Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1127/2024 du 11.11.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
0république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 11 novembre 2024
|
dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Daniel WYDLER, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne la taxation 2022 de Madame A______ et Monsieur B______.
2. Par bordereaux datés du 6 décembre 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année en cause.
3. Le 21 février 2024, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations. Celles-ci lui avaient été notifiées le 18 décembre 2023. Elle était consciente que le délai de trente jours était écoulé, mais en raison des Fêtes, elle n’avait pas prêté attention au courrier de l’AFC-GE avant le mois de janvier. En outre, son mari avait l’habitude de gérer les affaires administratives depuis toujours, mais depuis quelques temps, il avait perdu la tête et avait de la peine à lui laisser accéder aux documents du couple.
Elle a demandé la correction de deux postes (rente LPP et déductions pour rentes AVS/AI).
4. Par décisions du 25 avril 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.
5. Par acte du 27 mai 2024, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de ces prononcés.
Le dépassement du délai de réclamation s’expliquait par les problèmes de santé affectant M. B______, qui s’occupait habituellement de la gestion des affaires administratives du couple. En outre, les Fêtes de fin d’année avaient également contribué au fait qu’ils avaient pris connaissance des bordereaux incriminés tardivement.
À l’appui de leur argumentation, ils ont produit un certificat médical établi le 27 mai 2024 par la Dresse C______, à teneur duquel le recourant était pris en charge dans le service de psychiatrie gériatrique depuis 2017.
Leur taxation 2022 comportait un ajout inexact d’une rente LPP. Il en avait résulté que la déduction pour rentes AVS/AI avait été réduite. Enfin, des comptes bancaires qu’ils détenaient auprès du D______ avaient été imposés à double.
Ils ont joint un certificat médical concernant M. B______.
6. Dans sa réponse du 29 juillet 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours pour cause de tardiveté de la réclamation, relevant que les contribuables n’avaient invoqué aucun motif sérieux tendant à justifier leur retard.
7. Par réplique du 19 août 2024, la contribuable a fait valoir que l’AFC-GE avait notifié les bordereaux le 18 décembre 2023, soit à une période au cours de laquelle elle avait décidé de partir pour l’Italie avec son mari afin d’y passer les Fêtes de fin d’année. Ce dernier était rentré le 3 janvier 2024 et elle-même, le 8. C’était en faisant le ménage, au début du mois de février, qu’elle avait découvert plusieurs enveloppes fermées, dont le courrier de l’AFC-GE, cachées dans une armoire. Elle avait contacté son fils, qui avait procédé à des investigations et remarqué que les bordereaux comportaient des inexactitudes. L’AFC-GE devait assumer ses erreurs.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).
4. Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation a été déposée tardivement.
Le tribunal ne peut, en revanche, examiner les griefs des recourants relatifs à l’ajout d’une rente LPP, à la déduction pour rentes AVS/AI, ainsi qu’à l’imposition à double de comptes bancaires qu’ils détiennent auprès du D______.
5. À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.
6. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).
Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).
7. En l’occurrence, la contribuable a élevé réclamation le 21 février 2024 à l’encontre des bordereaux datés du 6 décembre 2023. Elle reconnaît que ces taxations ont été notifiés le 18 décembre 2023 et admet que le délai de trente jours pour les contester n’a pas été respecté. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008, consid. 2.3 et 2.4.1). Il en résulte que les contribuables n’ont pas observé le délai de réclamation.
Cela étant, dans leur recours, ces derniers sollicitent implicitement une restitution de ce délai, se prévalant des troubles psychiques dont souffre le contribuable, lesquels troubles l'auraient amené à délaisser les bordereaux de taxation du 6 décembre 2023, retrouvés trop tard dans une armoire par la contribuable.
8. Passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD ; art. 41 al. 3 LPFisc).
9. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).
10. Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 7.2), la maladie ou l'accident peuvent, à titre d'exemples, être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai.
11. En l’espèce, les recourants font fausse route en se prévalant des troubles psychiques du contribuable, qui, quelle que soit leur sévérité, demeurent sans conséquence juridique dans la présente affaire. En effet, la LPFisc prévoit que chacun des époux vivant en ménage commun est un contribuable, mais qu'ils exercent néanmoins les droits et s’acquittent des obligations qu’ils ont en vertu de la législation fiscale de manière conjointe (art. 16 al. 1). Cela étant, toujours selon la LPFisc, il suffit, pour que les recours et autres écrits soient réputés introduits en temps utile, que l’un des époux ait agi dans les délais (art. 16 al. 3). Il découle de ces dispositions légales que la contribuable est non seulement tout autant responsable que son époux des obligations fiscales qu'elle a conjointement avec lui, mais également qu'elle a tout autant que lui la possibilité et la légitimité pour agir seule auprès de l'AFC-GE en tant que représentante du couple. Dès lors, on ne saurait considérer que l'éventuelle inaptitude du contribuable à gérer les questions administratives, voire même son incapacité de discernement, était de nature à empêcher les recourants d'agir en temps utile pour préserver leurs droits, étant donné que la contribuable, pour sa part, a manifestement conservé toutes ses capacités. Elle ne saurait ainsi se dégager des responsabilités que lui attribuent les dispositions légales précitées en invoquant des questions d'organisation internes au couple, à savoir le fait que son époux voulait gérer seul les affaires fiscales du couple et qu'elle-même en était de facto tenue à l'écart.
12. Au vu de ce qui précède, les recourants n’ont pas droit à une restitution du délai de réclamation.
13. Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.
14. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, leur sera restitué. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 25 avril 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. ordonne la restitution aux recourants du solde de leur avance de frais, soit CHF 200.- ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |