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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3303/2022

JTAPI/63/2025 du 20.01.2025 ( ICCIFD ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;DISTRIBUTION DISSIMULÉE DE BÉNÉFICES;PRIX DE TRANSFERT
Normes : OPCN-OCDE.9.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3303/2022 ICC/IFD

JTAPI/63/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par FIDINTER TREUHAND AG, mandataire, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2020 de A______ SA (ci-après : la contribuable).

2.             À teneur du registre du commerce genevois où elle est inscrite depuis le 4 novembre 2009, la contribuable est active dans le domaine des produits médicaux. Monsieur B______, son actionnaire unique, en est l’administrateur président, avec signature individuelle. Monsieur C______ et Madame D______ en sont les directeurs, avec signature collective à deux ; le premier y occupe le poste de « global sales director ».

3.             La contribuable est une filiale de E______ LTD (ci-après : E______), dont le siège se situe en Hongrie. Ces deux sociétés font partie d’un groupe qui propose des lentilles intraoculaires dont le but est de remplacer le cristallin de l’œil. Les brevets inhérents à ces produits ont été créés et développés en Hongrie.

4.             Le 30 septembre 2021, la contribuable a déposé auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sa déclaration fiscale 2020, mentionnant un bénéfice imposable de CHF 98’167.- et un capital propre net imposable de CHF 430’802.-.

5.             Les 31 janvier et 3 février 2022, l’AFC-GE a procédé à un contrôle sur place de cette déclaration, qui avait été annoncé à la contribuable par pli du 17 janvier 2022.

6.             À l’occasion dudit contrôle, la contribuable a remis à l’AFC-GE divers documents, dont notamment :

- des extraits de son grand-livre, des relevés bancaires, des contrats conclus avec ses employés, un contrat de distribution entre E______ et un tiers distributeur ainsi que des contrats de distribution la liant à E______, d’une part, et à des tiers distributeurs, d’autre part ;

- un « exclusive agency agreement » (ci-après : accord 2010) qu’elle avait conclu avec E______ le 1er janvier 2010 et trois annexes (« schedule 4 »). Selon cet accord que M. B______ avait signé tant pour le compte de E______ que pour celui de la contribuable, cette dernière avait pour rôle d’interagir dans le monde entier, hormis six pays, avec les clients et les distributeurs en vue de promouvoir, commercialiser et vendre en exclusivité la gamme complète de tous les produits du groupe. En contrepartie de ses prestations, elle percevait de la part de E______ une rémunération fixe ainsi qu’une commission mensuelle correspondant à un pourcentage des ventes à l’exportation qu’elle générait, lesquelles étaient fixées par l’annexe intitulée « schedule 4 ».

Selon l’annexe « schedule 4 » datée du 15 avril 2016, la rémunération fixe était de CHF 45’000.- et de EUR 29’000.- et la commission équivalait à 10% par mois des ventes à l’exportation générées par la contribuable à partir du 1er mai 2016. L’annexe datée du 31 janvier 2018 était identique à celle du 15 avril 2016, hormis la précision que la commission était augmentée de 2,50% (« additional +2,5% in EUR per month ») pour l’exercice commercial 2017. L’annexe datée du 31 mars 2020 fixait, quant à elle, que la commission était de 2,50% par mois des ventes à l’exportation générées par la contribuable à partir du 1er mars 2020 ; elle ne modifiait pas les montants arrêtés en tant que rémunération fixe.

- des factures qu’elle avait adressées mensuellement à E______ pour les mois de mars à décembre 2020 concernant une participation sur le chiffre d’affaires de 2,50%, des frais de gestion, des frais de refacturation et des frais mensuels.

7.             Le 3 février 2022, les contrôleurs de l’AFC-GE se sont également entretenus en téléconférence avec des employés de E______, dont M. B______, fondateur et actionnaire unique de E______.

8.             Par un courriel du même jour faisant suite à ces entretiens, l’AFC-GE a prié la contribuable de lui fournir des renseignements complémentaires, notamment « tout document de prix de transfert ou autre analyse en sa possession permettant de corroborer que la diminution du taux de rémunération de commissions qui [était] passé de 10% à 2,50% en 2020 [était] justifié et [était] liée à un changement de business model de [la contribuable] durant l’année 2020 ».

9.             Le 25 février 2022, sous la plume de M. B______, la contribuable a expliqué agir en tant que prestataire de services à risque limité, effectuant des prestations commerciales selon les instructions de E______, une entité fabricant/distributeur à risque illimité. Compte tenu de la diminution de la part consacrée au marketing dans son budget des dépenses en raison de la pandémie de Covid-19 (annulation de congrès et autres événements), le pourcentage de sa commission avait été réduit à 2,50% à partir du 1er avril [recte : mars] 2020. En cas contraire, son bénéfice aurait été nettement supérieur à celui du marché. Le résultat de l’étude comparative avait démontré qu’elle avait atteint, avec ce taux réduit au cours de l’exercice 2020, une rentabilité conforme au marché, ce qui justifiait le « caractère raisonnable » de la réduction.

Elle ne percevait pas de commissions sur les ventes effectuées dans cinq pays, dans lesquels le groupe disposait d’un distributeur direct. L’équipe commerciale export basée en Hongrie mais supervisée par M. C______ n’exerçait aucune activité commerciale dans ces cinq pays. Cette équipe était salariée de E______ mais faisait partie de son service des ventes internationales, de sorte que E______ lui refacturait leurs coûts sans aucune marge. Madame F______ faisait partie et rapportait au département qualité et scientifique de E______, mais elle était officiellement son employée ; elle refacturait ainsi le salaire de cette employée à E______ - cette activité n’étant pas le cœur de son métier - sans non plus appliquer de marge.

La contribuable a remis à l’AFC-GE des pièces sur les prix de transfert concernant les diverses transactions qu’elle avait conclues avec E______ pour l’exercice 2020. Ces pièces, dont l’ensemble constitue une étude de prix de transfert, se composaient des éléments suivants :

- une documentation concernant les transactions de recharge des coûts de vente à l’exportation (ci-après : document 1), indiquant notamment que les prix de transfert avaient été établis selon les principes de l’organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE) applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administra-tions fiscales (ci-après : principes OCDE) et au plan d’action BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting ») (p. 3 et 19 s), que la méthode du coût majoré (« cost plus method ») était la plus adaptée sur ce point (p. 18 ss) et que l’analyse avait été effectuée du point de vue de E______ (p. 19). Il en résultait aussi que les coûts de marketing avaient été bas en 2020, les conférences et congrès médicaux s’étant pour la plupart déroulés en ligne ;

- une documentation sur les transactions de vente de produits (ci-après : document 2), précisant en particulier que l’activité principale (la production de lentilles intraoculaires) avait été fortement affectée par la crise liée au Covid-19. Les résultats de l’analyse de la vente des produits selon la méthode du prix comparable non contrôlé avaient confirmé que les prix unitaires moyens facturés par E______ pour les ventes à la contribuable se situaient généralement dans la fourchette des prix unitaires pratiquée dans des conditions de pleine concurrence pour les ventes à des parties non liées. En conséquence, les entreprises n’avaient certainement pas subi de désavantage économique du fait de ces transactions (p. 21) ;

- une documentation sur les transactions de service de soutien à la vente (ci-après : document 3), indiquant que vu l’intention de E______ d’entrer sur les marchés étrangers et d’y vendre ses produits, la contribuable faisait la promotion des produits de celle-ci et cherchait à identifier de nouvelles opportunités de marché et de nouveaux clients. La contribuable était une entité dite prestataire de services à risque limité et E______ était une entité dite grossiste/fabricant à part entière en termes de fonctions exercées, de ressources utilisées et de risques supportés. Sur cette base, la contribuable avait droit aux résultats de l’activité de l’entrepreneur (bénéfices en amont ou conséquences en aval ; p. 12 ss). La méthode de la marge nette transactionnelle était utilisée pour déterminer le prix selon le principe de pleine concurrence applicable à la transaction de service d’aide à la vente. Durant l’année 2020, la contribuable avait fourni à E______ des services d’aide à la vente d’une valeur totale de HUF 414’694’780.- (à savoir CHF 1’265’361.50 au taux annuel moyen HUF/CHF 2020 de 30,513077). La rentabilité calculée pour l’activité de support à la vente pouvait être quantifiée à l’aide de la formule suivante : marge opérationnelle sur les coûts totaux (operating marging on total costs - OMTC) = bénéfice d’exploitation (operating profit) / [chiffre d’affaires net (net sales revenue) - bénéfice d’exploitation]. En l’occurrence, compte tenu des chiffres de la contribuable (chiffre d’affaires net : CHF 1’402’612.-, bénéfice d’exploitation : CHF 125’253.- et dépenses de fonctionnement : CHF 1’277’359.-), l’OMTC était de 9,81%. L’échantillon des données de sociétés pris en considération à titre de comparaison provenait d’une base de données européenne et les données portaient sur trois ans. Comparaison faite des bénéfices des transactions des parties et de la fourchette de bénéfices de pleine concurrence, soit entre les deuxième (3,51%) et troisième (20,38%) quartile, la marge réalisée par la contribuable se situait dans la fourchette de pleine concurrence. Aucune des parties liées n’avait ainsi été économiquement désavantagée à la suite des transactions (p. 19 ss) ;

- en annexe aux documents 1-3 établis le 8 mai 2021 et concernant la contribuable et « Medicontur Orvostechnikai Kft. » [nom hongrois de E______] étaient joints les organigrammes des parties liées et une quatrième documentation datée du 30 novembre 2020 (ci-après : document 4) portant sur les données des sociétés utilisées au titre d’échantillon [document peu, voire illisible en raison de la taille des caractères et/ou écrits en hongrois] ;

La contribuable a aussi produit un nouveau « exclusive agency agreement » qu’elle avait conclu avec E______ le 1er janvier 2019 (ci-après : accord 2019), à nouveau signé par M. B______ pour les deux parties. Celui-ci modifiait certaines des obligations de la contribuable, qui conservait toujours fondamentalement le rôle d’interagir avec les clients et distributeurs dans le monde entier, hormis cinq pays, pour promouvoir, commercialiser et vendre en exclusivité la gamme complète de tous les produits du groupe. Cet accord 2019 renvoyait, à l’instar de l’accord 2010, à une annexe intitulée « schedule 4 » pour la détermination de la rémunération fixe et de la commission. Il prévoyait en plus que les salaires des « Export Managers » basés à G______(Hongrie) étaient pris en charge par la contribuable ; ces salaires étaient payés par E______ et facturés à la contribuable. Leurs voyages d’affaires étaient organisés et payés par E______ et facturés à la contribuable. Leurs notes de frais étaient validées par le Global Sales Manager et payées soit directement par la contribuable, soit par E______ et refacturées à la contribuable.

Diverses autres pièces étaient également jointes, dont notamment les budgets des ventes et des dépenses au 1er janvier et 1er avril 2020, un contrat de travail conclu entre la contribuable et Mme F______, employée en tant que « clinical affairs manager », du 1er octobre 2020 ainsi que son cahier des charges.

10.         Par bordereaux de taxation du 23 mars 2022, l’AFC-GE a arrêté les impôts 2020 de la contribuable à CHF 48’689,70 (ICC) et à CHF 54’918,50 (IFD) sur la base d’un bénéfice net imposable de CHF 646’153.- et d’un capital propre imposable de CHF 342’962.-.

La baisse de la commission n’était pas justifiée puisque la contribuable n’était pas une société dont l’activité se limitait à fournir des services de marketing à sa société mère, malgré le fait qu’elle supportait l’ensemble des coûts marketing au niveau du groupe. Elle avait comme objectif de développer le réseau des distributeurs de produits au niveau international et de maintenir la relation avec les clients. Elle disposait du personnel et des compétences pour ce faire. Son activité n’avait pas changé en 2020, hormis le fait que les activités de marketing et le suivi de la relation client s’étaient déroulés en ligne plutôt qu’en « présentiel ». Ni le groupe ni E______ ne se trouvaient en situation de pertes financières. Le montant des commissions que la contribuable avait renoncé à percevoir sans motif économique valable se montait à EUR 593’978,12, soit CHF 635’826.- (convertis au taux annuel moyen EUR/CHF 2020 de 1,0704537).

11.         Le 21 avril 2022, par le biais de son mandataire, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux ICC/IFD 2020, soutenant que la réduction de la commission de 10% à 2,50% opérée en 2020 était commercialement justifiée. Elle devait être reconnue comme un prestataire de service à risque limité. En raison de la pandémie de Covid-19, qui avait engendré une baisse importante des activités de marketing et des coûts engendrés par ces activités, il avait fallu réévaluer le bien-fondé de la commission de 10% payée par E______. Conformément à l’étude de prix de transfert réalisée, effectuée en utilisant une méthode reconnue sur la base de données connues publiquement, sa marge bénéficiaire était comparable à celle de sociétés indépendantes offrant des services semblables à des tiers. La méthode de « transfer pricing » utilisée par l’AFC-GE ne correspondait pas à une méthode OCDE.

12.         Par décision sur réclamation du 5 septembre 2022, l’AFC-GE a maintenu les reprises contestées.

Conformément aux renseignements recueillis lors du contrôle sur place, le rôle de la contribuable depuis sa création était de développer la commercialisation des produits du groupe sur le plan international. Pour ce faire, elle décidait de la participation à tous les congrès et évènements médicaux où les produits du groupe devraient être présents, assumait sur plan logistique toutes les tâches y relatives, organisait des évènements promotionnels consistant à convier des médecins ou des associations professionnelles afin de les former à l’application et à l’utilisation des solutions oculaires proposées par le groupe et négociait des contrats avec des consultants et distributeurs spécialisés en produits médicaux qui les vendaient aux consommateurs finaux, soit les cliniques, hôpitaux et médecins. Elle était d’ailleurs dotée de personnel qualifié pour assumer ses tâches, dont un directeur commercial prenant des décisions stratégiques concernant la visibilité des produits du groupe. Pour développer le réseau de distribution sur le plan international, elle signait des contrats de distribution exclusifs pour un marché donné avec des distributeurs tiers ; il s’agissait de contrats tripartites signés par la contribuable, E______ et le distributeur tiers. Elle signait aussi des contrats de consultant commercial avec des personnes physiques ou des sociétés afin de faciliter la distribution dans les pays ou zones géographiques où la présence physique de ses collaborateurs était plus difficile ; elle payait ces consultants via des honoraires fixes mensuels et des commissions en fonction du chiffre d’affaires réalisé.

Il était patent que la contribuable se trouvait dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de E______, dans la mesure où elle ne pouvait vendre des produits concurrents à ceux qu’elle commercialisait dans le cadre de l’accord 2010 et qu’elle était tenue de s’assurer que l’ordre de commande de ses clients se fasse directement auprès de E______. Il ne pouvait être admis qu’elle n’était qu’un centre de coûts et qu’elle n’effectuait aucune activité de commercialisation. Ainsi, une rémunération variable raisonnable, établie en fonction des exportations réalisées grâce à son activité, était justifié sur le plan économique.

Si son chiffre d’affaires inhérent aux exportations avait diminué en 2020 en raison de la situation due au Covid-19, les commissions mensuelles lui revenant auraient diminué mécaniquement sans qu’il eut été nécessaire de revoir à la baisse leur pourcentage. Or, il ressortait des documents de prix de transfert produits que le chiffre d’affaires issu des exportations n’avait pas subi de diminution ; les zones territoriales ayant subi une diminution significative des ventes, telle que la Hongrie, ne faisaient pas partie du territoire où la contribuable exerçait son activité, de sorte que sa rémunération n’aurait pas dû être impactée par cet état de fait. La diminution des coûts de marketing n’était pas due au fait que ses employés avaient arrêté d’exercer leurs fonctions, la plupart des conférences et congrès s’étant déroulés en ligne. Si elle avait rendu à des tiers des services équivalents à ceux rendus à E______, il était d’ailleurs peu probable qu’elle aurait renoncé aux trois-quarts d’une partie de sa rémunération au motif d’une diminution de ses coûts pour des raisons conjoncturelles.

La contribuable soutenait que si les commissions n’avaient pas été revues à la baisse, elle aurait réalisé une marge bénéficiaire trop importante comparativement à des entreprises comparables tierces et indépendantes, et le justifiait en fournissant une étude de prix de transfert exposant une analyse des fonctions et des risques assumés par la contribuable respectivement par E______. À cet égard, la méthode de prix de transfert retenue afin de déterminer la rémunération de pleine concurrence était la méthode transactionnelle de marge nette, l’échantillon final des entreprises comparables retenues (étude par comparables - Benchmarking) était de quatorze et l’indicateur de rentabilité retenu, soit le bénéfice opérationnel sur les coûts totaux, avait été extrait pour les années 2017, 2018 et 2019 pour chacune des entreprises retenues pour déterminer l’intervalle de confiance représentatif d’une rémunération de pleine concurrence. Cette étude n’était toutefois nullement probante. En effet, les indicateurs de rentabilité de trois de ces entreprises manquant pour les années 2018 et 2019, il fallait retenir que leurs indicateurs 2017 n’étaient pas représentatifs et ne pouvaient pas être pris en compte pour effectuer le calcul de l’intervalle de confiance de pleine concurrence. De plus, quatre des autres entreprises retenues ne constituaient pas non plus des comparables valides :

-          H______. Deux entreprises avec cette raison sociale avaient été identifiées. La première, faisant partie du groupe I______, était un distributeur international de matières premières chimiques pour l’industrie alimentaire, pharmaceutique et cosmétique. La seconde déployait une activité d’acquisition de produits pharmaceutiques, Or, ces activités n’étaient pas comparables à celles déployées par la contribuable ;

-          J______. Cette entreprise, qui distribuait des compléments alimentaires, pharmaceutiques et vétérinaires, garantissait une large gamme de services logistiques de stockage et de distribution dans le domaine de la santé. Ses fonctions et activité opérationnelle n’étaient pas comparables à celles de la contribuable ;

-          K______. Il s’agissait également d’un comparable non valide dans la mesure où cette entreprise était un grossiste de produits cosmétiques, de compléments alimentaires et de produits pharma-ceutiques et médicaux. En outre, elle fournissait des services pour effectuer des essais cliniques pour obtenir la documentation réglementaire et assurer le succès des essais cliniques ;

-          L______ SA. En plus de distribuer des produits et de fournir des services de marketing dans le domaine médical, cette entreprise distribuait une multitude de produits cosmétiques et pharmaceutiques. Elle offrait également un éventail d’autres services, tels que placement et intégration de personnel dans la structure managériale de ses clients et d’autres solutions en matière de management. Ces activités n’étaient pas comparables à celles de la contribuable.

Par ailleurs, une entreprise qui surperformait par rapport à d’autres entreprises concurrentes comparables n’était pas pour autant tenue de diminuer sa marge afin d’être conforme au taux de marges bénéficiaires des entreprises concurrentes. Il était peu vraisemblable que la contribuable aurait accepté de diminuer de 75% une partie de ses revenus au motif que ses charges 2020 étaient moindres si ses clients étaient des tiers absolus.

En conclusion, les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice, en l’espèce sous la forme de commissions insuffisantes facturées à E______, étaient réalisées. La réduction de ces commissions n’étant nullement justifiée commercialement, la contribuable avait renoncé à 75% de ses revenus en faveur E______ sans démontrer que cette diminution était conforme au principe de pleine concurrence.

13.         Par acte du 6 octobre 2022, sous la plume de son mandataire, la contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à ce que les bordereaux querellés soient rectifiés conformément aux éléments mentionnés dans sa déclaration fiscale 2020, à savoir en prenant en considération un bénéfice imposable de CHF 98’167.- et un capital imposable de CHF 430’802.-.

En tant que filiale de E______, elle était une société de services en matière de vente et de marketing (développement de la clientèle, promotion de leurs produits médicaux auprès des clients) facturant l’intégralité de ses prestations exclusivement à sa société mère sur la base de l’amendement ; tous ses revenus provenaient ainsi de E______. La diminution de la commission de 10% à 2,50% était principalement motivée par la pandémie qui avait pratiquement réduit à néant son activité. Les frais de voyage et de représentation avaient diminué drastiquement et les coûts de marketing avaient quasiment disparu.

Afin de déterminer son bénéfice raisonnable, les fonctions et risques avaient été analysés selon une méthode OCDE et la fourchette de bénéfices comparables pratiqués sur le marché avait été déterminée à l’aide d’une base de données de transactions comparables connues publiquement (Bureau M______). L’avis de N______ (ci‑après : N______), société basée en Hongrie et spécialisée dans le domaine des prix de transfert, du 28 septembre 2022 et portant en particulier sur la disponibilité des données financières des entreprises comparables et la comparabilité des activités exercées par celles-ci, justifiait la pertinence de l’étude comparative sur les prix de transfert. Cet avis indiquait notamment que pour les trois entreprises n’ayant pas de données financières pour les années 2018-2019, conformément aux principes de l’OCDE (§ 5.38), la contribuable n’avait pas préparé une nouvelle étude comparative pour l’exercice 2020 mais avait mis à jour les données financières des entreprises comparables identifiées lors de la préparation de la documentation sur les prix de transfert de l’exercice 2018. Il n’existait aucune règle exigeant le rejet des sociétés comparables lors d’une simple mise à jour financière dans de telles circonstances. De plus, lors du calcul de la fourchette de bénéfices de pleine concurrence, elle avait appliqué la méthode dite de mise en commun (« pooling ») qui avait pour effet d’augmenter le nombre d’observations, ce qui était fort utile pour les échantillons de petite taille ou lorsque les données n’étaient pas disponibles pour toutes les années examinées. En outre, même si les quatre sociétés rejetées par l’AFC-GE - dont l’une ne faisait partie d’un groupe international que depuis juin 2021 et dont les trois autres avaient des activités similaires aux siennes - devaient être écartées de l’étude, il restait néanmoins un échantillon de dix sociétés, ce qui constituait un nombre suffisant d’éléments de comparaison ; il en résulterait une fourchette de marge de 6,32% à 25,82%, ce qui incluait sa marge (9,81%) réalisée au cours de l’exercice 2020.

La méthode de « transfert pricing » utilisée par l’AFC-GE conduisait à un bénéfice de CHF 646’153.- beaucoup trop élevé, qui ne reflétait pas l’activité d’un prestataire de services à risque limité et ne correspondait pas à une méthode OCDE. Enfin, la reprise litigieuse engendrait une double imposition internationale.

Diverses pièces ont été produites à l’appui de ces allégations.

14.         Dans sa réponse du 23 janvier 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La recourante signait des contrats tripartites de distribution exclusifs (entre elle, E______ et le distributeur) pour un marché donné. Elle concluait aussi des contrats de consultant commercial avec des tiers afin de faciliter la distribution dans certains pays. Elle versait dans ce cas des honoraires fixes mensuels, certains frais et une commission en fonction du chiffre d’affaires réalisé. La recourante ne vendait pas directement aux distributeurs tiers, mais pour tous les contrats signés grâce à son entremise, elle percevait un pourcentage sur les ventes réalisées par les distributeurs en sus des management fee fixes payés par E______. Mme D______ facturait mensuellement à E______ les commissions auxquelles la recourante avait droit contractuellement. La recourante comptait quatre collaborateurs en son sein : M. C______, Mme D______, Monsieur O______ et Madame F______. En sa qualité de directeur commercial, M. C______ prenait toutes les décisions stratégiques et négociait pour le groupe les contrats pour le développement du réseau international des ventes. Selon celui-ci, la décision de réduire le pourcentage de la commission à 2,50% avait été prise par l’actionnaire unique après que les ventes du groupe avaient globalement diminué à cause de la crise sanitaire. Attendu qu’elle travaillait uniquement pour E______, la recourante n’avait pas eu d’autres choix que de l’accepter.

Conformément à l’accord 2010, tous les revenus de la recourante provenaient de E______, sa société mère. Ils étaient composés des frais de gestion mensuels fixes et des commissions mensuelles de 10% (réduites à 2,50% à partir de mars 2020) des ventes générées par son activité d’agent. La recourante fournissait des prestations allant au-delà de celles d’une société de services. Le 3 février 2022, M. B______ avait expliqué que la diminution des commissions perçues par la recourante était due à la situation extraordinaire induite par la pandémie de Covid-19 et que le chiffre d’affaires mondial du groupe avait diminué de 20%.

La recourante prétendait être est un prestataire de service à risque limité et que la baisse de ses activités de marketing devait se refléter sur le prix de transfert qu’elle avait conclu avec E______. Ce faisant, elle remettait en cause son modèle d’affaire qui la présentait comme un agent (dépendant) de la société principale. Or, selon l’accord 2010, elle devait fournir des prestations qui allaient au-delà d’une société de service. De plus, ses états financiers faisaient état de commissions et non pas d’honoraires de services.

Elle prétendait également que l’étude de prix de transfert était probante, de même que les comparables allégués. Cette étude avait toutefois été préparée, non pas par des tiers indépendants, mais par le groupe lui-même, de sorte que sa pertinence devait être relativisée. Il ne s’agissait de plus pas d’une nouvelle étude comparative, mais d’une mise à jour de données financières de sociétés comparables identifiées lors d’une étude de prix de transfert effectuée en 2018, la recourante ayant expliqué que des données financières plus récentes n’étaient pas disponibles. Elle n’avait pas non plus procédé à des ajustements concernant les sociétés comparables exerçant aussi d’autres activités moins profitables, ce qui faussait les résultats de l’étude. Certaines sociétés comparables prises en considération ne disposaient plus de données financières récentes, de sorte que l’on pouvait se demander si elles étaient encore actives.

La recourante justifiait la baisse de son pourcentage de commission à 2,50% par une diminution de ses coûts de marketing durant la crise du Covid-19, par une baisse du chiffre d’affaires du groupe de 20% et par le fait qu’elle était un centre de coût dans la mesure où les risques étaient supportés par sa société mère. Pourtant, la recourante avait continué à fournir des prestations sans modifier son activité pour autant, puisqu’elle reconnaissait que son équipe de vente avait continué son activité, même si celle-ci avait diminué. Elle avait aussi indiqué que les congrès maintenus avaient été organisés de manière virtuelle au lieu de présentielle. Dès lors que les commissions découlaient des contrats signés grâce à son intervention, la recourante devait les percevoir, conformément à ce qui avait été initialement convenu avec E______, soit selon un taux de 10%.

Enfin, en cas de double imposition internationale avérée suite au redressement fiscal en Suisse, le groupe pouvait solliciter l’ouverture d’une procédure amiable pour autant que les conditions en soient réunies.

15.         Par réplique du 9 mars 2023, la recourante a persisté dans les conclusions de son recours. Procédant à un descriptif détaillé des activités respectives de E______ et d’elle-même ainsi qu’à un rappel des étapes du développement du groupe, elle a soutenu n’avoir aucune compétence, tâche ou responsabilité pertinente ni dans le marketing scientifique du groupe, ni dans la publication d’articles scientifiques et de publicités dans des revues d’ophtalmologie, ni dans les médias sociaux, ni dans la plateforme numérique de formation et ni dans les documents imprimés de marketing. Sa principale responsabilité était de maintenir le contact avec les distributeurs et d’organiser leurs journées lors de congrès et d’événements en les accueillant et les guidant. Son activité de vente ne comportait pas d’éléments stratégiques, mais seulement opérationnels dans la gestion des clients et le back office. Expliquant de manière détaillée le processus de vente, elle a notamment indiqué que depuis 2021 et 2022 les contrats tripartites étaient remplacés par des accords bilatéraux entre E______ et le distributeur. Elle ne pouvait pas prétendre avoir ses propres clients, la base de données les concernant était gérée sur les ordinateurs et le logiciel de la société mère. Les commissions et rémunérations mensuelles fixes prévues dans le contrat avec E______ servaient à allouer des liquidités pour ses budgets marketing et de vente (salaires du personnel, déplacements et d’autre activités liées aux clients).

Contrairement à ce que considérait l’AFC-GE, la pandémie de Covid-19 avait eu un impact important sur son activité qui justifiait la diminution de la commission de 10% à 2,50%. Avec l’annulation des congrès d’ophtalmologie et leur transfert vers des plates-formes virtuelles, son activité et son budget de voyage avaient été réduits drastiquement, E______ assurant seule les tâches liées aux congrès et événements virtuels.

Les recettes des ventes n’avaient pas baissé malgré le fait que pas un seul client n’avait pu être acquis par le biais de la présence en ligne, car le chiffre d’affaires dans le secteur des lentilles intraoculaires réagissait peu à court terme.

Elle était une entité prestataire de services limitée à sa société mère. L’accord conclu avec cette dernière prévoyait que les parties fixaient ensemble chaque année ses objectifs de vente et son budget de dépenses, ses investissements marketing sur le marché et la planification de son personnel. En outre, le terme « commission » n’était pas déterminant pour qualifier leur relation, le but était avant tout de couvrir ses coûts. Ses performances de vente n’étaient pas essentielles. En outre, elle n’avait pas toutes les compétences professionnelles pour vendre des implants sans les prestations de son siège en Hongrie (marketing, département scientifique, gestion des produits, règlementation, etc.).

Un courrier de N______ du 13 février 2023, qui était produit avec la réplique, précisait comment l’étude de prix de transfert respectait les directives de l’OCDE. De plus, cette étude était corroborée par la méthode du « cost plus » calculant une marge bénéficiaire de 5% pour les sociétés de services du groupe, dès lors que la marge « cost plus » appliquée par l’AFC-GE dans le présent cas était beaucoup trop élevée, puisqu’elle s’élevait à 47,30% des coûts totaux.

Enfin, les autorités hongroises ayant admis l’étude de prix de transfert produite, elles n’accepteraient pas d’entrer en matière sur une procédure amiable si le fisc suisse refusait d’appliquer ladite étude réalisée dans le respect des principes OCDE.

16.         Dans sa duplique du 2 mai 2023, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse du 23 janvier 2023. Dans le cadre de sa réplique, la recourante avait changé d’argumentation en exposant une toute autre version des faits, à savoir qu’elle n’avait plus qu’un rôle de « fournisseur de services limité », qu’elle « n’a jamais eu de responsabilité stratégique en matière de vente » et qu’elle « n’a aucune compétence, tâche ou responsabilité pertinente dans le marketing scientifique de P______ ». Or, il ressortait de l’accord avec E______ et des entretiens lors du contrôle sur place que ses responsabilités allaient bien au-delà d’un simple prestataire de services. Elle avait eu un rôle important dans le développement de l’activité de vente internationale. En 2020, le chiffre d’affaires qu’elle avait amené n’avait pas diminué et c’était sur cette base que cette dernière était rémunérée. Il n’y avait donc pas eu de transfert d’activité justifiant la diminution du pourcentage de commission. Dans le cas contraire, mais vraisemblablement improbable, où il y aurait eu un transfert d’activité, il faudrait déterminer le goodwill transféré, en vue d’une « exit tax ».

17.         Par jugement du 18 septembre 2023, le tribunal a rejeté le recours.

Le compte de profits et pertes 2020 faisait certes état d’une diminution de certaines dépenses par rapport à l’année précédente, en particulier les frais de voyage et de représentation et certains frais directs de fonctionnement (Other direct operating expenses - marketing/ESCRS), mais la recourante n’avait pas produit d’éléments de preuve permettant de constater que le chiffre d’affaires mondial du groupe aurait diminué de 20% au moment où la décision de réduire le taux de commission avait été prise, soit le 31 mars 2020. La crise sanitaire venait à peine de commencer à ce moment-là et, aux dires de la recourante, le chiffre d’affaires dans ce secteur économique des lentilles intraoculaires réagissait peu à court terme. Il était ainsi douteux que la pandémie de Covid-19 ait pu constituer le motif principal de la baisse du taux de commission. Par ailleurs, s’agissant d’un pourcentage basé sur les ventes réalisées par l’entremise de la recourante, l’on voyait mal ce qui justifierait de le réduire pour tenir compte d’une baisse du chiffre d’affaires, puisque les montants perçus des commissions seraient diminués dans les mêmes proportions.

Une analyse de prix de transfert avait été produite en vue de démontrer que sa rentabilité aurait été nettement supérieure à celle du marché si le pourcentage de commission n’avait pas été réduit. À cause de leur taille minuscule, les caractères des tableaux produits étaient toutefois illisibles et la recourante ne parvenait donc pas à démontrer son allégation.

La comparaison des accords de 2010 et 2019 laissait percevoir que la recourante n’avait pas réduit ses prestations envers sa société mère, bien au contraire. Elle avait vu sa zone d’activité élargie à un nouveau pays (la Roumanie) et un certain nombre de produits ayant fait l’objet d’accords préexistants entre divers clients ou distributeurs et la société mère ne relevaient plus de la sphère de compétence exclusive de cette dernière. De plus, le personnel chargé de l’exportation, dont les bureaux étaient à G______(Hongrie), était placé sous l’autorité de M. C______ et les frais (salaires, frais de voyage) des cadres du bureau de G______(Hongrie) chargés de l’exportation étaient mis à la charge de la recourante. L’accroissement de l’activité et des charges de la recourante par rapport au contrat de 2010 était en contradiction avec son argument selon lequel le but des commissions était avant tout de couvrir ses dépenses, étant donné que le pourcentage de commission avait diminué dans le même temps. En outre, le lien entre la crise de Covid-19 et la diminution du taux de commission n’était pas prouvé à satisfaction de droit. La recourante n’alléguait pas avoir revu ce taux après la fin de la pandémie.

Enfin, si la recourante estimait que la mesure prise par les autorités genevoises entraînerait pour elle une double imposition non conforme aux dispositions de la Convention entre la Confédération suisse et la Hongrie en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 12 septembre 2013 (CDI-H - RS 0.672.941.81), il lui appartiendrait de soumettre son cas à l’autorité compétente en matière de procédure amiable (art. 25 CDI-H). En présence d’un problème de correction de bénéfices entre entreprises associées, la pratique suisse estimait que la réclamation devrait normalement être déposée devant l’autorité compétente de l’État du siège de la société mère, en tout cas dans les rapports entre société mère et filiale, en l’occurrence la Hongrie.

18.         Ce jugement a été entrepris auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par un acte de la recourante du 18 octobre 2023.

L’interprétation de l’AFC-GE selon laquelle ses responsabilités dépassaient celles d’un prestataire de services reposait sur un ou deux entretiens menés avec ses employés et non sur une analyse approfondie de la structure du groupe. Aucun procès-verbal n’avait été établi à la suite du contrôle effectué sur place. Vu ses compétences et celles de E______, il fallait retenir qu’elle était une entité prestataire de services limitée pour diverses raisons, à savoir : l’absence de planification indépendante des dépenses et des ventes ; l’absence de décision indépendante concernant les investissements « marketing » sur le marché ; l’absence de décision indépendante sur la planification du personnel/des effectifs ; la commission n’était pas une commission de succès prélevée sur le chiffre d’affaires, mais un « ratio de couverture des coûts », de sorte qu’elle ne pouvait pas générer de résultats négatifs ; les performances de vente de l’agent n’étaient pas essentielles, ni un élément important du processus de « marketing » de vente et de génération de revenus ; elle n’avait pas les compétences professionnelles nécessaires pour vendre des implants sans les fonctions du siège (« marketing », département scientifique, gestion des produits, réglementation, etc).

Le fait que le groupe n’avait pas subi de pertes ne justifiait pas pour autant le maintien de la commission de 10% dans la mesure où elle n’avait pas pu déployer la même activité en raison de la pandémie de Covid-19. Contrairement aux allégations de l’AFC-GE, elle n’avait pas changé d’argumentation. Depuis le début de la procédure, elle soutenait être un prestataire de services à risque limité.

En tant que société de services du groupe, fournissant exclusivement des prestations à sa société mère et vu la forte diminution des coûts de « marketing » qu’elle avait supportés en 2020, il se justifiait de réduire le pourcentage de la commission qui lui était versée. L’étude avait été réalisée selon la méthode reconnue de l’OCDE et le plan d’action BEPS 13. Contrairement à ce qu’avait retenu le tribunal, il était prévisible, dès le 31 mars 2020 vu le confinement généralisé, que les congrès internationaux n’auraient plus lieu comme à l’accoutumée, ce qui avait motivé la réduction de la commission. Si elle n’avait pas fait partie du groupe, E______ n’aurait pas diminué les commissions mais aurait pu résilier l’accord les liant, de sorte qu’elle-même aurait fait faillite. Les performances en matière de ventes ne réagissant pas fortement sur le court terme en raison notamment de la durée des contrats de distribution, le chiffre d’affaires n’avait pas diminué immédiatement. Ce n’était pas une diminution de celui-ci qui avait justifié la réduction de la commission (même s’il avait diminué de 10% en 2020), mais principalement, la diminution de ses prestations due à la pandémie.

La réduction de la commission était également justifiée sur le plan économique, puisqu’une commission de 10% générait une marge trop importante par rapport à celles réalisées par les autres acteurs du marché exerçant une activité similaire. L’ajout d’un nouveau pays à son territoire d’activités ne correspondait pas à une augmentation de ses compétences et de ses fonctions, mais uniquement à un élargissement du marché sur lequel elle était active. Si la prospection d’un nouveau pays aurait dû entraîner l’augmentation des frais de voyage, de représentation et de fonctionnement en 2020 pour couvrir ce nouveau marché, tel n’avait pas été le cas en raison de la pandémie, puisque les tâches de représentation et de « marketing » qui lui incombaient n’avaient pas pu être exécutées.

M. C______ rapportait au conseil d’administration et devait suivre le plan d’activités établi par E______. Sa marge de manœuvre restait donc limitée et l’art. 1.3 de l’accord 2019 ne signifiait pas que des fonctions et des risques avaient été déplacés de E______ à elle. L’étude récapitulait la répartition des fonctions entre E______ et elle sur la base des facteurs de risque. Le seul risque supporté de manière similaire par les deux entités était le risque de change. S’il y avait effectivement eu une réduction des activités (ce qui était contesté), il n’y aurait pas matière à calculer un « goodwill », car tous les contrats de distribution étaient conclus entre E______ et les clients, et non pas avec elle-même. Seul le document 4 était difficilement compréhensible en raison du nombre important d’informations contenues. Ce motif seul ne pouvait justifier que celle-ci eût été complètement ignorée par le tribunal. N______ avait confirmé avoir réalisé l’étude en application des principes OCDE et de la méthode reconnue par celle-ci, ainsi que du plan d’action BEPS 13. Elle s’était fondée sur des bases de données reconnues et n’avait pas tenu compte des valeurs les plus basses et les plus élevées, tel que prévu par les directives. En sa qualité de membre de l’OCDE, la Suisse avait accepté l’application de la méthode transactionnelle de la marge nette. Les calculs opérés montraient que la marge appliquée par l’AFC-GE, correspondant à 59,58%, trop élevée, n’était pas plausible. Sur la base du prix de transfert, la marge appropriée pour une activité similaire à la sienne variait de 3,51% à 20,38%. Le résultat de l’étude de prix de transfert précitée était également rendu crédible par la méthode du coût majoré selon laquelle le calcul d’une marge de bénéfice de 5% pour les sociétés de services du groupe était admis. Le bénéfice selon la méthode du coût majoré tel que calculé par l’AFC-GE s’élevait à 47,30% des coûts totaux. Cette marge apparaissait également trop élevée et non plausible.

Dans ces circonstances, il fallait reconnaître qu’elle était un prestataire de services à risque limité ; qu’il se justifiait de réévaluer le bien-fondé de la commission de 10% payée par E______ en raison de la pandémie ayant engendré une baisse drastique des activités de « marketing » et des coûts liés à une telle activité ; que l’étude de prix de transfert avait été faite sur la base d’une méthode reconnue fondée sur des données connues publiquement ; qu’elle « avait violé le contrat de service » et qu’un tiers indépendant aurait résilié le contrat ou au moins baissé la commission ; que la marge OMTC appliquée en 2020 de 9,81% était admissible et la marge du coût majoré appliquée par l’AFC-GE de 47,30% était beaucoup trop élevée.

La décision litigieuse engendrerait une double imposition internationale car elle avait facturé une commission de 2,50% à son cocontractant sur la base de l’étude. Si l’AFC-GE décidait de ne pas respecter les principes OCDE en refusant d’appliquer l’étude établie selon ceux-ci, les autorités hongroises, qui l’avaient admise, n’accepteraient pas d’entrer en matière sur une procédure amiable.

19.         En automne 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet de ce recours.

Le pourcentage de commission versé par E______ à la recourante était fixé dans le cadre de l’accord, détaillant notamment ses prestations. Cette commission de 10%, réduite à 2,50%, rémunérait les contrats conclus. Si un contrat était conclu par l’entremise de la recourante, elle percevait la commission. Si elle ne le concluait pas, elle ne percevait pas de commission. Il n’y avait donc aucune raison justifiant la réduction de la commission.

La recourante maintenait sa nouvelle version des faits, contraire aux documents produits et aux entretiens ayant eu lieu lors du contrôle sur place. Le mode de fonctionnement n’ayant pas changé en 2020, il n’y avait pas de raison que la commission soit diminuée. En 2020, il n’y avait pas eu de transfert d’activités justifiant la diminution du pourcentage de commission.

Elle se référait à ses précédentes écritures dans lesquelles elle avait expliqué les raisons pour lesquelles l’étude de prix de transfert ne pouvait pas être retenue. En particulier, il ne s’agissait pas d’une nouvelle étude comparative mais d’une mise à jour de données financières de sociétés comparables identifiées lors d’une étude effectuée en 2018. La contribuable n’avait pas procédé à des ajustements concernant les sociétés comparables exerçant d’autres activités moins profitables.

20.         Dans sa réplique, la recourante a relevé que depuis le début de la procédure, elle avait soutenu être une société de services avec un risque limité et qu’une commission de 10% sur les ventes était inappropriée par rapport aux risques limités qu’elle assumait.

Sur la base de l’étude, il avait été démontré qu’une commission de 2,50% était appropriée. Dans la mesure où le contrat de services contenait une « termination clause », un tiers indépendant aurait renégocié ou même résilié ce contrat au motif que les services n’avaient pas pu être fournis comme prévu par le contrat pendant la période de la pandémie et que, dans tous les cas, une commission de 10% s’avérait excessive au regard des services fournis. La raison de la réduction de la commission reposait sur l’étude. Le résumé partiel des entretiens menés par l’AFC-GE ne correspondait pas ou seulement partiellement aux documents qu’elle avait fournis. Il était légitime que les données financières fussent mises à jour dans le cadre des études. Cela démontrait que la commission de 10% était trop élevée par rapport à l’indice de référence. Par définition, une étude de prix de transfert contenait une comparaison des données financières de sociétés actives dans le même secteur ou des secteurs comparables, lesquelles étaient régulièrement mises à jour. L’étude était donc à jour, utilisée dans de nombreux pays et acceptée par les autorités locales de ces différents pays, dont notamment la Hongrie, pays de siège de la société mère.

21.         Par arrêt du 13 février 2024, la chambre administrative a partiellement admis le recours du 18 octobre 2023, annulé le jugement du tribunal et renvoyé la cause à celui-ci pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

Pour considérer que les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice étaient réalisées, le tribunal avait fondé son raisonnement sur divers éléments de preuve, mais son approche avait exclu un examen du dossier sous l’angle des principes OCDE, en dépit de leur applicabilité in casu. En effet, le fait que deux annexes à l’étude produite étaient difficilement lisibles en raison de la taille des caractères ne pouvait suffire à les écarter de la procédure, ce d’autant moins que la maxime inquisitoire permettait aux juridictions administratives de requérir la production d’annexes lisibles.

À cela s’ajoutait que l’approche ne tenait pas non plus compte des extraits du grand-livre et des factures adressées à E______, remis par la recourante lors du contrôle sur place des 31 janvier et 3 février 2022, démontrant le paiement mensuel des montants dus au titre de la rémunération fixe et de la commission, tels que prévus par les accords 2010 et 2019. Il en allait de même des documents comptables joints à la déclaration d’impôts 2020 de la recourante tendant à confirmer ses dires en ce sens qu’il en ressortait que le montant des dépenses de fonctionnement directes était passé de CHF 1’382’841.- en 2019 à CHF 956’082.- en 2020, tandis que les frais généraux (comprenant notamment les frais de personnel administratif, les autres services externes et les frais de voyage et de représentation avaient diminué de CHF 446’836.- en 2019 à CHF 321’277.- en 2020. S’il était exact que les frais de personnel administratif avaient augmenté de CHF 101’520.- à CHF 144’540.-, il l’était également que les frais de voyage et de représentation avaient été réduits de CHF 226’389.- à CHF 49’288.-, et les frais administratifs de CHF 18’430.- à CHF 12’396.-. De même, les budgets des ventes et dépenses au 1er janvier et au 1er avril 2020, remis le 25 février 2022, ainsi que les courriers de N______ des 28 septembre 2022 et 13 février 2023, produits dans le cadre de l’instruction par-devant le tribunal, n’avaient pas été pris en considération dans le jugement entrepris.

En parallèle, il apparaissait que la recourante avait remis la totalité des documents requis par l’AFC-GE, de sorte qu’il n’était pas contesté qu’elle avait satisfait à son devoir de collaboration, ni que ses précédentes déclarations fiscales avaient été établies de manière conformes au droit. Jusqu’alors, la recourante n’avait ainsi fait l’objet d’aucun contrôle depuis sa création en 2009. Il apparaissait dès lors pour le moins excessif de lui reprocher de ne pas avoir transmis les documents comptables du groupe, tandis que ceux-ci n’avaient pas été demandés avant le prononcé du jugement querellé et n’avaient pas à être annexés à la déclaration fiscale. De même, une éventuelle réévaluation du taux de commission postérieurement à la crise du Covid‑19 ne relevait pas de la taxation pour l’année fiscale 2020, tandis que c’était effectivement à partir du mois de mars 2020 que les différentes mesures, en particulier celle du confinement, avaient été prises à cet égard en Europe.

En écartant de la procédure l’étude au seul motif que certaines de ses annexes étaient peu lisibles sans examiner l’application des principes OCDE et en se fondant uniquement sur une interprétation des accords 2010 et 2019, le tribunal, faisant montre d’un formalisme quelque peu excessif, n’avait pas satisfait à la maxime d’office. Pour ces motifs et afin de ne pas priver la recourante de la garantie du double degré de juridiction, il se justifiait de lui renvoyer la cause pour nouvel examen en prenant en considération les principes juridiques et jurisprudentiels sus-rappelés.

22.         Le 29 avril 2024, faisant suite à une demande en ce sens du tribunal du 22 avril 2024, la recourante a produit des agrandissements de certaines des pièces qu’elle avait produites au cours de la procédure, en particulier le document 4.

23.         Le 16 mai 2024, faisant suite à une demande en ce sens du tribunal du 2 mai 2024, la recourante a produit la traduction en français du document précité.

24.         Le 14 juin 2024, l’AFC-GE a indiqué que les pièces versées à la procédure les 29 avril et 16 mai 2024 n’étaient pas susceptibles d’influer sur le sort du présent litige. Elle s’était déjà déterminée sur la documentation de prix de transfert.

25.         Les autres éléments figurant au dossier seront repris, en tant que besoin, dans la partie en droit (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées).

EN DROIT

1.             Par jugement JTAPI/1000/2023 du 18 septembre 2023, qui n'a pas été remis en question sur ce point, il a déjà été retenu que le recours était recevable (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             La recourante soutient que la réduction de la commission de 10% à 2,50% perçue de sa société mère pour l'année 2020 ne justifie pas une reprise de l’AFC-GE au titre de distribution dissimulée de bénéfice.

3.             Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 5ème tiret).

Selon l’art. 24 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l’impôt sur le bénéfice a pour objet l’ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l’usage commercial, portées au débit du compte de résultat. Cette règle est concrétisée en droit genevois par l’art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), qui correspond sur ce point à l’art. 58 al. 1 let. a et b LIFD.

Les dispositions légales fédérales et cantonale susmentionnées étant d’une teneur similaire, la jurisprudence et la doctrine y relatives pour l’IFD valent également pour l’ICC. Il convient dès lors de traiter simultanément les deux impôts, comme l’admet la jurisprudence (ATA/182/2024 du 6 février 2024 consid. 4.2).

4.             Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (cf. notamment ATF 144 II 427 consid. 6.1 ; 140 II 88 consid. 4.1 ; 2C_1006/2020 du 20 octobre 2021 consid. 5).

Il faut ainsi examiner si la prestation faite par la société aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, en d’autres termes si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence « dealing at arm’s length »). Ce procédé permet d’identifier la valeur vénale du bien transféré ou du service rendu, avec laquelle la contre-prestation effectivement exigée doit être comparée (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.3 et les références citées).

5.             Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de société, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent aussi intervenir comme si elles étaient effectuées entre tiers dans un environnement de libre concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4 et 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.2). En conséquence, il n’est pas pertinent que la disproportion d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.2).

6.             Hormis l’art. 58 al. 3 LIFD, la Confédération et les cantons n’ont pas légiféré sur les méthodes permettant de déterminer les prix de transfert, laissant les autorités fiscales s’appuyer, pour régler cette question, sur la notion de dépenses non justifiées par l’usage commercial et sur celle de prestation appréciable en argent de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD ainsi que sur les recommandations de l’OCDE. Lorsque les sociétés d’un groupe sont situées dans plusieurs États, il n’est en effet pas toujours facile de déterminer les prix de transfert pour les opérations au sein d’un groupe. Il n’en demeure pas moins que ceux-ci ne peuvent pas être fixés de manière à déplacer un bénéfice d’un État dans un autre ou à égaliser les résultats des sociétés. Le Comité des affaires fiscales de l’OCDE a par conséquent publié et régulièrement mis à jour les principes OCDE qui mettent en œuvre et explicitent l’art. 9 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.4).

À cet égard, il faut également relever que la circulaire n° 4 de l’administration fédérale des contributions du 19 mars 2004 intitulée « imposition des sociétés de services » stipule notamment que les administrations cantonales doivent tenir compte des principes OCDE lors de la taxation d’entreprises multinationales, que la détermination de la marge bénéficiaire imposable des sociétés de services doit s’effectuer en application du principe de pleine concurrence, sur la base de prestations comparables entre tiers et au moyen de fourchettes de marges appropriées pour chaque cas d’espèce, que ledit principe est aussi applicable s’agissant de choisir la méthode de détermination de la marge bénéficiaire, ce qui implique que pour des services de nature financière ou des fonctions de management, le « cost plus » n’est pas une méthode adéquate (ou ne l’est qu’à titre tout à fait exceptionnel).

7.             En l’espèce, au vu de la période fiscale litigieuse et compte tenu que le droit applicable à la taxation est - en l’absence d’une réglementation expresse contraire - celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_762/2023 du 26 juin 2024 consid. 4), ce sont les principes OCDE publiés en 2017 (la dernière version publiée date de 2022) qui doivent être pris en considération en l’espèce.

8.             L’art. 9 § 1 de la Convention Modèle de l’OCDE prévoit que lorsque

a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant, ou que

b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État contractant,

et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.

9.             Selon le Comité des affaires fiscales de l’OCDE, en se référant, pour procéder à l’ajustement des bénéfices, aux conditions qui prévaudraient entre entreprises indépendantes pour des transactions comparables (c’est-à-dire pour des « transactions comparables sur le marché libre »), le principe de pleine concurrence adopte la démarche consistant à traiter les membres d’un groupe multinational comme des entités distinctes. En procédant de cette manière, on met l’accent sur la nature des transactions entre les membres du groupe multinational et sur le fait de savoir si les conditions de ces transactions contrôlées diffèrent de celles qui seraient obtenues pour des transactions comparables sur le marché libre. Cette analyse, appelée « analyse de comparabilité », est au cœur de l’application du principe de pleine concurrence (principes OCDE, § 1.6). Il est toutefois important de rappeler que la fixation des prix de transfert n’est pas une science exacte et nécessite une appréciation de la part de l’administration fiscale comme du contribuable (principes OCDE, § 1.13).

Le Comité des affaires fiscales de l’OCDE précise que l’application du principe de pleine concurrence se fonde généralement sur une comparaison entre les conditions d’une transaction entre entreprises associées et celles d’une transaction entre entreprises indépendantes. Pour qu’une telle comparaison soit significative, il faut que les caractéristiques économiques des situations prises en compte soient suffisamment comparables (principes OCDE, § 1.33). Les caractéristiques ou « facteurs de comparabilité » qui peuvent être importants pour évaluer la comparabilité sont au nombre de cinq : les dispositions contractuelles de la transaction, les fonctions assurées par les parties (compte tenu des actifs mis en œuvre et des risques assumés), les caractéristiques des biens ou services transférés, les circonstances économiques des parties et du marché sur lequel elles exercent leurs activités ainsi que les stratégies industrielles et commerciales qu’elles poursuivent (principes OCDE, § 1.36).

Plusieurs méthodes sont disponibles pour déterminer si les conditions qui régissent les relations commerciales ou financières entre entreprises associées sont conformes au principe de pleine concurrence. Les méthodes traditionnelles fondées sur les transactions sont la méthode du prix comparable sur le marché libre, la méthode du prix de revente et la méthode du coût majoré. Les méthodes transactionnelles de bénéfices sont la méthode transactionnelle de la marge nette - détaillée aux § 2.64 à 2.113 des principes OCDE - et la méthode transactionnelle de partage des bénéfices (principes OCDE, § 2.1). La sélection d’une méthode de prix de transfert vise toujours à trouver la méthode la plus appropriée dans un cas spécifique, sans que cela ne signifie qu’il faille analyser en détail ou tester à chaque fois toutes les méthodes de prix de transfert pour sélectionner celle qui est la plus appropriée. Il relève d’une bonne pratique que d’étayer la sélection de la méthode la plus appropriée et des comparables (principes OCDE, § 2.2 et 2.8). Il n’est pas possible d’établir des règles précises pouvant s’appliquer dans chaque cas. Les administrations fiscales devraient hésiter à procéder à des ajustements mineurs ou marginaux. En général, les parties devraient s’efforcer d’aboutir à un accord raisonnable en ayant à l’esprit le manque de précision des diverses méthodes et la préférence pour un degré plus élevé de comparabilité et un lien plus direct et plus étroit avec la transaction. Il ne faut pas que des informations utiles, comme celles qui concernent des transactions sur le marché libre qui ne sont pas identiques aux transactions contrôlées, soient rejetées pour la simple raison qu’elles ne satisfont pas totalement à un quelconque critère de comparabilité appliqué de façon rigide. De même, des informations concernant des entreprises engagées dans des transactions contrôlées peuvent aider à comprendre la transaction considérée ou donner des indications pour de futures investigations. En outre, toute méthode devrait pouvoir être utilisée lorsqu’elle est acceptable pour les membres du groupe multinational parties à la transaction ou aux transactions considérées ainsi que pour les administrations fiscales des pays dont relèvent ces membres (principes OCDE, § 2.11).

La méthode transactionnelle de la marge nette suscite des préoccupations, notamment parce qu’elle est parfois appliquée sans prendre correctement en compte les différences qui doivent l’être entre les transactions contrôlées et les transactions sur le marché libre qui font l’objet de la comparaison. De nombreux pays craignent que les garde-fous mis en place pour les méthodes traditionnelles fondées sur les transactions soient ignorés dans l’application de la méthode transactionnelle de la marge nette. Par conséquent, lorsque des différences quant aux caractéristiques des transactions faisant l’objet de la comparaison ont une incidence sensible sur les indicateurs du bénéfice net utilisés, la méthode transactionnelle de la marge nette ne devra pas être mise en œuvre sans apporter des correctifs pour tenir compte de ces différences (principes OCDE, § 2.153). En tout état de cause, la prudence sera de rigueur pour déterminer si une méthode transactionnelle de bénéfices peut, lorsqu’elle est appliquée à un aspect particulier d’une affaire, permettre d’obtenir un résultat de pleine concurrence, seule ou en combinaison avec une méthode traditionnelle fondée sur les transactions. Cette question ne saurait en définitive qu’être réglée au cas par cas, compte tenu des forces et des faiblesses qui ont été signalées pour les diverses méthodes transactionnelles de bénéfices, de l’analyse de comparabilité (et notamment fonctionnelle) des parties à la transaction, ainsi que de la disponibilité et la fiabilité de données comparables (principes OCDE, § 2.155). Il est admis que la méthode transactionnelle de la marge nette n’est vraisemblable-ment pas fiable si les deux parties à une transaction effectuent des contributions uniques et de valeur (principes OCDE, § 2.65).

Une analyse de comparabilité doit toujours être effectuée afin de sélectionner et d’appliquer la méthode de prix de transfert la plus appropriée, et le processus de sélection et d’application d’une méthode transactionnelle de marge nette ne doit pas être moins fiable que pour les autres méthodes. S’agissant de bonne pratique, il est préconisé de suivre le processus typique d’identification de transactions comparables et d’utilisation des données ainsi obtenues qui est décrit au § 3.4 ou tout autre processus équivalent visant à garantir la robustesse de l’analyse lorsqu’on applique une méthode transactionnelle de la marge nette, comme pour toute autre méthode. Ceci étant dit, il est admis qu’en pratique, les informations disponibles sur les facteurs ayant une incidence sur les comparables externes sont souvent limitées. Souplesse et exercice du jugement sont de mise pour déterminer une estimation fiable d’un résultat de pleine concurrence (principes OCDE, § 2.74).

Le Comité des affaires fiscales de l’OCDE expose de manière détaillée comment réaliser une analyse de comparabilité (principes OCDE, § 3.1 ss). L’analyse de comparabilité a toujours pour objectif de trouver les comparables les plus fiables, de sorte que lorsqu’il est possible de déterminer que certaines transactions sur le marché libre ont un degré de comparabilité inférieur à d’autres, elles devraient être éliminées. Ceci ne signifie pas qu’il soit nécessaire de rechercher de manière exhaustive toutes les sources possibles de comparables (principes OCDE, § 3.2).

Le processus type d’une analyse de comparabilité, qui est considéré comme une bonne pratique mais qui n’est pas obligatoire, de sorte que tout autre processus de recherche permettant d’identifier des comparables fiables peut être acceptable, identifie neuf étapes (principes OCDE, § 3.4) :

-          étape 1 : détermination des années à inclure dans l’analyse ;

-          étape 2 : analyse d’ensemble des circonstances du contribuable ;

-          étape 3 : compréhension de la ou des transaction(s) contrôlée(s) examinée(s), en s’appuyant notamment sur une analyse fonctionnelle, afin de choisir notamment la méthode de prix de transfert la plus appropriée compte tenu des circonstances du cas d’espèce et d’identifier les facteurs de comparabilité importants à prendre en compte ;

-          étape 4 : examen des comparables internes existants, le cas échéant ;

-          étape 5 : identification des sources disponibles d’informations sur des comparables externes dans les cas où de tels comparables sont nécessaires, et appréciation de leur fiabilité ;

-          étape 6 : sélection de la méthode de prix de transfert la plus appropriée et, en fonction de celle-ci, détermination de l’indicateur financier à utiliser (par exemple détermination de l’indicateur du bénéfice net dans le cas d’une méthode transactionnelle de la marge nette) ;

-          étape 7 : identification de comparables potentiels : détermination des caractéristiques fondamentales qui doivent être satisfaites par toute transaction sur le marché libre pour qu’elle puisse être considérée comme potentiellement comparable, sur la base des facteurs pertinents identifiés à l’étape 3 et conformément à certains facteurs de comparabilité ;

-          étape 8 : le cas échéant, détermination et réalisation des ajustements de comparabilité ;

-          étape 9 : interprétation et utilisation des données recueillies et détermination de la rémunération de pleine concurrence.

Dans certains cas, il sera possible d’appliquer le principe de pleine concurrence en aboutissant à un seul chiffre (par exemple, un prix ou une marge) qui sera la donnée la plus fiable pour établir si une transaction s’est faite ou non dans des conditions de pleine concurrence. Mais très souvent, comme la fixation des prix de transfert n’est pas une science exacte, l’application de la méthode ou des méthodes les plus appropriées débouchera sur un intervalle de chiffres tous relativement aussi fiables. Dans ce cas, les différences entre les chiffres compris dans cet intervalle peuvent être dues au fait qu’en général l’application du principe de pleine concurrence ne permet d’obtenir qu’une approximation des conditions qui seraient établies entre des entreprises indépendantes. Il est également possible que les différents points de l’intervalle résultent de ce que des entreprises indépendantes effectuant des transactions comparables dans des circonstances comparables ne pratiqueraient pas exactement le même prix pour la transaction en question (principes OCDE, § 3.55).

Il se peut qu’après qu’on se soit efforcé d’exclure les points qui ont un moindre degré de comparabilité, on obtienne un intervalle composé de points pour lesquels on considère, compte tenu de la méthodologie employée pour sélectionner les comparables et des limites quant aux informations disponibles sur lesdits comparables, qu’il subsiste des insuffisances en termes de comparabilité qui ne peuvent pas être identifiées et/ou quantifiées et qui ne sont donc pas corrigées. En pareils cas, si l’intervalle inclut un nombre important d’observations, des outils statistiques qui prennent en compte la tendance centrale afin de restreindre l’intervalle (tels que l’intervalle interquartile ou d’autres centiles) pourraient permettre de renforcer la fiabilité de l’analyse (principes OCDE, § 3.57).

S’agissant du cadre temporel, il est patent que la comparabilité pose des problèmes concernant notamment la date d’origine, de collecte et de production des informations sur les facteurs de comparabilité et les transactions comparables sur le marché libre qui sont utilisées dans une analyse de comparabilité (principes OCDE, § 3.67). En principe, les informations concernant les conditions de transactions comparables sur le marché libre qui ont été entreprises ou effectuées au cours de la même période que la transaction contrôlée (« transactions contemporaines sur le marché libre ») sont censées être les informations les plus fiables à utiliser dans une analyse de comparabilité, parce qu’elles reflètent la manière dont des parties indépendantes se sont comportées dans un environnement économique analogue à celui de la transaction contrôlée du contribuable. Toutefois, en pratique, les informations disponibles sur les transactions contemporaines sur le marché libre peuvent être limitées, en fonction de leur date de collecte (principes OCDE, § 3.68). Dans certains cas, les contribuables établissent une documentation de leurs prix de transfert afin de démontrer qu’ils se sont efforcés de respecter le principe de pleine concurrence lorsque leurs transactions intragroupe ont été entreprises, c’est-à-dire sur une base ex ante (approche dite de la « fixation de prix de pleine concurrence »), en se basant sur des renseignements dont ils pouvaient raisonnablement disposer à ce moment. Ces renseignements englobent non seulement des informations sur des transactions comparables des années antérieures, mais également des informations sur les changements économiques et sur le marché qui peuvent s’être produits entre ces années antérieures et l’année de la transaction contrôlée. En effet, des parties indépendantes dans des circonstances comparables ne fonderaient pas leurs décisions de prix uniquement sur des données historiques (principes OCDE, § 3.69). Dans d’autres cas, les contribuables peuvent être tenus de tester le résultat effectif de leurs transactions contrôlées afin de démontrer que les conditions de ces transactions respectaient le principe de pleine concurrence, c’est-à-dire sur une base ex post (approche dite du « test du résultat de pleine concurrence »). Habituellement, ce test a lieu lors de l’établissement de la déclaration fiscale en fin d’année (principes OCDE, § 3.70). En pratique, l’examen de données pluri-annuelles est souvent utile lors d’une analyse de comparabilité, mais ce n’est pas une exigence systématique. Des données pluriannuelles doivent être utilisées dans les cas où elles permettent d’améliorer l’analyse des prix de transfert. Il n’y a pas lieu de fixer de normes quant au nombre d’années qui doivent être couvertes par les analyses pluriannuelles (principes OCDE, § 3.75).

Il est recommandé de réexaminer périodiquement la documentation des prix de transfert afin de déterminer si les analyses fonctionnelles et économiques qui la sous-tendent sont encore exactes et pertinentes, et de confirmer la validité de la méthode de fixation des prix de transfert appliquée. En règle générale, le fichier principal, le fichier local et la déclaration pays par pays devraient être réexaminés et mis à jour chaque année. Il est cependant admis que, dans de nombreuses situations, les descriptions des activités, les analyses fonctionnelles et les descriptions des comparables peuvent ne pas changer sensiblement d’une année à l’autre (principes OCDE, § 5.37). Afin d’alléger les contraintes liées au respect de la réglementation qui sont imposées aux contribuables, les administrations fiscales peuvent déterminer, pour autant que les conditions d’exercice des activités demeurent inchangées, que la recherche dans les bases de données de comparables étayant en partie le contenu du fichier local soit actualisée tous les 3 ans et non chaque année. Les données financières relatives aux comparables doivent cependant être actualisées tous les ans, afin d’assurer une application fiable du principe de pleine concurrence (principes OCDE, § 5.38).

10.         S’agissant des règles relatives au fardeau de la preuve, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu’elle n’a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_37/2023 du 11 juin 2024 consid. 2.2.2, destiné à publication). Si les preuves recueillies par l’autorité fiscale fournissent suffisamment d’indices révélant l’existence d’une telle disproportion, il y a alors une présomption de l’existence d’une distribution dissimulée de bénéfice et il appartient à la société contribuable d’établir l’exactitude de ses allégations contraires. Le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est toutefois particulièrement qualifié dans les relations internationales (ATF 144 II 427 consid. 2.3.2), dès lors que les moyens d’investigation de l’autorité fiscale suisse sont nécessairement restreints (arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/ 2022 du 5 juin 2023 consid. 7.3 ; 2C_775/2019 du 28 avril 2020 consid. 7.1).

11.         La procédure administrative est régie par le principe de la libre appréciation des preuves, en ce sens qu’elle n’obéit pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l’autorité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport aux autres (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2500/2012 du 3 mai 2013 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie ainsi que le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n’est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (cf. art. 20 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 - cum art. 2 al. 2 LPFisc ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_169/2018 du 17 août 2018 consid. 3.3.6 ; ATA/1057/2024 du 3 septembre 2024 consid. 5.3), aucun moyen de preuve ne s’imposant à lui (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_204/2019 du 15 mai 2019 consid. 2.1).

S’agissant plus précisément du degré de preuve requis en matière fiscale, la jurisprudence s’est toujours montrée stricte : les moyens de preuve présentés doivent prouver l’état de fait d’une manière suffisamment certaine, la vraisemblance prépondérante n’étant pas suffisante. Un fait est ainsi tenu pour établi lorsque l’autorité n’a plus de doute sérieux quant à son existence. Il n’est cependant pas nécessaire que sa conviction confine à une certitude absolue, qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4704/2022 du 6 août 2024 consid. 2.4.3).

Dans le domaine particulier de l’évaluation des immeubles à la valeur vénale, la jurisprudence retient qu’une expertise privée - même effectuée par un cabinet de conseils immobiliers renommé - ne peut aboutir qu’à une estimation, laquelle comporte inévitablement des éléments d’appréciation, et que les résultats issus d’une telle expertise sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme de simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; 141 IV 369 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_494/2016 du 15 novembre 2016 consid. 3.2 ; 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 5.4 ; ATA/495/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.5).

12.         En l’occurrence, comme retenu par la chambre administrative, les principes OCDE sont applicables au cas d’espèce, de sorte qu’il convient d’analyser si la baisse du taux des commissions à partir du mois de mars 2020 est justifiable à la lumière desdits principes.

Il faut en premier lieu relever que la baisse en cause paraît être fondée, de manière objective, sur un élément factuel concret, à savoir les décisions prises en raison de la pandémie en mars 2020 et les conséquences économiques en découlant, en particulier le confinement généralisé et son impact sur les opérations médicales non vitales, ces éléments diminuant d'autant la vraisemblance de l'hypothèse selon laquelle cette baisse découlerait du simple désir du groupe de modifier les relations contractuelles entre E______ et la recourante, cas de figure qui pourrait laisser songer à l’existence d’une tentative de se livrer à des manipulations concernant les bénéfices de ces deux sociétés, ce qui ne serait pas acceptable. Certes, la décision d’opérer cette baisse a été abrupte et n’a pas pu faire l’objet de la moindre négociation entre la recourante et E______ (étant donné l'identité de l'actionnaire unique), ce qui aurait vraisemblablement été le cas si les sociétés n’appartenaient pas au même détenteur économique qui siégeait à leur tête. L’absence d’une telle négociation et l'idée selon laquelle la diminution certaine des prestations de la recourante due à la pandémie justifiait la réduction de la commission à 2,50% n’implique toutefois pas forcément une violation du principe de pleine concurrence, lequel peut en effet être respecté même en l’absence de discussion entre les sociétés en cause ; preuve en est que les principes OCDE prévoient une approche (« test du résultat de pleine concurrence ») permettant de démontrer sur une base ex post que les conditions de la transaction en cause respectaient le principe de pleine concurrence lors de leur adoption.

En l’espèce, la recourante a produit une étude relative à la fixation du taux de la commission réalisée par N______ ; à cet égard, il n’est pas inusuel que N______ ait été choisie dans la mesure où le siège de E______, société mère de la recourante, se situe également en Hongrie. Le résultat de cette étude, à l’instar de ceux d’une expertise privée évaluant la valeur vénale d’un immeuble, n’aboutit toutefois qu’à une estimation et celle-ci doit ainsi être considéré comme un simple allégué d’une partie soumise au principe de la libre appréciation des preuves. À ce sujet, le tribunal est convaincu du bien-fondé des conclusions de cette étude, dont le résultat est d’ailleurs corroboré, ou du moins rendu crédible, par la méthode du coût majoré ainsi que l’a exposé la recourante. La lecture de l’étude laisse en effet clairement apparaître pour quels motifs la méthode de la marge nette transactionnelle a été utilisée et les autres écartées (document 3, p. 18), motifs que le tribunal partage et fait ainsi siens, ainsi que la base de données utilisée et la méthodologie employée (document 3, p. 20-25), qui correspond à celle prévue par les principes OCDE. L’AFC-GE ne conteste d’ailleurs pas ces éléments. Elle fait valoir que la moitié des quatorze sociétés retenues sur un échantillon de 1’337 sociétés ne devait pas être prise en compte pour différentes raisons. À cet égard, le calcul effectué en utilisant la méthode de la marge nette transactionnelle avec les sept sociétés comparables qui ne sont pas contestées par l’AFC-GE donne pour résultat le deuxième quartile à 6,32% et le troisième à 20,72%. La marge réalisée par la recourante en 2020 (9,81%) se situe, aussi dans ce cas de figure, dans la fourchette de pleine concurrence, étant noté que l’AFC-GE ne fournit aucun élément probant comme quoi le nombre de sept sociétés comparables valides serait insuffisant pour utiliser à bon escient la méthode de la marge nette transactionnelle. L’AFC-GE se reproche aussi à l’étude de ne pas avoir procédé à des ajustements concernant les sociétés comparables exerçant d’autres activités moins profitables, mais cette allégation est contredite par les explications détaillées de N______ du 13 février 2023.

Partant, en application du principe de la libre appréciation des preuves, le tribunal estime que l’étude relative à la fixation du taux est probante et que le taux de 2,50% de la commission à partir du 1er mars 2020 respecte le principe de la pleine concurrence.

Le tribunal tient encore à indiquer qu’une entreprise qui surperforme par rapport à d’autres entreprises concurrentes comparables n’est effectivement nullement tenue de diminuer sa marge afin d’être conforme au taux de marges bénéficiaires des entreprises concurrentes, mais qu’il est néanmoins probable qu’elle le fasse si les conditions du marché l’y pousse. En l’espèce, il est vraisemblable que la recourante aurait accepté de fortement diminuer une partie de ses revenus même si son unique client était un tiers absolu pour éviter de le perdre complètement, situation non entièrement hypothétique dans la situation économique entraînée par la pandémie de Covid-19, ce d’autant plus qu’elle risquait la faillite si son seul client la quittait et que la réduction de ses revenus ne concernait que les commissions (en partie) et non sa rémunération fixe.

13.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’AFC-GE pour de nouveaux bordereaux selon le sens des considérants.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est dispensée du paiement d’un émolument. L’avance de frais de CHF 1’000.-, versée à la suite du dépôt du recours, lui sera restituée.

Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 octobre 2022 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 5 septembre 2022 ;

2.             l’admet ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants ;

4.             ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 1’000.- ;

5.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’500.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière