lui a demandé comment il expliquait qu'elle avait touché le mur et n'était pas tombée au sol lorsqu'il l'avait poussée, M. A______ n'a pas immédiatement répondu. Puis il a expliqué que le mur était très proche. Il était vrai qu'il n'y avait pas de poignée dans l'ascenseur, raison pour laquelle il avait fermé la porte avec la main.

Sur question du tribunal, il n'arrivait pas à discuter avec Mme B______, raison pour laquelle il avait voulu partir. Leur fils n'avait pas vu qu'il avait poussé sa mère. C'était un ascenseur pour quatre personnes. Il s'ouvrait avec une porte battante.

Le représentant du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition contre la mesure d'éloignement.

Le conseil de M. A______ a conclu à la confirmation de l'opposition à la mesure d'éloignement.

Le conseil de Mme B______ a déposé un chargé de pièces complémentaires. Il a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement.

 

 

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, même si les déclarations des intéressés sont pour l'essentiel contradictoires, il ressort néanmoins clairement de ces dernières, que la situation entre eux est conflictuelle et tendue depuis plusieurs mois. S'agissant des faits ayant conduit au prononcé de la mesure d'éloignement, ils sont en partie admis par
M. A______, lequel a en effet confirmé avoir poussé Mme B______ vers l'arrière entrainant ainsi sa chute, contre un mur selon lui, sur les escaliers selon elle, étant retenu que la force utilisée a été suffisamment forte pour la déséquilibrer et la projeter vers l'arrière. Au dossier ont également été versées des images photographiques prises après les faits et sur lesquels le tribunal peut constater que des hématomes sont présents sur le cou et le bras de Mme B______. Ces marques rendent plausibles la version des faits telle que présentée par Mme B______, soit que M. A______ s'est montré violent le jour des faits, en la poussant et en la saisissant avec force. L'état du téléphone de celle-ci, dont la vitre et la coque sont très endommagés, témoigne également de la violence déployée par M. A______. Sur la base de ces éléments, le tribunal estime qu'il est très vraisemblable que les violences ont eu lieu.

6.             Lors de l'audience, le tribunal a pu constater que M. A______ ne semblait pas saisir la gravité de son comportement et les conséquences sur autrui. Questionné à plusieurs reprises, il a nié avoir usé de violence en poussant Mme B______ vers l'arrière, tout en admettant qu'elle avait heurté le mur. Selon lui, pousser quelqu'un n'était pas un geste nécessairement violent. Il a également affirmé, à plusieurs reprises, que bien que présent à ses côtés, dans l'ascenseur qui pouvait accueillir quatre personnes seulement, leur enfant ne l'avait pas vu pousser Mme B______, ce qui semble peu vraisemblable, étant précisé qu'il a à tout le moins entendu sa mère crier, tout comme l'ont entendu les voisins qui ont finalement appelé la police. M. A______ semble ainsi ignorer que ce comportement peut porter gravement atteinte à son enfant, notamment quant à l'image parentale. Il persiste à minimiser la violence dont leur enfant a été témoin et indirectement victime, et dont Mme B______ a été victime. Aucune excuse n'a par ailleurs été présentée, étant précisé que M. A______ a confirmé ce jour en audience que Mme B______ ne l'avait pas blessé. A plusieurs reprises,
Mme B______ a exprimé ressentir un sentiment de peur, lequel l'a motivée à filmer l'altercation le jour des faits, l'oblige à vivre actuellement chez sa mère avec son enfant, et en raison duquel elle évite tous lieux dans lesquels M. A______ pourrait la trouver. Lors de l'audience, M. A______ est resté totalement impassible à l'expression de cette peur, tout comme il l'avait fait lorsque Mme B______ lui avait partagé avoir été blessée par le message contenant une fleur fanée envoyé peu après minuit le jour de son anniversaire. M. A______ donne ainsi l'impression d'être dénué, à l'égard de son épouse, de toute empathie. Enfin, il a admis en cours d'audience être entré dans l'appartement, à tout le moins jusque dans la chambre de son fils, afin de voir les chats, malgré le refus clairement exprimé par Mme B______, soit un fait de plus qui rend plausible le comportement intrusif dont il semble faire preuve dans la vie de Mme B______.

7.             Les déclarations de Mme B______ paraissent quant à elle crédibles et ses plaintes ne sont manifestement pas formulées dans le but de nuire au droit de visite de son mari. Au contraire, Mme B______ a toujours déclaré que M. A______ était un bon père. Elle a par ailleurs donné son accord pour l'exercice du droit de visite de trois jours par semaine. De plus, il n'est pas contesté que le jour des faits, M. A______ est venu cherché son fils et a ainsi pu exercer son droit de visite. Au terme de l'audience, il a spontanément déclaré qu'il avait pu voir son fils dans de bonnes conditions le dimanche précédent l'audience. Ainsi, aucun élément ne permet de penser que le souhait de Mme B______ est celui d'empêcher son mari de passer du temps avec leur enfant.

Le tribunal relève que le jour des faits, M. A______ alors chez lui avec son fils, a de lui-même et spontanément pris la décision de se rendre chez Mme B______, accompagné de ce dernier, où l'altercation a éclaté. Il aurait pu éviter tout contact et profiter du temps qu'il avait à passer avec son fils. Si son souhait était celui de rendre service, il aurait pu simplement déposer la boite à outils devant la porte de Mme B______, sans entrer dans l'appartement et ainsi éviter tout désaccord.

Le tribunal constate également que depuis le mois de septembre 2024, la police a dû intervenir à quatre reprises pour des conflits au sein du couple, ce qui démontre un climat de tension qui semble avoir débuté par des injures. L'escalade de violence constatée et l'absence de prise de conscience de M. A______ rend vraisemblable le risque de récidive.

 

8.             Par conséquent, l'opposition sera rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée, dès lors que M. A______ a admis, en partie, l'existence d'actes violents et que la mesure d'éloignement prononcée est propre à empêcher la réitération de tels actes.

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 5 mai 2025 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 28 avril 2025 pour une durée de 10 jours ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Kristina DE LUCIA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier