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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/226/2022

JTAPI/612/2022 du 09.06.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;CONDAMNATION
Normes : LPA.41; LEI.34; LEI.34.al4; LEI.58a; LEI.62.al1; OASA.77a; OASA.77d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/226/2022

JTAPI/612/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1979, est originaire d’Afghanistan.

2.             Il est marié à Madame B______ et père de quatre enfants, soit C______, D______, E______ et F______, nés respectivement les ______ 2008, ______ 2010, ______ 2012 et ______ 2016, tous cinq également de nationalité afghane.

3.             M. A______ est arrivé en Suisse le 26 novembre 2012. Le statut de réfugié lui a été reconnu le 15 septembre 2014 et il est depuis lors au bénéfice d’une autorisation de séjour B.

4.             L’épouse de M. A______ et les trois premiers enfants du couple sont arrivés en Suisse en 2015, à la suite de la demande de regroupement familiale déposée par l’intéressé.

5.             Le 5 janvier 2018, M. A______ a, par l'intermédiaire de son conseil, formulé une demande anticipée d'autorisation d'établissement auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Dans le cadre de son activité professionnelle, il devait très souvent voyager et le fait de n’être titulaire que d’un permis B lui créait des problèmes d’obtention de visas pour certains pays. Il était particulièrement bien intégré.

Sa demande était accompagnée de son titre de séjour, d’un extrait du registre des poursuites, d’un contrat de travail et de fiches de salaire.

6.             Par ordonnance pénale du 3 juillet 2018, le ministère public du canton de Genève a déclaré M. A______ coupable d’infraction à l’art. 117 al. 1 de l’ancienne loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (aLEtr - RS 142.20). Il lui était reproché d’avoir, à Genève, du 7 mars au 19 avril 2018 à tout le moins, employé un ressortissant afghan lequel n’était pas au bénéfice des autorisations nécessaires pour travailler en Suisse.

7.             Par courriel du 3 octobre 2018, faisant suite à plusieurs relances du conseil de l’intéressé, l’OCPM a informé M. A______ qu’il n’avait pas les années requises pour obtenir un permis C. Quand bien même, sa condamnation pénale empêcherait l’octroi d’un tel permis.

8.             Le 7 janvier 2020, M. A______ a déposé une nouvelle demande anticipée d'autorisation d'établissement auprès de l’OCPM, pour lui-même et sa famille.

L'asile politique lui avait été accordé par décision du 15 septembre 2014. Son épouse et leurs trois enfants étaient arrivés légalement en Suisse le 22 août 2015.

Il travaillait à temps plein depuis le 1er octobre 2017 en tant que gérant-vendeur de kiosque, ce qui permettait à sa famille d’être totalement indépendante de l'Hospice général (ci-après : HG) depuis lors. S'agissant de ses enfants, les trois ainés étaient scolarisés et parfaitement intégrés. Il perfectionnait son français grâce à son travail. Depuis leur arrivés en Suisse, ils n’avaient jamais eu un quelconque problème avec les autorités et avaient à cœur de respecter la loi et l'ordre public. Ils n’avaient contracté aucune dette et faisaient l'objet d'aucune poursuite. Son séjour à Genève était ininterrompu depuis 2012.

Il joignait notamment copies de son contrat de travail, d’un extrait de son casier judiciaire, d’un extrait du registre du commerce de la société G______ le désignant comme associé gérant, de son certificat de salaire pour 2018, d’une attestation de l'HG indiquant qu’il n’était plus aidé financièrement depuis le 1er octobre 2017, ainsi que des attestations de scolarité de ses enfants.

9.             Par courrier du 22 janvier 2020, l'OCPM a informé M. A______ que lui-même et sa famille ne remplissaient pas les conditions d'octroi d'une autorisation d'établissement (permis C) anticipée. Il faisait l’objet d’une condamnation pénale et son épouse et leurs enfants ne totalisaient pas cinq ans au titre d’une autorisation de séjour. Sur demande, une décision formelle pourrait lui être adressée.

10.         Par courrier du 18 novembre 2020, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a informé les époux H______ avoir observé qu’ils n’étaient pas domiciliés légalement à l’adresse du logement subventionné qui leur avait été attribué. Une telle situation était contraire à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et susceptible de conduire à la résiliation de leur bail.

11.         Le 2 août 2021, M. A______, agissant sous la plume de son conseil, a déposé une nouvelle demande anticipée d'autorisation d'établissement auprès de l’OCPM.

Il joignait un extrait de son casier judiciaire sur lequel ne figurait plus aucune condamnation, un certificat d’absence de poursuites et ses fiches de salaire des mois d’avril, mai et juin 2021.

12.         Il ressort d’une attestation de l'HG du 8 novembre 2021 que M. A______ et sa famille avaient bénéficié de prestations financières d’aide sociale du 21 décembre 2012 au 30 septembre 2017 et du 25 mai au 31 août 2020. Ils n’avaient aucune dette envers l’HG.

13.         Par courrier du 10 novembre 2021 adressé à M. A______, l'OCPM a relevé que l’intéressé avait bénéficié de prestations financières, aux dates susmentionnées, pour un montant de CHF 60'260,90. Ces prestations ne permettaient pas de considérer son intégration comme suffisante sur les cinq dernières années. En outre il avait fait l’objet d’une condamnation pour lésions corporelles simples (sic !). Les conditions de l’art. 58a al. 1 let. a LEI n’était ainsi plus remplie dans la mesure où il contrevenait à la sécurité et à l’ordre publics suisse.

Il était précisé que ce courrier valait droit d'être entendu et que sur demande écrite dans les 30 jours, une décision formelle pouvait être rendue.

14.         Par courrier du 10 décembre 2021, M. A______, sous la plume de son conseil, a requis de l’OCPM une décision formelle.

15.         Par décision du 21 décembre 2021, l'OCPM a refusé à M. A______ l'octroi anticipé d'une autorisation d'établissement.

Dans les motifs invoqués, il n’était plus fait référence à une condamnation pour lésions corporelles simples mais pour emploi d’étrangers sans autorisation. Il était en outre relevé que l’intéressé n’avait pas démontré avoir atteint le niveau de langue exigé, à savoir B1 à l’oral et A1 à l’écrit.

16.         Par acte du 20 janvier 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à l'octroi d'une autorisation d'établissement en sa faveur, soit, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens.

Il avait créé une société, exploitait en gérance en commerce et exerçait en parallèle plusieurs activités commerciales. Ainsi, bien qu’ayant bénéficié de prestations de l’HG, il participait à l’économie locale. Sa condamnation pénale était exceptionnelle et résultait d’une méconnaissance de la situation.

Diverses pièces étaient jointes, dont un extrait du registre du commerce de la société G______ indiquant qu’il en était l’associé gérant et un contrat de gérance libre relatif à l’établissement I______.

17.         Le 23 mars 2022, l'OCPM a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de sa décision pour les motifs invoqués dans sa décision.

18.         Par réplique du 25 avril 2022, le recourant, sous la plume de son conseil, a persisté dans les griefs et conclusions de son recours.

Il contestait l’absence de maîtrise du français. A cet égard, il avait produit une attestation de langue A2. Il avait en tout état les connaissances utiles pour exploiter son commerce. L’aide financière reçue était liée à son statut de réfugié puis, en 2020, à la situation COVID. Quant à sa condamnation pénale, elle ne pouvait, à elle seule, être décisive pour nier les conditions requises à l’intégration. Le délai d’épreuve avait de plus été subi avec succès. Son intégration était donc acquise.

19.         Par duplique du 24 mai 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Dans son jugement, le tribunal prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l'appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf. analogie, arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 et l'arrêt cité ; D-573/2020 du 12 février 2020 ; F-235/2018 du 4 avril 2019 consid. 3 et la jurisprudence citée ; F-3202/2018 du 28 février 2019 consid. 3 ; F-3460/2017 du 25 janvier 2019 consid. 2 et l'arrêt cité).

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

8.             La législation fédérale en matière de police des étrangers distingue l'autorisation de séjour de l'autorisation d'établissement. La première est octroyée pour un séjour de plus d'une année, dont le but est déterminé. Elle peut être assortie de certaines conditions et est limitée dans le temps, mais peut être prolongée s'il n'existe aucun motif de révocation (art. 33 LEI). La seconde est octroyée pour une durée indéterminée et sans condition (art. 34 al. 1 LEI).

9.             A teneur de l'art. 34 al. 2 LEI, l'autorité compétente peut octroyer une autorisation d'établissement à un étranger aux conditions suivantes :

a. il a séjourné en Suisse au moins dix ans au titre d'une autorisation de courte durée ou de séjour, dont les cinq dernières années de manière ininterrompue au titre d'une autorisation de séjour ;

b. il n'existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63 al. 2 ;

c. l'étranger est intégré.

10.         À teneur de l'art. 34 al. 4 LEI, l'étranger qui remplit les conditions prévues à l'al. 2 let. b et c, et est apte à bien communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile peut obtenir une autorisation d'établissement au terme d'un séjour ininterrompu de cinq ans au titre d'une autorisation de séjour.

11.         L'art. 34 LEI est une norme potestative qui ne consacre pas de droit à un permis d'établissement (ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; 131 II 339 consid. 1, et la jurisprudence citée ; ATAF F-3419/2018 consid. 5 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, pp. 324 et les références citées).

12.         Selon l'art. 62 al. 1 LEI, l'autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, notamment si l'étranger a été condamnée à une peine privative de liberté de liberté de longue durée ou a fait l'objet d'une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP (let. b) ou encore si l'étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale (let. e).

13.         Concernant la dépendance de l'aide sociale, cette disposition suppose qu'il existe un risque concret d'une telle dépendance, de simples préoccupations financières ne suffisant pas. Pour évaluer ce risque, il sied non seulement de tenir compte des capacités financières actuelles de tous les membres de la famille, mais aussi de considérer l'évolution financière probable à plus long terme (ATF 137 I 351 consid. 3.9 ; 122 II 1 consid. 3c). La norme entre en considération lorsqu'une personne a reçu des aides financières élevées et qu'on ne peut envisager qu'elle puisse pourvoir à son entretien dans le futur (cf. arrêt 2C_780/2013 du 2 mai 2014 consid. 3.3.1). L'art. 62 let. e LEI ne prévoit toutefois pas que la personne dont il est question de révoquer l'autorisation de séjour dépende "durablement et dans une large mesure" de l'aide sociale, au contraire de ce que prévoit l'art. 63 al. 1 let. c LEI s'agissant de la révocation de l'autorisation d'établissement (cf. arrêts 2C_834/2016 du 31 juillet 2017 consid. 2.1; 2C_1228/2012 du 20 juin 2013 consid. 2.2).

14.         Les motifs envisagés à l'art. 62 al. 1 LEI constituent chacun une cause de révocation, respectivement de refus d'octroi d'une autorisation de séjour (cf. arrêt 2C_317/2016 du 14 septembre 2016 consid. 4.5 et références citées).

15.         Selon l'art. 63 al. 2 LEI, l'autorisation d'établissement peut être révoquée et remplacée par une autorisation de séjour lorsque les critères d'intégration définis à l'art. 58a LEI ne sont pas remplis.

16.         Selon l'art. 62 al. 1 OASA, l'octroi anticipé de l'autorisation d'établissement est soumis aux critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI. L'art. 62 al. 1bis OASA prévoit que l'étranger est tenu de prouver qu'il possède des connaissances orales de la langue nationale parlée au lieu de domicile équivalent au moins au niveau B1 du cadre de référence et des compétences écrites de niveau A1 au minimum.

17.         Les connaissances d’une langue nationale sont réputées attestées lorsque l’étranger a participé à une formation du degré secondaire II ou du degré tertiaire dispensé dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (art. 77d al. 1 let. c OASA).

18.         L'art. 58a al. 1 LEI prévoit que, pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants :

a. le respect de la sécurité et de l'ordre publics ;

b. le respect des valeurs de la Constitution ;

c. les compétences linguistiques ;

d. la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation.

19.         Selon l'art. 77a al. 1 let. a OASA, il y a notamment non-respect de la sécurité et de l'ordre publics lorsque la personne concernée viole des prescriptions légales ou des décisions d'une autorité.

20.         Selon les Directives et commentaires du SEM (domaine des étrangers, p. 40 ch. 3.3.1, état au 15 décembre 2021 ; ci-après : Directives LEI), les critères d'intégration (art. 58a LEI) servent de base à l'appréciation de l'intégration d'un étranger. Les principes juridiques appliqués jusqu'à présent à la notion « d'intégration réussie » et la jurisprudence y relative restent en principe valables, à ceci près que les exigences linguistiques sont désormais précisées.

L'ordre public comprend deux éléments, à savoir l'ordre juridique objectif et l'ordre public en général. L'ordre public objectif est en principe la réputation irréprochable d'un individu attestée par un extrait du casier judiciaire. Les condamnations sont prises en compte selon le type de délit commis, le degré de culpabilité et la lourdeur de la peine prononcée (Directives LEI, ch. 3.3.1.1).

21.         Selon la jurisprudence, il n'y a pas d'intégration réussie lorsque l'étranger n'exerce pas d'activité lucrative qui lui permette de couvrir ses besoins et qu'il dépend des prestations sociales pendant une période relativement longue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_385/2016 précité consid. 4.1 ; 2C_748/2014 du 12 janvier 2015 consid. 3.2 ; 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.3 ; 2C_385/2014 du 19 janvier 2015 consid. 4.1).

À l'inverse, le fait pour une personne de ne pas avoir commis d'infractions pénales et de pourvoir à son revenu sans recourir à l'aide sociale ne permet pas à lui seul de retenir une intégration réussie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_385/2016 précité consid. 4.1 ; 2C_352/2014 précité consid. 4.3 ; 2C_14/2014 précité consid. 4.6.1).

Il n'est pas indispensable que l'étranger fasse montre d'une carrière professionnelle requérant des qualifications spécifiques; l'intégration réussie au sens de l'art. 50 al. 1 let. a de la LEtr n'implique en effet pas nécessairement la réalisation d'une trajectoire professionnelle particulièrement brillante au travers d'une activité exercée sans discontinuité. L'essentiel en la matière est que l'étranger subvienne à ses besoins, n'émarge pas à l'aide sociale et ne s'endette pas de manière disproportionnée (arrêts 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.3 ; 2C_385/2014 du 19 janvier 2015 consid. 4.1). L'intégration réussie d'un étranger qui est actif professionnellement en Suisse, dispose d'un emploi fixe, a toujours été financièrement indépendant, se comporte correctement et maîtrise la langue locale ne peut être niée qu'en la présence de circonstances particulièrement sérieuses (arrêts 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.3 ; 2C_930/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.1). L'absence de liens sociaux très étroits en Suisse n'exclut pas non plus d'emblée l'existence d'une intégration réussie, de même que l'absence de vie associative (arrêts 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.3 ; 2C_930/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.1).

22.         Cette notion d'intégration réussie doit par ailleurs s'examiner à l'aune d'une appréciation globale des circonstances (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_600/2017 du 14 novembre 2017 consid. 2.2). Dans l'examen de ces critères d'intégration, les autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation. Il convient d'accorder une attention particulière au degré d'intégration de l'étranger. En effet, plus le statut juridique sollicité confère des droits étendus au requérant, plus les exigences liées au niveau d'intégration sont élevées (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4152/2016 du 27 juin 2018 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-323/2019 du 2 novembre 2020 consid. 5.4).

Le refus de l'autorisation ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances. Il convient donc de prendre en considération, dans la pesée des intérêts publics et privés en présence, la gravité de la faute commise par l'étranger, son degré d'intégration, respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison de la mesure (art. 96 al. 1 LEI ; ATF 135 II 377 consid. 4.3; 135 II 110 consid. 4.2).

23.         Si un jugement pénal ne lie en principe pas l'autorité administrative, la jurisprudence a admis, afin d'éviter dans la mesure du possible des contradictions, que l'autorité administrative ne devait pas s'écarter sans raison sérieuse des faits constatés par le juge pénal ni de ses appréciations juridiques qui dépendent fortement de l'établissement des faits (cf. notamment ATF 136 II 447 consid. 3.1; 124 II 103 consid. 1c; arrêt du TF 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 3.1).

Ainsi, l'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement rendu que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas ou qu'il n'a pas prises en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit (cf. notamment ATF 136 II 447 consid. 3.1; 129 II 312 consid. 2.4; arrêt du TF 2A.391/2003 du 30 août 2004 consid. 3.5).

24.         Dans l'arrêt F-1335/2018 du 4 octobre 2018, le Tribunal administratif fédéral a retenu, pour un étranger requérant qui demandait l'octroi anticipé d'une autorisation d'établissement, qu'il ne pouvait se prévaloir d'un parcours méritoire dès lors qu'il avait été condamné pénalement, pour avoir employé deux étrangers sans autorisation de travail, à quarante jours-amende à CHF 50.- avec sursis pendant deux ans et à une amende de CHF 300.-. Et cela nonobstant qu'il était installé avec sa femme et sa fille dans le canton de Vaud où il avait récemment acheté une maison, qu'il avait un niveau de français B2, n'émargeait pas à l'aide sociale et faisait partie d'un club de football. Au niveau professionnel, il avait fondé sa propre entreprise lui permettant d'être indépendant financièrement, bien que sa volonté de s'intégrer dans la vie économique suisse devait être relativisée dans la mesure où son entreprise semblait favoriser ses compatriotes.

25.         Dans le cas d'espèce, le recourant réside en Suisse depuis le 26 novembre 2012 et au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis le 15 septembre 2014 de manière ininterrompue, soit depuis plus de sept ans. La condition de la durée de séjour de l’art. 34 al. 2 LEI n'est pas remplie, au contraire de celle de l'al. 4.

Cela étant, il s’agira encore de déterminer si l’intéressé peut se prévaloir d’une intégration réussie et ainsi bénéficier de l’octroi anticipé d’une autorisation d’établissement. A cet égard, il peut être retenu que le recourant n’est plus dépendant de l’aide sociale, le dernier montant versé à ce titre remontant au mois d’août 2020. L’aide versée l’année en question a été de courte durée, soit du 25 mai au 31 août 2020, et le recourant explique qu’elle était liée à la situation particulière de Pandémie. Auparavant, soit de 2012 à 2017, le recourant et sa famille ont bénéficié de prestations de l’HG, notamment en lien avec le statut de réfugié de l’intéressé, pour un montant de plus de CHF 60'000.-. Ils n’ont toutefois pas de dettes envers l’HG. Au niveau professionnel, le recourant explique travailler à temps plein depuis le 1er octobre 2017 en tant que gérant-vendeur de kiosque, ce qui permet à sa famille d’être totalement indépendante financièrement. Il exercerait, en parallèle, plusieurs autres activités commerciales. Le recourant n’a pas de dettes et ne fait l'objet d'aucune poursuite. Cela étant, il doit être relevé que ses compétences linguistiques ne sont nullement attestées au niveau requis. Il a de plus fait l’objet, le 3 juillet 2018, d’une condamnation pénale pour infraction à l’art. 117 aLEI (emploi d’étrangers sans autorisation).

Au vu de ce qui précède, compte tenu sa condamnation pénale, le recourant ne peut se prévaloir d’un comportement qualifié d’irréprochable. Son intégration n’apparait au surplus pas réussie à la lumière des critères posés par la jurisprudence, étant rappelé que le degré d’intégration exigé est élevé vu que le statut juridique sollicité, à savoir une autorisation d’établissement, confère des droits étendus à son bénéficiaire et qu’il s’agit d’en bénéficier à titre anticipé. Au vu des circonstances, il ne peut dès lors être reproché à l’OCPM d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le degré d’intégration de l’intéressé était insuffisant.

26.         A toutes fins utiles, il sera rappelé que le refus de délivrer actuellement une autorisation d’établissement à titre anticipé au recourant ne remet cependant nullement en cause sa présence sur le territoire helvétique, puisque celui-ci est au bénéfice d’un permis de séjour. Il lui sera par ailleurs possible de solliciter à nouveau la délivrance d’une autorisation d’établissement de façon ordinaire, après dix ans de séjour en Suisse au titre d’une autorisation de séjour, soit dans moins de trois ans. Compte tenu du caractère exceptionnel et donc restrictif de l’octroi anticipé de l’autorisation d’établissement, qui présuppose un comportement irréprochable, dont le recourant ne saurait se prévaloir en l’occurrence, on ne voit pas en quoi son intérêt privé à bénéficier d’un statut plus stable en Suisse prévaudrait sur l’intérêt public au respect scrupuleux de l’ordre établi. Au vu de ce qui précède, le principe de la proportionnalité n’est ainsi pas violé.

27.         En définitive, compte tenu de l’ensemble des éléments du dossier, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de l’OCPM selon laquelle l’octroi anticipé d’une autorisation d’établissement ne se justifie pas en l’espèce. Dans ces circonstances, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit (art. 61 al. 2 LPA), le tribunal ne saurait substituer son appréciation à celle de l'autorité intimée.

28.         Mal fondé, le recours est rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 décembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier