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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1866/2024

JTAPI/1069/2024 du 31.10.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1866/2024 LCI

JTAPI/1069/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Fabrice BENJAMIN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune d’B______, ______[GE].

2.             Par courrier du 11 juin 2021 adressé à Monsieur A______, suite à un contrôle de la parcelle effectué par un inspecteur de la construction de l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : DT ou le département) le 6 avril 2021 et aux observations du représentant de Monsieur A______, le département a retenu que la réalisation de six objets était soumise à autorisation.

Le département lui ordonnait de déposer dans un délai de 30 jours une requête en autorisation de construire afin de régulariser l’infraction I 2______. S’il ne souhaitait pas régulariser la situation, il lui appartenait de procéder à la remise en conformité des lieux dans un délai de 60 jours.

3.             Par courriel du 13 septembre 2021, le département a demandé à Monsieur A______ de se déterminer sur la petite construction au nord de la parcelle.

4.             Le 5 novembre 2021, le département a adressé un courrier à Monsieur A______ après avoir constaté qu’aucune requête en autorisation de construire n’avait été déposée et qu’aucun élément attestant de la remise en état n’avait été produit.

Il lui ordonnait donc, dans un délai de 60 jours de procéder à la remise en état des lieux (soit cinq éléments) et de lui transmettre dans le même délai un reportage photographique.

Un délai de dix jours lui était par ailleurs octroyé pour se déterminer sur la petite construction érigée au nord de la parcelle.

5.             L’architecte de Monsieur A______, C______, a répondu au département par courriel du 17 novembre 2021.

Après consultation des archives de l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) et discussion avec son client, il pouvait donner l’explication suivante concernant la petite construction érigée au nord de la parcelle. Selon l’extrait du plan cadastral, il y avait deux bâtiments au sud de la parcelle n° 2______ et un bâtiment au nord de la parcelle n° 3______, soit un chalet construit entre 1974 et 1980 selon les archives. Son client avait acheté la parcelle avec les deux bâtiments et la caravane. Après consultation des archives de l’OAC, il avait retrouvé que la caravane portant la plaque de police GE 4______ était là depuis 1974, caravane qui n’avait jamais été débarrassée par l’ancien propriétaire.

Concernant les objets en infraction, il allait demander une autorisation de transformer et rétablir une situation conforme.

6.             Le ______ 2022, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 6______ visant à régulariser l’infraction I 2______ et la transformation d’un bâtiment avicole en dépôt et vestiaires, et salle de repos, sur la parcelle n° 1______ propriété de Monsieur A______.

7.             Faisant suite à ce refus d’autorisation, le département a accordé à Monsieur A______, le 3 février 2023, un délai de 60 jours pour rétablir une situation conforme (portant sur cinq éléments).

Concernant la petite construction au nord de la parcelle et la caravane entreposée, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir, partiellement en zone d’assolement, le dépôt d’une requête en autorisation de construire serait superfétatoire et, dès lors, les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état. Il lui ordonnait ainsi de rétablir une situation conforme au droit dans le même délai de 60 jours en procédant à la suppression et à l’évacuation de la petite construction et de la caravane. Cependant, concernant cette dernière, un délai de dix jours lui était octroyé pour transmettre toute explication ou observation.

Une amende de CHF 3'000.- lui était par ailleurs infligée.

8.             N’ayant reçu aucune suite à son courrier du 3 février 2023, le département a infligé à Monsieur A______, le 2 juin 2023 une amende de CHF 500.- et lui a octroyé un délai de 60 jours pour transmettre un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque la bonne exécution de son ordre.

9.             Monsieur A______ n’ayant toujours pas donné suite au courrier du département du 2 juin 2023, une nouvelle amende de CHF 1'000.- lui a été infligée le 27 octobre 2023. Un délai de 30 jours lui était octroyé pour transmettre un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque la bonne exécution de son ordre.

10.         Par courriel du 1er décembre 2023, M. C______ a transmis un reportage photographique portant sur la remise en état des cinq éléments et des informations complémentaires.

Concernant la petite construction érigée au nord de la parcelle et la caravane, elles bénéficiaient de la prescription de 30 ans, selon les archives de l’OAC. Monsieur A______ avait acheté la parcelle le 22 décembre 2020 avec deux bâtiments et la caravane. Toujours selon ces archives, la caravane était là depuis 1974 : elle avait été mise en vente mais n’avait pas trouvé acquéreur.

11.         Le 12 janvier 2024, le département a infligé à Monsieur A______ une amende de CHF 500.- au motif que son ordre du 2 juin 2023 n’avait été que partiellement réalisé.

Conformément à un arrêt du Tribunal fédéral, l’obligation de rétablir une situation conforme au droit ne s’éteignait pas après 30 ans pour les constructions érigées en dehors de la zone à bâtir ; dès lors, il pouvait ordonner la démolition, et ce quelle que soit leur date de construction.

Un nouveau délai de 30 jours lui était octroyé pour fournir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque la bonne exécution de son ordre.

12.         Une nouvelle amende de CHF 1'000.- a été infligée à Monsieur A______ par le département le 28 mars 2024 au motif que l’ordre du 2 juin 2023 n’avait toujours été que partiellement réalisé. Un nouveau délai au 30 avril 2024 lui était imparti pour transmettre un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque la bonne exécution de son ordre.

13.         Le 1er mars 2024, le département a transmis les fichiers informatiques sollicités par le conseil de Monsieur A______.

14.         Le 3 avril 2024, sous la plume de son conseil, Monsieur A______ a déposé auprès du département une demande de reconsidération de la décision du 3 février 2023.

Le 1er mars 2024, il avait sollicité de l’OAC l’historique des autorisations de construire concernant la parcelle n° 1______. Avant d’être assisté d’un avocat, il ignorait qu’il pouvait avoir accès aux précédentes autorisations. Dans cette mesure, les anciens dossiers devaient être considérés comme une modification notable des circonstances, soit un fait nouveau « ancien », car ces éléments n’auraient pas pu être produit plut tôt.

Selon un plan parcellaire daté du 27 avril 1976 (DD 7______), la baraque et la caravane étaient représentées sur la parcelle n° 1______ ; le département était donc au courant de l’existence de ces installations et aucun ordre de remise en état n’était intervenu.

Dans le cadre de la DD 8______ (construction d’un parc avicole), le parcelle n° 3______ indiqué était la baraque objet du présent litige ; il avait donc été officiellement cadastré le 12 mars 1986. Le département était donc au courant de l’existence de cette baraque au plus tard le 12 mars 1982.

L’inaction de l’autorité était constitutive d’une tolérance « active » ayant duré près de 40 ans et devait être considérée comme une période prolongée au sens de la jurisprudence. Dès lors, l’intervention de l’OAC violait le principe de la bonne foi.

Par ailleurs, il n’existait plus d’obstacle à l’entrée en vigueur de l’art. 25 al. 5 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), laquelle devait intervenir prochainement. Cet élément représentait de toute évidence une modification notable des circonstances puisque dans un futur très proche les constructions illicites en zone agricole pourront bénéficier de la prescription trentenaire, laquelle s’appliquera à la baraque et la caravane présentes depuis plus de 30 ans sur la parcelle.

15.         Par décision du ______ 2024, le département a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération dans la mesure où les conditions n’en étaient pas remplies, aucun des motifs de révision de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) n’apparaissant en effet être réalisé.

16.         Par courrier du 10 mai 2024, Monsieur A______ a indiqué au département trouver dans une situation profondément injuste puisque jusqu’en 2021 il aurait pu bénéficier de la prescription trentenaire et qu’il pourrait en bénéficier à nouveau fin 2024-début 2025 : il se trouvait donc dans une période sans prescription et cela pour des constructions qu’il n’avait pas lui-même réalisées. Il sollicitait dès lors un rendez-vous.

17.         Par acte du 29 mai 2024, Monsieur A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision du département du ______ 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle LAT et, principalement à son annulation, à l’annulation de la décision du département du 3 février 2023 en tant qu’elle visait le bâtiment n° ______ (point F et G), subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

Concernant la demande de suspension, elle était fondée sur le fait qu’avec l’entrée en vigueur de la nouvelle LAT la baraque et la caravane bénéficieront de la prescription trentenaire et ne pourront dès lors plus faire l’objet d’un ordre de remise en état.

Sur le fond, il a repris les arguments formulés dans le cadre de sa demande de reconsidération du 3 avril 2024.

18.         Le département s’est déterminé sur la demande de suspension le 14 juin 2024, s’y opposant.

De jurisprudence constante, l’autorité de recours devait appliquer le même droit que celui appliqué par l’autorité précédente pour rendre la décision qui faisait l’objet du recours. Cette règle pouvait souffrir de se voir appliquer la nouvelle loi lorsque l’intérêt public qu’elle imposait était d’une importance telle que son application devait être d’application immédiate ; encore fallait-il qu’elle soit déjà en vigueur, ce qui n’était pas le cas du nouvel art. 25 al. 5 LAT. La question de l’effet anticipé négatif ne semblait pas non plus pouvoir être invoqué dès lors que la modification ne le prévoyait pas expressément.

Par ailleurs, on ne se trouvait pas dans un cas d’interprétation d’une norme comme dans la jurisprudence citée par le recourant.

19.         Le département s’est déterminé sur le fond du recours par écriture du 5 août 2024, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

Le recourant fondait sa demande sur les précédents dossiers d’autorisation de construire qui lui avaient été communiqués postérieurement à la décision dont il demandait la reconsidération. Ceux-ci étaient librement accessibles à tous les administrés et à lui en particulier : il lui avait donc tout à fait été loisible de les requérir, cas échéant, de les produire dans la procédure principale. Dans la mesure où la jurisprudence estimait que seuls les faits qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence pouvaient être qualifiés de nouveaux au sens de l’art. 80 let. b LPA, et que le recourant n’expliquait pas en quoi il aurait été empêché de les obtenir, ces derniers ne constituaient pas des faits nouveaux. Le fait de ne pas avoir été assisté d’un avocat ne suffisait manifestement pas à établir la diligence dont il aurait fait preuve puisqu’il avait été représenté tout au long de la procédure principale par des architectes qui n’ignoraient pas cette possibilité. Enfin, le recourant ne prétendait pas qu’il lui avait été impossible de recourir à un conseil déjà pendant la procédure principale.

Concernant les plans figurant dans les anciennes procédures d’autorisation établissant la licéité des constructions litigieuses, il s’agissait d’un argument qui aurait dû être avancé dans le cadre des voies de droit ordinaires.

Pour terminer, le grief de la prescription trentenaire qui entrera en vigueur était infondé.

Sur cette base, la demande de suspension de l’instruction du recours devait également être rejetée.

20.         Le recourant a répliqué le 9 septembre 2024, persistant intégralement dans ses conclusions.

Il souhaitait attirer l’attention du tribunal sur une nouvelle jurisprudence rendue dans un cas similaire lors duquel le tribunal avait eu à se pencher entre autres sur la licéité d’un ordre de remise en état portant sur des constructions en zone agricole (JTAPI/809/2024 du 22 août 2024). Il avait considéré que l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit devait céder le pas des propriétaires à pouvoir préserver les constructions datant de plus de 30 ans.

Cette jurisprudence devait être appliquée dans le cas d’espèce et il s’agissait ainsi d’un changement notable des circonstances, et donc un motif de reconsidération, entrainant l’admission du recours.

21.         Le département a répliqué le 30 septembre 2024, persistant dans ses conclusions.

Le jugement invoqué par le recourant (JTAPI/809/2024) était contraire au droit et à la jurisprudence fédérale, celle-ci rappelant de manière constante que l’effet anticipé positif était inadmissible et en avait fait de même pour la modification de la LAT. Ensuite, le principe de proportionnalité ne pouvait être utilisé pour contourner cette interdiction qui se fondait sur les principes de la légalité et de la sécurité du droit auxquels il ne pouvait être dérogé. Enfin, contrairement à l’opinion émise par le recourant, le jugement précité n’avait aucune portée générale puisqu’il était contraire au droit, qu’il n’avait pas été confirmé par les instances supérieures et que, de surcroit, il n’entendait lui-même pas s’y conformer.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/366/2013 du 11 juin 2013 consid. 3a et la référence citée).

Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées).

4.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus du département du ______ 2024 d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par le recourant le 3 avril 2024 à l’encontre de la décision du département du 3 février 2023 ordonnant la suppression et l’évacuation de la petite construction érigée au nord de la parcelle et l’évacuation de la caravane entreposée sur la parcelle.

5.             L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

6.             À teneur de cette disposition, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

L’art. 80 LPA prévoit qu’il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a), ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1et les références citées).

7.             De façon générale, une demande de réexamen (ou reconsidération) peut être présentée en tout temps et par toute personne qui aurait la qualité pour recourir contre la décision, objet de la demande au moment du dépôt de celle-ci. Elle a pour but d’obtenir la modification de la décision d’origine. Le plus souvent, elle tendra à la révocation d’une décision valable à l’origine, imposant une obligation à un particulier (ATA/355/2011 du 31 mai 2011 consid. 4e et les références citées ; cf. aussi Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1414 ss). Lorsqu’elle est dirigée contre une décision dotée de l’autorité de la chose décidée, la demande de reconsidération peut être motivée par des raisons relatives à des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs d’appréciation de l’opportunité (ATA/1146/2017 du 2 août 2017 consid. 3a et les références citées).

8.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la modification du droit objectif entre dans le cadre d’une modification notable des circonstances. Toutefois, eu égard au principe de la non-rétroactivité des lois, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’un changement de législation peut être pris en considération (ATF 109 Ib 246 consid. 4c ; ATF 100 Ib 97 consid. 2).

9.             Exceptionnellement, un changement de jurisprudence peut entraîner la modification d'une décision entrée en force lorsque la nouvelle jurisprudence a une telle portée générale qu'il serait contraire au droit à l'égalité de ne pas l'appliquer dans tous les cas en maintenant une ancienne décision pour un seul justiciable ou un petit nombre d'entre eux (ATF 135 V 215 consid. 5.1.1 p. 219 ; arrêt 2C_154/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.3.2).

10.         Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

11.         La procédure de reconsidération ne constitue pas non plus un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211 ; ATA/461/2016 du 31 mai 2016 consid. 1d et les références citées).

12.         Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel est le cas, elle doit entrer en matière sur le fond, au besoin compléter l’instruction, et rendre une nouvelle décision qui ouvre à nouveau une voie de recours. En revanche, dans la négative, elle peut refuser d'examiner le fond de la requête. Le cas échéant, l'intéressé peut seulement recourir en alléguant que l'autorité a nié à tort l'existence des conditions requises pour la reconsidération, l'instance de recours se limitant pour sa part à examiner la question de savoir si l'autorité inférieure aurait dû entrer en matière (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_331/2013 du 19 avril 2013 consid. 3; Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 1428 ss).

13.         Le fait d’entrer en matière sur une demande de reconsidération n’implique pas nécessairement que la décision d’origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1429).

14.         En l’espèce, il convient de déterminer si les circonstances dont le recourant fait état dans sa demande du ______ 2024 peuvent être considérées, d'une part, comme nouvelles depuis la décision du département du 3 février 2023 en force et, d'autre part, comme importantes, une éventuelle réponse positive sur ces deux questions devant amener à l'admission du recours.

15.         Le recourant fait tout d’abord valoir qu’il n’avait eu accès à l’historique des autorisations de construire concernant la parcelle n° 1______ que le 1er mars 2024 et avait alors seulement découvert que, selon un plan parcellaire du 27 avril 1976, déposé dans le cadre de la DD 7______, la petite construction et la caravane étaient représentées et que dans le cadre de la demande DD 8______, la petite construction était indiquée et ainsi officiellement cadastrée : le département était donc au courant de l’existence de ces deux constructions et avait fait preuve d’une tolérance active depuis plus de 40 ans, laquelle devait être considérée comme prolongée au sens de la jurisprudence. Son intervention violait donc le principe de la bonne foi.

Le recourant ne peut être suivi. Son architecte, dans son courrier du 17 novembre 2021 au département, avait déjà indiqué avoir été consulter les archives de l’OAC et relevé que le bâtiment érigé au nord de la parcelle l’avait été entre 1974 et 1980 et que la caravane était présente depuis 1974. Il avait répété ces éléments dans son courrier du 1er décembre 2023 au département, faisant à nouveau référence aux archives de l’OAC auxquelles il avait eu accès.

Dès lors, si le recourant estimait que le département n’avait pas pris en considération ces éléments avant de rendre sa décision du 3 février 2023 lui ordonnant la suppression de ces deux constructions, il lui aurait appartenu de recourir contre cette décision, ce qu’il n’a pas fait.

En tout état, le tribunal rappellera que bien que non assisté d’un avocat selon ses dires, le recourant était en mesure d’entreprendre toutes les démarches utiles afin de connaitre l’historique des autorisations de construire délivrées sur sa parcelle avant qu’il n’en devienne propriétaire et, de ce fait, savoir quel était le statut des constructions dont la démolition était ordonnée. D’une part les dossiers d’autorisation de construire constituent des données accessibles au public - notamment en consultant le système d’informations du territoire genevois (ci-après : SITG) - et, d’autre part, que le recourant avait mandaté un architecte en tout cas à partir de novembre 2021, lequel avait réalisé des démarches en ce sens.

Ce premier motif sera donc écarté.

16.         Le recourant fait également valoir dans sa demande de reconsidération, le fait que la nouvelle LAT allait prochainement entrer en vigueur, réintroduisant la prescription trentenaire pour des bâtiments sis en zone agricole. Dans ses écritures du 9 septembre 2024, il indique par ailleurs que le tribunal a rendu un jugement le 22 août 2024 (JTAPI/809/2024) relatif à une remise en état d’une construction sise en zone agricole dans lequel le tribunal avait considéré que l'on ne saurait faire abstraction du fait que les objets litigieux, qui étaient aujourd'hui soumis à la possibilité d'un ordre de remise en état, y échapperont dès l'entrée en vigueur relativement proche du futur art. 25 al. 5 LAT et donc qu’il était incompréhensible de vouloir encore préserver un intérêt public auquel le législateur fédéral avait d'ores et déjà décidé qu'il convenait de renoncer dans les circonstances spécifiques de constructions datant de plus de 30 ans.

17.         Le tribunal rappellera, d’une part, qu’aucune application anticipée de l’art. 25 al. 5 LAT n’a été prévue par le législateur et, d’autre part et surtout que non seulement cette jurisprudence, isolée et de première instance, est postérieure à la demande de reconsidération mais, en plus, que le tribunal n’y a pas retenu que l’art. 25 al. 5 LAT, dont l’entrée en vigueur était attendue, devait de manière anticipée s’appliquer dans toutes les situations mais simplement que, dans le cadre de l’analyse du principe de proportionnalité d’un ordre de remise en conformité pour un cas bien précis, il pouvait être tenu compte de la prochaine entrée en vigueur de cette disposition. Il ne peut être dès lors retenu qu’on se trouverait face à un changement de jurisprudence pouvant entraîner la modification d'une décision entrée en force parce que le jugement du tribunal du 22 août 2024 aurait une telle portée générale qu'il serait contraire au droit à l'égalité de ne pas l'appliquer dans tous les cas en maintenant une ancienne décision pour un seul justiciable ou un petit nombre d'entre eux, comme retenu par le Tribunal fédéral dans son arrêt susmentionné.

Ce second motif sera dès lors également écarté.

18.         En tous point mal fondé, le recours sera rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt des recours. . Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière