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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16487/2022

DAS/149/2024 du 27.06.2024 sur DTAE/4750/2023 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.273; CC.274
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16487/2022-CS DAS/149/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 27 JUIN 2024

 

Recours (C/16487/2022-CS) formé en date du 31 juillet 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me David BITTON, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 2 juillet 2024 à :

- Madame A______
c/o Me David BITTON, avocat
Place du Molard 3, 1204 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Sébastien DESFAYES, avocat
Rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

- Madame C______
Monsieur D
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.    a) Les mineurs E______ et F______, nés respectivement les ______ 2011 et ______ 2013, sont issus de la relation hors mariage entretenue par A______ et B______, lequel les a reconnus.

b) A______ et B______ se sont séparés en février 2020, date à partir de laquelle les mineurs ont vécu auprès de leur mère. B______ est également le père de deux enfants majeurs, G______ et H______, lesquels ont résidé à I______ (Angleterre) auprès de leur mère, avant que H______ ne s’installe en juin 2020 chez son père. Ce dernier vit également avec sa nouvelle compagne et la fille de celle-ci. Il ressort des pièces produites sur recours qu’il s’est marié avec cette dernière le ______ 2023, le couple attendant un nouvel enfant pour novembre 2023.

A______ travaille dans le secteur bancaire, tandis que B______, avocat spécialiste en arbitrage international, est associé dans une Etude d’avocats à Genève et voyage régulièrement à I______.

c) Dans le cadre de l’action alimentaire formée le 14 avril 2021 par A______, les parties ont trouvé un accord, entériné le 2 septembre 2021 par le juge conciliateur du Tribunal de première instance (ACTPI/220/2021); l’autorité parentale conjointe a été instaurée sur les mineurs, la garde en étant confiée à leur mère et un droit de visite réservé à leur père, sauf accord contraire des parties, tous les mercredis après-midi de 12h30 à 16h30 et un week-end sur deux du samedi matin à 11h00 au dimanche à 16h00; il était convenu que les vacances et jours fériés seraient fixés d'entente entre les parties et d'ores et déjà prévus, pour une durée d'une semaine en été 2021; dès 2022, ils seraient portés au minimum à deux semaines non consécutives en été, sous réserve d’un élargissement progressif, selon préavis des thérapeutes des enfants.

d) Le mineur E______ a été pris en charge dès mai 2018 par la Dre J______, pédopsychiatre, puis après le décès de celle-ci et dès août 2020, par la Dre K______, psychiatre et psychothérapeute pour enfants, et la mineure F______, dès 2020, par L______, psychologue FSP.

e) Dans un rapport médical du 29 novembre 2021, la Dre K______ a indiqué que le mineur E______ présentait un tableau d’hyper-anxiété depuis quelques années déjà. L’année 2020 avait été très difficile pour lui, suite à plusieurs deuils et évènements très douloureux (décès de sa psychiatre précédente et de ses arrières grands-parents, dont il était proche). L’état de E______ s’était progressivement amélioré; il avait bien terminé son année scolaire et passé un bon été. En septembre 2021, quelques semaines après la rentrée scolaire, E______ s’était montré de plus en plus angoissé et agité; il peinait à se concentrer, pleurait souvent, paraissait inquiet et triste, éprouvait des difficultés à s’endormir et était envahi par des préoccupations en lien avec la séparation de ses parents. Il était très anxieux à l’idée de dormir chez son père et se mettait à pleurer lorsque la possibilité de rester un week-end entier chez ce dernier était évoquée, manifestant une grande souffrance.

Compte tenu du psychisme du mineur, son médecin estimait indispensable de ne pas le forcer et d’attendre avant d’instaurer des nuitées chez son père. Il était préférable de prévoir des moments de visite quelques heures le mercredi et un jour durant le week-end et d’augmenter progressivement ces visites en fonction de l'amélioration de son état. Toute pression ne ferait qu’aggraver l'anxiété qu'il éprouvait et provoquerait l’effet contraire à celui souhaité.

f) Par requête du 29 août 2022, B______ a saisi le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) d’une requête en instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles, afin de faire respecter le droit de visite fixé judiciairement et de réintroduire les nuitées dans l’exercice de celui-ci. Il considérait que le refus des enfants de passer des nuits chez lui était injustifié et la conséquence du comportement aliénant de la mère.

g) Dans un certificat médical du 3 octobre 2022, la Dre K______ a confirmé que l’enfant E______ avait besoin de stabilité. Le conflit entre ses parents restait une grande source de souffrance pour lui. Il refusait toujours catégoriquement de dormir chez son père. Lorsque la question était évoquée lors des séances, il manifestait une anxiété importante, devenait très agité, pleurait, refusait d’en expliquer les raisons, mais disait avoir peur et son inquiétude était apparente. Malgré le travail psychothérapeutique effectué, E______ restait très fermé sur cette question et il ne semblait pas indiqué de le forcer à passer des nuits chez son père, au risque de provoquer une nouvelle décompensation anxieuse et de mettre en péril l’équilibre psychique fragile atteint.

h) Par ordonnance du 14 novembre 2022, le Tribunal de protection a, sur mesures provisionnelles, instauré une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles.

i) Dans son rapport du 6 décembre 2022, le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (SEASP) a préavisé de réserver au père un droit aux relations personnelles avec ses enfants s’exerçant progressivement, les mercredis après-midi, un week-end sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires et jours fériés, charge aux curateurs institués de faire évoluer les visites, notamment avec l’introduction de nuits, dès que cela serait possible, de confirmer la curatelle en place et d’enjoindre les parents à entreprendre un travail de coparentalité auprès de M______ [consultations familiales].

Les enfants avaient immédiatement présenté un blocage à l'idée de passer des nuits chez leur père. Le fonctionnement des enfants, de même que leur état émotionnel et affectif fragile, marqué par du stress et de l’anxiété, préconisaient de maintenir le droit de visite actuellement exercé, avec une introduction progressive des nuitées, en fonction de leur évolution. Il n’était préconisé ni une réduction, ni une application contraignante de ce droit de visite, ce qui conduirait, dans les deux cas, à une cristallisation de la problématique. Une approche précautionneuse et conjointe semblait adaptée, ce qui avait été discuté en détail avec les parents. Aucun palier arbitraire n’était donc préconisé en termes d’élargissement du droit de visite, ces étapes étant à définir de concert entre les parents et les curateurs (avec consultation possible des thérapeutes des mineurs).

La situation familiale nécessitait également une approche systémique, sur le plan thérapeutique, sur le plan institutionnel, mais également sur le plan coparental, de sorte que les suivis préconisés devaient être poursuivis. Une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles s’avérait nécessaire pour les visites en elles-mêmes, mais aussi vis-à-vis de la cohérence des soutiens thérapeutiques, dans l’idée d’un apaisement et d’une normalisation de la situation.

j) Après lecture du rapport d’évaluation sociale, la Dre K______ a souhaité apporter un complément d’information dans un nouveau rapport du 10 février 2023. Depuis décembre 2022, E______ allait de nouveau moins bien. Il avait de la peine à se mettre au travail à l’école et à se motiver pour toute activité scolaire ou extrascolaire. Il était toujours très inquiet à l’idée de devoir dormir chez son père, ne disait rien de plus à ce sujet, mais refusait toujours catégoriquement cette idée. Il manifestait une anxiété importante à cette évocation, devenait très agité et disait être mal à l’aise, son inquiétude étant visible.

Compte tenu des réactions du mineur, la thérapeute insistait sur le fait que le droit de visite actuel ne devrait pas être modifié en cas d’opposition de E______ à passer des nuits chez son père, sous peine de provoquer une nouvelle décompensation chez l’enfant et de mettre en péril son équilibre, déjà fragile. L’enfant ne manifestait pas de signes d’aliénation parentale, selon elle, la mère s’étant toujours montrée très concernée par son bien-être.

k) L______, psychologue de F______, à laquelle le rapport d’évaluation sociale a également été communiqué, a indiqué dans un certificat du 13 février 2023, que l’état de F______ s’était aggravé, celle-ci présentant des symptômes importants de régression depuis trois mois environ. Elle souffrait d’énurésie diurne et d’encoprésie. Ces symptômes n’apparaissaient que dans le cadre des visites chez le père et ce, depuis novembre 2022. F______ se confiait peu en séance et avait seulement exprimé qu’elle n’allait pas aux toilettes chez son père parce que la porte de celles-ci ne fermait pas. Durant les deux séances de décembre 2022, en particulier la première, F______ ne parvenait pas à entrer dans la salle de consultation, disant avoir trop mal au ventre. Ceci n’était jamais arrivé auparavant, la mineure se montrant toujours contente de venir en consultation. A la dernière séance, elle avait verbalisé qu’elle avait peur que quelque chose se passe mal chez son père, sans parvenir à exprimer d’autres éléments. La thérapeute s’interrogeait sur les raisons du mutisme de F______. Son refus de rester la nuit chez son père et d’en exprimer les raisons l’amenait à s’interroger sur le respect de son intégrité psychique dans l’environnement paternel. Selon son observation, la mère de la mineure avait toujours fait preuve d’écoute, lui ayant demandé à plusieurs reprises comment elle pouvait améliorer les transitions entre le père et elle-même. Elle n’avait pas constaté de signes pouvant laisser penser à une aliénation parentale de la part de la mère.

l) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 juin 2023.

La représentante du SEASP, laquelle remplaçait son collègue N______, en charge de l’évaluation, a persisté dans les termes du rapport du 6 décembre 2022. Selon elle, la mère et les thérapeutes des enfants semblaient avoir mal compris sa teneur; le rapport préconisait le maintien de la situation actuelle, à savoir le droit de visite entériné devant le juge civil, sans les nuitées et sans contrainte, avec introduction progressive des nuitées, en fonction de l’évolution des enfants. Ceci nécessitait la collaboration des parents entre eux et avec la curatrice, dans le cadre d’un travail systémique. Le père semblait avoir compris la nécessité de ne pas forcer les enfants dans l’application du droit de visite. Le travail avec M______ devait permettre d’intégrer tous les membres de la famille et de comprendre ce qui bloquait les enfants dans leur refus de passer des nuits chez leur père. Il fallait donc renoncer à un élargissement du droit de visite avec des paliers précis mais favoriser une évolution progressive et sans contrainte pour les enfants de ce droit de visite, en fonction de ce qui serait concrètement possible pour eux. La mise en place d’un travail de réseau était importante, de concert avec la curatrice, les parents, les intervenants de M______ et les thérapeutes. Les vacances scolaires et les jours fériés devaient être partagés par moitié entre les parents, le calendrier devant être établi par les curateurs et les nuits intégrées durant le droit de visite du père, dès que cela serait possible.

B______ a précisé vouloir bénéficier de l’équivalent de trois semaines de vacances (en été 2023), sans les nuits, avec ses enfants, qui ne soient pas forcément consécutives.

A______ s’est dite réticente à la solution proposée par le père, préférant maintenir deux semaines de vacances non consécutives.

Les parents ont indiqué avoir déjà effectué trois séances auprès de M______, depuis mars 2023.

B.       Par ordonnance DTAE/4750/2023 rendue le 7 juin 2023, le Tribunal de protection a modifié le chiffre 4 du dispositif de la transaction judiciaire ACTPI/220/2021 conclue le 2 septembre 2021 par-devant le Tribunal de première instance (chiffre 1 du dispositif), réservé à B______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs E______ et F______, lequel s’exercerait progressivement, sous réserve de l’approbation des curateurs ou d’un autre accord entre ceux-ci et les parents, charge aux curateurs de faire évoluer les visites, notamment avec l’introduction des nuits dès que cela sera possible, à raison de tous les mercredis après-midi, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires et des jours fériés (ch. 2), dit que durant l’été 2023 le droit aux relations personnelles du père avec les mineurs s’exercerait à raison de trois semaines dont au moins deux consécutives, limitées aux journées, charge aux curateurs d’établir le calendrier utile (ch. 3), maintenu la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 4), confirmé les deux intervenants en protection de l’enfant, d’ores et déjà désignés, dans leurs fonctions de curateurs (ch. 5), invité les curateurs à saisir sans délai le Tribunal de protection s’ils devaient constater que l’évolution de la situation nécessitait une adaptation du dispositif de protection existant, respectivement des modalités des relations personnelles entre le père et les mineurs actuellement en vigueur (ch. 6), pris acte du travail de coparentalité entrepris par les parents auprès de M______ et l’a ordonné à toutes fins utiles (ch. 7), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 9), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., qu’il a mis à la charge des parties à raison de la moitié chacune (ch. 10).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que, compte tenu du blocage et de l’anxiété des enfants qui s’étaient manifestés dès la mise en place des visites chez leur père, le droit de visite initialement convenu devait être adapté. En l’état, les mineurs persistaient à refuser de dormir chez leur père, ce que ce dernier entendait et respectait, tout en souhaitant continuer à les accueillir chez lui. A la lumière des indications fournies par le SEASP, un droit de visite d’évolution graduelle, mis en place d’accord entre les parents et les curateurs, en fonction de l’évolution psychique des mineurs, respectait leur besoin d’entretenir un lien étroit avec leur père, sans toutefois y être contraints.

C.       a) Par acte du 31 juillet 2023, A______ a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice contre cette ordonnance, qu’elle a reçue le 29 juin 2023, sollicitant l’annulation du chiffre 2 de son dispositif.

Cela fait, elle a conclu à ce que le droit de visite réservé à B______ sur les mineurs E______ et F______ s’exerce tous les mercredis de 12h30 à 16h30, un week-end sur deux, le samedi de 11h00 à 19h00 et le dimanche de 11h00 à 16h00 et deux semaines non consécutives pendant les vacances d'été mais sans les nuitées, charge à la curatrice, en concertation avec le réseau à savoir les intervenants de M______, les thérapeutes des enfants ainsi que les parents, de faire évoluer progressivement les visites. Elle a également sollicité que les parents soient enjoints de ne pas interférer dans le suivi psychiatrique de E______, respectivement dans le suivi psychothérapeutique de F______, afin que cet espace demeure neutre et protégé des enjeux externes, sous suite de frais judiciaires à charge de B______.

Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité faire usage des facultés prévues par l’art. 450d CC.

c) B______ a conclu à la confirmation de l’ordonnance entreprise.

Il a notamment exposé qu’il avait pu accueillir les mineurs durant une partie des vacances de février et de Pâques 2023, de même que durant trois semaines, dont deux consécutives, en été 2023, sans les nuitées. Ces vacances s’étaient bien déroulées, avec des activités variées à Genève et à la montagne en été, les enfants ayant eu l’opportunité de dîner presque tous les soirs avec lui (en accord avec le Service de protection des mineurs), ce qui avait permis une évolution positive de la situation. E______ avait exprimé le souhait d’aller visiter sa grand-mère paternelle à Jersey, ce qui laissait présager que le problème des nuits allait être bientôt réglé. Depuis l’intervention du SEASP et les vacances d’été 2023, le conflit de loyauté de F______ avait disparu. Elle était active et joyeuse et souhaitait dorénavant passer des nuits chez son père. E______ s’était épanoui sur le plan social, scolaire et sportif; il avait bien réussi ses examens et était entré à l’école O______; ses notes étaient bonnes. Il était très actif, jouait au football, nageait avec son père et pratiquait le basket-ball trois fois par semaine. Il avait même été sélectionné dans l’équipe genevoise junior de basket-ball.

B______ précisait qu'il n'avait jamais forcé ses enfants à dormir chez lui, les ramenait chaque soir au domicile de leur mère durant les vacances scolaires (même lorsqu’il les passait à P______ [France]), le travail réalisé par le SEASP portait ses fruits et il fallait continuer dans ce sens. La recourante fondait son recours sur des rapports de thérapeutes qui étaient obsolètes, la situation ayant beaucoup évolué depuis lors. Il fallait que le conflit parental, entretenu par la recourante, cesse.

Il a produit des pièces nouvelles, soit notamment des photographies des vacances d’été 2023, sur lesquelles les enfants se montrent heureux, une copie des bons résultats scolaires de E______ ainsi qu’un courriel daté du 18 septembre 2023 de N______, en charge de l’évaluation des mineurs, attestant que sa collègue, dans ses déclarations en audience devant le Tribunal de protection, "était absolument cohérente avec le rapport et l’analyse", ce que contestait la mère de mineurs.

d) A______ a répliqué le 16 octobre 2023, persistant dans ses conclusions.

Contrairement à ce que soutenait le père des mineurs, elle était favorable à un élargissement du droit de visite, dans la mesure où il prenait en considération le besoin des enfants, leurs intérêts et également leur santé psychique fragile, attestée par leur thérapeute respective, mais aussi par les intervenants du SEASP.

Depuis le début de la procédure, le droit de visite avait évolué, avec le concours de la curatrice des mineurs, le père ayant eu la possibilité de passer des journées avec les enfants durant les vacances de fin d’année 2022, de février 2023, de Pâques 2023, ainsi que pendant trois semaines durant la période estivale 2023. Elle n’avait jamais adopté de comportement aliénant, mais s’opposait en revanche à une extension "abrupte, rigide et arbitraire" des relations personnelles entre les enfants et leur père, contraire à la santé et à l’équilibre des enfants.

Elle considérait qu’introduire la moitié des vacances scolaires et des jours fériés représentait des "paliers rigides et arbitraires" allant à l’encontre des recommandations du SEASP et surtout de l’intérêt des enfants. Elle relevait que le comportement scolaire de E______ n’était pas adéquat contrairement à ce que son père indiquait.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit des échanges de courriels entre elle et le père des mineurs du 5 octobre 2023, desquels il ressort que E______ avait fait l’objet de retenues pour oubli de matériel, bavardage et devoirs non faits.

e) B______ n’a pas dupliqué.

La cause a été gardée à juger à l’issue de ces échanges.

EN DROIT

1.         1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC), dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Interjeté par la mère des mineurs concernés, dans le délai utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l’angle de l’opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d’office et n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 L'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance, ceux invoqués devant la Chambre de céans sont recevables.

La question peut cependant demeurer indécise concernant la pièce 3 produite par la recourante, soit l’attestation de Q______, psychologue de A______, et précédemment psychologue du couple, que B______ souhaite voire écarter de la procédure, dès lors qu’elle constituerait une preuve illicite au sens de l’art. 152 al. 2 CPC, puisqu'il n’a pas donné son accord à sa production. Cette pièce, qui concerne le couple, est quoi qu’il en soit sans pertinence pour la résolution du recours relatif au droit de visite sur les enfants, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’attarder sur cette question, irrelevante pour l’issue du litige.

2.         La recourante fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir tenu compte dans son analyse des divers rapports établis respectivement par la psychiatre de E______ et la psychologue de F______, qui ne sont pas mentionnés dans son état de fait et dont il n’a tiré aucune conséquence.

La Chambre de céans ayant complété l’état de fait dans la présente décision et ayant un pouvoir de cognition complet, ce grief est ainsi purgé.

3.         La recourante s’oppose au droit de visite fixé par le Tribunal de protection en faveur du père des mineurs.

3.1.1 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir des relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a;
123 III 445 consid. 3b). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; 122 III 404 consid. 3a et les références citées).

3.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P_131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C_244.2001, 5C_58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

3.1.3 Le juge n’est pas lié par les conclusions du SEASP. Le rapport de ce service (lequel constitue une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC) est soumis, à l’instar des autres preuves, au principe de la libre appréciation consacrée à l’art. 157 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.2; ACJC/1209/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.1.2 et les références citées). Cependant, une portée particulière peut être conférée au rapport d’évaluation sociale, qui prend en compte toute une série d’éléments objectifs, fondés sur les déclarations d’intervenants scolaires, médicaux ou sociaux. Il contient également des appréciations subjectives, découlant souvent d’une grande expérience en la matière, mais qui ne sauraient toutefois remplacer le pouvoir de décision du juge (ACJC/1209/2023 du 19 septembre 2023 consid 4.1.2 et les références citées).

3.2 En l’espèce, il ressort de la procédure que les mineurs, pour une raison qui n’a été élucidée ni par le SPMi ni par leur thérapeute respective, refusaient obstinément de passer les nuits chez leur père. E______, dont l’état psychique était qualifié de fragile par sa psychiatre, se mettait dans un état d’angoisse et d’agitation important, à la seule évocation de cette possibilité. La psychologue de F______ avait, quant à elle, constaté que celle-ci faisait l’objet d’une régression importante, marquée par de l’anxiété et des problèmes d’énurésie diurnes et d’encoprésie, dans le cadre des visites chez son père, tout en refusant également d’y passer les nuits. Afin de tenter de trouver une réponse à ce blocage, exprimé de diverses manières par les mineurs, y compris par des manifestations physiques, un suivi auprès de M______ a été mis en place et a débuté en mars 2023, les mineurs poursuivant au surplus leur suivi individuel auprès de leur thérapeute respective.

La situation a cependant évolué favorablement depuis la reddition des rapports des thérapeutes des enfants, qui datent, respectivement, de novembre 2021, octobre 2022 et février 2023 pour E______, et de février 2023 pour F______. En effet, le père des mineurs indique que les enfants ont passé plus de temps auprès de lui, notamment durant les vacances de Pâques et d'été 2023, y compris pour les repas du soir, ce qui a permis d'améliorer la situation et de dissiper leurs craintes. Si certes, les mineurs ne dormaient pas encore chez leur père durant ces périodes, ils en évoquaient déjà la possibilité; F______ souhaitait passer des nuits chez lui et E______ envisageait d'aller en vacances, tous ensemble, auprès de leur grand-mère paternelle à Jersey, sans évoquer de soucis concernant les nuits, ni exprimer d'anxiété, ce que la recourante ne conteste d'ailleurs pas. Le père relève, dans sa réponse au recours, que les enfants se portent bien, ce que la recourante ne conteste également pas, indiquant uniquement que E______ aurait fait l'objet de retenues pour oubli de matériel, bavardage et devoirs non faits.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal de protection a parfaitement tenu compte de la situation et suivi les recommandations claires du SEASP, ainsi que des thérapeutes des mineurs, lesquels préconisaient un droit de visite progressif, tenant compte des besoins des enfants, avec introduction des nuits en fonction de leur évolution, dans le cadre d'un droit de visite devant être exercé, à terme, tous les mercredis après-midi, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires et jours fériés. La recourante ne soutient d'ailleurs pas que les curateurs, respectivement le père, forceraient les enfants à passer des nuits ou des jours de vacances auprès de leur père, contre leur volonté.

Les curateurs sont très investis dans la situation des mineurs, à l’écoute des parents et des enfants, et le père ne s’est jamais opposé à ramener les enfants chaque soir au domicile maternel, même durant les vacances d’été, qu’il passe en partie à P______, soit à quelques 100 kms de Genève, pour revenir les rechercher le lendemain matin (!), ce qui, à l'évidence, ne saurait perdurer, sans préjudice pour la santé des enfants.

L’approche systémique mise en place par le Tribunal de protection apparaît ainsi être bénéfique et dans l'intérêt des mineurs, ceux-ci ayant pu passer des périodes de vacances agréables et épanouissantes auprès de leur père, en partageant avec lui des activités diverses; les problèmes d’angoisse, de peur et de manifestations physiques paraissent dorénavant réglés, la recourante ne faisant d'ailleurs plus état de telles manifestations depuis l'été 2023, se contentant de renvoyer la Chambre de céans à des rapports médicaux dorénavant obsolètes.

La Chambre de surveillance peine d’ailleurs à comprendre l'objet du recours.

La recourante indique, en effet, qu’elle ne s’oppose pas à un élargissement du droit de visite - sans jamais contester qu’il ne devrait pas, à terme, correspondre au cadre arrêté par le Tribunal de protection - en précisant qu’il doit être adapté à l’état psychique des enfants - sans prétendre que tel ne serait pas le cas ou que le droit de visite évoluerait concrètement trop rapidement. En effet, les curateurs respectent le rythme des mineurs pour introduire les nuitées et élargir le temps passé avec leur père durant les périodes de vacances, dans le respect de leur état psychique. Ils sont très respectueux des étapes à franchir, comme l'est d'ailleurs le père, étant précisé que l’intérêt des enfants est d’entretenir des relations sereines et riches avec celui-ci, afin qu’ils se développent harmonieusement.

La recourante ne veut en réalité, dans les faits, rien d'autre que ce qui est déjà mis en pratique par les curateurs. Son recours ne vise qu'à modifier la formulation du dispositif de la décision, sans que cela n'entraîne de réelle implication dans l'exercice du droit de visite pratiqué. Elle souhaite en effet que, d'un point de vue formel, le cadre légal soit fixé de manière restreinte (soit officiellement sans les nuits et avec des temps de vacances réduits), tout en permettant aux curateurs de l’élargir progressivement, en concertation avec le réseau entourant les mineurs, plutôt qu'il soit fixé de manière large (soit avec les nuits et la moitié des vacances scolaires et jours fériés) sans forcer les enfants, en permettant aux curateurs de l'élargir progressivement, en concertation avec le réseau entourant les mineurs, en ajoutant les nuits et des périodes de vacances plus longues. Elle ne critique cependant pas l'application concrète faite par les curateurs de la décision rendue.

La recourante ne soutenant pas qu’il ne serait pas conforme à l’intérêt des mineurs que le droit de visite avec leur père soit fixé les mercredis après-midi, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires et jours fériés et la progression mise en place par les curateurs, à satisfaction de tous, son recours paraît sans véritable objet.

Quoi qu’il en soit, la solution retenue par le Tribunal de protection, qui laisse dans le cadre du droit de visite fixé, la possibilité aux curateurs des mineurs d’introduire progressivement les nuits et des périodes de vacances plus longues, apparaît conforme à leur intérêt et n’est pas critiquable.

Le recours sera ainsi rejeté.

4.         La recourante a encore sollicité que la Chambre de surveillance enjoigne les deux parents des mineurs à ne pas interférer dans le suivi psychiatrique de E______, respectivement le suivi psychothérapeutique de F______, afin que cet espace demeure neutre et protégé des enjeux externes.

Si cette conclusion semble trouver son fondement dans les recommandations générales que la psychologue de F______ a formulées aux deux parents dans un courriel du 20 juin 2023, que la recourante a produit à l’appui de son recours, cette dernière ne motive cependant pas sa conclusion, ce qui la rend irrecevable. Il ne ressort, quoi qu’il en soit, pas du document produit, que l’un ou l’autre des parents aurait interféré dans le suivi des enfants, de sorte que cette conclusion devrait de toute façon être rejetée.

5.      Finalement, la recourante, sans prendre de conclusions formelles à cet égard, reproche aux premiers juges d’avoir "omis d’intégrer les thérapeutes des enfants dans le processus décisionnel d’une évolution éventuelle du droit de visite". Elle sollicite que toute modification de ce droit soit préavisée par le psychiatre de E______ la psychologue de F______, les parties l'ayant convenu devant le juge civil.

Cette conclusion sera rejetée, étant rappelé que la décision concernant les relations personnelles des mineurs avec leur père est de la seule compétence de l’autorité de protection, les recommandations émises par le SEASP, les curateurs ou d’autres professionnels entourant les enfants ne constituant qu’un élément parmi d’autres, dont l’autorité de protection peut librement s’écarter, dans l’intérêt des mineurs, pour rendre sa décision.

Au demeurant, en l'espèce, le Tribunal de protection a tenu compte de l'avis émis par les thérapeutes des mineurs.

6.         La procédure, qui concerne les relations personnelles, n'est pas gratuite (art. 19 et 77 LaCC; art. 54 Règlement fixant le tarif des frais en matière civile-RTFMC). Les frais judiciaires seront arrêtés à 400 fr., entièrement compensés avec l’avance effectuée, laquelle demeure acquise à l’Etat de Genève, et mis à la charge de A______, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 31 juillet 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/4750/2023 rendue le 7 juin 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/16487/2022.

Au fond :

Le rejette et confirme l'ordonnance entreprise.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance de frais effectuée, laquelle demeure acquise à l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.