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Décisions | Chambre de surveillance

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C/17864/2017

DAS/179/2024 du 14.08.2024 sur DTAE/4646/2024 ( PAE )

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17864/2017-CS DAS/179/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 14 AOÛT 2024

 

Recours (C/17864/2017-CS) formé en date du 31 juillet 2024 par Madame A______, domiciliée [Centre] B______, ______ [GE], représentée par Me Jacopo OGRABEK, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 14 août 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Jacopo OGRABEK, avocat
Rue du Grand-Pré 9, 1202 Genève.

- Maître C______
______, ______ [GE].

- Madame D______
Madame E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


Vu, EN FAIT, la procédure C/17864/2017 relative à la mineure F______, née le ______ 2014, issue de la relation entre A______ et G______;

Qu'il ressort de la procédure que le père de la mineure est totalement absent de sa vie, tandis que sa mère, au bénéfice d'une mesure de protection assurée par le Service de protection de l'adulte (SPAd) et sans titre de séjour en Suisse, a fait l'objet de plusieurs incarcérations au cours des dernières années et souffre, notamment, d'une dépendance à l'alcool;

Attendu que par ordonnance DTAE/6871/2017 rendue à titre provisionnel le 5 décembre 2017, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a retiré aux père et mère la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant, ordonné son placement au sein du Foyer H______, réservé un droit de visite à la mère sur sa fille, avec présence d'un éducateur (la mère s'étant montrée irrégulière auprès de sa fille et présentant parfois des signes d'alcoolisation) et instauré diverses curatelles en faveur de la mineure;

Que par décision superprovisionnelle du 20 juillet 2018, le Tribunal de protection a instauré une curatelle ad hoc aux fins d'établir des documents d'identité en faveur de la mineure, avec limitation de l'autorité parentale de la mère en conséquence;

Que la mineure a intégré une famille d'accueil le 4 août 2019;

Que, par décision du 15 novembre 2019, compte tenu des difficultés rencontrées par le Service de protection des mineurs (SPMi) à faire établir des documents d'identité pour la mineure, le Tribunal de protection a désigné C______, avocate, aux fonctions de curatrice de représentation de la mineure et relevé le SPMi du mandat correspondant;

Que le mandat de la curatrice a été étendu, par décision du 20 avril 2022, à la représentation d'office de la mineure dans le cadre de la procédure, ainsi qu'aux fins d'effectuer toutes démarches administratives et juridiques utiles en vue de régulariser sa situation administrative en Suisse, la mère ayant mandaté un avocat commun pour elle et sa fille, ce qui paraissait contraire à l'intérêt de la mineure;

Que la mineure est au bénéfice de documents d'identité ivoiriens depuis début 2021 et français depuis fin 2022, la curatrice d'office ayant indiqué avoir rencontré d'énormes difficultés pour obtenir des renseignements auprès de la mère concernant les précisions sollicitées par l'OCPM sur le parcours de vie de la mineure, un rendez-vous ayant finalement pu être planifié le 5 décembre 2023 avec le SPAd, la mère et son infirmier;

Que concernant les visites de la mère sur la mineure, le SPMi a relevé, dans son rapport du 14 avril 2020, plusieurs visites manquées par la mère du 5 décembre 2017 au 5 décembre 2019 au sein de I______ [consultations familiales];

Que quelques visites ont pu être organisées auprès du Dr J______, médecin psychiatre, en 2020, puis une seule en octobre 2021, suite à laquelle la mineure avait développé une poussée d'eczéma et recommencé à uriner au lit;

Que la mineure n'a pas revu sa mère depuis cette dernière date et, bien intégrée dans sa famille d'accueil, semble plus apaisée depuis lors;

Qu'il est apparu que la mère, qui n'avait plus donné de nouvelles au SPMi depuis décembre 2021, avait été de nouveau incarcérée, de sorte qu'une visite a été fixée à sa sortie de prison le 3 mai 2022 avec sa fille, à laquelle elle ne s'est pas présentée, pas plus qu'à celle suivante du 14 juillet 2022;

Qu'elle a fait part au Tribunal de protection, lors de l'audience du 13 octobre 2022, qu'elle se soignait désormais, prenait des médicaments pour traiter ses angoisses et sa dépression et ne buvait plus depuis deux mois, étant soumise à une mesure pénale d'obligation de soins exécutée auprès de la Consultation ambulatoire d'addictologie psychiatrique;

Que par autorisation du même jour, le Tribunal de protection a notamment ordonné une guidance parentale auprès de I______, en vue de la reprise du lien mère-fille, autorisé l'évolution des relations personnelles de concert entre le professionnel de I______ et le SPMi et pris acte de l'envoi mensuel d'une attestation confirmant l'abstinence de la mère;

Que la mère n'a honoré aucun des trois rendez-vous de guidance parentale fixés par I______ en vue de la reprise du lien avec sa fille;

Que le 7 décembre 2023, le SPMi a recommandé au Tribunal de protection de retirer l'autorité parentale de la mineure à la mère et de suspendre son droit aux relations personnelles avec elle;

Qu'il a exposé que la mère avait certes, depuis lors, honoré ses rendez-vous auprès de I______, accompagné par l'infirmier qui intervenait dans le cadre de son suivi auprès de la Consultation ambulatoire d'addictologie psychiatrique, mais qu'elle était alcoolisée à la première rencontre fixée en novembre 2023 pour reprendre contact avec sa fille, laquelle n'avait pas pu avoir lieu, ce qui avait fait souffrir la mineure;

Qu'il a encore exposé avoir fixé une entrevue avec la mère le 5 décembre 2023, au cours de laquelle, après avoir indiqué qu'elle ne consommait plus d'alcool, elle a sorti une bouteille d'eau de ses affaires, indiquant qu'elle contenait du sirop, qui s'était révélé être en réalité du vin rosé, de sorte que face à cette incapacité de la mère de s'abstenir de consommer de l'alcool, il n'était pas envisageable d'entretenir chez la mineure l'espoir de revoir sa mère en l'état;

Que, par courrier du 6 février 2024, la Chambre administrative de la Cour de Justice, saisie d'un recours de la mère contre un jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2023 relatif à la décision de l'OCPM refusant de lui octroyer un titre de séjour et prononçant son renvoi de Suisse, a prié le Tribunal de protection de lui indiquer s'il s'était prononcé sur le retrait de l'autorité parentale de la mère sur la mineure et sur la suspension de son droit aux relations personnelles avec cette dernière;

Que le Tribunal de protection a fixé une audience le 12 mars 2024, lors de laquelle il a procédé à l'audition de la pédopsychiatre de la mineure qui a, notamment, insisté sur son besoin de stabilité et indiqué qu'elle conservait une insécurité et pouvait réagir à des changements importants par des comportements perturbés, de sorte qu'elle devait être préservée des ruptures;

Que la curatrice de la mineure a exposé que la délivrance d'un permis de séjour pour la mineure était en bonne voie et a relevé que sa protégée ne s'était pas sentie bien à chaque fois qu'elle avait été en contact avec sa mère;

Que la mère a indiqué qu'elle faisait l'objet de plusieurs suivis médicaux et infirmiers, notamment au sein de la Consultation ambulatoire d'addictologie psychiatrique, et qu'elle avait réduit sa consommation d'alcool, prenant depuis cinq jours un médicament la rendant totalement abstinente;

Que le conseil de la mère a relevé que sa mandante consommait de l'alcool en situation de stress et que la reprise du lien tentée au mois de novembre 2023 avait peut-être été prématurée;

Attendu que par ordonnance DTAE/4646/2024 du 12 mars 2024, le Tribunal de protection a retiré l'autorité parentale de la mineure F______ à ses père et mère (ch. 1 du dispositif), instauré une tutelle en faveur de la mineure (ch. 2), prononcé la mainlevée de toutes les curatelles instaurées en faveur de la mineure, à l'exception de la curatelle de représentation confiée à C______ (ch. 3), suspendu le droit aux relations personnelles de A______ avec la mineure (ch. 4), fait instruction à A______ d'entreprendre un suivi psychothérapeutique individuel et régulier (ch. 5), relevé les deux intervenantes en protection des mineurs de leur fonction de curatrices de la mineure et réservé l'approbation de leur rapport et comptes finaux, valant également rapport d'entrée en fonction des tutrices (ch. 6), désigné deux intervenantes en protection des mineurs au sein du SPMi aux fonctions de tutrices de la mineure (ch. 7), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8), déclaré la décision immédiatement exécutoire (ch. 9) et laissé les frais à la charge de l'Etat (ch. 10);

Que le Tribunal de protection a retenu, en substance, que la mère disparaissait régulièrement de la vie de sa fille, était difficile à joindre et ne répondait pas toujours aux invitations qui lui étaient adressées pour notamment rétablir le lien avec sa fille, de sorte que plusieurs curatelles avaient dû être instaurées, dans l'urgence, pour pallier son absence ou son manque de mobilisation. Afin de permettre à la mineure de bénéficier d'une prise en charge complète et de représentants susceptibles de prendre sans délai toutes les décisions qui s'imposaient dans son intérêt, l'autorité parentale devait lui être retirée et une tutelle devait être instaurée en sa faveur. S'agissant des relations personnelles, la mineure avait souffert de l'instabilité de sa mère, laquelle avait toujours éprouvé des difficultés à exercer son droit de visite, malgré l'encadrement mis en place. La mineure allait mieux désormais grâce à l'intervention du réseau et à l'encadrement bienveillant de sa famille d'accueil, et probablement en raison du fait qu'elle n'était plus confrontée aux absences de sa mère lors des rencontres prévues depuis plusieurs mois, ce qui contribuait sans doute à la stabilisation de son état émotionnel. La mère devait être en mesure de prendre soin d'elle avant de revoir la mineure, de sorte que les relations personnelles entre la mineure et sa mère devaient être, en l'état, suspendues. Afin que les tuteurs puissent d'ores et déjà organiser toutes les démarches prioritaires pour la mineure, le Tribunal de protection a estimé qu'il était nécessaire de déclarer l'ordonnance immédiatement exécutoire;

Vu le recours formé le 31 juillet 2024 par la mère de la mineure, laquelle conclut, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif et, au fond, à l'annulation des chiffres 1 à 4 et 6 à 9 du dispositif de l'ordonnance querellée et, ceci fait, à la restauration de l'autorité parentale et d'un droit aux relations personnelles sur sa fille, à exercer de manière progressive et médiatisée, d'une heure par semaine, au maintien des curatelles existantes et de la guidance parentale, la Chambre de surveillance étant invitée à prendre acte de ce que la recourante s'engage à entreprendre un suivi psychothérapeutique individuel régulier;

Que s'agissant de la question de la restitution de l'effet suspensif, elle relève que le Tribunal de protection n'a pas invoqué d'intérêt ou d'urgence à mettre en œuvre la décision entreprise, se contentant de motiver sa décision par une formulation vague et imprécise, alors que le retrait de l'autorité parentale est une mesure incisive; que concernant les relations personnelles, si certes la recourante n'exerce plus de droit de visite depuis octobre 2021, les modalités en vigueur jusqu'à la notification de la décision lui permettaient de travailler son rôle de mère en vue d'une reprise progressive de son droit de visite encadré; que le Tribunal de protection n'a, par ailleurs, pas précisé en quoi l'intérêt de l'enfant commanderait qu'aucun contact avec sa mère ne puisse avoir lieu, alors même que la recourante poursuit sa guidance parentale; que la recourante évoque également qu'elle risquerait, selon l'issue de la procédure administrative en cours, de ne plus être sur le territoire suisse et d'être ainsi lésée dans sa position juridique, si l'effet suspensif au recours n'était pas restitué;

Que par déterminations du 7 août 2024, les curatrices de la mineure auprès du SPMi se sont opposées à la restitution de l'effet suspensif; qu'elles ont rappelé les difficultés rencontrées depuis la mise en place des droits de visite auprès de I______, la recourante étant souvent absente ou alcoolisée lors des entretiens fixés; que lors de la réunion du 17 juillet 2024 tenue dans leur service, la recourante accompagnée de son infirmier, ont confirmé qu'elle vivait actuellement une période difficile et que, par conséquent, elle avait recours à l'alcool; que les curatrices ont rappelé à la recourante l'importance des soins afin d'améliorer son état afin qu'elles puissent proposer à terme de nouvelles modalités de relations personnelles et ont suggéré de faire le point tous les trois mois afin d'examiner son évolution, avec les professionnels qui l'entourent;

Que par déterminations du 9 août 2024, la curatrice de la mineure conclut au refus de la requête de restitution de l'effet suspensif au recours, aux motifs que la mineure souffre depuis trop longtemps de l'instabilité de sa situation et a besoin d'un cadre stable et pérenne, ce qu'a précisément décrit le Tribunal de protection dans l'ordonnance entreprise; que, comme précisé par celui-ci, les tutrices désignées doivent pouvoir immédiatement s'acquitter de leurs fonctions pour entreprendre sans entrave toutes les démarches qui s'imposent dans l'intérêt de la mineure; que la restitution de l'effet suspensif ne changerait rien à la situation de la recourante, son droit de visite étant de facto suspendu depuis plusieurs années, la guidance parentale et la première reprise de contact entre la mère et l'enfant ayant été des échecs; que le renvoi imminent de Suisse dont se prévaut la recourante n'est pas crédible, celle-ci ne renseignant pas sur la procédure actuellement pendante devant la Chambre administrative concernant son statut de séjour;

Considérant EN DROIT que selon l'art. 450c CC, le recours contre les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant est suspensif à moins que l'autorité de protection ou l'instance de recours n'en décide autrement;

Que tel a été le cas en l'espèce, l'ordonnance attaquée étant prononcée exécutoire nonobstant recours;

Que le retrait de l’effet suspensif prévu par la loi doit être apprécié de cas en cas et ne doit pas être prononcé de manière trop large ("nur ausnahmsweise und im Einzelfall") (Geiser, Basler Kommentar, Erwachsenenschutz, 2012, ad art. 450c, no 7 p. 655);

Que l’effet suspensif au recours est le principe, sa levée l'exception;

Que la nécessité de la mise en œuvre immédiate de la décision doit correspondre à l'intérêt du mineur et relever d'une certaine urgence (cf. notamment DAS/172/2017);

Que dans le cas d'espèce et sans préjuger du fond, il n'y a en particulier pas d'urgence spécifique qui nécessiterait de prononcer une exception au principe de l'effet suspensif ordinaire au recours en ce qui concerne le retrait de l'autorité parentale à la mère et l'instauration d'une tutelle en faveur de la mineure, aucune mesure imminente à prendre en faveur de la mineure, qui justifierait de supprimer l'effet suspensif au recours, n'étant avancée par le Tribunal de protection;

Qu'il en va de même concernant le droit aux relations personnelles puisque, de facto, comme le relève la curatrice de la mineure, les relations entre la mère et la fille sont inexistantes depuis 2021;

Que la première entrevue de novembre 2023 fixée n'a pas pu avoir lieu et qu'aucune nouvelle entrevue entre la mineure et sa mère n'est programmée par I______, compte tenu du comportement de la recourante, laquelle doit encore poursuivre sa guidance parentale seule et résoudre sa dépendance à l'alcool avant de pouvoir être mise en contact avec sa fille, la visite de novembre 2023 semblant prématurée, comme l'a, à juste titre, relevé le conseil de la recourante lors de l'audience du Tribunal de protection du 12 mars 2024;

Que par ailleurs, l'exécution immédiate de la décision viderait le recours de son objet, et ce, sans que l'issue de la procédure administrative dont fait l'objet la recourante ne soit décisive à ce sujet;

Que sur le fond le recours sera tranché avec célérité;

Que la requête en restitution de l'effet suspensif sera par conséquent admise;

Qu'il sera statué sur les frais de la requête avec le fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Présidente ad interim de la Chambre de surveillance :

Statuant sur effet suspensif :

Restitue l'effet suspensif au recours formé le 31 juillet 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/4646/2024 rendue le 12 mars 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/17864/2017.

Réserve le sort des éventuels frais, qui sera tranché dans la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 cons. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.