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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1527/2024

JTAPI/1158/2024 du 25.11.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RÉCLAMATION DE DROIT PUBLIC;RETARD
Normes : LIFD.132.al1; LPFisc.49.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1527/2024 ICCIFD

JTAPI/1158/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 novembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Pour l’année fiscale 2022, Madame A______, domiciliée en France et exerçant une activité salariée à Genève, a été soumise au régime d’imposition à la source.

2.             Le 7 février 2023, elle a saisi l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) d’une demande de rectification de l’impôt à la source (ci-après : IS) retenu par son employeur, faisant valoir une correction du taux d’imposition et les charges de famille pour ses enfants.

3.             Par courrier du 21 juin 2023, puis par rappel recommandé du 27 septembre 2023, l'AFC-GE a demandé à la contribuable de produire une attestation relative à sa situation familiale et matrimoniale (concubinage), des renseignements sur les allocations familiales perçues, une copie de sa déclaration fiscale française 2022 avec la taxation y relative, une copie complète de son certificat de salaire et une attestation de son employeur expliquant la différence entre le montant du salaire indiqué sur le certificat de salaire (CHF 72'939.-) et celui mentionné sur l'attestation-quittance (CHF 24'942,40). Son attention était attirée sur le fait qu’elle serait taxée d’office, en l’absence d’une réponse « suffisante » dans le délai imparti en dernier lieu au 18 octobre 2023.

4.             La contribuable n’a pas donné suite à ces demandes.

5.             Par bordereau du 22 janvier 2024 expédié par pli simple à l’adresse de l’employeur (à Genève), l'AFC-GE a taxé la contribuable d’office. Ce faisant, elle a admis une demi-charge de famille pour chacun de ses enfants et les primes d’assurance-maladie de ces derniers et appliqué le barème A0, à défaut de justificatifs des revenus du concubin. Il en résultait une restitution de l’IS en faveur de la contribuable (CHF 3'757,60), le montant retenu à la source pour cet impôt (CHF 10'300,05) étant supérieur à celui finalement dû (CHF 6'542,45).

Sur ce bordereau, il était notamment indiqué : « Si vous entendez contester votre taxation, vous devez adresser à [l'AFC-GE] une réclamation écrite dans les trente jours qui suivent la notification du bordereau ».

6.             Par courrier daté du 7 mars 2024, reçu par l'AFC-GE le 8 mars suivant, la contribuable a exposé vivre seule avec ses cinq enfants depuis novembre 2020, dont elle avait la garde intégrale. Elle n'avait pas de jugement de séparation, mais elle joignait notamment une lettre manuscrite du père confirmant qu'elle subvenait seule à l'entretien des enfants.

7.             Par lettre du 18 mars 2024, l'AFC-GE a fait savoir à la contribuable que son courrier du 7 mars 2024 serait traité comme une réclamation.

8.             Par décision datée du 28 mars 2024 expédiée sous pli simple à l’adresse de l’employeur, l'AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable, en raison de sa tardiveté.

9.             Par acte déposé le 3 mai 2024, la contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), précisant qu’elle lui avait été notifiée le 16 avril 2024.

« Suite à une mésentente », elle avait « confondu » la date « limite » du 2 mars et celle du 8 mars 2024. Elle avait des difficultés pour réunir les documents requis par l'AFC-GE.

Pour le surplus, elle a exposé des motifs liés au fond de sa taxation pour l’année 2022.

10.         Le 2 juillet 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, au motif de la tardiveté de la réclamation.

La taxation d’office ayant été notifiée le 2 février 2024, la réclamation déposée le 8 mars 2024 l’avait été hors délai légal de 30 jours. Les difficultés administratives et d’organisation alléguées ne justifiaient pas une restitution de ce délai. Enfin, les conditions d’une reconsidération de la taxation contestée n’étaient pas réunies.

11.         Dans sa réplique du 22 juillet 2024, la recourante a notamment exposé ne pas être « à l’aise avec [des] formalités » et qu’un collaborateur de l'AFC-GE lui avait confirmé qu’elle avait un délai au 8 mars 2024 pour communiquer « les pièces demandées ». Elle ne comprenait toujours pas pourquoi on lui demandait de produire « autant de documents ». Ayant subi une intervention chirurgicale le 24 février 2024, elle avait été en arrêt maladie jusqu’au 23 mars 2024. Dans le courrier de l'AFC-GE du 22 janvier 2024, il n’était pas indiqué qu’elle avait un délai jusqu’au 2 mars 2024 pour formuler une réclamation.

Elle a notamment produit un certificat médical, non daté et établit par un chirurgien exerçant en France, concernant l’intervention chirurgicale qu’elle avait subie suite un accident survenu en mars 2021.

12.         Par duplique du 16 août 2024, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Le bordereau litigieux indiquait expressément qu’une réclamation écrite devait être déposée dans les 30 jours qui suivaient sa notification. La recourante avait eu suffisamment de temps pour transmettre les informations demandées. Elle avait en effet bénéficié de quatre mois pour s'organiser, délai qui aurait pu être prolongé à sa demande. Cependant, elle n'avait pas réagi et s'était laissée taxer d'office.

Il ressortait du certificat médical produit que l'intervention chirurgicale avait été prévue en avance et que la recourante n’avait pas été hospitalisée. En tout état, rien n’indiquait qu’elle était dans l’impossibilité de prendre des dispositions raisonnables telles que, par exemple, mandater un tiers pour agir à sa place.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. Il sera précisé que dans la mesure où la décision sur réclamation contestée, datée du 28 mars 2024, a été envoyée sous pli simple, ce qui ne permet pas de connaitre la date exacte de sa notification, le présent acte de recours, déposé le 3 mai 2024, doit être considéré comme état formé en temps utile (cf. not. ATF 142 IV 125 consid. 4.3).

3.             Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de décision d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Dès lors, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation déposée le 8 mars 2024, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que tous les griefs relatifs au bien-fondé du bordereau du 22 janvier 2024 sont irrecevables.

4.             Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc (applicables en matière d’IS par renvoi des art. 139 al. 1 LIFD, respectivement 38K LPFisc), le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD et 41 al. 1 LPFisc).

Le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte, cette réclamation devant être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve (art. 132 al. 3 LIFD et 39 al. 2 LPFisc). L'obligation de motiver la réclamation contre une taxation d'office est une exigence formelle dont le non-respect entraîne l'irrecevabilité (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2015 du 2 février 2016 consid. 6.1 et les références citées).

5.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/286/2020 du 10 mars 2020).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 142 V 152 consid. 4.2).

6.             De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'une décision et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi, dont la bonne foi est présumée (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.1). Comme toutes les règles sur le fardeau de la preuve, cette jurisprudence tend en particulier à régir les conséquences d'une absence de preuve ; elle ne permet cependant pas au juge d'occulter les éléments propres à établir le fait pertinent pour trancher en défaveur de la partie qui avait la charge de la preuve (ATF 114 II 289 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4, non publié in ATF 134 II 186 ; ATA/296/2017 du 14 mars 2017 consid. 10 ; ATA/436/2016 du 24 mai 2016 consid. 5).

Le fait que le recourant reconnaisse le caractère tardif de son acte constitue un moyen de preuve pertinent établissant la tardiveté de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4.1).

7.             En l’espèce, la recourante n’indique pas la date à laquelle elle a effectivement reçu le bordereau daté du 22 janvier 2024. Contrairement à ce qu’elle allègue, ce bordereau indiquait clairement qu’une réclamation écrite devait être déposée dans les 30 jours qui suivaient sa notification. Cela étant, en alléguant avoir « confondu » la date « limite » du 2 mars 2024 avec celle du dépôt effectif de sa réclamation, elle admet, à tout le moins implicitement, avoir déposé tardivement son acte. Elle le fait également en invoquant des motifs de restitution du délai de réclamation. Dans ces conditions, il faut admettre que sa réclamation a été tardive.

De plus, il apparaît douteux que sa réclamation était recevable sous l’angle des art. 132 al. 3 LIFD et 39 al. 2 LPFisc (applicables à une taxation d’office), étant donné qu’elle ne répondait que très partiellement aux demandes de renseignements de l'AFC-GE des 21 juin et 27 septembre 2023. Cette question peut toutefois demeurer ouverte dès lors que sa réclamation était tardive.

8.             Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, applicable par renvoi de l’art. 17 LISP, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

9.             Selon la jurisprudence, les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable et son éventuel représentant n'ont pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne leur est pas imputable à faute (arrêts du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

10.         La maladie ou l'accident peuvent être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_287/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Même une incapacité de travail totale n'exclut pas une simple activité administrative tendant à confier à un mandataire externe la défense de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2F_33/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4 et les réf.).

11.         En l’espèce, si la recourante a effectivement eu des difficultés à réunir les justificatifs que l'AFC-GE avait requis d’elle en 2023 déjà, cela ne l’empêchait en rien de déposer son acte de réclamation en temps utile, tout en demandant à l'AFC-GE un délai supplémentaire pour fournir les preuves requises. Dès lors, le délai de réclamation ne saurait être restitué pour ce motif, puisque celui-ci concerne le délai pour déposer les pièces justificatives, et non le délai de réclamation en tant que tel.

Il en va de même du motif en lien avec son état de santé. En effet, le certificat médical qu’elle a produit ne fait aucunement état d’une impossibilité subjective ou objective de gérer ses affaires administratives. En tout état, on ne saurait retenir sur la base de ce document qu’elle aurait été dans l’incapacité de mandater un tiers pour agir à sa place en temps utile.

Ainsi, c’est à bon droit que l'AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation déposée le 8 mars 2024.

12.         Partant, le recours sera rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2024 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 28 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier