Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/253/2025 du 11.03.2025 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 11 mars 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1991 et originaire de Gambie, a été condamné par les instances pénales suisses à 19 reprises depuis 2017, principalement pour des infractions à l'art 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
Il a également fait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois prise par le commissaire de police le 23 juin 2017, mesure qu'il a enfreinte à tout le moins à deux reprises.
2. La consultation de la base de données centrale de l’Union européenne où sont collectées les empreintes digitales des personnes relevant de la législation sur l’asile « EURODAC » a permis de révéler que M. A______ avait déposé une demande d'asile en Italie le 31 décembre 2013 et une deuxième demande d'asile en Allemagne le 4 août 2015.
3. Les 29 septembre 2020, 17 mai 2021 et 13 décembre 2021, M. A______ a été refoulé dans deux États Dublin (Allemagne et Italie), après que ces derniers pays aient consenti à son transfert depuis le territoire suisse conformément à l'art. 18 al. 1 let. b et d du Règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
4. Le 28 juin 2020, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse (IES) prise à son encontre par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) et valable jusqu'au 29 janvier 2024.
5. Le 13 janvier 2022, M. A______ a été contrôlé à la rue de la Coulouvrenière, à Genève, alors qu'il était démuni de documents d'identité. Prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 LEI (entrée illégale, séjour illégal), l'intéressé s'est refusé à toute déclaration.
6. Le 14 janvier 2022, l’intéressé, après avoir été entendu par le procureur, a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public, en référence aux éléments de son arrestation, puis il a été remis aux services de police.
7. Le même jour, M. A______ a été placé, sur la base de l'art. 76a al. 2 let. e et al. 3 let. a LEI, par le commissaire de police, en détention administrative pour une durée de sept semaines.
8. Le 19 janvier 2022, l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin, en application de la réglementation du même nom.
À cette occasion, le droit d’être entendu, quant à la responsabilité de l'Italie de mener la procédure d’asile et de renvoi conformément au Règlement Dublin et en ce qui concerne la décision de renvoi au sens de l’art. 64a al. 1 LEI, a été octroyé à M. A______.
9. Le 24 janvier 2022, en se basant sur ce qui précède, le SEM a soumis une requête aux fins de l’admission de M. A______ aux autorités italiennes, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement Dublin.
10. Les autorités italiennes n'ont pas fait connaître leur décision dans le délai prévu.
11. Le 8 février 2022, le SEM a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 LEI, laquelle lui a été notifiée le 14 février 2022. À cette occasion, M. A______ a indiqué qu’il acceptait de renoncer à interjeter un recours contre cette décision. Le SEM a chargé le canton de Genève d’exécuter sa décision.
12. Le 7 mars 2022, M. A______ a été renvoyé en Italie.
13. Le 29 mars 2022, M. A______ a été interpellé à la rue du Tir par les services de police genevois, après qu'il eut pris la fuite à la vue des forces de l'ordre.
Prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 LEI (entrée illégale), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), il a expliqué être venu à Genève le 12 mars 2022 pour rendre visite à un ami, puis être retourné en Italie pour revenir de nouveau à Genève le 29 mars 2022. Il se trouvait sur le territoire genevois à la demande de son avocat.
14. Le 30 mars 2022, l’intéressé, après avoir été entendu par le procureur, a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public, en référence aux éléments de son arrestation, puis il a été remis aux services de police.
15. Le même jour, M. A______ a été placé, sur la base de l'art. 76a al. 2 let. e et al. 3 let. a LEI, par le commissaire de police, en détention administrative pour une durée de sept semaines.
16. Le 31 mars 2022, l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin, en application de la réglementation du même nom.
À cette occasion, le droit d’être entendu, quant à la responsabilité de l'Italie de mener la procédure d’asile et de renvoi conformément au Règlement Dublin et en ce qui concernait la décision de renvoi au sens de l’art. 64a al. 1 LEI, a été octroyé à M. A______.
17. Le 4 avril 2022, en se basant sur ce qui précède, le SEM a soumis une requête aux fins de l’admission de M. A______ aux autorités italiennes, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement Dublin.
18. Les autorités italiennes n'ont pas fait connaître leur décision dans le délai prévu.
19. Le 19 avril 2022, le SEM a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 LEI, laquelle lui a été notifiée le 22 avril 2022. À cette occasion, M. A______ a indiqué qu’il acceptait de renoncer à interjeter un recours contre cette décision. Le SEM a chargé le canton de Genève d’exécuter sa décision.
20. Les démarches en vue de l'exécution du renvoi de l’intéressé en Italie, selon les modalités de la décision du SEM du 19 avril 2022 ont été immédiatement entreprises et l'intéressé a été transféré en Italie le 12 mai 2022.
21. Revenu en Suisse, M. A______ a été arrêté par la police à Genève, dans le quartier des B______, alors qu'il était en possession d'une sacoche contenant 31 boulettes de cocaïne (20 gr), plusieurs cailloux de crack (14 gr), 40 pilules d'ecstasy (14 gr) et 22 sachets de marijuana (72 gr) et qu'il occupait un appartement où ont été découverts 24 gr de cocaïne, 15 gr de crack, 197 pilules d'ecstasy (80 gr) et 31 sachets de marijuana (107 gr) et du nécessaire de conditionnement.
22. Monsieur A______ a refusé de s'exprimer et a été maintenu en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon.
23. Par ordonnance pénale du 29 septembre 2022, le Ministère public a condamné l'intéressé à une peine privative de liberté de 180 jours pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; art. 19 al. 1 let. d LStup), entrée illégale et séjour illégal.
24. Par jugement du 19 octobre 2022, le Tribunal d'application de peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de M. A______.
25. Le 19 août 2022, pendant sa détention, l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin.
À cette occasion, le droit d’être entendu, quant à la responsabilité de l'Italie de mener la procédure d’asile et de renvoi conformément au Règlement Dublin et en ce qui concerne la décision de renvoi au sens de l’art. 64a al. 1 LEI, a été octroyé à M. A______.
26. Le 25 août 2022, en se basant sur ce qui précède, le SEM a soumis une requête aux fins de l’admission de M. A______ aux autorités italiennes, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement Dublin.
27. Les autorités italiennes n'ont pas fait connaître leur décision dans le délai prévu.
28. Le 9 septembre 2022, le SEM a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 LEI, laquelle lui a été notifiée, le 4 octobre 2022. À cette occasion, M. A______ a indiqué qu’il acceptait de renoncer à interjeter un recours contre cette décision. Le SEM a chargé le canton de Genève d’exécuter sa décision.
29. Arrivé au terme de sa peine pénale, M. A______ a été libéré de Champ-Dollon le 1er juin 2023 et a été arrêté par police le 10 juillet 2023, dans le quartier des C______, avant d'être condamné le lendemain, par ordonnance pénale du 11 juillet 2023, pour infraction à la LEI.
30. Le 8 août 2023, M. A______ a été arrêté par la police à Genève, dans le quartier des C______, après avoir été observé en train de vendre un caillou de crack de 0.6 gr à un toxicomane contre la somme de CHF 40.-.
31. M. A______, en possession de CHF 719.40 et EUR 13.20, d'une trottinette électrique de provenance douteuse et d'un téléphone, a refusé de d'exprimer.
32. Par ordonnance pénale du 9 août 2023, le Ministère public a condamné l'intéressé, prévenu de trafic de stupéfiants et d'infractions à la LEI (séjour illégal ; conditions d'entrée en Suisse non respectées ; ne pas s'être conformé à un IES), et l'a remis en mains de service de police.
33. Le même jour, le commissaire de police lui a notifié une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève (ensemble du territoire genevois) pour une durée de 24 mois.
34. Le 8 novembre 2023, l'intéressé a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public, notamment, pour violation de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève précitée.
35. Le 17 août 2023, il a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon, en vue d'exécuter divers écrous.
36. Le 23 février 2024, M. A______ s’est vu notifier, sur son lieu de détention, la décision du 22 février 2024 de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) prononçant son renvoi de Suisse, ainsi que du territoire des États membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen et lui a imparti un délai de 24 heures dès sa libération par les autorités judiciaires pour quitter le territoire helvétique et les États précités.
37. Le 29 février 2024, M. A______ s’est vu notifier, sur son lieu de détention, la décision du 27 février 2024 du SEM lui faisant interdiction d’entrer en Suisse et au Lichtenstein pour une durée de cinq ans dès la date de son départ. Le SEM précisait que cette « interdiction d’entrée entraîn[ait] une publication de refus d’entrée dans le Système d’information Schengen (SIS II) [et que c]ette publication a[vait] pour effet d’étendre l’interdiction d’entrée à l’ensemble du territoire des États Schengen ».
38. Le 26 mars 2024, M. A______ a été libéré de détention pénale.
39. Le 4 avril 2024, il a été interpellé par les services de police après avoir vendu un caillou de crack (0,2 gr) contre la somme de CHF 40.- à un toxicomane dans le quartier des C______, puis placé en détention provisoire.
40. Par jugement du 25 juin 2024, le Tribunal de police, après avoir établi que M. A______ avait séjourné en Suisse du 27 au 31 mars 2024, puis du 2 au 4 avril 2024 sans disposer des autorisations nécessaires et alors qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi prononcée par l'OCPM le 22 février 2024 (faits admis par l’intéressé), qu’il avait séjourné à Genève aux mêmes dates, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée sur le territoire cantonal valable dès le 9 août 2023 pour une durée de 24 mois, décision valablement notifiée le 9 août 2023 (faits admis par l’intéressé), qu’il avait vendu, le 4 avril 2024, à un homme un caillou de crack de 0,2 gr contre la somme de CHF 40.-, a déclaré M. A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), d'infraction à l’art. 19 al. 1 let. c LStup et d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), l’a condamné à une peine privative de liberté de 8 mois, sous déduction de 85 jours de détention avant jugement (art. 40 CP), ainsi qu’à une peine pécuniaire de 20 jours-amende (art. 34 CP), le montant du jour-amende ayant été fixé à CHF 10.-, et a ordonné son l'expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans (art. 66abis al. 1 CP), après avoir relevé que l’intéressé, dont c'était la 19ème condamnation, devait être durablement éloigné de Suisse, que l'intérêt public à son expulsion était prépondérant et qu'il ne disposait d'aucun intérêt privé à demeurer en Suisse.
41. Par ordonnance du 28 août 2024, le TAPEM a refusé la libération conditionnelle de l’intéressé.
42. Le 28 novembre 2024, M. A______, au bénéfice de son passeport gambien émis à D______(Gambie) le 24 janvier 2022 et valable jusqu’au 24 janvier 2027, a refusé d’embarquer à bord de l’avion devant le renvoyer en Gambie. Il a alors été reconduit à Champ-Dollon.
43. Arrivé au terme de sa peine le 1er décembre 2024, M. A______ a été remis en mains des services de police, lesquels avaient au préalable requis son inscription sur le prochain vol spécial à destination de son pays d’origine.
44. Le 1er décembre 2024 toujours, à 09h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, en application des art. 75 al. 1 let. b et g et 76 al. 1 let. b ch. 1 à 4 LEI.
Lors de son audition, M. A______ a déclaré qu’il n’était pas d’accord de retourner en Gambie.
45. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
46. Entendu le 3 décembre 2024 par le tribunal, M. A______ a confirmé qu'il n'était pas d'accord de retourner en Gambie, car il était homosexuel. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait quitté, à l’époque, son pays. Il voulait déposer une demande d’asile compte tenu des risques qu’il encourrait en cas de retour, du fait de son orientation sexuelle.
Le tribunal a informé M. A______ et son conseil que le commissaire de police lui avait remis ce jour une enveloppe avec la période prévisible du vol spécial à destination de la Gambie.
La représentante du commissaire de police a confirmé que M. A______ était inscrit sur ledit vol spécial et rappelé que les vols avec escorte n’étaient pas possibles vers la Gambie. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée de six mois requise.
Le conseil de M. A______ s’en est rapporté à justice s’agissant du principe de la détention et a conclu à la limitation de sa durée à la date envisagée pour le vol spécial. Subsidiairement, il a conclu à la mise en liberté, au plus vite, de son client.
47. Par jugement du 3 décembre 2024 (JTAPI/1182/2024), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative prise par le commissaire de police le 1er décembre 2024 pour une durée de six mois soit jusqu’au 31 mai 2025.
48. Par arrêt du 23 décembre 2024 (ATA/1502/2024), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par M. A______ le 16 décembre 2024 contre le jugement du tribunal.
49. Par requête du 28 février 2025, M. A______ a demandé sa mise en liberté.
Il était détenu au Centre de détention administrative de Sion depuis de nombreux mois et se trouvait dans une détresse profonde en raison des conditions de sa détention qui ne respectaient pas les normes minimales requises.
Il était privé de toute activité et de tout accès au travail, à internet ou encore à une bibliothèque. Cette situation constituait une violation manifeste de plusieurs dispositions légales et conventionnelles et il en résultait une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux.
Sa santé psychique était clairement menacée et le centre de détention administrative de Sion (ci-après : le centre) ne garantissait pas des conditions de détention conformes aux standards minimaux. Dès lors, l’illégalité de sa détention devait être constatée et sa mise en liberté immédiatement ordonnée.
50. Lors de l’audience du 10 mars 2025 devant le tribunal, M. A______ a déclaré que sur son lieu de détention il y avait des téléphones et il y avait accès. Il n’avait accès qu'à cinq-six livres et qu'il n'y en avait pas d'autres. Personne ne lui proposait d’activité ; il avait lui-même décidé de faire du nettoyage de l'endroit où il vivait et mangeait. Il ne faisait malheureusement rien de toute la journée. Il savait qu'il y avait des ateliers mais ils étaient toujours fermés. Les détenus ne faisaient rien de toute la journée. Il pensait qu’ils étaient une quinzaine quand ils mangeaient sur son étage. Il a indiqué ne pas vouloir obtenir l'asile en Suisse. Il voulait repartir en Italie. Si les autorités suisses ne voulaient plus de lui, la police pouvait le conduire à la frontière à E______ et il se rendrait par ses propres moyens en Italie.
La représentante de l’office cantonale de la population (ci-après : OCPM) a indiqué que M. A______ avait d'abord été détenu à Zurich pour ensuite être transféré à Sion vu le nombre de places disponibles pour la détention administrative. Elle avait pris des renseignements auprès du centre de détention et a confirmé qu’il n'y avait effectivement pas d'accès à internet sur ce lieu de détention. L'accès à la bibliothèque pouvait être obtenu et, lorsque le responsable des ateliers était présent, ces ateliers étaient accessibles. Elle a déposé l'extrait Symic qui attestait que la demande d'asile avait été refusée. Elle a indiqué qu’ils étaient dans l'attente de l'entrée en force de la décision de rejet de l'asile pour pouvoir aller de l'avant dans l'exécution du renvoi (l'asile ayant été rejeté le 13 février 2025). Elle a aussi confirmé que les autorités italiennes avaient refusé la réadmission de M. A______. Les autorités allaient entreprendre les démarches en vue de transférer M. A______ dans un lieu de détention dans lequel il pourra avoir notamment accès à internet, soit à Zurich soit à Genève et ceci dans un délai de deux semaines. Elle a confirmé que le vol spécial devrait avoir lieu avant la fin de la détention administrative de M. A______. Elle a plaidé et conclu au rejet de la demande de mise en liberté formulée par M. A______.
Le conseil de l’intéressé a contesté que son client puisse être encore maintenu deux semaines dans son lieu de détention à Sion car il s'agissait de torture. Elle a plaidé et demandé la confirmation de la demande de mise en liberté et donc la remise en liberté immédiate de son client, seule solution puisqu'il n'y avait pas d'autre lieu de détention pouvant l'accueillir. Dès sa mise en liberté, son client s'engageait à quitter la Suisse immédiatement pour l'Italie.
51. La représentante de l’OCPM a encore transmis, le 10 mars 2025 à 12h45 le courriel que Monsieur F______, chef du Secteur Détention administrative du canton du Valais lui avait adressé le matin-même.
Selon ce courriel, le centre disposait d’un atelier d’occupation ouvert du lundi au vendredi. Il était clair que, lors des absences du maître socio-professionnel, l’accès à l’atelier était limité. Toutefois, le centre proposait des activités annexes telles que l’intendance, la buanderie et des ateliers cuisine (en principe 1x/semaine). De plus, un art-thérapeute intervenait également une fois par semaine. Pour terminer, un projet de « médiation animale » verrait bientôt le jour au centre : une intervenante externe devrait être présente au minimum deux fois par mois avec de petits animaux afin que les personnes en détention dans le centre puissent s’en occuper. La salle de sport était accessible du lundi au dimanche de 8h30 à 11h30 et la cour de promenade, avec un appareil de sport, également du lundi au dimanche de 8h30 à 11h30 et de 13h45 à 16h30. Les aumôniers étaient présents tous les vendredis matin et partageaient le repas de midi avec les personnes détenues et les bénévoles de « paroles en liberté » étaient présents les vendredis après-midi.
Pour l’heure, le centre ne disposait pas d’un accès à internet. Toutefois, il bénéficiait d’un système pour créer des visio-conférences (visite virtuelle) sur demande et il n’y avait pas de limite à son utilisation.
Chaque unité de vie disposait d’une armoire où se trouvaient des livres dans plusieurs langues, des jeux de cartes et des jeux de société. Une réserve de livres était accessible sur demande.
M. A______ n’avait jamais fait part de son mécontentement quant à sa prise en charge, bien au contraire. Dernièrement, lors de la visite de la Commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT) au centre, les personnes en détention, dont M. A______, avaient mis en avant la bonne prise en charge et le bon relationnel entre eux et les collaborateurs, ce qui avait été relevé d’ailleurs par ladite commission.
52. M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a transmis des observations dans le délai imparti par le tribunal.
Rien que l’absence d’un accès à internet était un motif de violation de l’art. 3 CEDH. Il existait un atelier d’occupation mais il n’y avait jamais eu accès. Par ailleurs, il s’était plaint de ses conditions de détention. Ainsi, il était privé de toute activité et de tout accès au travail, à internet ou encore à une vraie bibliothèque.
Il persistait donc intégralement dans ses conclusions.
1. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.
Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.
Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).
Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).
3. En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 28 février 2025 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.
4. Selon l'art. 80 al. 6 LEI, la détention est levée dans les cas suivants :
a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ;
b. la demande de levée de la détention est admise ;
c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.
5. Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.
6. Interprétant cette disposition, le Tribunal fédéral a retenu, dans l’ATF 149 II 6 du 13 octobre 2022, qu’au vu de la situation spécifique des personnes placées en détention administrative, il n’était pas justifié d’interdire de manière générale l’accès à Internet (consid. 5.2.2). Il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à Internet. Il n’existait par ailleurs aucun impératif sécuritaire ou en lien avec le bon fonctionnement de l’établissement qui justifierait une restriction à Internet. Un refus général d’accéder à Internet était par conséquent contraire aux recommandations internationales et constituait une restriction disproportionnée aux libertés d’opinion et d’information (art. 16 Cst. et 10 CEDH ; consid. 5.2.3).
7. A teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers : par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240; b. pour les cas liés à un transfert Dublin : par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 ( ) (al. 4).
8. Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Suisse a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (RS 0.105), édictée sous l'égide des Nations Unies. Au plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. À teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise prévoit aussi que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst- GE).
Selon le Tribunal fédéral, les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (ATF 145 I 318 consid. 2.1 ; 143 I 241 consid. 3.4).
9. Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).
10. En l’espèce, il ressort du dossier que le centre dans lequel M. A______ est actuellement détenu ne propose effectivement pas d’accès à internet. Conformément à l’arrêt précité (ATF 149 II 6), cette situation viole la liberté d’opinion et d’information de M. A______ et va au-delà de ce qui parait nécessaire pour le but de détention des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers (consid. 5.4). La restriction n’est justifiée ni par les exigences du fonctionnement de l’établissement ni pour des raisons de sécurité à teneur de l’arrêt du Tribunal fédéral, ce que l’établissement valaisan concerné n’allègue d’ailleurs pas.
Cette situation n’entraîne pas l’illicéité des conditions de détention, mais implique que l’établissement aménage une possibilité d’accès à internet, éventuellement limitée dans le temps et l’espace, selon le Tribunal fédéral.
11. Par conséquent, les conditions de détention de M. A______ doivent être adaptées dans le sens des considérants. Si cela n’est pas possible, l’intéressé devra être transféré dans un lieu qui satisfait à l’exigence précitée.
12. Le délai pour l’adaptation sera toutefois supérieur aux 5 jours retenus dans l’ATF du 13 octobre 2022, au vu des différences importantes dans les conditions de détention, comme l’avait fait la chambre administrative de la Cour de justice dans un arrêt 6 décembre 2022 dans un cas très similaire (ATA/1218/2022). En effet, l’établissement valaisan n’est pas opposé à un tel accès mais n’en dispose actuellement pas, indépendamment de sa volonté. De même, l’intéressé peut circuler librement et n’est pas enfermé dans sa chambre, a un accès à un appareil téléphonique qui n’apparait pas être limité dans le temps et qui possède un système de visio-conférence sur demande et sans limitation. Il peut accéder à une salle de sport tous les jours de 8h30 à 11h30 et bénéficie d’une promenade extérieure entre 8h30 et 11h30 et de 13h45 à 16h30. Rien n’indique qu’il ne puisse pas recevoir de visites, ce qu’il ne fait en tout cas pas valoir. Enfin, il peut entrer en contact avec des aumôniers et des bénévoles une fois par semaine et, contrairement à ses déclarations, il a accès à quelques livres, même s’il ne s’agit pas d’une bibliothèque entière, de même qu’à des jeux de cartes et des jeux de société. Ces éléments permettent sans conteste une vie sociale beaucoup plus étendue que celle des personnes en détention dans l’établissement de Moutier concernée dans l’ATF susmentionné, qui subissent un enfermement en cellule dix-huit heures par jour. De surcroît, sans minimiser l’atteinte portée à la liberté d’opinion et d’information de l’intéressé, il ne ressort pas du dossier qu’il se soit régulièrement plaint auprès de la direction de l’établissement de l’absence d’accès à internet voire qu’il l’ait, préalablement au présent recours, demandé, étant souligné que, dans sa demande de mise en liberté, il précise se trouver sur ce lieu de détention depuis plusieurs mois. Selon son conseil, il aurait dû être calmé à plusieurs reprises car il se plaignait de ses conditions de détention, alors que, au contraire, M. F______ indique qu’il n’a pas eu connaissance d’un mécontentement de M. A______ et que ce dernier avait mis en avant la bonne prise en charge et le bon relationnel entre les détenus et les collaborateurs lors de la visite de la CNPT.
Enfin, concernant l’accès à des activités, s’il est regrettable que les ateliers ne soient pas accessibles de manière régulière, il doit toute de même être retenu que des activités sont proposées aux personnes détenues telles que l’intendance, la buanderie et des ateliers cuisine, et M. A______ a indiqué, lors de l’audience, avoir pris l’initiative de faire du nettoyage.
13. Le délai sera en conséquence fixé au lundi 24 mars 2025, délai tenant compte des indications de la représentante de l’OCPM lors de l’audience du 10 mars 2025 de la possibilité de déplacer l’intéressé dans un autre lieu de détention dans un délai de deux semaines, et des conditions actuelles de détention sus-décrites. À défaut d’adaptation des conditions de détention, ou d’un changement d’établissement, M. A______ devra être libéré au plus tard à cette date.
14. Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera admise dans le sens des considérants.
15. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 28 février 2025 par Monsieur A______ ;
2. l’admet dans le sens des considérants ;
3. confirme l’ordre de mise en détention jusqu’au 31 mai 2025 inclus à condition que les conditions de détention de M. A______ soient adaptées conformément aux considérants au plus tard le 24 mars 2025 ;
4. dit que si cette condition n’est pas respectée, Monsieur A______ doit être libéré au plus tard à cette date ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |