Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/89/2025 du 27.01.2025 ( LVD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 27 janvier 2025
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dans la cause
Madame A______, agissant en son nom et celui de son enfant mineur B______
contre
Monsieur C______
1. Le 16 janvier 2025, la police est intervenue à la rue ______ [GE] au domicile de Madame A______ suite à un appel reçu de Madame D______, une de ses amies.
Sur place, la police a été mise en présence de Mme D______, de Mme A______ – enceinte – et M. C______, compagnon de Mme A______, père de l’enfant B______ et de l’enfant à venir.
2. La police a tout d’abord procédé à l’audition de Mme D______.
Elle avait fait appel à la police car son amie, Mme A______ lui avait envoyé un message le matin même en lui disant qu'elle ne se sentait pas en sécurité à son domicile et qu'elle pensait prendre un Airbnb à E______ pour ces prochains jours. Elle l’avait appelée à midi et cette dernière lui avait expliqué se sentir passablement fatiguée car elle était malade depuis quelques jours, sa fille également, et qu'elle devait s'en occuper car son petit-ami, M. C______ n’était pas à la maison ; de plus, elle était enceinte de huit mois. Elle avait précisé ensuite qu'elle avait eu un gros conflit avec son conjoint et qu'elle voulait venir à E______, ce qu’elle l’avait encouragée à faire. Il était convenu qu'elle viendrait le lendemain pour des raisons organisationnelles.
Vers 15h, elle lui avait envoyé un autre message lui disant qu'elle préparait ses affaires afin de partir pour E______. Elle s’était organisée afin de lui trouver un logement d'urgence et elles avaient convenu qu'elle viendrait en train jusqu'à E______ et qu’elle viendrait la chercher aux alentours de 17h, après confirmation de l'heure exacte de sa part. Voyant le temps passer et n'ayant plus de nouvelles de sa part, elle avait tenté à plusieurs reprises de la contacter, sans succès. Mme A______ lui avait ensuite expliqué qu'elle ne viendrait pas ce soir, mais demain ; elle avait tout de suite entendu au son de sa voix que quelque chose n'allait pas. Après l'avoir questionnée, elle lui avait dit que son conjoint était venu au domicile afin de discuter de leur dispute. Avant de raccrocher, elle lui avait demandé de la contacter durant la soirée car elle ne se sentait pas en sécurité. Après lui avoir demandé pourquoi, elle lui avait expliqué qu'il ne la laissait pas partir et qu'il la retenait de force. Elle avait entendu qu'il était à côté d'elle ; de ce fait, elle avait pris le train afin de se rendre chez Mme A______.
Durant le trajet, elle était restée au téléphone avec Mme A______, laquelle lui avait expliqué que M. C______ lui avait fait du mal physiquement : il l'avait jetée par terre, lui avait tiré les cheveux et l'avait poussée, durant l'après-midi. Elle lui avait spécifié que ce n'était pas la première fois. Elle se trouvait alors dans l'allée de l'immeuble et elle n'osait pas entrer dans l’appartement.
Alors qu’elle était encore en ligne avec Mme A______, M. C______ était sorti du logis et Mme A______ avait répété les faits de violence qui s'étaient produits durant la journée et indiqué que ce n'était pas la première fois, afin qu'il se rendit compte que cela n'était plus caché. A un moment, Mme A______ avait précisé qu'il s'approchait d'elle et lui avait dit qu'elle ne se sentait pas en sécurité. Puis, M. C______ lui avait mis une gifle : elle n’avait pas entendu le coup mais entendu la réaction et Mme A______ l'avait verbalisé. De plus, M. C______ ne l'avait pas nié. Il avait demandé à maintes reprises à ce qu'elle raccrochât le téléphone mais elle avait refusé. Ensuite quelqu'un avait coupé la communication. Elle avait essayé de rappeler Mme A______ à plusieurs reprises, sans succès. Mme A______ l’avait ensuite rappelée et lui avait dit que M. C______ lui avait asséné des coups de pied. Elle lui avait alors dit qu’elle allait faire appel au 117 mais Mme A______ avait refusé. Mme A______ avait fait croire à M. C______ qu’elle avait appelé afin qu'il se calme, ce qui avait fonctionné. Mme A______ a raccroché le téléphone puis l’avait rappelée pour lui dire qu'il allait quitter l'appartement et qu’elle ne devait pas se faire de souci. Après plusieurs minutes sans réponse de sa part, elle s’était inquiétée et avait fait appel à la police.
Elle était arrivée chez Mme A______ environ 20 minutes avant la police et Mme A______ ainsi que M. C______ se trouvaient dans le logement. Mme A______ s'était tout de suite excusée du désordre et M. C______ lui a dit d'assumer et de ne pas ranger. Mme A______ avait tout de même pris un sac afin de ranger ce qui jonchait le sol et M. C______ était venu pour lui arracher le sac des mains. Mme A______ s'était retrouvée accroupie, pour une raison qu’elle ignorait et M. C______ la maintenait dans cette position en lui mettant de la pression sur l'épaule, afin d'éviter qu'elle ne se relève. Elle lui avait donc ordonné de lâcher Mme A______, ce qu'il avait fait et cette dernière s'était relevée. Elle avait pris le sac afin qu'il le lâche et était allée dans le salon. Elle s’était retournée car Mme A______ lui disait « Déb, regarde » et à cet instant, elle avait vu que M. C______ était passé devant Mme A______ dans le couloir, la bousculant et cette dernière s’était retrouvée au sol : il l’avait bousculée fortement. C'est immédiatement après cet épisode que la police avait sonné à la porte.
Mme A______ était comme sa famille.
Elle savait que Mme A______ et M. C______ étaient ensemble depuis l'été 2023 et que tout se passait bien jusqu'à ce que Mme A______ apprenne que M. C______ l'avait trompée, il y avait environ deux mois. Mme A______ ne savait pas vraiment quoi faire de la relation mais après avoir réfléchi, elle avait décidé de rester avec lui jusqu'à son accouchement afin qu'il l'aide. Suite à cela, elle lui disait parfois que ça se passait bien. De ce fait, elle ne se mêlait pas de leurs histoires si Mme A______ ne lui en parlait pas.
Mme A______ avait un contexte de vie particulier. Elle était relativement isolée et M. C______ le savait. Elle pensait que cela avait joué un rôle dans le fait que Mme A______ n'en parlait pas par peur d'en subir les conséquences. Il semblait que les violences du jour avaient commencé lorsqu'elle préparait ses affaires afin de la rejoindre à E______. Elle pensait qu'il y avait une emprise émotionnelle énorme.
3. La police a ensuite procédé à l’audition de Mme A______.
Elle avait rencontré M. C______ en janvier 2023, et ils s’étaient mis en couple au mois de mars 2023. Elle était rapidement tombée enceinte : à ce moment-là, elle vivait en colocation à la rue F______ et lui vivait chez des amis à Genève.
Les problèmes avaient commencé à partir de là. M. C______ ne voulait pas s'investir financièrement et ne voulait pas vivre avec elle. Au début, il n'y avait pas de violence physique, ce n'était que des conflits verbaux et des insultes, et pas régulièrement ; il y avait de bons moments et de mauvais moments. Quand leur fille était née, la situation s'était dégradée et la violence physique avait débuté. Elle était retombée enceinte un mois après la naissance de B______. Ils n’avaient jamais vécu ensemble officiellement. Le premier incident de violence physique s'était produit au mois d'avril ou mai 2024 : il était venu dans son appartement, avait cassé du matériel et s'en était pris à elle physiquement. Elle avait eu des traces sur le corps mais n’était pas allée faire constater ses blessures chez un médecin.
Ce jour, elle avait écrit un message à son amie Mme D______ car elle souhaitait aller chez elle. Elle ne se sentait pas bien chez elle car elle s’était fâchée par téléphone avec M. C______, le matin à 10h car leur fille était malade depuis trois jours et elle-même ne dormait pas. Elle était enceinte et à terme, elle manquait de sommeil. M. C______ lui avait répondu qu'il ne voulait pas l'aider alors elle lui avait dit qu’elle allait partir chez une amie. Aux environs de 15h45, elle était prête à partir et M. C______ était arrivé au domicile. Il l’avait empêchée de partir, prenant leur fille dans les bras. Elle se trouvait alors assise sur le canapé et il avait commencé à être violent physiquement : il frappait avec son doigt sur sa bouche et l'empêchait de se lever du canapé à l'aide de son coude. Puis, avec son poing fermé, il lui avait mis un coup sur la joue droite mais sans user de force ; cela lui avait quand même fait mal. Il pratiquait les arts martiaux et savait comment faire mal sans user de force.
Elle avait ensuite fait un message vocal à 17h à Mme D______ lui disant qu’elle n'allait pas venir. Elle avait précisé à la fin du message que si elle n'avait pas de nouvelle d'ici une heure elle devait s'inquiéter. À la fin du message, M. C______ avait tapé dans le téléphone qui se trouvait dans sa main et le téléphone avait été projeté contre le mur. Après cela, elle s’était mise en boule sur le canapé et avait mis sa tête entre ses bras : M. C______ tenait leur fille avec son bras gauche et avait commencé à la frapper avec le bras droit sur le visage et le haut du corps mais pas sur son ventre. Il avait aussi mis des coups de pieds sur ses jambes. Il n’avait pas mis beaucoup de force mais ça lui avait quand même fait mal. Pendant qu'il la frappait, elle lui avait demandé de poser leur fille. Elle pensait qu’il l’avait frappée pendant dix minutes, mais peut-être pas de manière continue, il s'arrêtait et reculait puis revenait et recommençait.
Lorsqu'il l’avait écoutée et avait posé la petite, elle s’était levée et était allée dans la cuisine : il l’avait suivie et lui avait saisi le cou avec sa main droite. Il ne l’avait pas serrée fort car elle n'avait pas de marque ; il avait ensuite posé ses lèvres sur les siennes.
Elle ne se défendait plus car il lui avait déjà montré par le passé que si elle se défendait, il utilisait sa force : elle ne faisait que de parler.
Elle lui avait demandé de parler calmement. Elle était retournée sur le canapé et lui s’était assis en face d’elle sur le sol. Leur conversation concernait leur relation : M. C______ souhaitait qu’ils continuent à essayer de vivre en couple mais pour elle ce n'était pas possible mais elle ne l’empêcherait jamais de voir ses enfants.
Lorsqu’elle lui avait dit qu’elle ne voulait plus être avec lui, elle avait vu dans ses yeux qu'il devenait très énervé. Il l’avait attrapée par les cheveux et tirée par terre vers lui. Une fois sur le sol, il lui avait mis des coups de pieds sur les jambes mais sans mettre beaucoup de force. Puis, il s'était levé pour aller vers le balcon et elle en avait profité pour se lever et sortir de l'appartement. Elle s’était retrouvée dans le couloir et avait crié en demandant de l'aide, ayant même sonné chez les voisins mais personne n'avait ouvert.
M. C______ était sorti à son tour et l’avait prise par les cheveux pour la ramener dans l'appartement. Comme elle hurlait, il avait eu peur et l’avait lâchée. Il avait réessayé une ou deux fois mais à chaque fois elle criait donc il abandonnait. Il était retourné dans l'appartement, avait pris son téléphone et leur fille puis, était sorti. Elle l'avait suivi à l'extérieur car elle ne voulait pas qu'il parte seule avec leur fille. Elle lui a alors demandé d'aller dans un endroit avec du monde pour discuter mais il avait refusé et voulait aller à sa voiture. Elle lui avait dit ok mais à la condition qu’il lui donne B______, ce qu’il avait fait. Il était parti dans une autre direction.
Elle était alors retournée à son immeuble et lorsqu’elle était arrivée dans l'allée, M. C______ était de retour après avoir fait le tour du quartier. Dès qu’elle l’avait vu elle avait pris peur et était repartie dans la rue en demandant de l’aide aux gens mais personne ne l’avait aidée. M. C______ l’avait suivie pendant tout le temps et s’était moqué d’elle. Il lui avait demandé de retourner à l'appartement et elle avait dit oui uniquement s'il lui redonnait son téléphone. M. C______ avait accepté et ils étaient retournés dans l'allée. Elle avait appelé Mme D______ afin qu'elle la rejoigne. Lorsqu’elle était au téléphone avec Mme D______, il l’avait reprise par les cheveux pour la ramener dans l'appartement : c’était à ce moment-là que Mme D______ avait rappelé. En attendant Mme D______, il avait continué à la frapper mais toujours sans mettre beaucoup de force.
Mme D______ était arrivée alors que M. C______ l’avait mise par terre. Il l’avait tirée par les bras jusqu'au sol. Ensuite, il l’avait empêchée de se lever en appuyant avec ses bras sur ses épaules. Il l’avait laissée se relever quand la police avait sonné à la porte.
Précédemment, il y avait eu trois épisodes de violence. Elle n’avait jamais fait constater ses blessures par un médecin.
Elle souhaitait un éloignement de M. C______ du domicile.
4. M. C______ a également été entendu par la police le 16 janvier 2025.
Ce jour, il n'y avait pas eu de conflit. Il était arrivé vers 18h chez elle pour parler car il n’était pas là depuis quelques jours. Durant ces jours, elle l’avait appelé et avait écrit plusieurs messages pour lui dire qu’il n'allait plus jamais voir sa fille et son fils à naître. Elle faisait cela souvent ces derniers mois. Il avait appelé le service de protection des mineurs pour des faits similaires car elle avait menacé de tuer notre fille.
Il s’était assis par terre car à chaque fois qu’il se levait, elle lui disait qu’il essayait de l'intimider. Elle était allée dans les toilettes pour fumer et pendant ce temps, il avait joué avec B______. Lorsqu'elle eut terminé de fumer, elle avait mis un manteau, appelé Mme D______ et lui avait dit qu'elle serait en retard car il ne la laissait pas quitter l'appartement, ce qui était faux. Elle avait ensuite fait un message vocal à Mme D______ où elle lui avait expliqué qu’il l’avait frappée. Il avait de nouveau demandé pourquoi elle disait des mensonges et elle lui avait répondu qu’il l’avait fait. Elle s'était ensuite mise à crier et à pleurer. Il lui avait demandé de se calmer car il avait sa fille dans les bras et il ne voulait pas qu'elle panique. Il avait su que la police avait été appelée et il était sorti de l'appartement avec sa fille pour prendre l'air autour de l'immeuble. A cet instant, Mme A______ l’avait suivi afin de l’empêcher de partir. Elle lui avait ensuite demandé de lui donner leur fille afin qu’ils parlent et au moment où il l’avait fait, elle était partie en courant. Il ne l’avait pas suivie car il n’avait pas su quoi faire et elle était ensuite revenue. Il n’avait pas voulu s'enfuir mais avait juste voulu prendre l'air en attendant la police.
Mme A______ et lui étaient ensuite retournés vers l'immeuble et elle lui avait dit qu'elle ne voulait pas monter dans l'appartement car elle ne lui faisait pas confiance. Il était allé à la voiture pour chercher son sac et lorsqu’il était revenu, elle était devant l'appartement et elle ne voulait toujours pas y entrer. Il était donc allé dans le logement afin de faire un biberon à sa fille et à cet instant, il avait entendu qu'elle était au téléphone. Il l’avait entendue donner l'adresse du logement et il lui avait demandé pourquoi. Elle lui avait répondu que Mme D______ voulait appeler la police mais qu'elle essayait de l'en empêcher. Il était allé s’occuper du lait et Mme A______ était tout le temps au téléphone et avait chuchoté qu'elle ne se sentait pas en sécurité. Elle disait qu’il était devant son visage alors que la distance entre elle et lui était d’environ 2 m. Il s’était approché d'elle afin de lui demander encore pourquoi elle faisait cela, en lui tapotant gentiment le menton afin qu'elle prenne conscience de ce qu'elle faisait. Elle avait d'abord arrêté de parler et ensuite, elle s'était mise à crier. Il lui avait pris son téléphone et avait raccroché la communication. Leur fille s'était mise à pleurer il l’avait prise dans les bras pour la calmer. Ils étaient tous retournés dans l'appartement et il était resté avec sa fille. Pendant ce temps, Mme A______ faisait des allers-retours dans les pièces de l'appartement. Elle ne cessait de répéter que la police allait arriver et que c'était sa dernière chance de partir. Il lui avait répété qu’il ne voulait pas partir et qu’il attendait la police.
Il avait pris sa fille et ils étaient allés un moment dans la chambre pour être au calme. Il était ensuite retourné au salon, et elle avait préparé un sac qui contenait de la drogue, qu’elle voulait jeter par la fenêtre pour ne pas que la police la trouve. A cet instant, Mme D______ était arrivée et il retenait le sac pour ne pas qu'elle le jette par la fenêtre. Mme A______ avait ensuite pris le sac et avait essayé de le jeter par la fenêtre. Il avait essayé de l'en empêcher et était donc passé sous le bras de Mme A______ afin de sortir de la chambre car elle lui barrait le passage. A cet instant, la police était arrivée et il lui avait ouvert la porte. C'était à son arrivée que Mme A______ avait dit qu’il venait de la jeter par terre, ce qui était faux.
La seule chose violente qu’il avait faite avait été d’avoir poussé Mme A______ et lui avoir pris son téléphone dans le passé mais jamais ce jour. Il ne l’avait jamais frappée.
Ils s’étaient mis en couple en mars 2023 et Mme A______ était tombée enceinte en juin de la même année. En juillet 2023, ils avaient eu un conflit lors duquel elle l’avait poursuivi dans la ville, lui avait craché et vomi dessus. De plus, elle avait essayé de le frapper. A plusieurs reprises, elle lui avait dit qu'elle voulait se suicider avant la naissance de leur fille. Ce n'était que des paroles jusqu'au 9 avril 2024 où elle lui avait dit qu'elle allait rejoindre sa mère qui était décédée. Il avait récupéré sa fille pour l'emmener dans un endroit en sécurité et était retourné vers Mme A______. Il l’avait retrouvée au lit, alcoolisée et ayant pris des médicaments. Elle avait vomi et donc il ne l’avait pas emmenée aux urgences. Elle lui avait dit lors de leur rencontre qu'elle avait déjà eu des épisodes suicidaires.
Au mois d'avril ou mai, il était allé chez elle et elle lui avait ouvert la porte avec un bâton en bois. Il était entré et avait trouvé un morceau de papier avec l'adresse de son autre petite amie, son nom et il était écrit également qu'elle avait appelé trois personnes afin de venir frapper sa petite amie et lui. Il avait pris le bâton de ses mains et tapé un bol avec, ce qui l'avait brisé. Elle avait ensuite hurlé par la fenêtre et il lui avait demandé d'arrêter. Ils avaient ensuite parlé et calmé la situation.
Il avait des preuves de tous ces événements dans les échanges de messages avec Mme A______.
En juin ou juillet 2024, ils avaient eu un conflit lors duquel elle l’avait menacé avec un couteau et il s’était défendu. Quelques semaines après, elle avait découvert qu'elle était à nouveau enceinte, s'était rendue chez sa petite amie et avait jeté certaines de ses affaires qui se trouvaient à l'extérieur. Elle avait également vandalisé la voiture de sa petite amie. Il était en couple avec ces deux femmes et tout le monde le savait. Lors de certains de ces événements de violence, Mme A______ tenait leur fille dans ses bras.
En juillet 2024, ils avaient eu un conflit car Mme A______ disait qu’il ne lui faisait pas confiance. Il avait parcouru ses téléphones et l’avait questionnée sur les choses qu’il avait trouvées : elle n'avait pas voulu y répondre. La situation s'était calmée et ils avaient essayé de sauver leur couple mais le lien s'était gentiment rompu.
Au début du mois de novembre 2024, il était revenu en Suisse et avait passé une semaine entière avec Mme A______ et sa fille. Il était parti le weekend pour un stage. La semaine d'après, Mme A______ avait recommencé à lui écrire des messages où elle lui disait qu'elle voulait rejoindre sa mère décédée et qu'elle allait tuer leur fille. Il lui avait demandé si elle voulait vraiment le faire ou si elle était en quête d'attention. Elle lui avait répondu qu'elle avait des choses à préparer et qu’il devait venir chercher leur fille avant qu'elle ne la tue. Il avait des messages concernant cet épisode et avait adressé un mail au service de protection des mineurs. Cet après-midi-là, il s’était rendu à son domicile et lorsqu'elle lui avait ouvert, elle était couverte de sang et sa fille pleurait dans la chambre, couverte aussi de sang : il y avait beaucoup de sang partout dans l'appartement. Mme A______ lui expliqué qu'elle avait entendu leur fille pleurer et qu'elle saignait abondamment du doigt. Il avait fouillé l'appartement et n’avait rien trouvé de tranchant à part un téléphone avec la vitre cassée. Il avait ausculté sa fille et n’avait rien vu d'autre à part cette coupure au doigt. Suite à cet événement, il avait adressé un email au service de protection des mineurs. Sa petite amie, Mme F______ avait déjà contacté ce service quelques heures avant lui.
Quelques jours après cela, Mme A______ avait découvert des messages dans son téléphone qui ne lui avaient pas plu et elle avait écrit des messages qui salissaient sa réputation et qui étaient faux auprès de tous ses contacts. Ceci lui avait valu d'être banni de son club d'art martial. Ils s’étaient séparés ce jour-là.
Ils avaient eu d'autres conflits après cela mais leur premier rendez-vous au service de protection de mineurs l'avait beaucoup calmée. Ils ne s’étaient pas remis ensemble mais avaient à nouveau des projets ensemble et de l'affection l'un pour l'autre. Il y avait quelques jours, les conflits avaient repris.
Il faisait beaucoup d’allers et retours vers l’étranger et venait en Suisse pour s’occuper de ses enfants. Il n’avait pas d’autorisation de séjour, ayant bénéficié d’un permis B jusqu’en 2023 qui n’avait pas été renouvelé car il avait perdu son travail et était parti à l’étranger pour travailler. Il avait quelques milliers de francs pour vivre et gagnait de l’argent des jobs qu’il faisait à l’étranger.
5. Par décision du 17 janvier 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du 17 janvier 2025 à 14h40 au 29 janvier 2025 à 17h à l'encontre de M. C______ lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Mme A______, située au ______ [GE], et de contacter ou de s'approcher de celle-ci et de leur fille B______.
Selon cette décision, M. C______ avait commis à tout le moins des violences physiques sur sa concubine Mme A______, à savoir lui avoir asséné des coups de poings au visage, lui avoir asséné des coups de pieds aux jambes, lui avoir tiré les cheveux à maintes reprises, l'avoir projetée au sol, l’avoir saisie au cou, l'avoir contrainte en l'empêchant de quitter le domicile et l'avoir ramenée de force au domicile par les cheveux.
6. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une opposition.
7. Par acte du 22 janvier 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 23 janvier 2025, Mme A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours.
Compte tenu des circonstances, elle souhaitait que la mesure soit prolongée pour la durée maximale prévue, soit 30 jours.
8. Par courriel du 23 janvier 2025, la police a informé le tribunal que M. C______ avait rendez-vous avec VIRES pour un entretien le 4 février 2025.
9. Vu l'urgence, le tribunal a informé par téléphone du 23 janvier 2025 de l'audience qui se tiendrait le 24 janvier 2025.
10. Lors de cette audience, Mme A______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, en ce qui la concerne et en ce qui concerne également sa fille. M. C______ n'avait pas tenté de rentrer en contact avec elle depuis le prononcé de la mesure. Ils n'avaient jamais habité ensemble. Normalement, M. C______ venait chez elle tous les jours pour voir sa fille : ils n'étaient plus en couple. Elle n'avait actuellement pas de permis de séjour mais une demande de permis C était en cours. Elle avait une activité professionnelle déclarée. Elle allait accoucher prochainement et souhaitait avoir quelques semaines de paix, raison pour laquelle elle demandait la prolongation de la mesure. Elle avait appris par un membre de la famille de M. C______ qu'il allait peut-être enfoncer la porte de son appartement et prendre leur fille. Elle avait organisé que sa famille vienne s'occuper de sa fille au moment où elle allait accoucher et elle serait accompagnée par sa cousine pour son accouchement – elle resterait deux jours à la maison des naissances : le terme de sa grossesse était le 12 février 2025. Elle a confirmé que M. C______ n'avait jamais été violent avec leur fille. Depuis son retour en Suisse en novembre 2024, M. C______ avait logé chez elle. M. C______ avait bien commis tous les actes décrits dans la mesure d'éloignement et un témoin était présent lorsqu'il l'avait jetée au sol. Elle avait peur que M. C______ parte avec sa fille : il l'avait déjà menacée de le faire. Elle souhaitait pouvoir accoucher en sachant que M. C______ ne pouvait pas venir prendre sa fille. Elle souhaitait qu'ils organisent un planning de visites de M. C______ sur leurs enfants : ils en avaient déjà discuté mais M. C______ ne voulait pas avoir un horaire et voulait pouvoir voir sa fille quand il le voulait. Elle précisait que M. C______ n'avait pas reconnu sa fille et qu'elle ne savait pas s'il reconnaîtrait son fils. Il était arrivé une ou deux fois qu'elle ait dû insister pour qu'il ramène leur fille et qu'il ne parte à l'étranger avec elle.
C______ a indiqué s'opposer à la demande de prolongation du fait que Mme A______ allait très prochainement accoucher de leur fils et qu'il souhaitait pouvoir être présent. Il a confirmé ne pas avoir tenté de contacter Mme A______ depuis le prononcé de la mesure. Ils n'étaient plus en couple mais il ne savait pas exactement où ils en étaient. Il n'avait pas d'activité professionnelle. Avant le prononcé de la mesure, il allait voir tous les jours sa fille. Il avait annoncé son départ de Suisse à l'OCPM après avoir perdu son emploi mais il n'avait pas quitté la Suisse de façon permanente, faisait des allers-retours entre la Suisse et d'autres pays et, depuis novembre 2024, était de retour en Suisse. On lui avait communiqué la semaine passée qu'il était en fait illégal en Suisse. Depuis son retour en Suisse, il avait logé la plupart du temps chez Mme A______. Il contestait tous les faits qui lui étaient reprochés concernant les événements du 16 janvier 2025. Il reconnaissait avoir tapé sur le téléphone que Mme A______ tenait à l'oreille et avoir également tapé sur sa joue. Il souhaitait reconnaître sa fille et son futur fils, ainsi que les deux enfants qu'il avait eu avec son autre compagne mais les démarches étaient compliquées. A la question de la Présidente de savoir comment il envisageait l'avenir à la fin de la mesure, il avait répondu qu'il ne savait pas. Il n'avait jamais eu l'intention de prendre sa fille, l’ayant toujours ramenée : cependant, à une reprise, il avait gardé sa fille un peu plus longtemps car Mme A______ l'avait menacé de se suicider et il avait estimé qu'elle devait avoir du repos. Il a confirmé que depuis la mesure d'éloignement, il habitait chez sa deuxième compagne.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).
2. Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.
3. La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).
Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).
Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).
Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.
Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de :
a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;
b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.
La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).
Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).
En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».
Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).
Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.
4. En l'espèce, les faits dont Mme A______ se plaint d’avoir été victime le 16 janvier 2025 correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi. M. C______ a reconnu avoir tapé la joue de Mme A______ et d’avoir voulu faire tomber son téléphone alors qu’elle était en communication, mais a contesté tous les autres actes qui lui étaient reprochés. Cependant, un témoin a indiqué, lors de son audition par la police, qu’à son arrivée dans l’appartement de Mme A______, cette dernière était accroupie – pour une raison qu’elle ignorait – et que M. C______ la maintenait dans cette position en lui mettant de la pression sur l’épaule, afin d’éviter qu’elle ne se relève. Ce témoin a également confirmé que M. C______ avait bousculé Mme A______ et qu’elle s’était retrouvée au sol : elle encore précisé que M. C______ l’avait bousculé fortement. Aucun élément ne permet de mettre en doute les déclarations de ce témoin.
Les deux parties s’accordent pour dire que M. C______ n’a jamais été violent avec B______, qu’il voyait quotidiennement avant le prononcé de la mesure.
Il sera encore relevé que M. C______ n’est pas domicilié chez Mme A______ ; il a indiqué faire des allers et retours entre la Suisse et l’étranger, mais être de retour en Suisse depuis novembre 2024, sans toutefois être titulaire d’une autorisation de séjour. Il habite, en tout cas depuis le prononcé de la mesure, chez sa seconde compagne, à Genève, avec laquelle il a deux enfants.
Enfin, M. C______ n’a pas reconnu l’enfant B______ ; dès lors, seule Mme A______ a la garde et l’autorité parentale sur cet enfant.
Il ressort encore du dossier et des déclarations concordantes des parties que M. C______ n’a pas tenté de s’approcher ou de contacter Mme A______ depuis le prononcé de la mesure et a respecté l'obligation qui lui a été faite de participer à un entretien socio-thérapeutique puisqu’un rendez-vous avec VIRES a été fixé pour le 4 février 2025.
Mme A______ indique, à l’appui de sa demande de prolongation de la mesure, souhaiter pouvoir mener sa grossesse à terme sereinement et accoucher « en paix » - l’accouchement étant prévu le 12 février 2025 - sans que M. C______ puisse avoir des contacts avec B______. Elle craint que celui-ci ne prenne B______ et ne la ramène pas, M. C______ l’ayant, selon ses dires, menacée de le faire.
Or, si certes le tribunal peut comprendre que Mme A______ souhaite mener sa grossesse à terme dans le maximum de sérénité, il constate toutefois qu’il ne peut, en l'état, pas retenir un risque suffisamment concret de réitération des violences domestiques qui justifierait une prolongation de la mesure. Le tribunal rappelle à cet égard que la prolongation de la mesure d’éloignement ne peut être envisagée que sous l’angle de la prévention de violences domestiques et n’a pas pour but de permettre l'organisation de la vie séparée des personnes concernées ni pour vocation de se substituer à des mesures prises sur le plan civil, notamment concernant les relations entre M. C______ et B______. Or, aucun élément du dossier ne permet de retenir un risque de récidive, M. C______ ayant respecté la mesure depuis son prononcé et ayant fixé un rendez-vous chez VIRES. Les parties n’étant par ailleurs pas domiciliées à la même adresse, M. C______ n’a aucun droit de venir dans l’appartement de Mme A______, lequel ne constitue pas un domicile conjugal, sans y être invité.
Il appartient à Mme A______, si elle ne souhaite pas avoir de contacts avec M. C______, de ne pas l’autoriser à entrer dans son domicile et, concernant B______, d’entreprendre les démarches juridiques nécessaires afin de fixer les relations entre cette dernière et M. C______, en tenant compte du bien-être de l’enfant, étant encore rappelé que M. C______ n’ayant pas reconnu cette enfant, il n’a actuellement aucun droit sur elle et que seule Mme A______ en détient la garde et l’autorité parentale.
5. Par conséquent, la demande de prolongation sera rejetée et la mesure d'éloignement prendra fin le 29 janvier 2025.
Le tribunal rendra toutefois attentif M. C______ qu’en cas comportement violent ou menaçant envers Mme A______ ou B______, ou de velléités à se rendre dans l’appartement de Mme A______ sans y être invité, il pourra s’exposer à de nouvelles mesures.
Il lui appartient également d’entamer les démarches en vue de reconnaitre B______ et son enfant à naître, afin qu’il puisse avoir des relations avec eux.
6. Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).
7. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 22 janvier 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 17 janvier 2025 à l’encontre de Monsieur C______ ;
2. la rejette ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
4. dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.
Genève, le |
| La greffière |