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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4314/2023

JTAPI/327/2025 du 31.03.2025 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/1239/2025

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;VENTE D'IMMEUBLE;GAIN EN CAPITAL;ARCHITECTE;EXÉCUTION FORCÉE
Normes : LIFD.18.al1; LIFD.16.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4314/2023 ICCIFD

JTAPI/327/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Mes Jean-Frédéric MARAIA et Marie MICHEL, avocats, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2021 de Monsieur A______, qui habitait alors dans un logement sis à la rue ______[GE], dont il était locataire.

2.             De 1999 à 2023, l’intéressé a occupé une position d’associé-gérant puis de gérant d’B______ Sàrl (ci-après : B______ Sàrl). Cette société était active dans le domaine de la construction et de l’architecture. Le contribuable était en outre employé d’C______, puis d’D______ Sàrl.

3.             De 2006 à 2019, Monsieur E______, architecte et promoteur immobilier, a exercé sa profession dans son entreprise individuelle C______, puis en tant qu’associé gérant d’D______ Sàrl et comme salarié de F______ SA. De 2009 à 2015, il a occupé le poste d’administrateur secrétaire de G______ SA. Il était également actif au sein d’B______ Sàrl, de H______ SA et d’I______.

4.             Monsieur J______ exerce la profession d’ingénieur civil.

De 1999 à 2005, il a exercé ce métier en tant qu’indépendant, sous la raison de commerce K______, laquelle, en 2005, est devenue L______ SA, dont il était l’administrateur jusqu’en mars 2024.

Du 26 octobre 2000 au 22 mars 2002, il a été associé gérant de la société M______ Sàrl. Du 18 avril 2001 au 2 juillet 2003, il a été l’administrateur de la société N______ SA (radiée le ______ 2021). En 2003, il a été l’administrateur, puis liquidateur de la société O______. De 2009 à 2015, il a également été l’administrateur de la société G______ SA. Depuis 2009, il a été l’associé gérant de la société P______ Sàrl. Depuis 2018, il exerce sa profession en tant qu'indépendant, sous la raison de commerce « Q______ ».

Les sociétés mentionnées dans les deux paragraphes précédents sont actives dans le domaine immobilier.

5.             MM. E______ et J______ ont détenu chacun la moitié du capital-actions de F______ SA. Ils ont acquis ensemble plusieurs immeubles, soit en copropriété, soit par le biais de cette société.

6.             Le 25 avril 2001, MM. J______, E______ et A______ ont signé une convention sous seing privé intitulée « Convention de partenariat pour la résidence (…) » (ci-après : la convention), dont le préambule énonçait notamment que les associés convenaient d'acheter un immeuble sis à ______[GE], à Genève (ci-après : l’immeuble) avec l'intention de le transformer et de le rénover, puis de remettre sur le marché huit logements de trois et quatre pièces destinés à la location ainsi qu'une arcade commerciale. La convention prévoyait notamment que :

-     les parts seraient réparties entre les acquéreurs à raison d'un tiers chacun, moyennant un apport initial de CHF 107'000.- par personne ;

-     après travaux et relocation, l'immeuble serait revendu à un tiers en bloc, au minimum selon les conditions mentionnées en page 8 de l'étude financière jointe à la convention, qui arrêtait un prix de vente global à CHF 2'003'595.- et un produit net de vente à CHF 1'670'107.- en se fondant sur les chiffres de 2001 et un calcul du rendement effectué sur la base de loyers bloqués par l'État durant cinq ans ;

-     dans le cadre de la revente de l'immeuble, les partenaires tenteraient d'obtenir le meilleur prix, si possible supérieur à celui pronostiqué ;

-     en cas d'échec de la revente, ils conserveraient l'immeuble jusqu'à ce qu'une opportunité favorable se présente ;

-     si l’un d’eux désirait se retirer prématurément, il était tenu de proposer prioritairement sa part aux partenaires restants afin qu'ils puissent la racheter ;

-     les associés restants rachèteraient à celui sortant sa part majorée d'une marge de 50 % par rapport à ce qui était pronostiqué en page 8 de l'étude financière jointe à la convention.

7.             Par acte authentique du 26 avril 2001, MM. J______ et A______, ainsi que F______ SA (cette dernière représentée par M. E______) ont acquis l'immeuble en question pour le prix de CHF 580'000.-. Ils ont été inscrits au registre foncier en qualité de copropriétaires à raison d'un tiers chacun. Simultanément, ils ont contracté un emprunt hypothécaire et un crédit de construction leur permettant de financer son acquisition et sa rénovation. En janvier 2002, ces deux emprunts ont été consolidés en un seul, de sorte que chaque partenaire a récupéré une somme de CHF 80'000.-, réduisant ainsi le montant des apports à CHF 27'000.- par personne.

8.             M. E______ s'est chargé de la gestion de l'immeuble dès son acquisition et ce, jusqu'à fin 2010.

9.             En 2012, les relations entre M. J______ et M. E______ se sont détériorées. Plusieurs procédures judiciaires ont été intentées en relation avec les immeubles qu’ils détenaient en commun.

Le 25 février 2015, M. J______ a proposé à MM. E______ et A______ de leur vendre sa part de l’immeuble ou de racheter les leurs, puisque la copropriété ne pouvait plus être maintenue.

10.         Le 14 septembre 2015, MM. E______ et A______ ont intenté une action en justice contre M. J______, tendant à son exclusion de la copropriété de l’immeuble, concluant à ce qu’il soit condamné à leur aliéner sa part, éventuellement aux enchères publiques.

11.         Par jugement du ______ 2017 (JTPI/1______), le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a débouté MM. E______ et A______ de leurs conclusions.

12.         Par arrêt du ______ 2018 (ACJC/2______ du ______ 2018), la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : chambre civile) a confirmé ce jugement et a renvoyé la cause au TPI afin qu'il statue sur les modalités du partage.

Puisque la convention n’avait pas été conclue en la forme authentique, elle ne respectait pas l’exigence de forme prévue par l’art. 650 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). En tant qu’il limitait le droit de chaque propriétaire de demander le partage de l'immeuble, cet accord était frappé de nullité.

13.         Par jugement du ______ 2019 (JTPI/3______), le TPI a notamment ordonné la vente de l’immeuble aux enchères publiques, désigné un notaire aux fins de procéder à toutes les opérations utiles à l’exécution du partage, dit que cette vente serait réalisée à un prix de départ de CHF 2'505'000.- et que le produit final serait partagé à raison d'un tiers entre les parties.

14.         Par arrêt du ______ 2020 (ACJC/4______), la chambre civile a confirmé ce jugement, rappelant, en substance, que la convention n’était pas entièrement nulle, mais seulement en tant qu’elle prévoyait un mode de partage de l’immeuble.

15.         Le recours interjeté à l’encontre de cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral (arrêt 5______ du ______ 2020).

16.         Le 2 novembre 2021, le contribuable, M. J______ et F______ SA ont vendu l’immeuble pour le prix de CHF 5'800'000.-.

17.         Le même jour, le contribuable et M. J______ ont chacun établi une déclaration pour l’IBGI, y précisant notamment que l’opération en question relevait de la gestion du patrimoine privé.

18.         Dans la rubrique « observations » de sa déclaration fiscale 2021, le contribuable a indiqué qu’il n’avait pas mentionné le gain immobilier résultant de la vente de l’immeuble.

19.         Par bordereaux datés du 6 octobre 2023, l’AFC-GE a taxé le contribuable pour l’année 2021. Ce faisant, elle a ajouté CHF 1'712'934.- au revenu du précité à titre de bénéfice net de l’activité indépendante correspondant à sa part au produit de la vente de l’immeuble.

20.         Le 17 juillet 2023, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations.

Le gain imposable se chiffrait à CHF 1'262'613.-, à savoir CHF 1'914'000.- (prix de vente) – CHF 651'387.- (prix d’acquisition) et non pas à CHF 1'712'934.-. C’était à tort que l’AFC-GE avait considéré l’opération comme commerciale. Il avait été contraint par le TPI de vendre l’unique bien immobilier en sa possession, financé par ses économies privées et qu’il souhaitait conserver pour sa retraite.

21.         Par décisions du 16 novembre 2023, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a réduit le gain immobilier imposable de CHF 1'712'934.- à CHF 1'262'613.-. Pour le surplus, la réclamation a été rejetée dans la mesure où la vente de l’immeuble sis à ______[GE] constituait une opération professionnelle.

Le même jour, l’AFC-GE a notifié au recourant des bordereaux rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de sa réclamation.

22.         Par acte du 27 décembre 2023, le contribuable, sous la plume de ses conseils, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation des décisions du 16 novembre précédent et à ce qu’il soit dit que l’immeuble faisait partie de sa fortune privée au moment de sa vente, le tout sous suite de frais et dépens.

Il avait détenu l’immeuble depuis 2001 et l’avait toujours déclaré comme appartenant à sa fortune privée. Il l’avait acquis afin d’investir ses économies sur le long terme, à savoir au-delà de l’âge de la retraite. Il n’avait vendu qu’un seul bien, la transaction étant intervenu dans le cadre d’un conflit survenu avec les copropriétaires. Le produit de l’aliénation n’avait pas été réinvesti dans un nouvel immobilier de rendement, mais dans l’achat d’une résidence secondaire en France.

L’emploi de fonds étrangers n’apparaissait pas inusuel. Sa part à l’acquisition de l’immeuble se montait à CHF 193'333.- (CHF 580'000.- / 3). Il avait financé celle-ci au moyen de fonds propres de CHF 107'000.-, ce qui représentait 55.3 %. En tenant compte du crédit de construction subséquent, la proportion de fonds propres se situait à 20 %. Sa résidence secondaire avait également été achetée grâce à ses fonds propres. Les rendements de l’immeuble sis à ______[GE] avaient servi à rembourser la dette.

Il occupait une profession d’architecte salarié de M. E______ depuis des années et ne détenait aucune part de la société D______ Sàrl. Toutefois, il n’agissait qu’en tant que simple exécutant, puisqu’il réalisait des plans. On ne pouvait pas nier que cette activité présentât un lien avec l’immobilier. Cependant, ce secteur comportait diverses sous-catégories très différentes les unes des autres. Or, il exerçait l’activité de projeteur, ne se rendait que très rarement sur les chantiers et n’intervenait jamais dans le contexte de l’achat/vente d’un bien immobilier. Il avait confié la gestion de sa part de copropriété à une régie immobilière. Il était certes inscrit comme associé-gérant d’B______ Sàrl, mais en réalité, il n’avait fait qu’accepter la demande de son employeur afin de poursuivre son activité dépendante. À titre personnel, il n’avait déployé aucune activité de gestion et n’était pas rémunéré pour cela. Il n’avait jamais détenu de part dans B______ Sàrl, dont l’unique actionnaire avait toujours été M. E______. Son salaire n’avait pas évolué du fait de l’acquisition de l’immeuble en cause. Les rendements de ce bien n’avaient pas servi à financer son train de vie, car il disposait d’une rémunération suffisante pour satisfaire à ses besoins personnels.

L’immeuble avait fait l’objet de travaux après son acquisition, mais s’agissant d’un immeuble squatté, ils se révélaient nécessaires pour le remettre en état en vue de le louer.

Enfin, la chambre civile avait nié l’existence d’une société simple. Les parties avaient investi dans le cadre d’une copropriété. Ce seul fait ne suffisait pas à qualifier l’opération de commerciale. M. E______ avait été désigné comme mandataire pour les procédures d’autorisation de construire. À ce titre il avait été rémunéré comme un tiers.

23.         Le 13 novembre 2023, M. J______ a saisi le tribunal d’un recours portant également sur la qualification – privée ou commerciale – de la vente litigieuse. Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/3885/2023.

24.         Dans sa réponse du 11 mars 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le recourant invoquait à tort une absence de caractère systématique ou planifié des opérations, car cette affirmation se trouvait en contradiction totale avec la convention et l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ 2020. Celle-ci prévoyait la revente de l’immeuble ; les partenaires devaient le conserver jusqu’à ce qu’une occasion favorable se présente. La revente de ce bien avait été planifiée, une fois que les travaux de rénovation auraient pris fin et les relocations, effectuées. Une plus-value était espérée.

Le contribuable alléguait qu’il exerçait une activité salariée à l’écart du commerce d’immeubles. Cependant, il avait fonctionné comme associé-gérant, puis gérant d’B______ Sàrl, active dans le domaine et l’architecture et de la promotion. Même si cette société ne présentait pas de lien avec le bien en question, l’intéressé ne pouvait être considéré comme étranger aux affaires immobilières. En outre, il avait travaillé comme architecte auprès d’C______, puis d’D______ Sàrl. Divers travaux avaient été entrepris pour améliorer le rendement de l’immeuble, ce qui avait eu pour effet de lui faire prendre de la valeur afin de le revendre à un meilleur prix. Dans ce cadre, deux autorisations de construire avaient été demandées par M. E______ en qualité de mandataire. Il existait ainsi un rapport étroit entre les opérations et l’activité professionnelle du recourant.

Les connaissances du secteur immobilier de MM. E______ et J______, respectivement architecte et ingénieur civil, avaient permis de mesurer le potentiel de l’immeuble, en mauvais état car squatté. Il nécessitait d’importants et onéreux travaux de remise en état avant d’être reloué, puis vendu. Seules des personnes aguerries et expérimentées avaient pu se lancer dans une telle opération. L’immeuble avait été acquis pour CHF 580'000.- et les travaux à plus-value avaient coûté CHF 1.3 million, soit davantage que le prix d’achat.

L’existence d’une société simple avait été confirmée par la chambre civile et le Tribunal fédéral. Dans le cadre du litige opposant le recourant, MM. E______ et J______, le Tribunal fédéral avait confirmé l’annulation de la convention en tant qu’elle ne respectait pas les exigences de forme relatives aux modalités de partage de la copropriété de l’immeuble, mais il n’avait aucunement été question d’une nullité de cet accord.

L’existence d’une société simple, couplé au caractère planifié des opérations, à la relation étroite entre l’activité et la formation du recourant, l’utilisation de connaissances spécialisées, l’engagement de fonds étrangers d’une certaine importance, permettait de conclure au caractère commercial de l’opération. L’existence d’une société simple contaminait l’ensemble des protagonistes, qui n’étaient pas de simples investisseurs passifs.

25.         Par réplique du 13 mai 2024, le contribuable a maintenu son recours.

L’on ne se trouvait pas en présence d’une fréquence élevée de transactions, dès lors que, durant toute sa vie, il n’avait acheté et vendu qu’un seul immeuble, qu’il avait détenu durant plus de vingt ans.

L’autorité intimée s’appuyait sur la convention pour conclure à l’existence de transactions planifiées. Or, les parties à cette dernière ne disposaient pas de connaissances juridiques et n’avaient pas eu recours à un spécialiste dans la rédaction de cet accord. L’AFC-GE s’attachait au texte de ce document, sans analyser le cas d’espèce à l’aune des faits pertinents. Les travaux avaient été terminés en décembre 2001, soit rapidement après l’acquisition de l’immeuble, et celui-ci avait pu être reloué dans la foulée. En revanche, les parties n’avaient pas concrètement cherché à le revendre, contrairement à ce qui était prévu dans la convention. Il l'avait été quelque vingt ans après son acquisition, de manière forcée, après un litige survenu entre les copropriétaires. On ne pouvait donc déduire un caractère planifié des opérations. Il avait réinvesti le produit de la vente dans une résidence secondaire à la montagne pour son usage personnel, ce qui excluait l’idée d’un réinvestissement dans le but de générer un nouveau gain.

Il avait occupé le poste d’associé-gérant, puis gérant d’B______ Sàrl, étant donné que M. E______ avait été suspendu du registre des mandataires professionnellement qualifiés. Il n’avait cependant jamais exercé de fonction dirigeante pour cette société, ni d’acquisition et/ou de vente immobilière. Son salaire lui était versé par M. E______. Il avait poursuivi son activité salariée tel qu’auparavant. Il avait subi le litige civil en raison d’un désaccord entre MM. J______ et E______. Sans une telle situation, l’immeuble n’aurait pas fait l’objet d’une vente forcée et serait très certainement encore détenu par les trois copropriétaires. Dès lors, il n’existait pas de rapport étroit entre la vente de l’immeuble et l’activité professionnelle du recourant.

L’AFC-GE retenait à tort, en se fondant sur la convention, les arrêts de la chambre civile et du Tribunal fédéral du ______ 2020, l’existence d’une société simple. La convention avait été pour partie invalidée. Le Tribunal fédéral avait retenu que c’étaient les règles de partage de la copropriété simple qui s’appliquaient. Ainsi, la convention réglait des rapports de copropriétaires, non de sociétaires. Enfin, plus de deux tiers des éléments stipulés dans la convention n’avaient pas été appliqués, soit parce qu’il n’avait jamais été question de vendre l’immeuble ou que, lors de la survenance du litige, les règles de partage n’avaient pas pu être appliquées, car considérées comme nulles par le Tribunal fédéral.

26.         Par duplique et écriture complémentaire des 25 juin et 8 juillet 2024, l’AFC-GE et le recourant ont campé sur leurs positions respectives.

27.         Par jugement du 11 novembre 2024 (JTAPI/1109/2024, cause A/3885/2023), le tribunal a retenu que le bénéfice réalisé par M. J______ lors de la vente de l’immeuble devait être qualifié de revenu de l’activité indépendante et non pas de gain en capital privé. Ce jugement fait actuellement l’objet d’un recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le recourant soutient que la vente de l’immeuble sis rue de ______ relève de la gestion de sa fortune privée, si bien que le gain provenant de sa vente n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu.

4.             Les art. 16 LIFD et de 17 la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoient que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Tel est le cas des produits de l’activité lucrative indépendante (art. 18 LIFD ; art. 19 LIPP). En revanche, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée ne sont pas imposables (art. 16 al. 3 LIFD et 27 let. j LIPP).

5.             De jurisprudence constante, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas. La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés de l'impôt sur le revenu ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si cette activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

6.             Ce qui est déterminant dans le cas de la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), ce sont les circonstances concrètes du cas, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.2 et les références).

7.             C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital et les bénéfices (commerciaux) en capital. Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants : le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur revente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire même - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 précité consid. 5.2 et les arrêts cités).

8.             Selon la jurisprudence, lorsque, par exemple, le contribuable acquiert un immeuble à hauteur de 95 % par des fonds étrangers, le seul fait qu’il ait gardé cet immeuble dix ans en sa possession, soit une durée relativement longue, ne suffit pas à contrebalancer les autres éléments permettant de considérer qu’il a dépassé le cadre de l'administration courante de sa fortune privée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.5). Une durée de possession de trente-cinq ans n’est pas non plus suffisante pour exclure le caractère commercial d’une opération immobilière, dans la mesure où le contribuable est actif dans le domaine immobilier et participe au projet en partenariat avec des professionnels de l'immobilier, mais pas pour ses besoins purement privés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2020 du 23 novembre 2020 consid. 5.4.2).

9.             Selon les cas, une opération unique peut même ressortir à une activité indépendante lorsque, par son ampleur, sa complexité, les connaissances requises ou les moyens mis en œuvre, elle excède largement les capacités d'un simple particulier en matière de gestion de ses biens, respectivement les limites d'un mandat de gestion de fortune de type traditionnel. Tel est également le cas lorsque l'opération isolée est en rapport avec la profession principale du contribuable Ainsi, le nombre d'opérations ne joue que peu, si ce n'est pas de rôle. L'activité immobilière du contribuable peut avoir un caractère purement accessoire, et même occasionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2A.23/2004 du 1er septembre 2004 consid. 3.2 ; RDAF 2011 II 345 consid. 3).

10.         Il convient donc d’admettre être en présence d’une activité lucrative lorsqu’un contribuable acquiert un bien patrimonial non pas seulement aux fins d’investir sa fortune privée ou pour profiter d’une occasion qui s’est présentée fortuitement à lui, mais dans l’intention manifeste de le revendre si possible rapidement avec un bénéfice. Il en va de même lorsqu’il s’efforce, comme un entrepreneur indépendant agissant dans le cadre d’une activité principale ou accessoire, d’utiliser le développement d’un marché pour réaliser un bénéfice. Un autre indice en faveur d’une activité lucrative au sens de la jurisprudence est le fait que le contribuable constitue, pour une transaction immobilière déterminée, une société simple (consortium de construction) avec une personne qui y participe dans l’exercice de sa profession et qui, à ce titre, dirige l’entreprise pour le compte des deux partenaires et d’entente avec lui. Un contribuable qui, dans un tel cas, ne participe qu’avec une mise de fonds à la réalisation du but lucratif commun doit se laisser imputer les activités effectuées à titre professionnel par le directeur des travaux pour le compte de tous les participants, comme s’il s’était agi de sa propre activité lucrative (ATA/983/2015 du 22 septembre 2015 consid. 9d).

11.         Les capacités professionnelles et connaissances spécialisées en matière d'immeubles sont attestées notamment par la formation d'ingénieur civil, mais surtout par l’activité en tant qu'administrateur au sein d’une société ayant pour but notamment la promotion immobilière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.5). La jurisprudence a également admis que, dans le cadre de l'analyse relative au commerce professionnel d'immeubles, un architecte disposait de capacités professionnelles et de connaissances spécialisées en matière d'immeubles qui pouvaient être mises à profit dans le cadre de la gestion de ceux-ci (ATF 112 Ib 79 consid. 2a).

12.         En l’espèce, il apparaît que le recourant n’a procédé qu’à une seule opération immobilière et n’a pas réinvesti le gain réalisé dans de nouveaux projets, puisqu’il a acquis une résidence secondaire en France. Il n’a ainsi pas exercé une activité immobilière à ce point intense qu’elle puisse être qualifiée de systématique. En outre, il a détenu l’immeuble pendant un peu plus de vingt ans, ce qui représente une longue durée.

Cela étant, ces seuls deux éléments ne suffisent pas à contrebalancer les autres indices ressortant du dossier, lesquels justifient de considérer que l’opération litigieuse excède la simple administration de la fortune privée de l’intéressé.

Celui-ci admet qu’il travaille dans le secteur immobilier, mais il soutient qu’il n’intervient jamais dans le contexte de l’achat et de la vente d’immeubles et qu’il se contente d’exécuter les instructions que lui donne son employeur, M. E______. Il n’a occupé son poste d’associé gérant, puis de gérant d’B______ Sàrl que sur demande du précité, qui avait été radié du registre des architectes. Cependant, le contribuable a mené l’opération litigieuse de concert avec MM. J______ et E______, qui disposent tous deux de compétences incontestées du domaine immobilier. En effet, le premier, ingénieur civil de profession, occupe des postes d'administrateur et de gérant de plusieurs sociétés spécialisées dans le secteur en question. Quant au second, il exerce la profession d’architecte et de promoteur immobilier. Le recourant doit, conformément à la jurisprudence, se laisser imputer les connaissances professionnelles de ses associés.

Le recourant soutient encore que c’est à tort que l’AFC-GE a retenu qu’il a acquis l’immeuble dans le cadre d’une société simple formée avec M. J______, F______ SA (représentée par M. E______). Selon lui, il a acheté ce bien en copropriété. La question de savoir si les acheteurs ont été liés par un contrat de société simple ou s’ils ont acquis le bien en copropriété n’a pas besoin d’être tranchée. Non seulement elle relève du droit civil, mais surtout cette distinction se révèle sans conséquence sur le plan fiscal. En effet, dans les deux cas, le contribuable s’est associé avec des professionnels de l’immobilier pour acquérir et rénover un immeuble en vue de le revendre, le tout sous la direction de l’un des associés, à savoir M. E______. Dès lors, comme exposé ci-dessus, les compétences professionnelles de ses partenaires lui sont imputables.

Le recourant explique que sa part a été financée à raison de 55.3 % par des fonds propres, ou de 20 %, si l’on tient compte du crédit de construction. Selon lui, ce pourcentage n’est pas inusuel. L’achat d’un bien immobilier financé par 20 % de fonds propres seulement se révèle certes habituel lorsque l’acquéreur investit dans une maison ou un appartement destiné à devenir sa résidence principale. Il en va différemment en l’espèce, puisque le recourant n’a jamais occupé le bien en question à quelque titre que ce soit. Dès lors, l’acquisition de l’immeuble en cause, financé à concurrence de 80 % de fonds étrangers démontre que les associés n'ont pas cherché à placer leur fortune privée de manière à la sécuriser et si possible à la faire fructifier en l'investissant, mais à réaliser un revenu, en investissant le minimum de fonds propres et en obtenant des crédits importants pour le solde du prix d’acquisition. En s'endettant dans une mesure dépassant largement leur propre investissement, ils ont agi comme s'ils investissaient dans une entreprise commerciale. On ne saurait en effet admettre qu'un simple gestionnaire de sa fortune privée s'endetterait dans une telle mesure. Dans ces conditions, on ne peut non plus admettre que le but de l’opération était lié à la prévoyance vieillesse du recourant.

Le recourant se prévaut en vain du fait que la vente de l’immeuble a été ordonnée par la justice civile. En effet, elle avait déjà été envisagée dans la convention du 25 avril 2001conclue simultanément à l’achat du bien.

Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, le bénéfice réalisé par le recourant lors de la vente de l’immeuble ne peut être qualifié de gain en capital privé, mais de produit de l’activité lucrative indépendante soumis à l’impôt sur le revenu.

L’AFC-GE devra toutefois tenir compte du montant de l’AVS vraisemblablement dû par le contribuable pour la période 2021 et déduire ce montant du gain immobilier taxable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_487/2022 du 5 septembre 2023).

13.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement. Le dossier est renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelles taxations dans le sens de ce qui précède.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée de CHF 700.- à la suite du dépôt du recours.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 400.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 décembre 2023 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 16 novembre 2023 ;

2.             l'admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 400.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière