Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1146/2024

JTAPI/314/2024 du 09.04.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE
Normes : LEI.75.al1.letb; LEI.76.al1.leta; LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1146/2024 MC

JTAPI/314/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jordan WANNIER, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, est ressortissant du Sénégal.

2.             Il est en possession d’un passeport sénégalais valable jusqu’au 3 octobre 2027 et d’un titre de séjour portugais valable jusqu’au 12 octobre 2024.

3.             Le 13 avril 2022, le commissaire de police a prononcé une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève à son encontre, pour une durée de quinze mois.

4.             Par jugement du 9 mai 2022 (JTAPI/465/2022), statuant sur opposition, le tribunal a confirmé l’interdiction mais l’a réduite à six mois.

5.             Le 12 novembre 2022, le commissaire de police a prononcé une nouvelle interdiction de pénétrer dans le canton de Genève à l’encontre de M. A______, pour une durée de dix-huit mois. Cette décision est entrée en force.

6.             Le 3 septembre 2023, il a été condamné par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour non-respect d’une interdiction de pénétrer une région déterminée (art. 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20)). Cette condamnation n’est pas définitive, la procédure étant actuellement pendante par-devant le Tribunal de police de Genève.

7.             Par jugement du 4 septembre 2023, définitif et exécutoire, la Chambre pénale d’appel et de révision a condamné M. A______, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, à CHF 10.-, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour non-respect d’une interdiction de pénétrer une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121)).

En substance, il lui a été reproché d’avoir vendu, à plusieurs reprises, de la cocaïne à des consommateurs dans les rues genevoises et d’avoir pénétré sur le territoire genevois, au mépris des interdictions précitées.

8.             Par ordonnance pénale du 6 avril 2024, il a été condamné par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de 90 jours, pour non-respect d’une interdiction de pénétrer une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), la veille.

9.             Le 6 avril 2024, à 15h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines, en application de l’art. 75 al. 1 let b et g LEI. Une décision de renvoi allait être notifiée à l’intéressé.

Au commissaire de police, ce dernier a déclaré qu'il était d'accord de retourner au Portugal.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Le 6 avril 2024, les démarches en vue de la réservation d’un vol à destination de Lisbonne au départ de Genève, entre le 9 et le 14 avril 2024, en faveur de l’intéressé, ont été effectuées.

12.         Le 8 avril 2024, l’office cantonal de la population et des migrations a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, décision exécutoire nonobstant recours, et a chargé les services de police d’exécuter immédiatement celui-ci.

13.         Le 8 avril 2024, à 14h13, le commissaire de police a émis un nouvel ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines, en application de l’art. 76 al. 1 let. a LEI.

14.         Le 9 avril 2024, le commissaire de police a informé le tribunal qu’un vol à destination de Lisbonne au départ de Genève, le 10 avril 2024 à 18h20, avait été réservé en faveur de l’intéressé.

15.         Lors de l'audience du 9 avril 2024 devant le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il souhaitait quitter la Suisse, était d'accord de retourner au Portugal et de prendre le vol qui lui avait été réservé à destination de Lisbonne le lendemain. Il n’avait aucun lien avec la Suisse. Sa femme et ses enfants vivaient à B______ (France). S’il était revenu à Genève malgré les deux interdictions prises à son encontre c'était car il pensait qu'elles étaient déjà terminées.

Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines

Le conseil de l'intéressé a conclu à la levée immédiate de la détention de son client.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 6 avril 2024 à 15h20.

3.            En vertu de l’art. 75 al. 1 let. b LEI, afin d’assurer l’exécution d’une procédure de renvoi, l’autorité cantonale compétente peut ordonner la détention pendant la préparation de la décision sur le séjour, pour une durée de six mois au plus, d’une personne qui n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement, si elle pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74.

4.            En l’espèce, M. A______ n’est pas en possession d’une autorisation de séjour et a pénétré, à plusieurs reprises sur le territoire genevois, au mépris des deux interdictions prises à son encontre les 9 mai et 12 novembre 2022. Le fait qu’il prétende n’avoir pas eu connaissance que ces interdictions étaient toujours valables lorsqu’il a été interpellé à Genève n’apparaît pas crédible. Ces interdictions lui ont été valablement notifiées dans une langue qu’il comprend et il a été condamné pénalement pour ne pas s’y être soumis. C’est dire si les autorités lui ont rappelé formellement à plusieurs reprises l’existence de ces interdictions et leur durée. Lors de son placement en détention le 6 avril 2024, M. A______ se trouvait dans l’attente d’une décision de renvoi. Partant, la détention était fondée quant à son principe sur la base l’art. 75 al. 1 let. b LEI sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner si elle aurait pu l’être sur la base de l’art. 75 al. 1 let. g LEI.

5.            Selon l’art. 76 al. 1 let. a LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, maintenir en détention la personne concernée lorsqu’elle est détenue en vertu de l’art. 75 LEI, ce qui est le cas en l’espèce.

6.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

7.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

8.            En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

9.            En l’espèce, M. A______ est détenu administrativement depuis le 6 avril 2024 sur la base de l’art. 75 al. 1 let. b LEI. Dans la mesure où il fait désormais l’objet d’une décision de renvoi, sa détention basée sur l’art. 76 al. 1 let. a LEI est fondée.

10.        L’assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence lorsqu’il devra prendre le vol réservé en sa faveur le 10 avril 2024.

11.        L'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé aux démarches en vue de la réservation d’un vol à destination de Lisbonne prévu le 10 avril 2024.

12.        Enfin, concernant la durée de la détention, elle respecte pleinement le principe de proportionnalité, étant souligné que si l’intéressé monte à bord du vol devant le reconduire au Portugal, sa détention prendra immédiatement fin et que si, pour une quelconque raison, le renvoi ne pouvait avoir lieu, l’autorité aurait le temps de réserver une nouvelle place sur un autre vol.

13.        Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 28 avril 2024 inclus.

14.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme les ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police les 6 avril 2024 à 15h35 et 8 avril 2024 à 14h13 à l’encontre de Monsieur A______ ;

2.             dit que la détention administrative de Monsieur A______ aura une durée de trois semaines dès l’ordre du 8 avril 2024, soit jusqu'au 28 avril 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière